Vie du pape Pie-IX/L’élection des papes


L’ÉLECTION DES PAPES


Il ne sera peut-être pas sans intérêt de connaître comment les papes ont été élus depuis le commencement de l’ère chrétienne jusqu’à nos jours.

Le premier pape, saint Pierre, a été choisi, comme chacun le sait, par Notre Seigneur lui-même.

Les trois premiers successeurs de saint Pierre, saint Lin, saint Clet et saint Clément furent désignés par leurs prédécesseurs.

Les papes furent ensuite élus par le clergé romain, qui prenait l’avis des fidèles.

La première élection papale dont les détails sont consignés dans l’histoire de l’Église est celle de saint Sixte, successeur de saint Alexandre Ier. Saint Sixte, élu en 117, mourut en 127. Cette élection eut lieu dans la catacombe de la via Nomentana, à 7 milles de Rome, immédiatement après les obsèques du Souverain Pontife défunt.

Le plus ancien des évêques, ou à son défaut, le plus ancien des prêtres, demandait aux clercs et aux laïques qui avaient assisté aux obsèques : « Qui vous semble le plus digne de s’asseoir sur le trône pontifical ? » L’assemblée répondait en proclamant le nom que des mérites plus éclatants et des vertus plus notoires désignaient aux suffrages.

On s’appuie souvent sur la manière dont l’élection du Souverain-Pontife se faisait dans les premiers siècles de l’ère chrétienne pour accuser l’Église de tyrannie, de réaction, etc. Autrefois, dit-on, le gouvernement de l’Église était démocratique. Il faut s’entendre ; il y a une bonne et une mauvaise démocratie. L’Église est l’institution la plus démocratique qu’il y ait au monde, dans le vrai sens du mot.

Dans l’Église catholique les paroles, égalité et fraternité, dont on fait un si grand abus de nos jours, ne sont pas des paroles vaines ; elles ont une signification réelle. Au sein de cette Église fondée par l’Ouvrier de Nazareth, le paysan et le roi, le riche et le pauvre ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, ils se soumettent à la même autorité, ils attendent la même récompense au ciel. La hiérarchie de l’Église catholique n’est fermée à aucune classe d’hommes. Combien de fois n’a-t-on pas vu les fils de parents obscurs revêtir la pourpre, s’asseoir même sur le trône de Pierre ?

Mais l’Église a horreur de la mauvaise démocratie, de la démocratie turbulente, impie, révolutionnaire, de la démocratie moderne, que les sociétés secrètes ont corrompue. Et si, dans les premiers temps, elle confiait au peuple une part dans le choix du Souverain-Pontife, c’est qu’alors le peuple était saint et animé de l’esprit de Dieu.

L’élection du Pape se fit avec le concours des fidèles jusqu’au milieu du onzième siècle. À cette époque, Grégoire, comte de Tusculum, installa Benoît X sur la chaire de saint Pierre. Ce fut alors que le vaillant Hildebrand, plus tard saint Grégoire VII, convoqua le clergé, et que Nicolas II fut élu pape en suivant les formes prescrites jusque-là pour le choix des souverains pontifes. Cette élection eut lieu à Sienne et l’intrus Benoît X fut sommé de comparaître devant le pape Nicolas II pour rendre compte de sa conduite. Il ne se conforma pas à cet ordre et passa en Allemagne. Nicolas II se rendit à Rome où il fut reçu avec joie.

Pour éviter, à l’avenir, de semblables difficultés, le pape Nicolas II convoqua, trois mois après son élévation au suprême pontificat, le concile romain qui d’ordinaire se réunissait tous les ans dans la basilique de Latran. Dans ce concile, on décréta que les cardinaux seuls éliraient désormais les papes. On ajoutait toutefois au collége des cardinaux le roi germanique, plus tard empereur. « Les vénérables cardinaux, disait le décret, seront avec notre cher fils Henri, (roi de Germanie) les seuls promoteurs de l’élection du pape ; les autres suivront docilement. »

Sous Alexandre III, qui régna de 1159 à 1181 il y eut successivement trois anti-papes. Pour empêcher le renouvellement de ces désordres, ce pape fit porter au onzième concile général, tenu à Latran, en 1179, un décret confiant aux seuls cardinaux la nomination du Souverain-Pontife et exigeant les deux tiers des suffrages du sacré Collége.

Grégoire X ordonna, en 1274, que les cardinaux assemblés pour élire le pape occuperaient un seul appartement dans le même palais. Clément V, en 1311, et Grégoire XV en 1621 et en 1622 mirent la dernière main aux lois qui régissent l’élection des papes, lois qui sont un chef-d’œuvre de l’esprit humain, et depuis près de trois siècles que les conclaves se tiennent d’après ces prescriptions, il ne s’est pas élevé une voix pour modifier cet ensemble de règles qui bravent la critique la plus sévère.