Imprimerie du Devoir (p. 61-62).


FLEURS DE BRUYÈRE


Au fond des bosquets parfumés
Des senteurs de la feuille,
Vivent des bouquets innommés,
Que nulle main n’effeuille.

Tous différents et tous pareils,
Sans éclat et sans forme,
Ils ont pris, loin des clairs soleils,
Une teinte uniforme.

Restés tout petits, se cachant
Sous la branche sévère,
Ils ne sont pas aulnier du champ
Et ni même fougère.


Leur vie est faite d’abandon,
De nuit et de mystère,
Et, le soir, ils jettent, dit-on,
Une âcre odeur de terre.

Pourtant ces bouquets ont pour nous
Une grâce suprême ;
Nous leur trouvons un parfum doux
Et notre cœur les aime…

Car ces feuillages et ces fleurs,
Nés du sein de la plaine,
Expriment en simples couleurs
La terre canadienne…

...............

Lecteur, que ces vers que j’écris
Te soient charmants de même :
Qu’ils aient la saveur du pays
Et que ton cœur les aime…

Sans apprêts et sans vanité,
— Vrais bouquets de bruyère —
Ils cachent sous leur âpreté
Une âme tendre et fière !