Imprimerie du Devoir (p. 68-69).


LE BON VIEUX TEMPS


Assis tous deux, près de la cheminée,
Les beaux vieillards aux gestes tremblotants,
Disaient, tout bas, la face illuminée :
« Ah ! le bon vieux temps !

— « Quand j’étais jeune et que j’étais très belle
J’avais dans l’œil des charmes éclatants ;
Tu fleurissais ma tempe d’immortelle :
Ah ! le bon vieux temps !

— « Dès le matin, aux premières fleurettes,
Quand les bluets décoraient les étangs,
Je te faisais place dans nos charrettes :
Ah ! le bon vieux temps !


— « À la veillée, au seuil de nos chaumières.
Sous les accords des merles du printemps,
Nous apprenions les danses des fermières :
Ah ! le bon vieux temps !

— « Et quand venait la saison des semences
Je te suivais dans les houx palpitants ;
Ta douce voix me chantait des romances :
Ah ! le bon vieux temps !

— « Et bien souvent — Ah ! je me le rappelle ! —
À la brunante, en simples pénitents,
Nous dirigions nos pas vers la chapelle :
Ah ! le bon vieux temps !

— « Un beau matin, l’âme toute ravie,
Le front paré des fleurs de nos vingt ans,
Nous devenions épousés pour la vie :
Ah ! le bon vieux temps ! »

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Tous deux sont morts. Dans une paix touchante,
Dormez, vieillards, reposez-vous longtemps,
Sans vous douter que j’envie et je chante
Votre bon vieux temps !