Imprimerie du Devoir (p. 17-18).


CHEZ NOUS



Humblement dédiée à M. Achille Millien, poète du terroir nivernais.


Ici c’est le berceau, là c’est la cheminée,
Et le visage cher auprès qui nous sourit ;
C’est la chaise d’aïeul — hélas ! abandonnée ! —
C’est le livre et la lampe et le feu qui nourrit.
C’est une porte lourde, un perron dans la mousse,
Un toit, où sont des nids et des branchages roux :
Ô frère, souviens-toi comme l’enfance est douce
Chez nous !



Aimons notre village, aimons notre chaumière.
Le vieux puits qui gazouille au tournant du chemin ;
Le jardin, le fournil, l’enclos plein de lumière,
Où nous avons dansé des rondes par la main…
Plus tard, quand notre cœur s’ouvre aux saintes chimères,
Quand il est temps d’aimer et de croire à genoux ;
Laissons grandir nos fils à côté de nos mères,
Chez nous !


Et quand les fleurs des blés s’ouvriront dans la plaine,
Quand nos deux bras meurtris seront las de semer ;
Quand l’heure nous dira : « Ton existence est pleine :
Cesse de tant souffrir, cesse de tant aimer ! »
Frère, quand il faudra que notre tige tombe
Parmi tous les épis moissonnés avant nous,
Nous nous endormirons en paix, dans notre tombe,
Chez nous !