SUR LA MORT DE SON FRÉRE,
JOHN FRANKLIN.
À Miss Hubbard.

Je le sens comme vous ; nous avons perdu un parent cher et estimable. Mais telle est la volonté de Dieu et de la nature ; il faut que l’ame abandonne sa dépouille mortelle, pour entrer dans une véritable vie. Elle n’est ici-bas que dans un état imparfait, et pour se préparer à vivre. L’homme n’est complètement né qu’au moment où il meurt. Pourquoi nous affligerions-nous donc de voir un nouveau né parmi les immortels, un nouveau membre ajouté à leur heureuse société ?

C’est un acte de la bienfaisance divine que de nous laisser un corps mortel, tandis qu’il peut nous procurer des jouissances douces, et nous servir à acquérir des connoissances et à faire du bien aux êtres comme nous ; mais quand ce corps, cessant d’être propre à remplir ces objets, ne peut que nous faire sentir la douleur, et non le plaisir, nous embarrasse, au lieu de nous être de quelque secours, et ne répond plus à aucune des intentions pour lesquelles il nous étoit donné, c’est également un effet de la bonté céleste, que de nous en délivrer.

Le moyen dont elle s’est servi est la mort. Quelquefois nous, nous donnons prudemment nous-même une mort partielle. Nous nous fesons couper un membre douloureusement blessé et hors d’état de guérir. Celui à qui on arrache une dent, s’en sépare volontiers, parce que la douleur s’en va avec elle. Celui qui se sépare de tout son corps, quitte en même-temps toutes les douleurs et les maladies auxquelles il étoit exposé et qui pouvoient le faire souffrir.

Nous avons été invités, notre ami et nous, à une partie de plaisir, qui doit durer à jamais. Sa voiture a été prête avant la nôtre, et il est parti le premier. Nous ne pouvions pas convenablement nous en aller tous à-la-fois. Et pourquoi, vous et moi, nous affligerions-nous de son départ, puisque nous devons bientôt le suivre, et que nous savons où nous le trouverons ?

Adieu.
B. Franklin.