Vie de Mohammed/Expédition contre les Benou-Koraïzha

Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
Imprimerie royale Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 54-56).

Expédition contre les Benou-Koraizha (96).

Le lendemain matin le prophète, s’éloignant du fossé, revint à Médine, et les Musulmans déposèrent les armes. A l’heure de midi l’ange Gabriel apparut au prophète et lui dit : « Dieu « l’ordonne de marcher contre les Benou Koraizha. » Moham- med aussitôt donna l’ordre à un crieur de faire cette procla- mation : « Que tous ceux qui entendent et qui obéissent ne « fassent point la prière de l’Asr (97) avant d’être sur le ter- writoire des Benou-Koraizha. » En marchant contre eux le prophète envoya en avant Ali, fils d’Abou-Taleb, auquel il avait confié son étendard. Le prophète vint camper auprès de l’un des puits appartenant à cette tribu, et ses soldats vinrent successivement l’y rejoindre. Plusieurs arrivèrent A lorsque la nuit était déjà close, et ils ne firent pas ce jour-là la prière de l’Asr, parce que le prophète avait dit que personne ne la fit avant d’être arrivé sur le territoire des Benou- Koraizha le prophète ne leur fit aucun reproche de cette omission.

Il assiégea les Benou-Koraizha pendant vingt-cinq jours ; puis au moment où l’issue du siège devenait pour eux plus menaçante, Dieu fit descendre la crainte dans leurs cœurs et ils se rendirent à discrétion. Comme ils étaient alliés aux Be- nou-Aws, ceux-ci demandèrent au prophète de vouloir bien leur accorder la liberté ainsi qu’il l’avait fait à l’égard des Be- nou-Kainoka, alliés des Benou-Khazradj, à la prière d’Abd- Allah, fils d’Obayy, fils de Saloul, le traître. Le prophète leur demanda s’ils s’en rapporteraient au jugement de Saad, fils de Moadh, qui était leur chef, et ils y consentirent, ne dou- tant pas que sa décision ne fût favorable aux vaincus ; en con- séquence il fit appeler Saad. Ce chef avait été blessé dans la veine médiane à l’attaque du fossé ; comme il était d’une grande corpulence, les Benou-Aws l’amenèrent porté par un âne sur le dos duquel ils avaient placé un coussin. Ils le conduisirent ainsi devant le prophète, et lui disaient en route :

  • O père d’Amrou, montre-toi bon envers tes clients. » A son

arrivée, Mohammed dit : « Levez-vous pour faire honneur à & votre chief. Orics Mohadjériens dirent que le prophète n’adressait ces paroles qu’aux Ansariens, et les Ansariens prétendirent au contraire qu’il désignait ainsi la totalité des Musulmans. Cependant ils se levèrent et dirent : « O père d’Am-

  • rou, le prophète de Dieu t’a constitué le juge de tes anciens P. 44

« alliés. » Saad répondit : « Que les hommes soient mis à mort, que les biens soient partagés, que les femmes et les enfants « soient réduits en servitude. Dieu très-haut, dit aussitôt « Mohammed, vient de te dicter du haut du septième ciel « ton jugement à leur égard. » Le prophète revint ensuite à Médine où il fit renfermer les Benou-Koraizlia dans quelques maisons appartenant à des Ansariens ; puis par son ordre on creusa des fosses, on les y conduisit et on leur trancha la tête. Ils étaient environ au nombre de sept cents hommes, un peu plus ou un peu moins. Le prophète fit ensuite le partage des femmes et des enfants destinés à l’esclavage ; il en prit pour lui le cinquième, et choisit en outre Ribana, fille d’Amrou, qui resta en sa possession jusqu’à l’époque où il mourut,

A peine l’expédition des Benou-Koraizha terminée, la blessure de Saad, fils de Moadly, se rouvrit et il mourut : Dieu ait pitié de hui ! Ceux qui périrent martyrs de la foi musulmane dans la guerre du fossé sont au nombre de six, et parmi eux il faut compter Saad, fils de Moadlı, bien qu’il soit mort après l’expédition des Benou-Koraizha, ainsi que nous venons de le raconier. Ce chef, au moment où il avait été blessé à l’attaque du fossé qui entourait Médine, avait prié Dien de prolonger sa vie jusqu’au moment où il aurait pu contribuer à punir les Benou-Koraizha de leur trahison envers le prophète. En effet sa blessure se cicatrisa jusqu’à la fin de l’expédition, ainsi qu’il l’avait demandé au Très-haut, ensuite elle se rouvrit et il mourut : Dieu ait pitié de lui ! Cette campagne contre les Benou-Koraizha, qui ne coûta la vie qu’à un seul homme parmi les Musulmans, cut lieu au mois de dhou’l-kaada de l’année cinquième de l’hégire. Le prophète en passa les derniers mois à Médine, puis on entra dans la sixième année.


(96) D'après Édrisi la tribu juive des Benou-Koraizha aurait habité quelques-unes des forteresses de Khaibar. Dans les premiers temps de <l'Islamisme, dit ce géographe, Khaibar était la résidence des Benou- Koraizha et des Benou-Nodhair (Edrisi, climat 2, part. 5). Cela rendraiف difficile à croire que le prophète eût pu se trouver sur le territoire des Benou-Koraizha le soir même du jour où il était parti de Médine, car cette dernière ville est séparée de Khaibar par une distance de quatre à cinq journées. (Voyez sur Khaibar la note 106.)

(97) La prière de l'asr est l'une des cinq prières que chaque Musulman est obligé de faire dans les vingt-quatre heures. Le temps où l'on peut la faire commence dans l'après-midi au moment où l'aiguille du cadran solaire projette une ouibre du double de sa longueur, et finit au coucher du soleil. (Voyez sur les heures canoniques de la prière, Mou- radjha d'Ohsson, Code religieus, 1. II, p. 99.)