Imprimerie du Devoir (p. 51-52).


L’ÉTOILE


C’est le silence, c’est le soir ;
On a fermé porte et fenêtre.
Là-haut, dans le firmament noir,
Une étoile vient de paraître.

Regardant bien haut devant lui,
Appuyé sur une épinette,
Dès que l’étoile pâle a lui
Un savant a mis sa lunette.

— « Quelle est donc sa grosseur, dit-il,
À quel tropique appartient-elle ?
Doit-elle son éclat subtil
À quelque force accidentelle ?


J’ai beau regarder avec soin
Dans les cieux et dans ma mémoire,
Je ne vois rien. Elle est si loin,
Et cette nuit froide est si noire ! » —

Mais près de lui, dans les sillons
Fumants et sentant bon la terre,
Avec les derniers papillons
Passe un jeune homme solitaire.

Il revient des champs et sourit,
Songeant à la moisson prospère.
L’étoile pâle l’attendrit,
Il dit en voyant sa lumière :

— " La belle étoile du bon Dieu !
" Si paisible en la nuit profonde…
" D’un regard si clair et si bleu :
" C’est comme les yeux de ma blonde ! " —