Vie de Mohammed/Combat du fossé, autrement appelé combat des alliés

Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
Imprimerie royale Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 51-53).

Combat du fossé, autrement appelé combat des alliés.

Au mois de schewal de la cinquième année le prophète apprit que plusieurs tribus arabes s'étaient réunies contre lui, et il ordonna de creuser un fossé (93) autour de Médine. On dit que ce fut par le conseil du Persan Salman, qui combat- lait alors pour la première fois avec le prophète. Pendant qu'on creusait ce fossé, plusieurs miracles furent faits par le P. 4² prophète, entre autres celui que nous a rapporté Djaber (94). « Une roche, nous dit-il, s'opposait à l'effort des travailleurs, a le prophète fit apporter de l'eau, cracha dedans, et en ayant fait arroser la pierre, elle devint friable. En voici un autre. La fille de Baschir, fils de Saad, Ansarien, sœur de Noman, fils de Baschir, avait été envoyée par sa mère pour porter un repas composé de quelques dattes à son père Bas- chir et à son oncle Abd-Allah, fils de Rewaha; elle passa près da prophète qui l'appela et lui dit: «Donne-moi ce que tu « tiens, ô ma fille!» Voici ce qu'elle a dit elle-même à ce sujet : « Je versai les dattes dans les mains du prophète, et il « n'y en avait pas assez pour les remplir; alors il fit apporter « un mantean, y mit les dattes et dit à quelqu'un : Appelez les « travailleurs, qu'ils viennent prendre leur repas; en effet, « ils se mirent tous à manger, et les dattes se multipliaient au a point que lorsque les ouvriers furent rassasiés, des fruits tombaient encore de tous les côtés du manteau.» Djaber a rapporté un troisième miracle. «J'avais, dit-il, une petite « brebis qui n'était pas grasse, j'ordonnai à ma femme de faire « cuire un pain d'orge et rôtir la brebis pour le prophète. Ce- «. pendant nous travaillions tout le jour au fossé et nous reti- «rions vers le soir. Au moment de partir je dis au prophète : «J'ai préparé pour toi une brebis et un pain d'orge, je serais D. heureux que tu voulusses venir à ma maison. Aussitôt le « prophète ordonna à quelqu'un de crier aux travailleurs qu'ils eussent à se rendre avec le prophète à la maison de a Djaber. Nous appartenons à Dieu et nous devons revenir à «lui, dis-je en moi-même (en effet il n'avait eu l'intention « d'inviter que le proplète); cependant Mohammed et tous « les travailleurs avec lui arrivèrent chez moi. Nous lui « offrimes les mets qu'il bénit en prononçant la formule du «Bism-illah, puis les travailleurs s'approchèrent tour à tour, « une nouvelle troupe succédant à celle qui se retirait, jus- «qu'à ce qu'ils fussent tous rassasiés. » Salman le Persan rapporte le miracle suivant : «J'étais, dit-il, auprès du prophète et je travaillais au fossé, lorsque « je tombai sur une place qui résistait à mes efforts. Le prophète ayant vu l'obstacle qui m'arrêtait, prit la pioche et frappa un coup; sa pioche fit jaillir un éclair. It frappa un second coup, et un second éclair jaillit. Il en frappa un troisième qui fut suivi d'un troisième éclair : O toi qui m'es plus cher que mon père et ma mère, lui dis-je, qu'est-ce qui jaillit ainsi sous les coups de ta pioche? - As-tu douc vu cela, ô Salman? reprit-il. Je l'ai vu, lui dis-je; - et il me répondit : Par le premier éclair Dieu m'a promis la conquête de l'Yemen, par le second celle de la Syrie et de l'Occident, par le troisième celle de l'Orient. »

Le prophète fit achever le fossé et bientôt approchèrent r. 44 les Koreischites avec leurs divers alliés, et ceux des Benou- Kénana qui s'étaient joints à eux, an nombre total de dix mille hommes. Les Benon-Ghatafan approchèrent aussi suivis par une partie des habitants du Nedjd, puis encore les Benou- Koraizha, commandés par Caab, fils d'Acad. Ils avaient été d'abord alliés au prophète; mais les Juifs, leurs coreligion- naires, n'avaient cessé d'insister auprès d'eux jusqu'à ce qu'ils cussent rompu leur pacte et pris part à la ligue formée contre le prophète de Dieu. Cependant l’affaire devenait sérieuse, l’épreuve était si forte que les Musulmans roulèrent mille pensées diverses dans leur tête, et que des dispositions à la défection se manifestèrent au point que Moatteh, fils de Kos- chair, osa dire : « Mohammed nous promettait les trésors de Kesra et de Kaissar, et voilà qu’aujourd’hui pas un de nous « n’est sûr de sa vie si quelque besoin l’appelle hors de sa « maison. »

Les infidèles et le proplète restèrent plus de vingt jours en présence sans qu’on en vint aux mains autrement qu’à coups de flèches lancées par les archers. Ensuite Amrou, fils d’Abd-Woudd, issu de Loway, fils de Ghaleb, se présenta pour un combat singulier, et Ali, fils d’Abou-Taleb, s’offrit à lui comme antagoniste. « O fils de mon frère, lui dit Amrou, je a ne voudrais pas te tuer.— El moi je veux ta mort, reprit « Ali. » A ces mots, Amrou, enflammé de colère, descendit de son cheval auquel il coupa les jarrets, et courant vers Ali, ils se livrèrent un furieux combat. Un nuage de poussière s’éleva autour d’eux ; mais les Musulmans entendirent retentir Allah akbar, et ils surent ainsi qu’Ali avait tué son ennemi. Bientôt le nuage se dissipa et l’on vit Alí sur la poitrine d’Am- rou qu’il égorgeait. Alors Dieu très-haut fit souffler un vent P. 4v du midi, ainsi qu’il l’a dit dans le Coran (95) : « O vous qui a croyez, ruppelez-vous combien Dieu a été bon à votre égard lorsque des armées marchaient contre vous et que nous avons envoyé « contre elles un vent violent et des légions invisibles. » Cet événement se passait en hiver, et l’ouragan ayant renversé les chaudières et les tentes des ennemis, Dieu sema la discorde parmi eux. Les Koreischites, conduits par Abou-Sofian, se retirèrent les premiers ; dès que les Benou-Ghatafan l’eurent appris, ils se retirèrent aussi, retournant chacun dans leur pays.


(93) On lit dans le Kitab Menassik el-Hadj (p. 144) Une mosquée a été élevée à Médine sur le terrain où s'est livré le combat du fossé. Des minarets ont été construits pour indiquer la place où se tenaient le prophète et ses compagnons..

(94) Le nom entier de ce Djaber est Abou-Abdallah Djaber, Gils d'Abd-

(95) Voyez le Coran, sourate 3a, vers. g.