Une femme m’apparut/1905/33

Alphonse Lemerre, éditeur (p. 165-166).


XXXIII


Vers la fin de l’hiver, je m’arrachai à la ville merveilleuse et revins à Paris, avec l’espérance lâche de revoir pour un instant la beauté fuyante de Lorély.

Je ne sus point la retrouver.

… C’était un de ces soirs où Lorély aurait dû venir, un soir de lune et d’étoiles qui eût été beau inexprimablement si elle était venue…

Et je songeai que j’étais semblable à un homme qui s’en retourne d’un pays marécageux, emportant dans ses moelles et dans ses os la fièvre dont, un jour, il devra mourir.

On la cache en soi, sans presque s’en douter, on la ressent à peine, cette fièvre patiente qui sait attendre ses heures… Elle accorde artificieusement un répit illusoire, et l’on s’imagine que l’on n’a plus rien à craindre d’elle. Mais elle ne souffre point qu’on lui échappe. Et, une nuit, on la retrouve à son chevet…

Je retrouvais ainsi la pensée de Lorély, la lancinante, la mortelle pensée de Lorély.

On n’oublie point… On n’oublie jamais…

C’était un de ces soirs où elle aurait dû venir…