Librairie Bloud et Barral (p. 84-97).


VIII

Le lendemain matin, les volets de la chambre de M. Carloman Maudhuy étaient encore fermés lorsque le blessé s’agita sur ses oreillers et dit à la servante qui le gardait :

— Nanette, va prier Mme Trassey de venir me parler.

— Oh ! la commission ne sera pas longue, bonnes gens ! répondit la grosse servante. Je n’ai qu’à la secouer sur son fauteuil.

— Comment ! elle m’a encore veillé cette nuit, malgré ma défense ? reprit le malade un peu courroucé.

Ce dialogue avait éveillé Mme Trassey qui s’était endormie au jour, après s’être assurée que Nanette avait eu son compte de sommeil sur le canapé où elle avait passé la nuit.

Mme Trassey vint près du lit dont elle tira les rideaux de drap vert pendant que Nanette ouvrait les volets et restituait à la chambre son ordre journalier.

— Nous ne sommes pas trop de deux, dit-elle au malade, pour veiller à ce que vous ne manquiez de rien pendant la nuit.

— Mais puisque je me sers moi-même mes potions et que je pourrais appeler au besoin cette grosse endormie de Nanette, je ne conçois pas pourquoi vous vous imposez tant de fatigue. C’est absurde.

— Ne vous animez pas, monsieur Maudhuy, cela vous est mauvais, dit la veuve en souriant. Parlez-moi plutôt de la façon dont vous vous êtes gouverné cette nuit. Vous vous êtes un peu plaint vers deux heures.

— Oui, je m’endormais pour de bon, mais j’avais oublié ma pauvre jambe ; j’ai voulu me retourner et la douleur m’a prouvé que je ne le pouvais pas.

— Ensuite vous avez agité vos bras hors des couvertures. J’ai failli aller vous demander ce qu’il vous fallait, mais j’ai craint d’accroître votre fièvre en vous contrariant par ma présence. Vous souffriez beaucoup, n’est-ce pas ?

— Non, pas plus que d’habitude. Ce qui m’est le plus pénible, c’est de sentir ma jambe engourdie dans cet étui où le docteur l’a fourrée ; les bobos que j’ai partout le corps seraient supportables si j’avais la liberté de mes membres, si je pouvais remuer. Je n’avais pas la fièvre cette nuit ; je ne crois pas, du moins, car mes idées n’étaient pas embrouillées. Je suis certain que je me serais endormi sans ma jambe éclopée. Ce réveil désagréable m’a causé une insomnie pendant laquelle j’ai pensé à ce que je veux faire aujourd’hui. Dites-moi, où est mon neveu ?

— Je ne l’ai pas vu depuis hier au soir ; j’étais déjà dans votre chambre quand il est revenu de chez M. Limet.

— C’est juste… Eh bien, vous me l’amènerez après son déjeuner.

— Vous amener qui ? votre neveu ? dit le docteur Cruzillat qui venait d’entrer dans la chambre du malade. Mais vous me demanderez, je suppose, si je trouve la chose opportune. Je n’ai pas envie que vous compromettiez mon traitement en vous donnant un accès de fièvre chaque jour.

— Bah ! docteur, dit le blessé, pansez-moi, faites votre affaire et laissez-moi traiter les miennes à ma guise.

— Ah ! ah ! fit M. Cruzillat, vous me tenez tête. C’est signe que vous allez déjà mieux. Dès que le caractère reparaît, c’est que la maladie diminue. En effet, voici un bon pouls, et quant à l’œil… — le docteur se penchait sur son malade : — l’œil est bien malin ce matin.

Les premiers moments de l’entrevue entre M. Maudhuy et Charles furent très confus. Le neveu, qui était entré à petits pas et avec une figure de circonstance, fut saisi de trouver le blessé capable de lui rendre l’accolade de la bienvenue. Le buste relevé par ses oreillers, tout blanc dans sa toilette de malade soigneusement faite, le septuagénaire avait bon air et presque bonne mine, et c’est en l’en félicitant que Charles débuta après les premiers propos incohérents qu’ils avaient échangés.

— Oui, lui dit le blessé, s’il y a eu du mal, la peur l’a encore surpassé, mais ce n’est pas à moi de m’en plaindre, puisque je dois à cet accident d’être rapproché de ma famille.

Charles s’embarquant dans l’apologie de la délicatesse de sentiment qui avait dicté sa conduite et celle des siens, M. Maudhuy reprit :

— C’est perdre ses paroles que de raisonner sur les choses passées. Donne-moi plutôt des détails sur ta sœur, sur ta mère.

Le neveu s’empressa de faire les honneurs de sa famille, sans manquer d’ajouter que la discrétion seule avait empêché sa mère et sa sœur de venir avec lui. Mais avec quel empressement elles se mettraient en route si elles pensaient rendre ainsi plus agréable à leur parent le temps de sa convalescence !

M. Carloman Maudhuy toussa, regarda ses mains étendues devant lui, mais n’encouragea point cette ouverture. Il sembla même à Charles que les sourcils broussailleux de son oncle s’étaient un instant rejoints pendant que les coins de ses lèvres s’abaissaient, mais ces signes improbateurs s’effacèrent vite, et le blessé demanda :

— Quel âge a maintenant Cécile ?

— Vingt et un ans dans deux mois, répondit Charles.

— Déjà ! Oh ! comme cela nous repousse loin, cette jeunesse qui grandit sans que nous y prenions garde ! Mais elle est en âge d’être mariée, cette enfant. Parle-moi de ses prétendants.

— Ce sera fait en un mot : Vous devriez savoir, mon oncle, qu’à Paris les plus jolies filles sans dot ne trouvent pas d’épouseurs.

— C’est que vous les cherchez trop haut, et que Cécile est ambitieuse comme sa mère et toi.

— Ah ! mon oncle, vous ne la connaissez pas. Cécile, ambitieuse !… Certes, c’est une bonne créature, mais elle est d’une nullité, d’un enfantillage… Croiriez-vous qu’à vingt et un ans, son seul plaisir, sa seule passion, c’est le jardin qu’elle s’est fait sur notre balcon avec une centaine de pots de fleurs ! Elle ne sait parler que de ses plantes ; elle invente toutes sortes d’engins pour les préserver du vent, du trop grand soleil, et elle manie le terreau avec ses doigts à faire croire qu’elle est née pour cela. Penser au mariage ! Mais elle n’a pas assez de coquetterie pour seulement se demander si elle peut plaire, ni assez d’amour-propre pour se trouver piquée de n’avoir pas le moindre soupirant. Pourvu que ses pittospores fleurissent bien, que ses fougères soient saturées d’arrosage et que ses dattiers, venus de noyaux semés par elle, ne prennent pas la maladie, Cécile se trouve la plus heureuse fille du monde.

— Tiens ! tiens ! tiens ! fit le malade dont la figure s’anima tout à coup.

— Je ne veux pas trop diminuer Cécile à vos yeux, continua Charles. Ma mère assure qu’elle a des qualités de ménagère et je puis ajouter pour ma part que ma sœur a un des plus aimables caractères qu’on puisse souhaiter chez une femme ; mais les mérites modestes ne sont pas de ceux qui attirent les épouseurs.

— Allons donc ! avec ces qualités-là et les 25.000 francs que ta mère peut lui donner sur le peu qui lui est resté de ton père, Cécile est très mariable. Il y a bien des jeunes gens, même à Paris, qui l’épouseraient dans ces conditions-là. De petits négociants, des employés de ministère…, que sais-je ! trouveraient la dot suffisante, surtout étant données les qualités que ta mère attribue à sa fille ; mais vous ne voulez pas vous allier si humblement, vous autres !

— Ce n’est pas cela, répondit Charles en acceptant l’observation avec la déférence la plus soumise, mais on ne trouve à se marier que dans le cercle de ses relations, et, dans les nôtres, tous les jeunes gens ont des prétentions de fortune plus élevée.

— Et parmi tes amis personnels ?

— Ah ! c’est de même.

— Naturellement, fit l’oncle d’un ton bonhomme ; les gens d’argent font de l’argent leur unique visée. Mais, s’il m’en souvient, mon cher ami, tu te promettais de faire fortune dans la banque. Tu pourrais donc aider à l’établissement de ta sœur, en lui abandonnant ta part du petit capital que votre mère vous a destiné. C’est ton chiffre de 25.000 fr. qui me fait penser à te dire cela. Si cette somme n’est rien comme dot à tes yeux, le double doit commencer à représenter quelque chose.

— Vous vous moquez de moi, mon oncle, et je le mérite, pour l’outrecuidance avec laquelle je me promettais autrefois une prompte fortune. L’expérience m’a appris que de rien quelque chose ne saurait venir. Je suis attaché à une fonction où je fais gagner beaucoup d’argent à mon patron et aux clients de sa maison, sans en avoir au bout de l’année rien de plus que mes appointements. J’aurai de quoi vivre tant que j’occuperai cette place, et si je la perdais, j’en retrouverais une équivalente dans une autre maison, voilà l’unique bénéfice de mes efforts, et vous voyez qu’il est tout moral. Je ne suis donc pas à même de faire de la générosité à l’égard de ma sœur. Certes, si la chance me favorisait, je serais heureux d’arrondir la dot de Cécile ; mais, à manœuvrer un petit capital, on ne saurait faire de gros gains.

— Hum ! si j’entends encore ce que parler veut dire, répartit l’oncle, ceci signifie que ta mère a eu la faiblesse de t’abandonner ce qui t’appartient.

Charles entama une explication verbeuse d’où il résultait que ce capital prospérait entre ses mains. Ce n’avait pas été faiblesse, mais preuve de sens de la part de sa mère, que de lui en laisser la libre disposition ; comme argument à l’appui, il donna le chiffre du revenu élevé qu’il avait su tirer en six mois de ses petits fonds.

— Peste ! s’écria le blessé, nous sommes bien naïfs, nous autres paysans, qui tirons de si petites rentes de nos grosses valeurs en terres. Puisque je te tiens là, monsieur le financier, explique-moi un peu ce grimoire de Bourse auquel je ne comprends goutte. Nous sommes parfois embarrassés pour placer nos pauvres sous. Nous craignons de tout perdre en les échangeant contre du papier. Puisque tu es si malin, tu devrais bien débrouiller mon ignorance.

Charles prit son rôle d’initiateur au sérieux, sans se défier du genre d’intérêt que son oncle portait à cette question ; il déploya toute sa science financière, jaugea chaque valeur de Bourse au point de vue de ses garanties et de son aléa, révéla tous les dessous de cartes à lui connus, et détailla les finesses du jeu serré qui permet de spéculer presque à coup sûr.

M. Maudhuy l’écoutait avec attention, se faisait expliquer les termes dont le sens lui échappait, et l’interrompait aussi de temps à autre pour poser quelque objection qui ne servait qu’à ranimer la verve de son neveu. Placé sur son terrain favori, Charles abondait en démonstrations appuyées d’anecdotes en guise d’exemples. Le malade le laissa discourir tant qu’il voulut ; mais quand vint la péroraison par laquelle le jeune homme offrit à M. Maudhuy son concours dévoué pour les placements auxquels il avait été fait allusion, son oncle lui répondit :

— Je te remercie, mon garçon ; je ne dis certes pas un non absolu, mais je ne puis pas dire oui si vite. En résumant ce que tu m’as appris, je trouve que les gains des habiles, à la Bourse, sont faits des razzias opérées sur les naïfs. J’ai besoin de peser en conscience si je puis me donner de plus gros revenus par ce moyen. Je suis de la vieille école, vois-tu, comme en était ton père, quoique homme de finances. La preuve en est qu’il n’a pas prospéré et qu’il a payé ses mauvais calculs de son propre argent, et non de l’argent d’autrui, ainsi que des finauds l’auraient fait à sa place.

Mis en veine d’éloquence, Charles entreprit de réfuter ce préjugé provincial ; M. Maudhuy l’écouta sans l’interrompre cette fois, mais il finit par dire à son neveu :

— Tous ces millions que tu as fait danser en imagination devant moi m’ont ébloui, j’en ai la tête fatiguée ; laisse-moi me reposer quelques minutes ; après nous reprendrons cette conversation.

— Je vais me retirer, répondit Charles. J’ai trop parlé en effet et vous ai fait trop parler pour un malade. Nous avons le temps de causer de ceci et de tout ce qui peut vous intéresser demain et les jours suivants.

Il se levait déjà pour prendre congé quand son oncle lui dit :

— Non, ne quitte pas ma chambre. Je te demande seulement de me laisser fermer les yeux un petit quart d’heure. Nous n’avons pas fini ensemble pour aujourd’hui.

Le malade tourna sa tête du côté du mur et il ne resta plus à Charles pour toute distraction qu’un examen de tout ce qui l’entourait.

L’embellissement de la maison s’était arrêté au rez-de-chaussée. Charles avait trouvé dans la chambre qu’il occupait au premier étage les mêmes meubles qu’il y avait connus autrefois. Il revoyait chez son oncle l’ancien mobilier style premier empire, à moulures en griffes de sphinx et à cuivres prétentieux. Le velours d’Utrecht qui garnissait les chaises à dossiers en lyre et les coussins de plumes du sec canapé était seulement un peu plus rapé qu’autrefois ; ses rosaces d’un vert olive tournaient au noir sur le fond frappé qui jaunissait par contraste ; mais tout était à sa place consacrée par l’usage. Sur la cheminée en bois peint figurant un marbre noir veiné de blanc, la pendule sous globe de verre représentant les trois Horaces jurant sur le faisceau de leurs trois épées ; puis deux vases de porcelaine en forme d’urnes contenant des fleurs artificielles en cire, vases et bouquets protégés par des globes fixés sur un socle en bois noir et entourés d’une chenille rouge ; et entre ces objets destinés à la décoration, deux flambeaux de cuivre, hauts et massifs, à ciselures fines, et de forme redevenue à la mode.

Le bureau à cylindre près de la fenêtre était surmonté d’une quantité de photographies serties dans de petits cadres en passe-partout. Ce musée de famille appendu au mur et dans lequel Charles se retrouva sous la forme d’un bambin de six ans très frisé et orné d’un col de guipure était complet pour trois générations, grâce à l’adjonction de deux daguerréotypes très effacés, dans lesquels Charles finit par reconnaître son grand-père et sa grand’mère Maudhuy : le premier, vêtu d’un habit à haut collet et d’un gilet à dessins cachemire ; la seconde, coiffée du chapeau bressan d’où pendaient des chaînes d’or, et le cou paré du collier d’émaux traditionnel, paraissant dans l’ouverture en cœur d’un châle à ramages.

Au-dessus de ces petits cadres et les dominant autant de leur antiquité que de leur valeur artistique, deux pastels d’assez grande dimension représentaient les Maudhuy de 1750, mari et femme. L’homme, rasé de près, les cheveux retenus en arrière par un nœud de ruban noir surmontant une petite bourse, offrait le type qu’on attribue volontiers aux petits bourgeois du xviiie siècle, affinés par leurs rapports avec la haute société. Son œil largement ouvert regardait droit devant lui avec cette franchise qui ne craint pas de se laisser pénétrer ; sa bouche, très épanouie, était de celles qui ne sauraient mentir, mais où peut éclore aussi aisément une fine épigramme qu’un joli madrigal. Quant au costume, sa teinte sobre, sa coupe modeste, sa garniture de boutons en métal bruni, les manchettes et la cravate de linge, indiquaient que ce Maudhuy ne prétendait pas s’élever au-dessus de sa sphère.

Sa femme, en coiffes plissées et en robe de toile peinte dont les manches arrêtées au coude finissaient par des engageantes en point de Paris, n’avait pour tous bijoux qu’une croix à la Jeannette attachée à un velours noir et surmontée d’un gros cœur d’or ; mais sa physionomie était piquante, avec son petit nez à la Roxelane et la fossette creusée dans sa joue par le sourire, deux traits qui démentaient la dignité un peu raide de sa pose.

Tels qu’ils étaient, ces deux ancêtres ne faisaient pas déshonneur à Charles et il les contemplait avec complaisance lorsqu’il fut interpellé tout à coup par son oncle qu’il croyait encore assoupi.

— Oui, Charles, disait le malade, regarde-les, ces braves gens qui nous ont laissé cette maison et l’exemple de leur sage conduite, peinte sur leurs figures. Depuis eux la famille Maudhuy n’a rien donné qui les valût. J’en excepte mon père qui, en traversant l’orage de la Révolution, a subi là des épreuves inconnues à ses ancêtres. Mais nous autres, nous n’avons pas valu ces anciens-là.

— Ceci est pure modestie en ce qui vous concerne, mon cher oncle, car vous du moins vous êtes resté fidèle à leurs traditions, et j’ai remarqué le soin pieux dont vous avez restauré la création de ces deux Maudhuy.

— J’y ai moins de mérite que tu ne crois, mais laissons cela… Me voici rafraîchi par ces quelques minutes de sommeil. J’ai même eu le temps de penser un peu à toi. Tu me parlais de rester plusieurs jours ici… Tu ne doutes pas du plaisir que j’ai à t’y voir ; mais tu as si vite quitté Paris que tu n’as pu obtenir de ton patron un congé régulier, je le gage.

— Oh ! dit Charles, mon ami intime qui est mon second au bureau s’est chargé de mes excuses et fera ma besogne en mon absence. De plus, j’ai écrit hier d’ici à mon patron.

— Très bien, j’aime à te savoir régulier dans tes démarches. Mais à quoi bon perdre ton temps ici ? Tu m’as vu, tu dois être rassuré sur les suites de mon accident. Tu me ferais un sacrifice en me donnant une semaine ou deux et tu t’ennuierais à périr. Pas de compliment. Entre nous, à quoi bon ? Quelque vieux que je sois, je me rends compte des choses. Je pense donc que tu feras bien d’aller rejoindre à Châlon l’express de demain matin, et voici pour les frais de tout ton voyage.

Charles refusa d’accepter le billet de banque de cinq cents francs que son oncle lui tendait après l’avoir pris sous sa pile d’oreillers.

— Pas de fausse délicatesse, lui dit M. Maudhuy d’un ton qui commandait l’obéissance. Je ne puis pas admettre qu’un voyage fait pour moi coûte quelque chose à mon neveu. Si tu refuses, c’est bon. Si tu acceptes cet argent tout simplement, ainsi que je te l’offre, il me reste quelque chose à te dire.

Charles était trop avide d’apprendre ce que sa soumission pouvait lui faire gagner pour s’obstiner dans son premier refus.

— Le docteur Cruzillat, continua le blessé, m’affirme que je suis au lit pour quatre ou cinq semaines au moins. C’est long pour un homme habitué à la vie active. Il espère qu’après ce temps je pourrai non pas encore aller et venir à mon gré, mais me traîner en bas et au jardin — ceci bien entendu, si rien ne vient compliquer mon mal ; mais je n’y tâcherai pas. Je vais donc être très maussade pendant quatre ou cinq semaines. Il n’y a que cette pauvre Jeanne-Marie Trassey qui puisse avoir la patience d’endurer mes bourrasques. Après ce temps-là, je retournerai à mon naturel qui n’est ni bien gai ni bien charmant, mais qu’on trouve assez sociable en y mettant un peu d’indulgence. Donc si à cette époque ta mère et ta sœur veulent venir s’installer ici pour le reste de l’été, elles me feront grand plaisir. Dis-leur que je les invite très expressément et dans mon seul intérêt… Et maintenant fais-moi tes adieux, mon garçon, car je ne serai pas éveillé demain matin lorsque tu devras partir pour aller prendre l’express à Châlon.