Imprimerie du Devoir (p. 24-25).


BERCEUSE RUSTIQUE


Les bois ne chantent plus, la lumière décline ;
L’air qui vient de la plaine est un air étouffant.
Là-bas, les laboureurs descendent la colline :
Sur le cœur de ta mère endors-toi, mon enfant !


D’une grande douceur le vent du soir inonde
Les forêts, les vallons, les coteaux parfumés ;
Qu’un rêve merveilleux berce ta tête blonde
Dans l’odeur des épis que nos bras ont semés !…


Vois nos claires moissons, vois nos gerbes en flamme
Briller d’un feu nouveau sous les soleils couchants…
Laisse l’air de chez-nous pénétrer dans ton âme
Car je veux que mon fils soit un homme des champs !



Endors-toi, mon enfant. Au loin la vieille terre
Chante pour appeler l’effort des jeunes mains.
Tes jours continueront la tâche héréditaire
Et ta faulx jettera le blé par nos chemins !…


Dors mon bel ange blond, ô ma joie éternelle,
La nuit t’apportera des rêves bien aimés.
Les bois ne chantent plus ; referme ta prunelle
Dans l’odeur des épis que nos bras ont semés !