Vie du pape Pie-IX/Pie IX patriote

CHAPITRE VII.

Pie IX patriote.


L’amour de la justice, voilà l’unique mobile des actes de Pie IX. Lorsqu’un homme aime réellement la justice, il ne permet pas plus qu’on empiète sur ses droits, qu’il ne permet qu’on lèse les droits d’autrui. Ainsi, tout en résistant aux clameurs des prétendus patriotes, tout en maintenant intactes ses prérogatives royales et tout en refusant, contre l’avis du haut conseil, de déclarer la guerre à l’Autriche, Pie IX n’oubliait pas son devoir de souverain italien. Il se fit l’avocat de l’indépendance des Lombards et des Vénitiens qui étaient, à cette époque, sous la domination autrichienne. Il écrivit, le 3 mai 1848, à l’empereur d’Autriche, une lettre comme seuls les papes en savent écrire aux rois, parce qu’eux seuls se sentent au-dessus des rois. Voici les principaux passages de ce document qui venge Pie IX de l’accusation d’indifférence et de trahison à l’égard de l’Italie :

« Au milieu des guerres qui ensanglantent le sol chrétien, dit Pie IX à l’empereur d’Autriche, on vit toujours le Saint-Siège faire entendre des paroles de paix… Que Votre Majesté ne trouve donc pas mauvais que Nous Nous adressions à sa piété et à sa religion l’exhortant, avec une affection toute fraternelle, à retirer ses armes d’une guerre qui, sans pouvoir reconquérir à l’empire, les cœurs des Lombards et des Vénitiens, amène à sa suite la funeste série des calamités, cortège ordinaire de la guerre, et que très-certainement abhorre et déteste Votre Majesté, Que la généreuse nation allemande ne trouve pas mauvais que Nous l’invitions à étouffer tout sentiment de haine et à changer en utiles relations d’amical voisinage une domination sans grandeur, sans résultats heureux, puisqu’elle reposerait uniquement sur le fer.

« Nous en avons donc la confiance, cette nation, si légitimement fière de sa nationalité propre, ne mettra pas son honneur dans de sanglantes tentatives contre la nation italienne ; elle le mettra bien plutôt à la reconnaître noblement pour sœur ; elles sont toutes deux nos filles bien chères à notre cœur, et nous aurons la joie de voir chacune d’elles, satisfaite de ses frontières naturelles, y demeurer en paix, méritant par des actes dignes d’elles la bénédiction du Seigneur. »

Peut-on concevoir, un langage plus noble, plus royal, plus patriotique ? Mais l’Autriche n’a point voulu écouter la voix du Pape. Dans son entêtement, elle a continué la guerre. Aussi le châtiment a-t-il été prompt à venir. Attaquée d’abord par la France, plus tard par la Prusse, cette nation si fière a été défaite, amoindrie, humiliée. C’est qu’il n’est pas plus permis aux peuples qu’aux individus de méconnaître les enseignements et les conseils de celui que Dieu a placé sur la terre pour guider et conduire le monde.

Les armées autrichiennes, s’avançant toujours, culbutèrent les troupes de Charles-Albert, roi de Piémont. La petite armée romaine, sous le commandement de Durando, ayant franchi les frontières, fut également repoussée par les Autrichiens qui occupèrent de nouveau la ville de Ferrare. La déroute des troupes romaines, composées de prétendus patriotes qui avaient juré d’exterminer les Autrichiens, fut complète : ces braves retraitèrent sur Rome dans la plus grande confusion et allèrent courageusement se retrancher dans le Gésu.

Les clubistes, les révolutionnaires et les députés ne firent que redoubler leurs clameurs : « Que Pie IX se mette lui-même à la tête de l’armée, » disaient les uns. « Qu’il lance les foudres de l’anathème contre les Autrichiens, » criaient les autres. On le voit, à cette époque, les radicaux n’étaient pas opposés à l’influence dite indue de l’Eglise en matière politique. Les choses se sont modifiées depuis 1848. Je me trompe, les révolutionnaires seuls ont changé. Je me trompe encore. Les révolutionnaires sont toujours les mêmes, fourbes et méchants ; ils n’ont fait que changer de tactique pour mieux combattre les combats de Satan. Eux qui voulaient faire parler le Pape, il y a trente ans, afin d’atteindre plus facilement leur but, ferment aujourd’hui la bouche au prêtre parce que son silence leur est nécessaire.

Au lieu d’excommunier les Autrichiens en bloc, suivant le désir des révolutionnaires, Pie IX offrit des explications à l’empereur au sujet de la violation de la frontière par Durando, violation qui s’était faite contre les ordres formels du Souverain-Pontife. L’Autriche se déclara satisfaite, et la ville de Ferrare fut de nouveau évacuée.