Librairie Bloud et Barral (p. 154-167).


XIII

Le docteur Cruzillat avait remis à la dernière heure, ce jour-là, sa visite quotidienne à son malade ; s’il espérait assister ainsi à l’arrivée des Parisiennes, qui faisait événement à Sennecey, ce plan fut déçu par l’accueil qu’il reçut de M. Maudhuy.

Étendu sur son fauteuil de cuir, près d’une fenêtre du salon, le malade dérouta toutes les tentatives du docteur pour nouer la conversation de manière à paraître s’oublier jusqu’à l’arrivée de la voiture. Après avoir répondu par monosyllabes aux questions touchant à sa santé, il laissa tomber l’un après l’autre tous les sujets de causerie mis en avant, et comme le visiteur se résignait au monologue sans vouloir comprendre le sens de ce mutisme, M. Maudhuy, qui voyait l’heure s’avancer, fit sonner le timbre mis à sa portée et dit à M. Cruzillat :

— Excusez-moi. Je suis fatigué et je voudrais sommeiller quelques instants avant l’arrivée de mes voyageuses.

Mme Trassey entra ; elle ne laissait guère aux servantes le soin de venir s’informer des volontés de M. Maudhuy, sachant par expérience qu’il la ferait appeler en dernier ressort.

— Jeanne-Marie, dit le malade, voulez-vous reconduire M. Cruzillat ?

— Ah ! voilà bien des cérémonies, répartit le docteur. Bonsoir donc, mon cher ami. Je ne vous souhaite pas un bon sommeil. Votre œil, clair à merveille, m’annonce que vous ne dormirez point.

Un quart d’heure après, le timbre sonna plusieurs coups successifs. Mme Trassey s’excusa auprès du docteur qui l’avait tenue jusque-là en conciliabule forcé sur le pas de la porte d’entrée, lui en dehors sur la première marche du perron, elle à demi dans le vestibule. Après avoir pris congé, elle rentra au salon où elle trouva le malade crispé d’impatience.

— Comprenez-vous quelque chose à ce retard ? lui dit-il. Depuis une demi-heure ils devraient être ici. Que peut-il leur être arrivé ?

— Vous vous faites du mal, monsieur Maudhuy, en vous tourmentant ainsi, répondit Mme Trassey, qui énuméra toutes les causes prévoyables de ce retard sans pressentir, ainsi qu’il arrive toujours en cas de conjectures, le véritable motif qui avait attardé les voyageurs sur la route. Mais puisqu’il vous tarde tellement de voir ces dames, je me demande pourquoi vous ne leur avez pas laissé prendre le train de Sennecey. Elles seraient déjà ici.

— J’aimais mieux que Julien allât les chercher à Chalon, répondit M. Maudhuy.

Son accent bref, connu de tout son entourage, indiquait là une volonté arrêtée que son caractère maintenait hors de critique et même de commentaires. Mme Trassey n’insista pas. Le vieillard avait habitué chacun à un respect muet à l’égard de ses décisions. Ce respect n’avait rien de servile, après tout : ce qu’on était apte à juger des volontés du chef de maison étant juste et droit, il en résultait une présomption favorable à l’égard des faits dont le sens échappait.

— Vous avez refermé la porte d’entrée quand j’ai sonné, continua le vieillard d’un ton plus doux. Est-ce que le docteur vous a tenue tout ce grand quart d’heure à causer avec lui ?

— Il est long à prendre congé ; vous connaissez ses manières…

Mais que vous contait-il donc ? Je l’entendais chuchotter d’ici.

— Des choses en l’air, des insignifiances.

— Mais quoi ? Je veux le savoir… J’y tiens.

— Oh ! comme la maladie vous a changé, monsieur, vous qui haïssiez les commérages autrefois !

— Autrefois !… oui, vous avez raison, Jeanne-Marie. Mon principe était alors de faire ce que je croyais bon, et d’en laisser jaser autour de moi sans plus m’en inquiéter que d’un chant de cigale en août.

— Eh bien, monsieur, voilà qui était en rapport avec la dignité de votre caractère et je ne vois pas pourquoi, si ce n’est pour vous distraire de votre désœuvrement, vous vous mettriez à vous informer des futilités débitées autour de vous. Heureusement, votre nièce arrive, elle vous occupera mieux et avec plus d’agrément.

— Vous voulez me faire prendre le change en me jetant sur un autre sujet, Jeanne-Marie : c’est peine perdue ; je veux absolument savoir ce que vous disait M. Cruzillat.

— Il m’adressait des questions auxquelles il m’était impossible de répondre et, prenez garde, monsieur, si vous voulez à toute force que je vous dise quelles questions, je vous les adresserai pour mon propre compte.

Mme Trassey souriait en faisant au vieillard cette menace amicale qu’elle croyait propre à enrayer sa curiosité. C’était une sorte de révolte contre l’ordre établi dans la maison qu’elle annonçait là, et bien qu’elle l’exprimât avec la déférence propre à sa nature paisible, elle la supposait suffisante pour couper court à cet interrogatoire, M. Maudhuy ne supportant jamais l’ombre d’une investigation sur ses faits et gestes.

— Soit, répondit le malade d’un ton de belle humeur. Je vous écoute, Jeanne-Marie.

— Ah ! monsieur, que vous êtes changé !

Ce fut tout ce que sut dire Mme Trassey, stupéfaite de ce résultat.

— Changé ! répondit le vieillard, eh ! sans doute. Vous devez vous en apercevoir, puisque moi-même je le constate. Quand j’étais en bonne santé, je ne m’occupais que de faire prospérer mes biens ; je tirais gloire de mon activité, de mes travaux ; chaque jour m’apportait sa besogne et son profit, et j’allais ainsi sans penser qu’il viendrait un temps où tout serait fini pour moi, où ces terres que j’ai améliorées devraient aller à d’autres. À force de vivre, les gens âgés en oublient l’échéance de la mort et…

— Monsieur, qu’allez-vous penser là ! s’écria Mme Trassey. Le docteur affirme que d’ici à peu de mois vous pourrez vous soutenir sur votre jambe malade, et il vous a répété souvent que vous êtes du bois dont les octogénaires sont faits. Vous avez encore des années devant vous.

— Allons, allons, Jeanne-Marie, dit le vieillard en souriant, vous voulez m’amuser d’espérances ; mais vous êtes trop bonne chrétienne pour nier que de telles réflexions ne soient salutaires à mon âge. Mon accident a été providentiel dans ce sens. Dans mon inaction forcée, j’ai pu réfléchir ; je me suis mis en règle vis-à-vis de moi-même, comme il sied à tout honnête homme qui doit juger sa vie et l’équilibrer de son mieux ; mais il me reste à faire ce que j’avais négligé lorsque je me laissais porter par le courant de l’existence.

Il se tut quelques instants et ajouta sans transition appréciable pour Mme Trassey :

— Par conséquent, j’ai besoin d’apprendre ce que vous disait le docteur.

— Après tout, reprit Mme Trassey, ce n’est pas assez grave pour vous irriter contre M. Cruzillat, et si je refusais de vous le répéter, vous vous figureriez des choses pires. Le docteur s’étonnait que vous eussiez envoyé Julien au-devant de ces dames, après l’avoir éloigné sans motif dès l’arrivée de M. Charles Maudhuy. Il trouvait là une contradiction et me tracassait un peu pour tâcher d’apprendre si je me l’expliquais.

— Comment peut-il savoir que j’ai envoyé Julien à Lyon sans motif ? grommela M. Maudhuy en haussant les épaules.

— Monsieur, les gens sont libres de faire des suppositions d’après les apparences. Si, le lendemain de votre accident, Julien était allé à Lyon pour en ramener le chirurgien que vous avez appelé un mois plus tard seulement, son voyage aurait été explicable ; mais comme Julien n’a pu donner d’autre raison que des motifs d’affaires, le docteur a été en droit de penser que ce n’était là qu’un prétexte, et qu’en réalité vous aviez voulu empêcher votre neveu et mon fils de se voir. Julien a pensé de même, et moi aussi, monsieur. Qu’est-ce que vous craigniez donc entre eux ?

— J’avais la tête très faible, dit le malade, je ne savais encore comment je me tirerais de mon accident ; je voulais éviter les complications et garder la paix autour de moi.

— Mais alors, poursuivit Mme Trassey avec un peu d’hésitation, pourquoi n’avez-vous pas accepté l’offre de Julien qui voulait s’éloigner pendant le mois que les dames Maudhuy vont passer ici ? Julien serait à sa vraie place à la ferme des Trafforts pour y diriger les travaux de la nouvelle bâtisse et surveiller de plus près les moissons. Puisque nous avons le malheur de porter ombrage à vos neveux, il vaudrait mieux leur laisser la place libre… Ne vous emportez pas, monsieur Maudhuy, vous m’ôteriez mon courage à vous parler. Mais vraiment notre situation ici est difficile.

— Pourquoi ? comment ? demanda le vieillard en frappant de ses deux poings amaigris sur les bras de son fauteuil.

— Oh ! monsieur, c’est plus aisé à comprendre qu’à expliquer. Ce n’est pas la faute de vos parents de Paris ; ce n’est pas la nôtre non plus ; mais nous occupons chez vous la place qui leur appartient, et c’est ce qui rendra nos rapports délicats. Voilà pourquoi Julien voulait s’installer aux Trafforts. À l’égard du monde, les travaux à surveiller seraient une raison suffisante. Moi j’irais tenir le ménage de mon fils après être restée ici deux ou trois jours pour apprendre à Mme Maudhuy les habitudes de la maison et le maniement des clefs.

— Ah ! fit le vieillard en tendant l’oreille du côté de la fenêtre entr’ouverte, j’entends venir une voiture… Écoutez mon dernier mot, Jeanne-Marie, et répétez-le à Julien j’ai besoin de vous deux ici, maintenant plus que jamais.

— Pourtant, monsieur…

— N’attendez pas que je vous expose mes raisons. Quoique vous me trouviez changé, je ne le suis pas assez pour vous les expliquer ; mais, tenez-vous pour dit qu’il faut rester… Ah ! c’est bien la jardinière, je reconnais son allure.

Quelques instants après, Cécile était dans les bras de son oncle qui ne se lassait pas de l’embrasser, d’admirer son doux visage et de lui réclamer cet arriéré de caresses dont il était privé depuis huit ans. Après les premiers compliments, Mme Maudhuy avait laissé le rôle principal à sa fille, pour s’être aperçue que Cécile y réussissait.

— Vous devez avoir faim, dit le vieillard après les transports confus qui caractérisent les arrivées. Un petit souper vous attend. Nous-mêmes, nous avons réservé un peu d’appétit pour ne pas vous laisser manger seules.

Mme Trassey alla ouvrir les deux battants de la porte du salon et revint pour rouler le fauteuil du malade, office dont il la laissait s’acquitter habituellement.

— Madame, lui dit Cécile, voulez-vous me permettre de vous suppléer ?

— Non, non, fit l’oncle Carloman, ce n’est l’affaire ni de l’une ni de l’autre de vous. Cécile est trop jeune et Mme Trassey trop frêle pour pousser ce monument de fauteuil. Appelez la grosse Nannette.

— Mais à nous deux ? insista Cécile en souriant à la timide figure de Mme Trassey.

— Non… encore non, répéta le vieillard. Jeanne-Marie, apprenez tout de suite à ma nièce que je suis un vieux têtu et qu’il faut en passer par mes volontés… Eh bien, continua-t-il quand on eut placé son fauteuil devant un des trois couverts dressés sur la table de la salle à manger, tu es capable de ne pas m’en croire moi-même, Cécile, quand je me vante de savoir me faire obéir. Pourquoi n’y a-t-il que trois couverts de mis ? Est-ce que nous ne sommes pas cinq ?

Nannette fut sommée d’aller à la recherche de Mme Trassey qui s’était esquivée. Pendant qu’elle exécutait cet ordre, l’oncle Carloman dit à Mme Maudhuy :

— Je vous prie, ma sœur, de faire quelques frais d’amabilité avec Mme Trassey que je vois tout intimidée en votre présence. Une veuve d’officier vous vaut, comme rang social ; vous ne trouverez donc pas mauvais qu’elle mange avec nous. J’ai été heureux, moi, d’avoir sa compagnie et celle de Julien, lorsque la mort de ma femme m’a laissé seul. Tous deux m’ont rendu la vie, d’abord supportable, puis vraiment bonne, et, en reconnaissance, je ne souffrirais, pour n’importe quel hôte, que Julien et sa mère fussent exclus de ma table.

L’avertissement était catégorique. Mme Maudhuy s’exécuta de bonne grâce dès que Mme Trassey reparut ; mais, tout en remerciant la nouvelle arrivée de ses avances, Jeanne-Marie refusa de prendre place à table. Elle n’avait pas l’appétit ouvert si tard dans la soirée.

— Et Julien qui n’a pris qu’une collation avant de partir pour Châlon, dit l’oncle Carloman en fronçant le sourcil, il n’a pas d’appétit non plus, je gage ?

— Je ne sais pas où Julien a passé, répondit Mme Trassey ; je le cherchais quand vous m’avez fait appeler.

— Il sera allé jusqu’à la remise surveiller la façon dont Jean arrange le cheval. Nannette va l’aller quérir.

— Non, monsieur, la remise est déjà fermée, le cheval pansé. Jean n’a pas vu mon fils depuis le moment où ces dames sont descendues de voiture devant la porte de la grand’rue.

— C’est intolérable ! cria le vieillard en bousculant devant lui les menus ustensiles de son couvert.

Voyant tout à coup en face de lui les yeux noirs de Cécile qui le suppliaient, il poursuivit d’un ton radouci :

— Tu vois, dès la première heure, ma petite, que ton oncle est un vieux grognon. Est-ce que tu as peur de moi ?

— Pas du tout, parce que je suis sûre que cette frayeur vous ferait tort, répondit Cécile.

— Je ne te comprends pas.

— Je gage que Mme Trassey m’entend, reprit Cécile. Vous vous fâchez un peu trop fort pour un convalescent, je l’avoue, mais c’est dans l’intérêt d’autrui, par pure bonté. Voilà ce que je voulais dire. Maintenant, ne vous inquiétez plus pour M. Trassey ; vous le verrez arriver d’ici à peu de temps. Je sais où il est.

— Toi !… Vous ! mademoiselle, s’écrièrent en même temps l’oncle Carloman et Mme Trassey.

— Oui, je le sais, bien qu’il ne me l’ait pas confié. Y a-t-il loin d’ici à la maison de M. Cruzillat ?

— Cinq minutes de chemin, dit Mme Trassey.

— En ce cas, votre fils n’est plus là, madame ; il se trouve en ce moment chez Claude Costet.

— Et d’où connais-tu Claude Costet, toi qui n’es pas venue à Sennecey depuis huit ans ? demanda l’oncle Carloman.

Cécile finissait de raconter la rencontre qui avait retardé l’arrivée à Sennecey lorsque Julien rentra. Il ne se fit pas prier pour prendre place à table ; mais il laissa voir un peu d’émotion lorsque Mme Maudhuy lui apprit que Cécile avait deviné le motif de son absence. Il voulut remercier la jeune fille d’avoir compris sa sollicitude pour le paysan blessé, mais il s’embrouilla dans son action de grâces et se troubla au point de la laisser inachevée.

— Et dire que ce garçon-là se croyait la vocation militaire sur la foi des épaulettes de son père ! s’écria l’oncle Carloman mis en gaieté par cet incident. Cet artilleur manqué prend peur pour un éloge qui lui vient d’une jeune fille.

Ce fut le tour de Cécile d’être embarrassée. Ces derniers mots lui révélaient qu’avoir deviné où était Julien, c’était chez elle une intuition peut-être trop prompte du bon cœur de ce jeune homme. Occupée de son propre trouble, elle ne songea pas à se moquer de celui de Julien, ni même à rire de la saillie de son oncle qui était une épée à deux tranchants, frappant à droite et à gauche avec une égale précision.

— Ah çà ! nous n’allons pas être moroses et garder ainsi le nez dans nos assiettes, reprit M. Maudhuy, mécontent du silence qui s’établissait. Avant que nous passions à des sujets plus gais, donne-nous des nouvelles de Claude Costet, Julien.

— Le docteur l’a pansé devant moi et m’a dit que j’avais été en chirurgie ce que sont les novices en toutes choses, trop zélé. J’ai taillé un peu trop profond ; ce pauvre Claude devra rester au lit une quinzaine pour guérir de mon opération… Voilà le pire avoué, mais il est sauf de tout danger.

— Il n’en est pas moins heureux pour lui que tu aies passé par là quand il était encore temps. J’espère qu’il ne t’en voudra pas pour l’avoir trop radicalement sauvé. Mais quelle idée a eue ce vieux Costet d’aller glaner si loin ? il devrait laisser les glanes à plus pauvre que lui.

— Vous oubliez, mon parrain, dit Julien Trassey, que Claude a donné son petit bien à sa fille, en la mariant. On prétend que le bonhomme n’est pas très bien traité chez son gendre. Il n’est donc pas étonnant qu’il s’ingénie à n’être pas à charge, et à rapporter quelques petits profits au logis.

— Mais, monsieur, s’il a donné son bien, s’écria Cécile. N’eût-il même rien donné, n’est-ce pas le devoir de sa fille, de son gendre, de traiter honorablement ce vieillard ? Ah ! que ces questions d’intérêt sont odieuses ! elles corrompent les sentiments les plus sacrés.

— Il en est ainsi de notre temps, ma petite, dit l’oncle Carloman avec beaucoup de sang-froid. La poussée des appétits matériels est si forte qu’elle culbute à terre tout ce qui la gêne. Claude Costet a été niais d’abandonner de son vivant le coin de terre qu’il possédait. Je lui ai dit alors qu’il ne fait pas bon se déshabiller avant de se coucher ; il ne m’a pas écouté. Mal lui en prend.

— Comment va-t-il être soigné, ce pauvre homme ? dit Cécile.

— Fort bien, car j’y veillerai, mademoiselle, répondit Julien. Le gendre de Claude Costet est un des vignerons de mon parrain. Les conventions faites avec lui sont annuelles ; je le menacerai, au nom de M. Maudhuy, de lui préférer un concurrent pour l’année prochaine s’il ne traite pas son beau-père comme il sied.

— Et c’est en invoquant son intérêt que vous obtiendrez de lui qu’il fasse son devoir ? Ah ! que c’est triste, monsieur ! s’écria Cécile avec l’indignation d’un cœur généreux.

— Raisonne, mon enfant, dit l’oncle Carloman. Si la cupidité est son côté sensible, n’est-ce pas par là qu’il faut l’attaquer ?

La conversation se maintint sur ce sujet que M. Maudhuy se plut à pousser à fond pour faire parler sa nièce, et lorsqu’enfin on dut se séparer en se donnant le bonsoir, il dit à Cécile :

— Sais-tu ce que je découvre ? C’est que tu ne ressembles pas à ton frère, toi.

Mme Maudhuy qui avait gardé toute la soirée une réserve circonspecte voulut savoir ce que signifiait cette dernière remarque, et elle demanda :

— Pour lequel des deux est le compliment ?

— Mais pour tous les deux, répliqua l’oncle Carloman, quoique ce soit à des points de vue très opposés.

Cette réponse n’était guère faite, ni pour éclaircir les doutes de Mme Maudhuy, ni pour laisser entrevoir les sentiments de son beau-frère. Julien fut le seul à se permettre un léger sourire. Il avait compris, il partageait le sentiment de son parrain.