Vie du pape Pie-IX/Le conclave


LE CONCLAVE


Voici sur le conclave quelques détails empruntés à un ouvrage récemment publié en France. L’élection du successeur de Pie IX a été élu au Vatican, et non au Quirinal, occupé en ce moment par l’usurpateur Humbert. Ainsi nous avons substitué le mot Vatican au mot Quirinal et le mot Chapelle Sixtine, au mot Chapelle Pauline.

Durant les treize jours qui doivent s’écouler entre la mort du Pape et l’ouverture du conclave, le sacré Collége doit tenir dix congrégations. Dans la première, on lit les Constitutions des différents Papes, qui tracent les règles à observer et les usages à suivre dans les circonstances présentes. On apporte ensuite l’Anneau du Pêcheur[1] qui est brisé en présence de tous les cardinaux[2], et le secrétaire des Brefs ferme les cassettes dans lesquelles il a placé les Mémoriaux.

Dans la douzième congrégation, le sacré Collége confirme dans leur emploi les fonctionnaires de la ville et des États romains. Toutes les autres congrégations sont exclusivement consacrées à préparer le Conclave.

Le matin du quatorzième jour depuis la mort du Pape[3], une messe du Saint-Esprit est chantée pontificalement par le cardinal-doyen dans la basilique de Saint-Pierre, dans la chapelle Sixtine.

Après la messe, un prélat prononce, en présence des cardinaux, un discours dans lequel il les exhorte, au nom de tous les fidèles de la chrétienté, à faire une prompte et sainte élection, à désigner celui d’entre eux qu’ils jugent le plus digne d’être revêtu de l’auguste et sublime dignité de vicaire de Jésus-Christ.

Dans l’après-midi, les membres du sacré Collége se réunissent au Vatican. Ils sont revêtus de la soutane et du manteau violet.

Le soir de leur entrée au Vatican, les cardinaux sont convoqués dans la chapelle du palais. Ils y prêtent serment d’observer les constitutions touchant le Conclave, dont la lecture leur a été faite à la première congrégation, et dont le Cardinal-doyen répète les plus importantes.

Après cette cérémonie, les Cardinaux se retirent dans leurs cellules, où ils reçoivent la visite du corps diplomatique, de la prélature et de la noblesse romaine. Peu d’instants sont consacrés à ces réceptions. Bientôt après un triple coup de cloche se fait entendre, et un maître des cérémonies vient prononcer à haute voix ces deux mots devant chaque cellule : Extra omnes (que tous s’éloignent.) C’est le signal du départ pour les étrangers et le moment de la clôture.

X. — D’après une antique coutume, toutes les issues qui pourraient permettre quelque communication avec l’extérieur sont soigneusement scellées ou murées. Le Cardinal camerlingue[4], les trois Cardinaux, chefs d’ordre, le maréchal du Conclave, le majordome et le commissaire font eux-mêmes la clôture ou président aux travaux qu’elle peut exiger. Pendant toute la durée du Conclave, trois Cardinaux désignés à l’avance doivent veiller à ce qu’elle soit sévèrement maintenue. Les membres du sacré Collége se trouvent ainsi séparés du monde extérieur, par un obstacle matériel.

Une fois entrés au Conclave, les Cardinaux ne sont pas seulement soustraits au mode extérieur : toute communication entre eux est encore interdite.

Pour favoriser cette solitude complète, des appartements entièrement séparés les uns des autres et tous semblables, ont été construits le long d’une immense galerie, dans le bâtiment contigu au Palais dont il a été question plus haut. On désigne ces appartements sous le nom de cellules[5].

Dans cette retraite, chaque cardinal ne peut avoir avec lui que deux personnes de sa maison, l’un à titre de Camérier ou valet de chambre, l’autre en qualité d’aumônier : on les nomme Conclavistes. Inutile de dire pourquoi l’Église a limité ainsi en cette occasion le nombre des serviteurs des Cardinaux : c’est toujours dans la pensée de les soustraire le plus possible aux influences du dehors. Du reste, dans les Congrégations qui précèdent le Conclave, on pourvoit à tout ce qui peut intéresser la santé des membres du sacré Collége ; des médecins habiles, des infirmiers expérimentés, sont désignés à l’avance pour donner leurs soins aux malades et aux infirmes.

On rencontre des hommes qui sourient de ces usages ; il les trouvent naïfs et d’un autre temps. Pourquoi n’en comprennent-ils pas « l’austère enseignement et la haute poésie ? » Tous ces signes extérieurs sont un symbole sublime de l’indépendance qui doit animer les Pères du Conclave. Ils vont être occupés à l’œuvre céleste de discerner celui que Dieu lui-même a choisi pour être son représentant en ce monde. Il est juste de les voir se soustraire aux malignes influences du siècle, qui ne pourraient qu’altérer la pure inspiration du ciel, et se livrer tout entiers aux influences salutaires de la réflexion et de la prière, par lesquelles l’Esprit-Saint parle aux hommes et leur fait connaître ses adorables volontés.

La chapelle est le seul lieu où les Éminences se trouvent ensemble. On les y convoque trois fois chaque jour. La première réunion est fixée à neuf heures, la seconde à onze heures, la troisième vers trois heures de l’après-midi ; ces deux dernières sont destinées aux opérations de l’élection. Dans celle du matin les Cardinaux assistent seulement à la sainte Messe[6].

Trois coups de cloche, à une demi-heure, d’intervalle chacun, avertissent les membres du conclave qu’ils doivent se disposer à quitter leurs cellules. Immédiatement après le dernier coup, un maître de cérémonies prononce à haute voix ces mots, en passant devant les cellules : Ad Capellam Domini : À la Chapelle du Seigneur.

On distingue trois modes différents d’élections pour les Souverains-Pontifes : l’Inspiration ou l’Acclamation, le Compromis, enfin le Scrutin et l’Accession.

L’élection par Inspiration, Acclamation est rarement usitée : l’histoire de l’Église n’en cite que peu d’exemples. Elle se réalise, comme son nom l’indique, lorsque les Cardinaux, entraînés par une force irrésistible, donnent unanimement leurs suffrages à l’élu de Dieu. On peut connaître à l’avance les circonstances qui font prévaloir ce mode d’élection sur les autres ; aussi est-il en dehors des prévisions et de la volonté des Cardinaux eux-mêmes. Du reste, les prescriptions de Grégoire XV exigent qu’il ne soit précédé d’aucun traité ou convention particulière, et que tous les membres présents du sacré Collège y concourent. C’est à cette seule condition qu’il est légitime.

Ainsi que le précédent, le mode d’élection par Compromis a peu d’application. Il se pratique, lorsque de graves difficultés s’opposent à l’élection ; par exemple, dans le cas où le nom d’aucun candidat ne peut atteindre la majorité prescrite. Les membres du sacré Collége peuvent alors s’en rapporter au choix de quelques-uns d’entre eux qui seuls désigneront le Pape.

Pour que le Compromis soit légitime, il est nécessaire que tous les Cardinaux présents y consentent — l’opposition d’un seul l’annulerait, — et, que d’un commun accord, ils aient réglé et signé les conditions du redoutable mandat qu’ils délèguent. Ils doivent, par exemple, exprimer, si ceux auxquels ils donnent leur confiance, feront la nomination, sans rien révéler de leurs intentions à leurs collègues ; ou bien si, avant d’arrêter leur choix, ils le feront connaître à quelques-uns d’entre eux ; si la majorité des voix des Cardinaux désignés pour faire l’élection sera suffisante, ou si l’unanimité sera exigible ; enfin, telles autres conditions qui seraient jugées utiles.

Le mode d’élection par voie de Scrutin et d’Accession est le plus naturel et le plus simple ; c’est celui qui se pratique ordinairement. Aussi la sagesse de l’Église l’a-t-elle entouré des plus sages comme des plus minutieuses précautions.

Avant d’indiquer comment il a lieu, il importe : 1. de faire connaître la disposition de la chapelle durant les séances d’un Conclave ; aussi bien, cette disposition convient exclusivement au mode d’élection par voie de Scrutin. 2. Il est nécessaire de dire quelques mots des bulletins de Scrutin et d’Accession.

Des deux côtés de la chapelle sont disposés les sièges des Cardinaux. Au-dessus de chacun des sièges se dresse un petit baldaquin, ou espèce de dais, semblable à celui qui surmonte ordinairement le trône du Pape. Tous les Cardinaux présents, étant susceptibles d’être élus au Souverain-Pontificat, ils sont tous traités avec le même honneur. Ces baldaquins, l’un des symboles de la Papauté, sont retenus par un simple cordon, afin de pouvoir être facilement abaissés aussitôt que le Souverain-Pontife sera élu : seul alors, il conservera le sien.

Au milieu de la chapelle, est une table à pupitre. C’est à cette table que chaque Cardinal doit venir écrire son vote. Elle est placée de telle sorte que l’électeur est vu de tous, mais que personne ne peut lire ce qu’il écrit.

Deux autres tables sont à peu de distance. Sur l’une se trouvent des bassins d’argent contenant les billets de scrutin et d’accession, une bourse pleine de petites sphères de bois, sur lesquelles sont inscrits les noms des membres du sacré Collége, une cassette également de bois, et divers autres objets. Un simple tapis couvre la seconde table. Les cardinaux scrutateurs devront s’y tenir au moment du dépouillement des votes.

Au fond de la chapelle est l’autel. Au milieu de l’autel brille un grand calice d’argent sur le pied duquel est gravée l’image du Saint Esprit avec, les armes du Saint-Siège vacant ; une large patène recouvre le calice.

Enfin, derrière l’autel est un petit poêle destiné à recevoir les bulletins des votes, dans les cas où ils n’auraient pas atteint la majorité requise : elle est des deux tiers des votants, plus une voix.

On appelle bulletins ou cédules de scrutin et d’accession les feuilles de papier qui doivent recevoir les votes des Cardinaux.

Ces bulletins sont imprimés et disposés selon les formules fixées par les constitutions de plusieurs Souverains Pontifes. Leur longueur est d’environ vingt centimètres sur douze de largeur. Ils sont divisés par des raies transversales, en cinq compartiments. Dans le premier, doit se trouver le nom du Cardinal votant. Dans le troisième, celui du milieu, on inscrit le nom du Pape élu. Le nom de l’élu est précédé de ces mots dans les bulletins de scrutin : Eligo summum Pontificem reverendissimum dominum meum N*** cardinalem. (Je choisis pour souverain Pontife le révérendissime cardinal N***) Dans les bulletins d’accession, il est précédé de cette autre formule : accedo reverendissimo meo cardinali N*** (j’accède au révérendissime cardinal N***).

Au bas de la cédule, dans le cinquième compartiment, le votant doit écrire un numéro et quelques paroles de l’Écriture-Sainte qui servent de signes propres à faire connaître le bulletin. Enfin, et pour le même motif, le Cardinal électeur doit apposer un cachet aux deux extrémités des second et quatrième compartiments, à une place indiquée dans l’imprimé.

Le verso de tous ces bulletins est orné de vignettes placées plus spécialement derrière le nom du votant et des sceaux, afin qu’il ne soit pas possible, à l’aide de la transparence du papier, de découvrir le nom de l’électeur. On sauvegarde ainsi le secret dans cette élection si grave, si sainte.

Pour donner son vote, chaque Cardinal vient, selon son rang hiérarchique, s’asseoir devant la table placée au milieu de la chapelle. Après avoir pris une cédule dans un des bassins, il y inscrit son nom, le nom de celui qu’il veut élire, la sentence de l’Écriture-Sainte et son numéro ; puis, il y appose son cachet aux endroits précités et plie le bulletin de telle façon que son nom et la sentence soient couverts et cachés par les vignettes imprimées sur le verso.

L’électeur prend alors le bulletin ; et, élevant la main de manière à être vu de tous les membres du sacré Collége, il se dirige vers l’autel, sur lequel est placé le calice d’argent dont il a été parlé précédemment. En arrivant au pied de l’autel, le Cardinal s’agenouille, fait une courte prière ; puis il se relève et prononce à haute voix ces paroles :

« Je prends à témoin Notre-Seigneur Jésus-Christ qui doit me juger, que j’ai élu celui que je crois, devant Dieu, devoir élire. »

Après ce serment solennel, l’électeur met son bulletin sur la patène, et le fait glisser dans le calice. Puis il salue profondément la croix de l’autel et revient à sa place.

S’il se trouvait dans l’assemblée quelque Cardinal impotent qui ne pût venir voter, l’un des Cardinaux scrutateurs lui apporterait un bulletin ; le Cardinal écrirait son vote, et après avoir prêté le serment dans les formalités prescrites, il remettrait le bulletin au scrutateur qui le porterait à l’autel.

Quant aux membres du sacré Collége qui seraient retenus dans leur cellule par leur infirmité ou la maladie, voici comment ils votent. Les Cardinaux infirmiers prennent la cassette en bois que nous avons vue sur une des tables ; ils l’ouvrent devant l’assemblée pour faire voir qu’elle est vide, la referment et en déposent la clef sur l’autel. Puis, plaçant sur un plat d’argent autant de bulletins qu’il y a de Cardinaux malades, ils se rendent dans les cellules. Si le malade peut écrire, il fait lui-même son vote secrètement ; et après avoir rempli les formalités prescrites, il l’introduit dans la cassette, par une ouverture pratiquée à cet effet. Si le malade est dans l’impossibilité d’écrire lui-même son vote, il désigne un de ses collègues pour le remplacer. Le délégué se rend auprès du malade et écrit le bulletin, après avoir prêté le serment d’en garder le plus inviolable secret. Lorsque les Cardinaux infirmiers sont de retour à la chapelle, la cassette est remise à l’un des scrutateurs qui l’ouvre et va déposer les bulletins dans le calice.

Dans l’élection par voie de suffrages écrits, les constitutions des Souverains Pontifes, et en particulier, celles de Grégoire XV, ont fixé que, si un premier scrutin ne donne pas le nombre de voix voulu, c’est-à-dire des deux tiers des cardinaux présents, le sacré Collége doit procéder à un second scrutin. Ce second scrutin sert de complément au premier, et on le nomme accession parce que, au lieu de choisir directement, l’électeur accède au choix qui a été fait de tel ou tel Cardinal. Du reste, dans ce second scrutin, on observe les mêmes formalités que dans le premier, à la seule exception qu’on ne prête pas un nouveau serment, le premier portant sur les deux actes.

Après une prière que tous les Cardinaux font en commun, le premier Cardinal-Diacre, au moyen des petites boules de bois dont il a été parlé précédemment, procède à l’élection des trois scrutateurs, et à celle des deux ou trois Cardinaux qui devront remplir l’office d’infirmiers, en allant recueillir le vote des malades à leurs cellules.

Cette première opération terminée, tout aussitôt commencent les votes pour le scrutin. Le doyen du sacré Collége est appelé le premier, puis les trois Généraux d’Ordres, les Cardinaux-Évêques, les Cardinaux-Prêtres et les Cardinaux-Diacres.

Lorsque tous les bulletins du scrutin sont recueillis, tant ceux des Cardinaux présents à la réunion que ceux des malades, le premier scrutateur les mêle, et le dernier les compte avec soin, en les retirant un à un du calice où ils avaient été déposés d’abord, pour les mettre dans un autre calice.

Si le nombre des bulletins ne concorde pas avec celui des Cardinaux qui ont dû voter, ils sont à l’instant brûlés, et on recommence l’opération ; si au contraire, il est égal, les trois scrutateurs, debout devant la table sur laquelle sont déposés les votes, procèdent ainsi au dépouillement.

Chaque bulletin passe successivement sous leurs yeux et dans leurs mains. Le premier scrutateur le tire du calice et l’entrouve pour lire le nom du candidat, en respectant, le nom de l’électeur. Il le passe ensuite au second scrutateur qui fait de même ; le troisième publie à haute voix le nom de l’élu. À mesure que les noms sont proclamés, les Cardinaux les inscrivent sur une liste disposée à cet effet ; et, dès que le dépouillement est terminé, chacun additionne le nombre de votes obtenus. Pendant ce temps le dernier scrutateur prend une à une les cédules, et, à l’aide d’une forte aiguille, il les pique au mot Eligo et les fait passer sur un fil de soie dont il noue les deux extrémités ensemble. Le tout est déposé sur la table pour servir au suffrage d’accession, s’il y a lieu. Je dis s’il y a lieu ; car si, dans la répartition des votes, l’un des Cardinaux a obtenu les deux tiers des voix, d’après les constitutions de Grégoire XV, le Conclave est terminé et le Pape canoniquement élu.

Mais dans le cas le scrutin n’a pas fourni le nombre voulu de suffrages pour d’élection, on procède immédiatement à l’accession.

Lorsque ce second vote est terminé, on proclame les voix nouvelles données à chacun des élus, et l’on réunit en une somme totale les votes obtenus par chaque Cardinal dans le scrutin et dans l’accession.

Si aucun Cardinal n’a atteint le nombre suffisant, la séance est levée. Mais, avant que le sacré Collége se sépare, les cédules ou bulletins sont brûlés dans le poêle placé derrière l’autel. Il en résulte une fumée qui s’échappe par un tuyau de cheminée qu’on aperçoit par en dehors. C’est le signe qui indique la fin de la séance.

Si, au contraire, après le dépouillement de l’accession, un Cardinal est parvenu au chiffre voulu, les scrutateurs vérifient les derniers bulletins et, s’ils sont reconnus valides, le Pape est canoniquement élu ; il ne reste plus qu’à obtenir son assentiment.

Dès que le Pape a été élu, le Cardinal doyen agite une sonnette. Ce signal avertit les maîtres des cérémonies d’entrer dans la chapelle ; le secrétaire du sacré Collége entre avec eux. Ils viennent tous se placer auprès du doyen. Celui-ci, escorté par eux, et entouré des Cardinaux, chefs d’ordre, s’approche du Pape élu, et lui demande s’il donne son consentement au choix qui vient d’être fait.

Aussitôt que l’élu a donné son assentiment[7] et pendant que le secrétaire du sacré Collége en dresse l’acte public, et y inscrit le nom qu’il a déclaré prendre, tous les baldaquins placés au-dessus des sièges des Cardinaux s’abaissent ; seul, celui du nouveau Pape reste en place, et les deux Cardinaux, ses plus proches voisins, s’écartent de sa personne par respect pour sa nouvelle et éminente dignité. — Admirable détail de ces cérémonies saintes ! Il exprime que « le haut jury de l’Église abdique entre les mains du Pape. »

Lorsque l’acte de nomination a été dressé, les deux premiers Cardinaux-Diacres accompagnent l’élu derrière l’autel de la chapelle, où des camériers (ou aide de chambre) le dépouillent de ses insignes cardinalices pour le couvrir des vêtements sacrés qu’il devra désormais porter.

Le Pontife, sous un nouveau costume, retourne à l’autel, sur les degrés duquel un riche fauteuil a été placé. Il s’y asseoit, et, après que le Cardinal camerlingue lui a mis au doigt l’anneau du Pêcheur, il reçoit la première adoration du sacré Collège. — Tout le monde sait que l’on nomme ainsi l’hommage que les Cardinaux rendent au Pape après son élection. L’on sait aussi que cette expression ne doit pas être prise au pied de la lettre, mais bien dans le sens figuré. Elle signifie la plus haute vénération, le respect le plus profond, que l’on puisse accorder à un homme ; et comme ce n’est qu’en qualité de représentant de Dieu que ces hommages sont rendus au Pape, on a jugé bon d’employer le même mot par lequel on désigne le suprême hommage rendu à Dieu.

L’élection du Pape est suivie de trois adorations.

Immédiatement après la première adoration, le premier cardinal-diacre annonce l’élection au peuple. Le nouvel élu vient ensuite donner sa bénédiction à la foule. Le couronnement du Pape a lieu ordinairement le dimanche qui suit l’élection.[8]

  1. L’Anneau du Pêcheur est moins, à proprement parler, un anneau qu’un sceau dont on revêt les Brefs ou diplômes émanés de la secrétairerie apostolique, par lesquels le Saint-Père accorde quelque grâce ou faveur particulière. À cet effet, les Brefs se terminent par ces mots : Datum Romæ sub annulo piscatoris (donné à Rome, sous le sceau de l’Anneau du Pêcheur), — Cet anneau est ainsi nommé, parce que le sceau de bronze qui en forme comme le châton représente saint Pierre dans sa barque retirant ses filets de l’eau. Au-dessus de cette image, se trouve le nom du Pontife régnant, Ainsi l’Anneau du Pêcheur, dont l’emblême principal reste toujours le même, participe à toutes les phases de la papauté.
  2. Quelle grande et belle pensée de briser l’Anneau du Pêcheur à la mort de celui qui l’a porté ! C’est un hommage rendu à Dieu qui vient de détruire une auguste existence ; c’est aussi comme un cri de détresse de l’Église qui atteste au Ciel qu’elle a perdu son pasteur ; mais, en le rompant, en présence des Cardinaux, prêts à élire un nouveau Pape, l’espérance succède à la douleur.
  3. Ce délai est suffisant pour que les Cardinaux des divers royaumes chrétiens puissent être rendus à Rome. S’ils arrivaient après l’ouverture du Conclave, des formalités sont prescrites pour les recevoir.
  4. On désigne ainsi le Cardinal-Intendant. C’est une des premières dignités de la cour pontificale.
  5. Ce n’est pas précisément l’exiguïté de ces appartements qui les a fait désigner sous le nom de cellules : ils sont composés de trois ou de quatre pièces ; c’est bien plutôt le genre de vie que les cardinaux doivent y mener.
  6. Le premier jour du Conclave, le Saint-Sacrifice est offert par le doyen du sacré Collége ; tous les Cardinaux y participent en recevant la communion. Les autres jours, c’est le prélat sacristain qui célèbre la Messe. On y chante toujours le Veni creator.
  7. Si, par hasard, l’élu ne voulait pas donner son consentement, soit par humilité soit pour un motif quelconque, il serait dressé note de ce refus, et l’on procéderait à une nouvelle élection.
  8. Le couronnement de Sa Sainteté Léon XIII a eu lieu dimanche, le 3 mars, dans la chapelle Sixtine. La cérémonie n’a pas été faite en public, car l’on craignait, non sans raison, des démonstrations honteuses de la part de la canaille révolutionnaire. En effet, les usurpateurs ont brisé les vitres des maisons illuminées en l’honneur de l’événement.