(auteur présumé Michèle Nicolaï)
(p. 88-103).

CHAPITRE VIII

Kouka m’était devenu une drogue indispensable. Loin de lui, j’oubliais sa présence mais, dès que tombait la nuit, un souvenir précis me tenaillaient : celui de son sexe monstrueux qui entrait si bien en moi… Je rejoignais le dancing et mon amant à peau sombre.

Toujours à la même table, sans rien voir, j’attendais, devant une coupe de punch glacé, qu’il vînt me rejoindre.

Ce soir-là, je suis très en beauté. Les glaces me renvoient mon profil régulier et j’aperçois ma nuque où retombent, en masse, des cheveux auburn ensanglantés sous les lumières. Une robe de satin vert, à peine décolletée, marque mon buste. On me regarde ; j’en suis presque heureuse ; un sourire joue sur mes lèvres…

Tout à coup mon sourire disparaît et mon cœur se contracte. Mes yeux viennent de rencontrer un jeune homme, à la table voisine, et je sens que mon regard ne m’appartient plus.

Il est encore plus étrange que beau. Son visage triangulaire le fait ressembler à un félin. Ses yeux, très allongés, laissent filtrer un regard bleu, tendre et cruel. Il a des cheveux invraisemblablement blonds, couleur de miel, et des dents éblouissantes, une carnation plus exquise que celle d’aucune femme présente ; une carrure impressionnante sous l’habit noir, et des mains longues et sensibles complètent l’ensemble. Il a l’air d’un jeune dieu nordique, un être de la mer…

Il ne fait nullement attention à moi. Il parle avec un homme d’une quarantaine d’années, très élégant. Lorsque celui-ci se lève, j’entends les paroles qu’ils échangent. L’homme âgé serre la main tendue :

— Alors, Vassili, nous nous verrons à Londres, vendredi prochain.

— Entendu ! Vous connaissez le Royal, à Piccadilly Circus ?

— Naturellement, qui ne le connaît !

— Alors, à vendredi, même heure !

Kouka vient me chercher juste à ce moment. Je le suis, et nul autre soir il ne devait connaître une maîtresse plus ardente, plus complètement abandonnée. Nul autre soir, il n’eut, si aiguë, l’impression que je lui appartenais…

Cette nuit-là, je rêvai. Oh ! un rêve très simple, mais dont la netteté me surprit.

La porte de ma chambre s’ouvrait. Vassili, le jeune dieu blond entrait ; je me levais dans mon lit et poussais un cri. Un rire moqueur fusait sur ses lèvres :

— Ce n’est pas la première fois que vous voyez un garçon ?

— Non, tout de même !

— Alors, pourquoi criez-vous ?

Il se déshabilla, se coucha dans mon lit, me prit dans ses bras. Ce fut tout. Une ivresse insensée me baigna.

Le lendemain, en m’éveillant, je décidai de partir pour Londres, de revoir Vassili à tout prix, et de m’en faire aimer ; j’avais de lui un désir violent, irrésistible, qui ne pouvait connaître aucun obstacle. Il me fallait le voir, le sentir près de moi, m’enivrer de sa beauté… J’étais amoureuse pour la première fois.

Je ne revis plus Kouka ; je lui envoyai seulement un phono dont il avait envie. Comme il ne connaissait pas mon nom véritable, ni mon adresse, je ne sais comment s’exprima sa douleur, et même s’il en eut. Pour moi, cela m’était parfaitement égal : les amants sont comme les robes, ils ne peuvent pas toujours servir.

Mes parents consentirent à me laisser partir en Angleterre, à condition que mes frères m’accompagnassent à Londres et m’installassent dans une correcte pension de famille.

Je n’eus aucun remords de mentir et de feindre un intérêt subit pour la littérature anglaise. À partir de la nuit où j’avais vu, pour la première fois, le sourire énigmatique de Vassili, tout mon passé était aboli et avec lui ma conscience du bien et du mal.

L’amour que j’avais pour lui me dévasta entièrement, avant même de se réaliser ; ma vie et mes forces se suspendirent à lui que je savais revoir.

Antal et Claude m’accompagnèrent donc vers mon nouveau destin. Ils passèrent deux jours à dévaster les cœurs anglais des petites misses effrontées et chastes. Puis ils repartirent, portant à mes parents l’assurance que j’étais parfaitement installée et prête à apprendre la langue de Shakespeare dans ses moindres délicatesses.

Piccadilly Circus, le Royal. J’entre seule, à l’heure fixée pour le rendez-vous que j’ai surpris. Des boys s’empressent dans le vaste hall où l’on trouve des journaux du monde entier et les plus belles fleurs de Londres.

Beaucoup de monde. Les habits stricts et les robes décolletées côtoient, à la même table, les vêtements sports et le débraillé bohème. Dans le décor 1900, au milieu des ors, des glaces à l’encadrement désuet et des moulures profondes, c’est un va et vient continu.

Je ne trouve pas Vassili dans la salle ; mais au premier étage où des invertis, des vieilles actrices et des intoxiqués forment la plus grande partie du public, je l’aperçois soudain.

Je ne vois que lui ; sa blondeur illumine la pièce. Il est vêtu de gris perle, avec une chemise de la même teinte, une cravate verte ; par une coïncidence qui me ravit, j’ai ce jour-là un costume semblable au sien.

Je m’assieds à la table voisine. Plusieurs personnes s’arrêtent devant lui et bientôt l’homme élégant, avec lequel je l’ai rencontré, arrive. Je ne fais rien pour attirer l’attention de Vassili ; sa présence me suffit.

Je vois sa nuque dorée, sa joue tentante ; son sourire ne s’ouvre qu’à demi, comme celui d’un enfant qui veut jouer à la grande personne ; je ne perds aucun de ses gestes et me plonge dans une contemplation éperdue. Un désir fou me prend de l’étreindre, de me coller à lui, de chercher sa bouche. La soirée se passe ainsi.

Je reste à ma table, tout le temps qu’il reste à la sienne ; je suis machinalement les conversations échangées, les voix qui s’élèvent plus fortes, les rires qui strident… jusqu’au moment où il se lève pour partir.

Pourquoi ne puis-je l’aborder et lui dire n’importe quoi ?… Je n’en ai pas le courage… Droite comme une somnambule, je le suis. Une idée s’incruste dans ma tête : il ne faut pas que je le perde.

Il met en marche sa voiture, une M.G. sport, de couleur beige, brillante de tous ses aciers. J’appelle un taxi et nous le suivons ; j’ai l’air d’une héroïne de film, malheureusement mon taxi, un vieux tacot invraisemblable, tel qu’on en garde encore à Londres, le perdra au moindre tournant.

— Hurry up, vite, vite !

La voiture poursuivie marche très lentement, comme si Vassili voulait profiter du soir, de la nuit bleue et froide, si pure ; j’entrevois, sous les lumières, la tête blonde et les cheveux pleins de vent.

Il s’arrête devant un garage ; je règle mon chauffeur, il repart d’un pas souple, élastique ; je le suis ; il ne me voit pas.

Au bord de la Tamise qui roule ses eaux glauques, il arrive enfin devant une maison basse, met une clef dans la serrure et disparaît. Deux grandes baies s’allument, une ombre passe, puis les rideaux fermés me cachent toute autre chose… Je reste là, un long moment… L’insistance que met un policeman à me dévisager m’effraie tout à coup.

Il faut partir ; pourtant j’aurais voulu rester encore un peu, juste le temps de sécher un peu en bas. Il est quatre heures du matin, je rentre, je m’endors presque heureuse ; il me semble que la force de mon amour a tissé un lien invisible entre Vassili et moi.

Naturellement, le lendemain soir me retrouve au Royal ; mais cette fois, je me suis voulue belle.

Je porte une robe Empire qui laisse voir chastement la moitié de mes seins ; elle est retenue à la taille par une tresse lamée et alourdie en bas d’une même torsade.

J’ai tous mes bijoux, des émeraudes que ma mère a consenti à me donner avant mon mariage parce que, m’a-t-elle dit, mes yeux verts les méritent. Mes cheveux sont relevés sur le front et retenus par un diadème très fin.

Je suis maquillée pour la première fois de ma vie ; j’ai l’air d’une jeune mariée et une flamme ardente brille dans mes yeux.

Nonchalamment je me promène ; la foule est moins dense. À mon arrivée, maints regards se fixent sur moi.

— Qui est-ce ? dit une vieille Lady, en m’examinant avec son monocle.

— Je ne sais pas, mais c’est un beau morceau, répond une voix vulgaire d’homme !

Mon cœur bat la chamade. Vassili est là. Je me mets non loin de lui et commande un cocktail.

Alors, ce que j’attendais se produit.

Il me regarde. Et, sous son regard, je sens quelque chose qui fond en moi. Hélas ! il ne m’adresse pas la parole. Je pense que la situation est inextricable.

À ce moment, un cri m’échappe :

— Stasia !…

C’est la blonde princesse qui vient d’entrer au bras d’un garçon calamistré et net. Je l’embrasse joyeusement.

— Oh ! Stasia, j’ai besoin de toi, c’est terrible, je ne sais plus que devenir.

— Qu’y a-t-il, petite fille ? D’abord laisse-moi te dire que tu es ravissante et, ensuite, que si tu as besoin d’argent, tu tombes mal : j’ai joué ce soir et perdu.

— Non, Stasia, je n’ai pas besoin d’argent, mais d’un conseil.

— Bon, je suis à toi ! Je vais expédier Ronnie quelque part ! c’est mon amant pour cette nuit !

— Toujours fidèle à tes principes !

— Toujours, je tiens à être heureuse !

— Moi, ça m’est bien égal d’être heureuse ou de ne pas l’être ; mais j’aime un homme et je le désire.

— Et il ne t’aime pas ?

— Il ne sait même pas que j’existe !

— Dis-le lui ! Grand Dieu ! on peut s’apercevoir de l’existence d’une femme comme toi !

— Mais comment le lui dire ? Je suis folle de lui et je le veux, je le désire, il me le faut ! Je ne sais pas si tu comprends ; c’est tellement insensé qu’une femme désire comme cela.

— Mais non, mais non, ce n’est pas extraordinaire ! On a voulu nous faire croire que c’était les hommes qui nous désiraient et que nous répondions à leur appel. Mais ce n’est pas cela du tout : on peut aussi parler la première et l’homme répondre.

— Oh ! je veux qu’il me réponde vite !

— Bon ! D’abord où est-il ?

— Ici, à ma gauche.

Stasia éclate de rire. Enfin quand elle peut parler, elle me dit :

— Ce grand garçon blond : c’est Vassili Valesky, un de mes compatriotes. Il est loin d’être inaccessible : c’est une des pires « grues » internationales ! Il est beau, et il a un vif succès, tant auprès des hommes qu’auprès des femmes, jeunes ou vieilles. Ce n’est pas ton genre, Florence : laisse tomber !

Je serre les dents :

— Tout m’est égal ; ce serait bien la pire crapule, qu’il me le faudrait encore !

— C’est moche, l’amour, soupire Stasia. Quand veux-tu l’avoir ?

— Le plus vite possible !

— Bon ! je vais acheter un camélia et le lui envoyer pour toi, avec une lettre. Écris :

Voulez-vous m’inviter, chez vous, à prendre une tasse de thé, demain à cinq heures ?… Si vous acceptez, portez cette fleur.

Maintenant, donne-moi deux cents francs.

— Mais, pour quoi faire ?

— Pour les joindre à la lettre.

— Stasia !… ce n’est pas possible que si beau, il fasse ça ?

— C’est justement parce qu’il est beau, qu’il est gigolo… et assez coûteux !… Maintenant, si tu ne veux pas… oublie tout ça !… Il est temps encore !…

— Je ne pourrai pas. Tiens, voici l’argent !

— Maintenant, j’envoie la lettre, sans dire d’où elle vient : c’est beaucoup plus drôle.

— Et s’il n’acceptait pas ?

— Nous trouverions un autre moyen.

Stasia disparaît un moment, puis elle revient souriante.

— Voilà qui est fait ; maintenant regarde sans avoir l’air.

Dans la glace en face de nous, je vois un groom apporter la lettre et le camélia. Vassili la lit, d’un doigt léger, range les billets. Un moment la grosse fleur blanche se balance entre ses doigts ; mon cœur et ma vie s’y balancent aussi. Puis, d’un mouvement nonchalant, il prend le camélia et le met à sa boutonnière.

Il n’a pas un regard sur la salle ; il ne sait pas laquelle des femmes présente vient de l’acheter… peut-être souffre-t-il ?…

Je pose la question à Stasia.

— Tu es idiote ! Non, il est très content ; c’est son métier.

— Alors, tu es sûre que demain…

— Naturellement, petite sotte !…

Pour dire cela, elle se penche… Comme son regard brille… Elle a quelque chose ce soir, Stasia, elle est bien frôleuse, bien toucheuse.

— Descends avec moi !

Je la suis dans une espèce de petit escalier en colimaçon, mystérieux au possible ; je glisse ; elle me retient plus qu’il n’est nécessaire, par les seins, par le tour de taille, etc.

Elle m’entraîne à la toilette :

— Viens, je vais te faire voir quelque chose.

La dame des lavabos nous adresse un sourire bizarre, avec l’air d’avoir l’habitude. L’habitude de quoi ?

Toutes ces histoires m’étonnent un peu ; je commence à trouver que Stasia a choisi un drôle d’endroit pour me faire des confidences ; j’ai envie de remonter et en même temps envie de rester.

Brusquement, elle pousse la porte du petit endroit intime.

— Viens, ne fais pas d’histoires : j’ai envie de toi, ne me fais pas attendre !

Elle ferme le loquet :

— J’ai envie de toi ici, tu comprends ! Cela m’excite, que ça soit ici !

Je suis effarée, ahurie. Mon Dieu, tout le monde va savoir que nous sommes entrées ensemble ! Au dehors, une femme sifflote en se remaquillant.

Nous sommes debout dans l’étroite cabine toute en acajou (c’est beau les cabinets anglais !).

Elle se serre contre moi. Oh ! elle a l’air de savoir ce qu’elle veut ; elle est adroite. Ses mains passent et repassent, tournent sur mes fesses ; sous ma robe.

Cela ne lui suffit pas ; elle m’arrache ma culotte qui glisse et s’arrête à mi-chemin au-dessus du genou ; elle se baisse, me mordille tout à coup sous ma jupe ; je résiste, mais c’est doux.

— Ne fais pas la bête ! écarte-toi !… Ouvre-toi donc !… Ouvre-toi !… Assois-toi là-dessus, cela sera plus commode !…

Là-dessus, c’est l’endroit honteux du…

J’obéis ; ma petite croupe nue pend dans le vide ; cela me fait une drôle d’impression, pas désagréable après tout.

— C’est si amusant de s’isoler comme ça toutes les deux et de se caresser là, bien cachées ! Pendant que les autres, les idiots, n’en savent rien ! pendant qu’ils perdent leur temps ! Et puis, c’est ici qu’elles se déculottent, toutes les jolies petites comme toi, tu comprends ! Tu as réfléchi au nombre de femmes qui baissent leurs culottes ici ? Cela en fait des paires de fesses, ça en fait des croupes rondes, des petites croupes roses et blanches, avec leurs entrées de devant et de derrière. Les petits culs tout nus, juste eux tout nus, tandis que le reste, là-haut, est habillé et imperturbable et sérieux et digne, les petits culs honteux qui font vite, vite ce qu’ils ont à faire en s’accroupissant !…

Sa voix change.

— Fais-moi voir !… Montre un peu !… C’est exprès que tu la caches, vilaine que tu es !… Tu en as une gentille chose sous ta culotte !…

Sa main remonte le long de mon bas, tourne doucement autour de la « gentille chose ». Elle va toucher, elle vient, elle s’en va. Elle est loin, elle approche, elle m’agace, elle promet de toucher et elle ne touche pas.

Quelque chose commence en moi à réclamer… Qu’elle se décide, puisqu’elle a commencé !… J’attends, j’attends et je ne tiens plus debout d’énervement.

Enfin, de cette masse tiède et lourde, de cette main comme du velours qui me frotte, quelque chose se détache pointu et dur. C’est son doigt qui écarte mes lèvres, son doigt qui fait comme un homme, qui… bande en moi, qui entre, qui glisse lentement dedans…

— Touche !… Touche-moi donc, sotte que tu es !…

Je touche les deux beaux globes de ses fesses, la belle paire de fesses qui remplit bien la main ; je touche en haut les deux petites fraises de ses seins. Comme elle est dure partout : dure et douce.

Elle se penche.

— Prends-les dans ta bouche, tourne avec ta langue, tourne autour !…

Et de nouveau, elle se jette sur moi ; elle va vite, elle mord ; elle me frotte des lèvres doucement et fort ; elle me calme et elle m’excite.

J’ai un peu honte d’être mouillée dans sa bouche ; j’ai honte d’une honte qui est bonne.

Je veux me lever ; mais elle me force.

— Reste assise, reste assise sur le siège !

Le mot « siège » me rend folle de honte et de plaisir. Et brusquement, pendant qu’elle me suce, sa main fait le tour et son doigt s’enfonce d’un coup derrière.

— Comme tu es chaude par là !

Je pousse un cri ; elle se relève un peu.

— Tout de même, ne crie pas trop fort, nous ne sommes pas seules !

Elle tend l’oreille.

— Écoute ce qu’elle fait, l’autre, dans le cabinet à côté. Tu entends, on dirait une belle petite source. C’est la Russe, tu sais, celle qui était à côté de nous tout à l’heure au bar, je l’ai vue entrer. C’est amusant, hein, d’être renseignée comme cela et c’est gentil de tout savoir sur les gens ! Elle doit avoir des grosses fesses, tu sais ! Des grosses bonnes fesses ! Elle doit être serrée dans sa ceinture !

Je regarde Stasia, étonnée, un peu choquée ; je suis naïve, je ne suis pas aussi avancée qu’elle, moi !

Elle comprend et se baisse de nouveau, me caresse pour me faire passer ma honte.

Brusquement, elle s’arrête.

— Écoute, je vais te faire quelque chose !

Elle ramasse son sac par terre, en tire un petit objet que je reconnais vite.

— Ne t’effraie pas, tu n’en as peut-être jamais vu, enfant que tu es !

Elle sourit avec infiniment d’indulgence, comme attendrie sur mon ignorance, mais j’ai compris. Je n’en ai jamais vu, mais je devine.

C’est un petit phallus, un petit sexe charmant, attendrissant de garçon de quatorze ans, l’air jeune et mièvre, pas trop nubile.

Elle respire un peu vite. On voit qu’elle a… qu’elle s’est satisfaite.

— Tu vas voir ! Reste sur le siège (de nouveau ce mot qui me donne chaud), c’est bon avec cela.

— Laisse-moi m’asseoir sur toi, ouvre-toi bien !

Elle s’assied sur moi, me prend la main, la pose entre ses jambes. Elle, par-dessous, me touche avec le petit sexe. Ça n’enfonce pas beaucoup, ce n’est pas gros, mais tout de même ça aide.

C’est incommode et bon. Si bon que moi, qui ai entre les doigts cette petite masse de chair et de peau tendre et mouillée, j’ai envie de serrer, de pincer ; je ne résiste pas. Mais j’ai dû y aller un peu fort.

— Desserre ta main, maintenant, tu me fais mal.

Elle râle doucement, je mords son épaule.

Maintenant elle veut… elle veut que je… enfin elle se comprend et ça la met tout à l’envers de se comprendre.

— Fais comme tu fais quand tu es seule. Fais-le, je t’en prie, cela me fera jouir de te voir le faire.

Ma pudeur revient au galop.

C’est drôle ; j’étais déjà bien avancée avec les hommes, mais avec elle, il me semble que je reviens en arrière, que je suis presque vierge. Et cela ne me semble pas du tout désagréable de redevenir vierge pour un instant.

C’est comme cela que c’est le mieux, la pudeur, de temps en temps un quart d’heure, juste pour jouir davantage.

Et de nouveau elle se jette sur moi. Elle va vite, elle mord, elle en prend tantôt beaucoup, tantôt peu entre ses dents, entre ses lèvres.

Elle est pleine de traîtrise et d’imprévu. Elle m’abandonne et elle me reprend, elle me calme et elle m’excite. Je lui serre la tête entre les cuisses.

— Va !… va, comme cela !… continue !… lèche !… enfonce ta langue !… là ! là ! comme cela, plus loin !… suce-moi plus vite, ne t’arrête pas !… ah ! je jouis !…

C’est fini ; elle se lève.

— On pourrait tirer l’eau, hein ? qu’est-ce que tu en penses, cela ferait plus naturel ?

Bizarre femme ! Mais comme elle m’est supérieure ; comme je l’envie ! Elle n’est pas gênée, elle, par ces petits détails terre à terre. Le bruit de la chasse d’eau emplit la cabine.

Par une dernière gaminerie, peut-être pour me faire penser à autre chose, elle relève ses jupes et montre les lèvres bien écartées de son bon endroit.

Nous sortons. Stasia, réaliste, glisse un shilling à la dame des lavabos. La femme de tout à l’heure s’épile maintenant les cils avec une petite pince menue et compliquée.

— Il est très tard : tu ferais mieux de rentrer avec moi, me dit la Princesse, quand nous sommes revenues dans la salle à moitié vide ; Ronnie doit m’attendre à la maison. Si jamais il te plaît, je t’en ferai cadeau !…

— Y penses-tu Stasia, je suis amoureuse !…

— Tu es folle !…