Vie de Mohammed/Expédition contre Benon-Mostalak

Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
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Expédition contre Benon-Mostalak.

Au mois de schaaban de cette sixième année, quoiqu’on prétende aussi que ce fut dans l’année précédente, le prophète marcha contre les Benou-Mostalak (100) qui avaient alors pour chef Harith, fils d’Abou-Dherar, et il les rencontra près d’une source qui leur appartenait et qu’on appelle Moraiçi (101). On combattit de part et d’autre, et Dieu mit en fuite les Benou-Mostalak ; plusieurs d’entre eux furent tués, d’autres pris et leurs biens devinrent la proie des Musulmans. Djowairia, fille de leur chef Harith, fils d’Abou-Dherar, tomba en partage à Thabet, fils de Kais. Elle fit avec lui un contrat pour racheter sa liberté moyennant une certaine somme ; le prophète ayant acquitté le prix convenu, l’épousa. On dit alors : « Voici les Benou-Mostalak devenus les alliés du prophète de Dieu, » En effet il accorda, en faveur de son ma- riage, la liberté à cent chefs de famille, et Djowairia devint ainsi la bienfaitrice de sa tribu. Un Ansarien, dans cette expédition, avait tué un Musulman par erreur et pensant que c’était un infidèle. Ce Musulman appartenait à la famille des Benou-Laith, fils de Bekr, et se nommait Hescham ; il avait un frère appelé Mikyas, qui était idolâtre. Lorsqu’il apprit que son frère Hescham avait été tué par suite d’une erreur, il quitta la Mecque feignant d’avoir embrassé l’Islamisme, et vint demander le prix du sang de son frère. Mohammed le lui accorda ; mais ne resta que peu de temps auprès du prophète, et ayant attaqué le neurtrier de son frère, il le tua, puis revint à la Mecque où il abjura l’Islamisme : que Dieu l’éloigne à jamais de son sein ! A ce sujet il fit quelques vers, et en voici un J’ai satisfait mon désir, je me suis vengé du meurtrier de mon frère, et maintenant je suis le premier qui retourne au culte des idoles. Il fut l'un de ceux dont le prophète autorisa le meurtre au jour où il s'empara de la Mecque.

Dans cette même expédition, Djahdjah, des Benou-Ghafar, serviteur d'Omar, fils de Khattab, et Senan, des Benou- Djohaïna, allié des Ansariens, eurent une dispute pour puiser de l'eau et se battirent. L'Arabe de Ghafar s'écria : «A moi, les Mohadjériens ! et l'Arabe de Djohaina cria de son côté : A moi, les Ansariens!» ce qu'entendant Abd-allal, fils d'Obayy, fils de Saloul, le traître, il se mit dans une violente colère. Auprès de lui se trouvaient quelques gens de sa tribu, et entre autres Zeid, fils d'Arkam: Eh bien! leur dit Abd-allah, les y voilà; ils viennent nous disputer notre propre

  • pays; mais, certes, nous reviendrons à Médine, et là le

« plus puissant, chassera le plus faible. » Puis se tournant vers les siens, il ajouta: «Voilà le résultat de ce que vous avez fait; vous les avez reçus dans vos contrées, vous les avez admis au partage de vos richesses; si vous ne leur aviez pas ainsi livré ce que vous aviez entre les mains, ils se seraient éloignés de vous. » Zeid, fils d'Arkam, alla rapporter ces paroles à Mohammed qui avait alors auprès de lui Omar, fils de Khattab. Celui-ci dit au prophète : «Ordonne à Abd-allah, fils de Beschir, ô prophète de Dieu, d'aller le punir de mort. - Et que pensera-t-on de moi? reprit le prophète: on dira que Mohammed ordonne le meurtre de ses compagnons. Dans l'intention de faire cesser toute discorde, il ordonna ensuite le départ à une heure toute autre que celle accoutumée. Oçaid, fils de Ilossain, vint alors le trouver et lui dit : « O prophète de Dieu, vous partez à une heure qui n'est pas l'heure ordinaire du départ.- N'es-tu donc pas instruit, lui répondit Mohamined, des propos tenus par Abd-allab? Qu'est-ce done? reprit Oçaid; » et le prophète l'instroisit de ce qu'avait dit le fils d'Abou-Saloul. « Certes, s’écria alors Oçaïd, c’est toi qui le chasseras si tu le veux ; c’est toi qui es l’homme fort, c’est lui qui est l’homme faible. » Le fils d’Abd-allal, le traitre, qui s’appelait aussi Abd-allah et était dévoué à l’Islamisme, vint à savoir les paroles qu’avait prononcées son père, et il dit aussitôt à Mohammed : « O prophète de Dieu, on m’a dit que tu veux punir mon père de mort ; si telle est ton intention, ordonne et je t’apporte sa tête. Loin de là, répondit le prophète ; sois à son égard un fils tendre et un compagnon dévoué. »


(100)Les Benou-Mostalak descendent, d'après Abou'lféda, des Kho- zaites, dont le plus grand nombre des chroniqueurs font remonter l'origine à Caab, fils d'Amr, fils de Lohay, fils de Harith. (Voyez les Excerpta ez Aboalfeda de M. de Sacy, p. 553 et 554 du Spec. hist. Arab. de Pococke, Oxford, 1806.)

(101) La source de Moraiçi, d'après Djennabi, est située sur le territoire de Kodaid vers le bord de la mer. Kodaid, d'après Edrisi, est à cinq milles du rivage et à vingt-quatre milles d'Ostan. (Voyez Gagnier, p. 80 et le Meracid-el-Ittila, p. 606.)