Imprimerie du Devoir (p. 43-44).


L’ART


Voici partir l’été, déjà, ma chère sœur ;
L’ombre froide s’étend sur les collines vertes
Et les vallons. Goûtons la dernière douceur
Des plaines, que le givre a déjà recouvertes.

Venez ! Allons-nous en cueillir dans les sentiers
Les derniers lisérons et les dernières roses…
Courons après le jour ! Il faut que vous mettiez
Sur ces feuillages bruns vos illusions roses !…

Les couples sont passés derrière les buissons
Qu’on voit là-bas ; ils ont cueilli les marguerites ;
Nous, qui sommes des sœurs, par derrière eux, passons,
Nous volerons au bois ses tiges favorites.


La fleur qui grandit seule, à l’ombre des forêts.
Est la plus belle fleur car elle est la plus vierge.
Venez ! Nous la prendrons sur le bord des marais
Et nous mettrons avec la fougère et l’asperge.

Voyez-vous les rosiers se courber par moment,
Et les coquelicots saigner de leur blessure ?
De toutes ces beautés qui meurent doucement
Nous ferons un bouquet d’éclatante verdure.

Et vous, qui savez l’art charmant et surhumain
De peindre des amours sur une bagatelle,
L’emporterez, afin que votre fine main
Fasse avec ce qui meurt une chose immortelle !