Hetzel (p. 267-276).

CHAPITRE IX

kazonndé.


Le 26 mai, la caravane d’esclaves arrivait à Kazonndé. Cinquante pour cent des prisonniers faits dans cette dernière razzia étaient tombés sur la route. Cependant, l’affaire était encore bonne pour les traitants ; les demandes affluaient, et le prix des esclaves allait monter sur les marchés de l’Afrique.

L’Angola faisait à cette époque un grand commerce de noirs. Les autorités portugaises de Saint-Paul de Loanda ou de Benguela n’auraient pu que difficilement l’entraver, car les convois se dirigeaient vers l’intérieur du continent africain. Les baracons du littoral regorgeaient de prisonniers ; les quelques négriers qui parvenaient à passer entre les croisières de la côte, ne suffisaient pas à les embarquer pour les colonies espagnoles de l’Amérique.

Kazonndé, située à trois cents milles de l’embouchure de la Coanza, est l’un des principaux « lakonis », l’un des plus importants marchés de cette province. Sur sa grande place, la « tchitoka », se traitent les affaires ; là, les esclaves sont exposés et vendus. C’est de ce point que les caravanes rayonnent vers la région des grands lacs.

Kazonndé, comme toutes les grandes villes de l’Afrique centrale, se divise en deux parties distinctes : l’une est le quartier des négociants arabes, portugais ou indigènes, et elle contient leurs baracons ; l’autre est la résidence du roi nègre, quelque féroce ivrogne couronné, qui règne par la terreur et vit des subventions en nature que les traitants ne lui épargnent pas.

À Kazonndé, le quartier commerçant appartenait alors à ce José-Antonio Alvez, dont il avait été question entre Harris et Negoro, simples agents à sa solde. Là était le principal établissement de ce traitant, qui en possédait un second à Bihé et un troisième à Cassange, dans le Benguela, où le lieutenant Cameron allait le rencontrer quelques années plus tard.

Une grande rue centrale, de chaque côté des groupes de maisons, de « tembés » à toitures plates, à murailles de terre crépie, dont la cour carrée sert de parc au bétail, à l’extrémité de la rue la vaste « tchitoka » entourée de baracons, au-dessus de cet ensemble d’habitations quelques énormes banians dont les branches se développent par un mouvement superbe, çà et là de grands palmiers plantés comme des balais, la tête en l’air, sur la poussière des rues, une vingtaine d’oiseaux de proie préposés à la salubrité publique, tel est le quartier marchand de Kazonndé.

Non loin coule le Louhi, rivière dont le cours encore indéterminé est probablement un affluent ou tout au moins un sous-affluent du Congo, tributaire du Zaïre.

La résidence du roi de Kazonndé, qui confine au quartier commerçant, n’est qu’un ramassis de huttes malpropres qui s’étendent sur un espace d’un mille carré. De ces cases, les unes sont libres d’accès, les autres sont enceintes d’une palissade de roseaux ou bordées de figuiers buissonnants. Un clos particulier qu’entoure une haie de papyrus, une trentaine de cases servant de demeures aux esclaves du chef, un groupe de huttes pour ses femmes, un « tembé » plus vaste et plus élevé, à demi enfoui dans les plantations de manioc, telle est la résidence du roi de Kazonndé, un homme de cinquante ans, ayant nom Moini Loungga, et déjà bien déchu de la situation de ses prédécesseurs. Il n’a pas quatre mille soldats, là où les premiers traitants portugais en comptèrent vingt mille, et il ne pourrait plus, comme au bon temps, décréter l’immolation de vingt-cinq à trente esclaves par jour.

Ce roi était, d’ailleurs, un précoce vieillard usé par la débauche, brûlé par les liqueurs fortes, un féroce maniaque, faisant par caprice mutiler ses sujets, ses officiers ou ses ministres, coupant le nez ou les oreilles aux uns, le pied ou la main aux autres, et dont la mort, prochainement attendue, devait être accueillie sans aucun regret.

Un seul homme dans tout Kazonndé devait peut-être perdre à la mort de Moini Loungga. C’était le traitant José-Antonio Alvez, qui s’entendait fort bien avec l’ivrogne dont toute la province reconnaissait l’autorité. Il pouvait craindre après lui, si l’avènement de la première de ses femmes, la reine Moina, était contesté, que les États de Moini Loungga fussent envahis par un compétiteur voisin, un des rois de l’Oukousou. Celui-ci, plus jeune, plus actif, s’était déjà emparé de quelques villages qui relevaient du gouvernement de Kazonndé, et il avait à sa dévotion un autre traitant, rival d’Alvez, ce Tipo-Tipo, noir Arabe de race pure, dont Cameron allait bientôt recevoir la visite à N’yangwé.

Voici d’ailleurs ce qu’était cet Alvez, le véritable souverain sous le règne du nègre abruti dont il avait développé et exploité les vices :

José-Antonio Alvez, déjà avancé en âge, n’était point, comme on pourrait le croire, un « msoungou », c’est-à-dire un homme de race blanche. Il n’avait de portugais que son nom, emprunté sans doute pour les besoins de son commerce. C’était un vrai nègre, bien connu dans ce monde des traitants, et qui s’appelait Kenndélé. Né, en effet, à Donndo, sur les bords de la Coanza, il avait commencé par être simple agent des courtiers d’esclaves, et devait finir en traitant de haute renommée, c’est-à-dire dans la peau d’un vieux coquin qui se disait le plus honnête homme du monde.

C’était cet Alvez que Cameron, vers la fin de 1874, devait rencontrer à Kilemmba, capitale de Kassonngo, chef de l’Ouroua, et qui allait le conduire avec sa caravane jusqu’à son établissement de Bihé, sur un parcours de sept cents milles.

Le convoi d’esclaves, en arrivant à Kazonndé, avait été conduit à la grande place.

On était au 26 }mai. Les calculs de Dick Sand se trouvaient donc justifiés. Le voyage avait duré trente-huit jours depuis le départ du campement établi sur les rives de la Coanza. Cinq semaines des plus épouvantables misères qu’il fût donné à des êtres humains de supporter !

Il était midi lorsque se fit l’entrée à Kazonndé. Les tambours battaient, les cornes de coudou éclataient au milieu des détonations des armes à feu. Les soldats de la caravane déchargeaient leurs fusils en l’air, et les serviteurs d’Antonio-José Alvez répondaient avec entrain. Tous ces bandits étaient heureux de se revoir, après une absence qui avait duré quatre mois. Ils allaient enfin se reposer et regagner le temps perdu dans la débauche et l’ivresse.

Les prisonniers, la plupart à bout de forces, formaient encore un total de deux cent cinquante têtes. Après avoir été poussés en avant comme un troupeau, ils allaient être enfermés dans les baracons, dont les fermiers d’Amérique n’eussent pas voulu pour étables. Là les attendaient douze ou quinze cents autres esclaves qui devaient être exposés le surlendemain au grand marché de Kazonndé. Ces baracons furent remplis avec les esclaves de la caravane. Les lourdes fourches leur avaient été enlevées, mais ils avaient dû garder leurs chaînes.

Les pagazis s’étaient arrêtés sur la place, après avoir déposé leurs charges d’ivoire, dont les négociants de Kazonndé allaient prendre livraison. Puis, payés de quelques yards de calicot ou autre étoffe de plus haut prix, ils retourneraient se joindre à quelque autre caravane.

Le vieux Tom et ses compagnons avaient donc été délivrés de ce carcan qu’ils portaient depuis cinq semaines. Bat et son père venaient enfin de se jeter dans les bras l’un de l’autre. Tous s’étaient serré la main. Mais c’est à peine s’ils osaient parler. Qu’auraient-ils pu se dire qui ne fût une parole de désespoir ? Bat, Actéon, Austin, tous trois vigoureux, faits aux rudes travaux, avaient pu résister aux fatigues ; mais le vieux Tom, affaibli par les privations, était à bout de forces. Encore quelques jours, et son cadavre eût été abandonné, comme celui de la vieille Nan, en pâture aux fauves de la province !

Tous quatre, aussitôt arrivés, avaient été parqués dans un étroit baracon, dont la porte s’était immédiatement refermée sur eux. Là, ils avaient trouvé quelque nourriture, et ils attendaient la visite du traitant près duquel ils voulaient, mais bien inutilement, se prévaloir de leur qualité d’Américains.

Dick Sand, lui, était resté sur la place, sous la surveillance spéciale d’un havildar.

Il était enfin à Kazonndé, où il ne doutait pas que Mrs Weldon, le petit Jack et cousin Bénédict ne l’eussent précédé. Il les avait cherchés des yeux en traversant les divers quartiers de la ville, jusqu’au fond des tembés qui bordaient les rues, sur cette tchitoka qui était presque déserte alors.

Mrs Weldon n’était pas là !

« Ne l’aurait-on pas conduite ici ? se demanda Dick Sand. Mais où serait-elle ? Non ! Hercule n’a pu s’y tromper. D’ailleurs cela devait rentrer dans les secrets desseins d’Harris et Negoro !… Et cependant, eux aussi, je ne les vois pas ?… »

Une poignante anxiété avait saisi Dick Sand. Que Mrs Weldon, retenue prisonnière, lui fût encore cachée, cela s’expliquait. Mais Harris et Negoro, — ce dernier surtout, — devaient avoir hâte de revoir le jeune novice, maintenant en leur pouvoir, ne fût-ce que pour jouir de leur triomphe, pour l’insulter, le torturer, se venger enfin ! De ce qu’ils n’étaient pas là, devait-on conclure qu’ils avaient pris une autre direction, et que Mrs Weldon s’était vue entraîner vers quelque autre point de l’Afrique centrale ? Dût la présence de l’Américain et du Portugais être le signal de son supplice, Dick Sand la désirait impatiemment. Harris et Negoro à Kazonndé, c’eût été pour lui la certitude que Mrs Weldon et son enfant y étaient aussi !

Dick Sand se dit alors que, depuis cette nuit dans laquelle Dingo lui avait apporté le billet d’Hercule, le chien n’avait pas reparu. Une réponse que le jeune novice avait préparée à tout hasard, et dans laquelle il recommandait à Hercule de ne songer qu’à Mrs Weldon, de ne pas la perdre de vue, de la tenir le plus possible au courant de ce qui se passait, cette réponse il n’avait pu la faire parvenir à sa destination. Ce que Dingo avait pu faire une première fois, c’est-à-dire se glisser jusque dans les rangs de la caravane, pourquoi Hercule ne le lui avait-il pas fait tenter une seconde ? Le fidèle animal avait-il succombé dans quelque tentative avortée, ou encore Hercule, continuant à suivre les traces de Mrs Weldon, comme eût fait Dick Sand à sa place, s’était-il enfoncé, suivi de Dingo, dans les profondeurs de ce plateau boisé de l’Afrique, dans l’espoir d’arriver à quelque factorerie de l’intérieur ?

Que pouvait imaginer Dick Sand, si en effet ni Mrs Weldon, ni ses ravisseurs n’étaient là ! Il s’était cru tellement assuré, — à tort peut-être, — qu’il les retrouverait à Kazonndé, que de ne pas les y voir, tout d’abord, lui porta un coup terrible. Il eut là un mouvement de désespoir qu’il ne put maîtriser. Sa vie, si elle ne devait plus être utile à ceux qu’il aimait, n’était bonne à rien, et il n’avait plus qu’à mourir ! Mais, en pensant de la sorte, Dick Sand se méprenait sur son propre caractère ! Sous le coup de ces épreuves, l’enfant s’était fait homme, et le découragement chez lui ne pouvait être qu’un tribut accidentel payé à la nature humaine.

Un formidable concert de fanfares et de cris éclata en ce moment. Soudain Dick Sand, que nous venons de voir affaissé dans la poussière de la tchitoka, se redressa. Tout nouvel incident pouvait le mettre sur les traces de ceux qu’il cherchait. Le désespéré de tout à l’heure ne désespérait déjà plus.

« Alvez ! Alvez ! » ce nom était répété par une foule d’indigènes et de soldats qui envahissaient alors la grande place. L’homme duquel dépendait le sort de tant d’infortunés allait enfin paraître. Il était possible que ses agents, Harris et Negoro, fussent avec lui. Dick Sand était debout, les yeux ouverts, les narines dilatées. Ce jeune novice de quinze ans, les deux traîtres le trouveraient là devant eux, droit, ferme, les regardant bien en face ! Ce ne serait pas le capitaine du Pilgrim qui tremblerait devant l’ancien cuisinier du bord !

Un hamac, sorte de kitanda recouverte d’un mauvais rideau rapiécé, déteint, frangé de loques, parut à l’extrémité de la rue principale. Un vieux nègre en descendit. C’était le traitant José-Antonio Alvez.

Quelques serviteurs l’accompagnaient, faisant force démonstrations.


En même temps qu’Alvez apparaissait son ami Coïmbra.

En même temps qu’Alvez apparaissait son ami Coïmbra, fils du major Coïmbra, de Bihé, et, au dire du lieutenant Cameron, le plus grand chenapan de la province, un être crasseux, débraillé, les yeux éraillés, la chevelure rude et crépue, la face jaune, vêtu d’une chemise en loques et d’une jupe d’herbes. On eût dit une horrible vieille sous son chapeau de paille tout dépenaillé. Ce Coïmbra était le confident, l’âme damnée d’Alvez, un organisateur de razzias, bien digne de commander les bandits du traitant.

Quant à celui-ci, peut-être était-il d’aspect un peu moins sordide que son acolyte sous ses habits de vieux turc au lendemain d’un carnaval ; toutefois il ne donnait pas une haute idée de ces chefs de factorerie qui font la traite en grand.

Au grand désappointement du novice, ni Harris, ni Negoro ne faisaient partie de la suite d’Alvez. Dick Sand devait-il donc renoncer à l’espoir de les retrouver à Kazonndé ?

Cependant, le chef de la caravane, l’Arabe Ibn Hamis, échangeait des poignées de mains avec Alvez et Coïmbra. Il reçut nombre de félicitations. Les cinquante pour cent d’esclaves qui manquaient au compte général amenèrent bien une grimace sur la face d’Alvez ; mais, en somme, l’affaire restait bonne encore. Avec ce que le traitant possédait de marchandise humaine dans ses baracons, il pourrait satisfaire aux demandes de l’intérieur, et troquer ses esclaves contre les dents d’ivoire et ces « hannas » de cuivre, sortes de croix de Saint-André sous la forme desquelles ce métal s’exporte dans le centre de l’Afrique.

Les compliments ne furent pas épargnés aux havildars ; quant aux porteurs, le traitant donna des ordres pour que leur salaire leur fût compté immédiatement.

José-Antonio Alvez et Coïmbra parlaient une sorte de portugais mêlé d’idiome indigène qu’un natif de Lisbonne aurait eu quelque peine à comprendre. Dick Sand n’entendait donc pas ce que ces « négociants » disaient entre eux. Avait-il été question de ses compagnons et de lui, si traîtreusement adjoints au personnel du convoi ? Le jeune novice n’eut plus lieu d’en douter, lorsque, sur un geste de l’Arabe Ibn Hamis, un havildar se dirigea vers le baracon où Tom, Austin, Bat et Actéon avaient été renfermés.

Presque aussitôt, les quatre Américains furent amenés devant Alvez.

Dick Sand s’approcha lentement. Il ne voulait rien perdre de cette scène.

La face d’Antonio-José Alvez s’illumina, quand il vit ces noirs bien découplés, auxquels le repos et une nourriture plus abondante allaient promptement rendre leur vigueur naturelle. Il n’eut qu’un regard de dédain pour le vieux Tom. Son âge lui enlevait du prix ; mais les trois autres se vendraient cher au prochain marché de Kazonndé.

Ce fut alors qu’Alvez retrouva dans ses souvenirs quelques mots d’anglais, que des agents tels que l’Américain Harris avaient pu lui apprendre, et le vieux singe crut devoir souhaiter ironiquement la bienvenue à ses nouveaux esclaves.

Tom comprit ces paroles du traitant ; il s’avança aussitôt, et, montrant ses compagnons et lui :

« Nous sommes des hommes libres ! dit-il. Citoyens des États-Unis ! »

Alvez le comprit sans doute ; il répondit avec une grimace de belle humeur, en hochant la tête : « Oui… oui… Américains ! bienvenus… bienvenus !

— Bienvenus », ajouta Coïmbra.

Le fils du major de Bihé s’avança alors vers Austin, et, comme un marchand qui examine un échantillon, après lui avoir tâté la poitrine, les épaules, il voulut lui faire ouvrir la bouche afin de voir ses dents.

Mais, à ce moment, le señor Coïmbra reçut par la figure le plus magistral coup de poing qu’un fils de major eût jamais attrapé !

Le confident d’Alvez alla rouler à dix pas. Quelques soldats se jetèrent sur Austin, qui allait peut-être payer chèrement ce mouvement de colère.

Alvez les arrêta d’un geste. Il riait, ma foi, de la mésaventure de son ami Coïmbra, qui en était de deux dents sur cinq ou six qui lui restaient !

José-Antonio Alvez n’entendait pas qu’on détériorât sa marchandise. Puis, il était d’un caractère gai, et depuis longtemps il n’avait si bien ri !

Il consola pourtant le tout déconfit Coïmbra, et celui-ci, remis sur pieds, revint prendre sa place près du traitant, tout en adressant un geste de menace à l’audacieux Austin.

En ce moment, Dick Sand, poussé par un havildar, était amené devant Alvez.

Celui-ci, évidemment, savait ce qu’était le jeune novice, d’où il venait, et comment il avait été pris au campement de la Coanza.

Aussi, après l’avoir regardé d’un œil assez méchant :

« Le petit Yankee ! dit-il en mauvais anglais.

— Oui ! Yankee ! répondit Dick Sand. Que veut-on faire de mes compagnons et de moi ?

— Yankee ! Yankee ! Petit Yankee ! » répétait Alvez.

N’avait-il pas compris, ou ne voulait-il pas comprendre la demande qui lui était faite ?

Dick Sand, une seconde fois, posa la question relative à ses compagnons et à lui. Il s’adressa en même temps à Coïmbra, qu’à ses traits, si dégradés qu’ils fussent par l’abus des liqueurs alcooliques, il avait reconnu ne pas être d’origine indigène.

Coïmbra renouvela le geste de menace qu’il avait déjà adressé à Austin et ne répondit pas.

Pendant ce temps, Alvez causait assez vivement avec l’Arabe Ibn Hamis, et de choses, évidemment, qui concernaient Dick Sand et ses amis. Sans doute, on allait les séparer de nouveau, et qui sait si jamais l’occasion d’échanger quelques paroles leur serait encore offerte.

« Mes amis, dit Dick Sand à mi-voix, et comme s’il se fût parlé à lui-même, quelques mots seulement ! J’ai reçu par Dingo un billet d’Hercule. Il a suivi la caravane. Harris et Negoro entraînaient Mrs Weldon, Jack et monsieur Bénédict. Où ? Je ne le sais plus, s’ils ne sont pas ici, à Kazonndé. Patience, courage, soyez prêts à toute occasion. Que Dieu ait enfin pitié de nous !

— Et Nan ? demanda le vieux Tom.

— Nan est morte !

— La première !…

— Et la dernière !… répondit Dick Sand, car nous saurons bien !… »

En ce moment, une main se posa sur son épaule, et il entendit ces paroles prononcées de ce ton aimable qu’il connaissait trop :

« Eh ! voilà mon jeune ami, si je ne me trompe ! Enchanté de le revoir ! »

Dick Sand se retourna.

Harris était devant lui.

« Où est mistress Weldon ? s’écria Dick Sand en marchant sur l’Américain.

— Hélas ! répondit Harris, en affectant une pitié qu’il ne ressentait pas, la pauvre mère ! Comment aurait-elle pu survivre…

— Morte ! s’écria Dick Sand. Et son enfant ?…

— Le pauvre bébé ! répondit Harris sur le même ton, comment de telles fatigues ne l’auraient-elles pas tué !… »

Ainsi, tout ce qu’aimait Dick Sand n’était plus ! Que se passa-t-il en lui ? Un irrésistible mouvement de colère, un besoin de vengeance qu’il lui fallut assouvir à tout prix !


Dick Sand saisit un coutelas et il le lui enfonça dans le cœur.

Dick Sand bondit sur Harris, saisit un coutelas à la ceinture de l’Américain, et il le lui enfonça dans le cœur.

« Malédiction !… » s’écria Harris en tombant.

Harris était mort.