Attribué à Poulet-Malassis. (p. 5-54).
Lettres I à IX.

UN ÉTÉ
À LA CAMPAGNE



LETTRE PREMIÈRE.


Adèle F… à Albertine B…, sous-maîtresse au pensionnat V…, à…, près Paris[1].

Paris, 23 avril 18…


Tu vas m’accuser, bonne petite amie, de négligence ou de paresse, et je t’assure que ce sera bien à tort ; si je n’ai pas répondu à ta dernière lettre, ce n’est vraiment pas ma faute : j’ai eu tant d’occupation !

Figure-toi que mon oncle a été, ce mois-ci, nommé colonel d’un régiment en Algérie, et qu’avant de partir, il a fait à ma tante la surprise d’une charmante maison de campagne, où elle doit passer le temps de son veuvage, — deux ou trois mois au plus, et quel veuvage !… Ce bon oncle nous a expressément ordonné de recevoir beaucoup de monde et de nous amuser le plus possible.

Je te laisse à penser si nous suivons à la lettre les recommandations d’un si aimable tyran !

Aussi, depuis quinze jours, je n’ai pas une minute à moi : des toilettes à acheter, des robes à essayer, mille emplettes à faire, ma tante à accompagner dans toutes ses visites ; dire adieu à ceux-ci, inviter ceux-là à nous venir voir cet été ; ajoute à cela les préparatifs du départ de mon oncle, et tu verras s’il m’est resté beaucoup de temps pour écrire à ma chère Albertine.

Si je ne t’écrivais pas, je pensais bien à toi, va ! Combien je regrettais, toute seule dans ma chambre, toute seule dans mon lit, les douces nuits que nous passions dans les bras l’une de l’autre ! Combien de fois me suis-je éveillée et t’ai-je cherchée à mon côté, pour te demander un plaisir que j’étais réduite, hélas ! à me procurer toute seule !

Et toi, méchante, penses-tu à moi ? Tu m’as sans doute oubliée pour quelque autre… Oh ! si je le savais !… Tiens ! je te dénoncerais à madame, je lui dirais que sa sévère et savante sous-maîtresse, qui enseigne si bien pendant le jour, à ses élèves, les secrets de l’histoire, les finesses de la langue française, les beautés de la littérature, leur apprend encore la nuit… les plus délicieuses choses du monde !

C’est égal, va, depuis deux mois que j’ai quitté la pension, j’ai bien pleuré en pensant à toi ; enfin, il faut se consoler, et j’espère que le séjour de la campagne m’y aidera.

Nous partons dans deux heures, et je n’ai pas voulu quitter Paris sans te dire au moins où je vais ; si tu m’écris la première, adresse-moi ta lettre à B…, par Meulan.

Adieu, mon cher cœur ; j’embrasse mille fois ta jolie bouche rose ; et pense quelquefois à ton

Adèle.


LETTRE DEUXIÈME.


Albertine à Adèle.
Paris, 27 avril 18…

Tu vois, mon Adèle chérie, que je ne te fais pas attendre ma réponse ; je te suppose installée dans ton château, et je t’écris à B… comme tu me l’as recommandé. Tu penses à moi, dis-tu, chère petite ; ah ! je t’assure que tu es payée de retour ! Déjà deux mois de séparation, sans espérance de se rapprocher jamais ! Et moi qui aurais voulu passer ma vie avec toi !

Mon histoire est la tienne ; ces charmants plaisirs que nous goûtions ensemble, il faut maintenant s’en sevrer, ce qui serait bien dur, ou en jouir seule, ce qui leur ôte presque toute leur saveur. Enfin !…

Qu’est-ce que vous dites, mademoiselle ? Si vous saviez que je vous eusse remplacée dans mes affections, vous me dénonceriez à madame ! D’abord, apprenez que madame, et par contre-coup monsieur, sont tellement entichés de moi, que rien de ce que vous pourriez leur dire à ce sujet ne leur ôterait la haute opinion qu’ils ont de mon austère vertu ; ils traiteraient tout bonnement vos dires d’horreurs fabuleuses et de calomnies ; ensuite, vous saurez, méchante rapporteuse, que depuis votre départ, toutes les grandes qui sont restées ou toutes celles qui sont venues sont si laides, si plates, si maigres, si mal bâties ou si déplaisantes, que quand bien même j’aurais osé concevoir la coupable pensée de vous en substituer quelqu’une, j’aurais été obligée, bon gré malgré, d’y renoncer.

Plaisanterie à part, mon beau petit ange adoré, cette idée de te remplacer, je l’ai eue parfaitement. Tu connais mon tempérament et mes principes : l’un me commande impérieusement la jouissance, obtenue n’importe par quel moyen ; quant aux autres, ils ne me laissent à cet endroit aucun scrupule, aucun remords, et si j’avais trouvé un sujet digne de tenir ta place, j’aurais immédiatement tenté sa conquête. Mais je te dirai que, de l’observatoire que je me suis fait pour embrasser d’un seul coup d’œil tout le dortoir, après avoir assisté plusieurs soirs de suite, incognito, au coucher de ces demoiselles, j’ai dû penser que ce n’était pas des filles dont j’étais appelée à faire l’éducation, mais que j’avais bien plutôt sous ma direction un véritable régiment de pincettes.

J’ai donc été forcée de te rester fidèle, et de me contenter, pour tout potage, de ton souvenir, quand j’aurais si bien voulu tenir entre mes bras ta gracieuse petite personne.

Sais-tu, chère Adèle, que tu vas joliment t’ennuyer pendant tout un été loin de Paris ? Et toi qui avais si bonne envie de t’instruire, toi qui me faisais de si drôles de questions auxquelles il m’était impossible de répondre, par la raison assez simple que je n’en sais pas plus que toi, à qui j’ai enseigné toute ma science, sais-tu bien que la campagne, le véritable séjour de l’innocence, dit-on, est un lieu mal choisi pour acquérir les connaissances qui te manquent ?

En tout cas, dis-moi ce que tu y fais et à quoi tu t’occupes ; écris-moi souvent, cela te désennuiera ; moi, si je parviens à te trouver une remplaçante telle quelle, je ne manquerai pas de t’en faire part.

En attendant, pour répondre aux mille baisers que tu m’as généreusement envoyés dans ta dernière lettre, je t’en envoie le double, à répartir moitié sur ta bouche charmante, moitié sur ta divine petite gorge.

À toi.
Albertine.


LETTRE TROISIÈME.


Adèle à Albertine.
B…, 8 mai 18…

Chère Albertine, tu crois que je m’ennuie à la campagne, eh bien ! tu te trompes ; non seulement je ne m’ennuie pas maintenant, — et cela n’a rien d’étonnant, puisque, depuis quinze jours seulement, j’ai quitté Paris, — mais encore je pense que je m’amuserai beaucoup, et que ce prétendu séjour de l’innocence, comme tu l’appelles, ne contribuera pas peu à me faire mordre au fruit de l’arbre de science, dont j’ai un si furieux appétit.

La campagne, d’abord, me plaît, peut-être parce que jusqu’à présent j’ai été enfermée entre quatre murs ; et puis la maison de mon oncle, — je ne dirai pas son château, comme toi, flatteuse, — est vraiment fort agréable, et, de plus, avantage que tu comprendras, renferme une vaste bibliothèque dont je puis user à discrétion, à indiscrétion même, si j’en juge par quelques ouvrages que j’ai parcourus ; pour une liseuse comme moi, ce n’est déjà pas un mince avantage ; aussi, tous les matins, dès six heures, — car il fait ici un temps superbe, — tu pourrais voir ta petite Adèle serpenter à travers les allées du jardin, tenant un livre et s’enivrant d’air pur, de poésie et du parfum des lilas ! Avant de venir à B…, je ne connaissais pas le printemps :


Hôte doux et charmant, frère des fleurs écloses,
Qui fait rougir les fruits et fait ouvrir les roses !


Dis que mes lectures ne me profitent pas : j’en suis déjà aux citations !

Après la lecture, j’ai la musique, dont je raffole, et mon oncle m’a fait la galanterie d’un excellent piano ; et mes dessins, et ma peinture ! Il y a ici une variété infinie de jolis points de vue que je me propose de croquer. Voilà, tu m’avoueras, de quoi chasser l’ennui.

Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit : je t’ai dit tout à l’heure que mon séjour à B… ne serait pas sans utilité pour mon instruction ; je vais m’expliquer : notre jardinier, le père V…, a deux fils et deux filles ; ma tante a amené de Paris un cocher, un domestique, une femme de chambre et une cuisinière ; eh bien ! tout ce monde-là est jeune, pas trop mal tourné, et s’entend déjà au mieux, si j’en juge par ce que j’ai saisi au vol.

Il y a un certain petit bois, au fin fond du jardin, dont les noires profondeurs seront fatales, je le crains, à l’innocence villageoise. Jusqu’à présent, il n’y a peut-être pas grand mal, mais cela ne tardera pas à devenir sérieux, et j’espère bien alors ne rien perdre des détails.

Figure-toi que personne ne se défie de moi ; on me prend pour une enfant. J’ai bientôt dix-huit ans, et c’est à peine si l’on m’en donne quinze ; tu connais mon petit air innocent et réservé : qui ne s’y tromperait ? Toi-même, n’as-tu pas hésité longtemps avant de hasarder une déclaration ? Encore ne t’es-tu risquée qu’en tremblant !

Personne ne se gêne donc devant moi, on me considère comme zéro, et tu penses que je fais tout mon possible pour justifier cette bonne opinion.

Autre chose encore : mes études doivent être singulièrement favorisées par la position du logement que j’occupe. Figure-toi un amour de petite chambre ayant pour dépendances deux jolis cabinets : l’un renferme mon piano et me sert d’atelier ; de l’autre j’ai fait mon cabinet de toilette. Le tout est borné par la chambre à coucher de ma tante d’un côté, et de l’autre par la plus belle chambre de la maison, celle qui se donne aux meilleurs amis ou aux personnes qu’on reçoit avec le plus de considération.

Jusqu’à présent, chère Albertine, tu te demandes en quoi cela peut me faire acquérir les connaissances qui me manquent. Voilà : hier au soir, en furetant partout, je me suis aperçue que, de mon atelier, par une fente presque imperceptible, on voit tout ce qui se passe chez ma tante.

Ce que le hasard avait fait dans mon atelier, j’ai réussi à le pratiquer avec le même bonheur dans mon cabinet de toilette, de façon qu’un second jour, non moins indiscret que le premier, me laisse maîtresse des secrets de la chambre voisine ; et, s’il te plaît, des deux côtés ma vue porte en plein sur les lits : il ne se peut rien passer là que je ne le voie.

Comprends-tu maintenant ? Mon oncle ne restera pas toujours en Algérie, il viendra à B…, et j’aurai bien du malheur, si le mystérieux rideau qui abrite les secrets de son alcôve ne s’écarte pas un tout petit peu en ma faveur ; voilà pour ma gauche ; à droite, j’espère très-fort qu’il se dévoilera aussi quelque friand mystère dont je ferai mon profit.

Ajoute encore à l’avantage de ma position que, mon cabinet et mon atelier fermés, on ne peut rien entendre ni voir de ce qui se passe chez moi. Dans le cas où, pour parfaire mon éducation, il me plairait de passer de la théorie à la pratique, je suis assurée que mes murs ne possèdent ni yeux ni oreilles : tout le monde n’en saurait dire autant.

À tout hasard, j’ai mis de l’huile à mes serrures ; elles sont maintenant d’une discrétion merveilleuse. Je m’habitue à ouvrir, à fermer, à entrer ou sortir de façon à ne pas éveiller les susceptibilités de l’oreille la plus délicate. Viennent les occasions, elles ne m’échapperont pas par ma faute ; tout ce qu’un bon général peut faire pour assurer le succès, je l’ai fait.

Puisque nous sommes munies chacune de notre observatoire, nos confidences vont se multiplier et ne manqueront sûrement ni de variété ni de piquant. Ma tante compte cet été sur de nombreux visiteurs, ainsi attends-toi à une chronique intéressante ; tâche, de ton côté, d’avoir autre chose à regarder que des pincettes ; en vérité, ce serait par trop triste ! Je t’écris précisément aujourd’hui parce que, la nuit passée, j’ai rêvé de toi. Je te donne à deviner ce que j’ai fait en m’éveillant. Si tu devines, fais-en autant, mon cher amour, en pensant à ton

Adèle.




LETTRE QUATRIÈME.


Albertine à Adèle.
Paris, 11 mai 18…

Chère petite Adèle, sans prétendre à la sagacité d’Œdipe, j’ai deviné l’énigme que tu me proposais dans ta dernière lettre, et tu peux être assurée que ta recommandation a été fidèlement suivie.

Je ne saurais trop admirer le bon hasard qui te poste de la façon la plus avantageuse pour être au courant de tout ce qui se passera chez ton oncle. Si j’en crois mes pressentiments, tu vas devenir savante en peu de temps, et cette science que tu acquerras ne saurait manquer de rejaillir un peu sur moi ; je rougis vraiment, moi ton aînée de trois grandes années, d’attendre des leçons d’une morveuse comme toi. Ce n’est pas l’amour de l’étude, l’ardeur au travail qui me manquent, tu en sais quelque chose ; que veux-tu ! c’est l’occasion. Après tout, que peut-on apprendre dans un pensionnat de jeunes filles ? Rien, sinon ce que nous savons si bien toutes deux. C’est quelque chose sans doute, mais que de secrets nous restent encore à découvrir !

Allons, dépêche-toi de devenir savante, et par contre-coup instruis-moi ; j’attends ta prochaine lettre avec impatience. Je me vois forcée de fermer la mienne plus tôt que je ne voudrais ; madame se sent indisposée et me prie de passer chez elle. Adieu, chère petite, songe que je compte sur toi.

Albertine.


LETTRE CINQUIÈME.


Adèle à Albertine.
B…, 15 mai 18…

Il m’a pris fantaisie hier soir, pour étrenner mon observatoire de gauche, — l’atelier, — celui de droite se trouvant en ce moment sans emploi, d’assister au coucher de ma tante, et vraiment je puis dire comme Titus : Je n’ai pas perdu ma journée.

Ma tante, tu l’as vue, est une grande et belle personne de vingt-huit ans environ ; sa figure est des plus agréables, ses dents sont fort belles, et elle a grand soin de les laisser voir ; mais je m’imaginais, à voir les traits un peu anguleux de sa physionomie, ses doigts effilés, ses pieds étroits et allongés, je m’imaginais, dis-je, que la crinoline faisait en grande partie les frais du domaine que mon oncle a seul le droit de parcourir de minuit à neuf heures du matin ; je dis seul, parce que j’ai une idée très-haute de la sagesse de ma tante ; eh bien ! ma chère amie, j’étais dans une erreur profonde, et mon oncle, qui, du reste, adore sa femme, est un mortel infiniment plus fortuné que je ne me le persuadais. C’est, en vérité, une statue de Praxitèle ou de Pradier qui partage son lit !

Ma pauvre tante, ne se doutant guère qu’un œil indiscret était braqué sur elle, procédait aux soins de sa toilette de nuit avec un abandon, un laisser-aller que légitimait la complète solitude dont elle croyait jouir.

Elle délaça d’abord ses bottines, et mit à découvert, pendant cette opération, un mollet dont les belles proportions eussent fait honneur à la Diane chasseresse ; sa robe ôtée, je vis des bras… des bras dignes de remplacer ceux qui manquent à la Vénus de Milo ; le corset ayant bientôt pris le même chemin que la robe, j’aperçus une gorge d’une rigidité marmoréenne. Je ne revenais pas de ma surprise, lorsque la chemise tomba et me laissa tout le loisir d’admirer une taille souple et fine, s’attachant à des hanches d’une magnifique ampleur, puis des cuisses et des jambes d’une rondeur, d’une perfection, d’une pureté de forme à faire rougir d’envie la Velléda du Luxembourg, qui n’est qu’une cagneuse comparée à ma tante.

Celle-ci, du reste, semblait se considérer avec infiniment de plaisir dans l’armoire à glace qui se trouve au pied de son lit, et qui reflétait complaisamment tant de beautés diverses si rarement rassemblées dans la même personne. Elle regrettait sans doute que tous ces charmes fussent pour le moment en vacance, et que mon oncle fût bien loin, occupé à donner la chasse aux Arabes, tandis qu’il eût fait si bonne figure dans le lit moelleux qui se dressait là et qui n’allait recevoir qu’une pauvre solitaire réduite à se repaître de souvenirs.

Je te l’avoue franchement, ce lit excitait ma convoitise ; j’aurais voulu en occuper la moitié ; j’aurais essayé de faire oublier à la belle délaissée les ennuis du veuvage, et je cherchais sérieusement un prétexte qui me permît de pénétrer dans sa chambre, mais la peur de voir mes avances mal accueillies me retint, et, ma foi ! lorsque ma voisine fut couchée et eut éteint sa lumière, je gagnai tout doucement ma couche, et me mis à faire seule ce que j’aurais si volontiers fait avec une autre.

Toi, chère Albertine, tu te serais risquée, n’est-ce pas ? et peut-être le succès t’aurait-il donné raison ; moi, je n’oserai jamais.

Adieu, et à bientôt, si j’entrevois quelque chose de nouveau. Je t’embrasse comme je t’aime.

Adèle.


LETTRE SIXIÈME.


Adèle à Albertine.
B…, 16 mai 18…

Réjouis-toi, chère Albertine, voilà le nouveau demandé, et si tu n’en es pas contente, c’est que tu seras par trop difficile.

Hier, dans la journée, ma tante reçut une lettre d’Afrique qui lui causa une grande joie : son mari se portait bien, et son absence ne devait pas être aussi longue qu’on l’avait cru d’abord.

Elle monta chez elle de bonne heure ; j’en fis autant, n’ayant rien qui me retînt ailleurs, et j’allais me coucher sans songer à mal, lorsque la fantaisie me vint, heureusement, de visiter mon observatoire, faute de quoi je perdais le spectacle le plus curieux qui se puisse imaginer.

Ma tante, en camisole de nuit, assise dans un fauteuil qui me faisait face, éclairée en plein par une lampe posée sur une petite table, était occupée à relire la lettre de son mari.

Cette lettre renfermait, à ce qu’il paraît, des choses bien tendres, car la lectrice avait le visage et le regard fort animés : tout à coup, son œil se ferme, sa tête s’appuie languissamment sur le dossier du fauteuil ; sa main gauche, qui tenait la brûlante épître, la dépose sur la table, tandis que sa droite, tout doucement abaissée, s’empare de la chemise, qu’elle relève d’un mouvement insensible, et cependant assez haut pour me permettre de distinguer dans son entier une toison du plus beau brun, coquettement dessinée, gracieusement frisée, qui m’en rappela sur-le-champ une autre qui ne doit pas t’être tout à fait inconnue ; après quoi, cette scélérate de main, toujours hésitante, tâtonnant, avançant peu à peu, sans avoir l’air d’y entendre malice, se glisse sournoisement entre deux cuisses superbes docilement entr’ouvertes, et là se met décidément à l’œuvre avec activité.

Jusque-là, rien de bien étonnant, me diras-tu ; ma tante pensant à son mari absent, à son mari qu’elle aime, en est réduite à employer le moyen dont nous autres, pauvres filles, nous servons le plus souvent possible pour charmer nos ennuis, en attendant que quelque aimable cavalier veuille bien nous épargner ce soin.

Patience donc ! le surprenant, le voici. Ma tante, qui semblait pourtant fort actionnée, s’arrête comme frappée d’une réflexion subite ; — se doutait-elle qu’elle était épiée ? j’en eus peur un instant, mais il n’en était rien ; — elle se dirige vers son armoire, y prend, dans un tiroir soigneusement fermé, une jolie boîte oblongue, l’ouvre et en tire… comment définir ce qu’elle en tire ?… une sorte d’instrument bizarre, de forme ronde, allongée, que je ne sais, en vérité, à quoi comparer ; elle l’examine, le considère amoureusement, et s’en saisissant, va reprendre la position que je t’ai décrite tout à l’heure ; là, de la main gauche écartant les obstacles, elle maintient avec la droite son singulier partenaire, et, en dépit d’une résistance désespérée, le fait complétement disparaître dans un certain réduit où il se trouve étroitement emprisonné ; une sorte de combat s’engage aussitôt : le nouveau venu, furieux, et abusant de sa position, le traître ! semble s’acharner sur ma malheureuse tante, dont le beau corps s’agite, bondit en soubresauts frénétiques, et qui bientôt, vaincue, s’affaisse sur elle-même ; la honte de sa défaite, sans doute, lui arrache alors de plaintifs gémissements.

Après être restée quelques instants sans mouvement sur son fauteuil, dans une pose qu’il ne doit pas être donné souvent à un peintre de reproduire au naturel, ma tante, revenue enfin à elle, rend la liberté au serpent qu’elle avait eu l’imprudence de réchauffer dans son sein, le dépose sur la table de nuit, se couche et éteint sa bougie.

Je soupçonne qu’elle ne s’endormit pas tout de suite, car, étant restée aux écoutes, j’entendis encore de gros soupirs causés, j’imagine, par l’excentrique remplaçant nocturne du colonel de M… ; ce qui me suggéra l’idée, ne sachant de quelle dénomination gratifier le monsieur en question, de l’appeler mon oncle.

Qu’en dis-tu ? le nom n’est-il pas bien trouvé ?

Que penses-tu de tout ce que j’ai vu ? Quant à moi, sous le coup d’un tel spectacle, je n’ai presque pas fermé l’œil de la nuit, et quand je parvenais à m’assoupir, l’image de mon oncle ne cessait de voltiger au milieu de mes rêves.

Le lendemain matin, ma tante était fraîche comme une rose et semblait enchantée de sa nuit.

Adieu, chère Albertine ; réponds-moi vite, et dis-moi ce que tu penses de tout ceci.

À toi.
Adèle.


LETTRE SEPTIÈME.


Albertine à Adèle.
Paris, 19 mai 18…

Ce que je pense de tout ce que tu me contes dans ta dernière lettre ?… Mais, ma chère petite, à force d’en penser une foule de choses, je finis par n’en plus rien penser du tout. Ce qu’il y a de certain, c’est que j’ai bien ri en me représentant le bijou de ta tante, et que je trouve ravissant le nom dont tu l’as baptisé ; ce qu’il y a de sûr encore, c’est que je donnerais je ne sais quoi pour assister au spectacle que tu vois gratis, tandis que moi j’en ai un si pitoyable sous les yeux, car il n’y a rien de changé dans le personnel que je gouverne.

Ton maudit oncle ne me sort pas de la tête ; éveillée ou endormie, je l’ai sans cesse sous les yeux ; c’est une véritable apparition qui ne me quitte plus. Depuis que tu m’as décrit d’une façon si pittoresque toutes les perfections de ta tante, sais-tu que je n’ose plus jeter les yeux sur moi ; comparez-vous donc à une statue !

Je suis aussi une sincère admiratrice de sa vertu. Jeune comme elle est, belle comme tu me l’as dépeinte, ayant les passions vives, on n’en saurait douter d’après ce que tu as vu, aller s’enfermer dans une solitude, se soustraire aux empressements de nombreux adorateurs, et se contenter, au lieu d’une séduisante réalité, d’une grossière, d’une grotesque imitation de la nature ! N’est-ce pas là de l’héroïsme en fait de fidélité conjugale, et ton oncle — le vrai ! — n’est-il pas un mari privilégié, le plus heureux de tous les maris ? Saura-t-il au moins reconnaître tous ces sacrifices ? Il fera comme les autres : il trouvera cela tout naturel, et ne se gênera probablement guère pour tromper une femme qui apporte tant de soins à se conserver à lui pure et intacte ! Ils sont tous de même, d’ailleurs ; aussi, que jamais je me marie, je te promets bien que l’oncle dont je me servirai en l’absence de mon mari ne se mettra pas sous clef !

Je te disais tout à l’heure qu’il n’y avait rien de changé dans le personnel du pensionnat ; parmi les élèves, non, mais il nous est arrivé depuis quelques jours une nouvelle bonne qui vaut la peine qu’on s’occupe d’elle.

Félicie, sans être précisément jolie, a une physionomie très-remarquable ; elle a vingt-quatre ou vingt-cinq ans, est petite, mince, brune, — c’est une Provençale ; — ses cheveux sont assez beaux ; elle a le nez légèrement busqué ; ses yeux, d’un bleu gris, sont fort grands ; ils ont une expression singulière que ne contribuent pas peu à leur donner le large cercle bistré qui les entoure et d’épais sourcils noirs qui se rejoignent au-dessus du nez ; de fines moustaches ombragent sa lèvre supérieure, tandis qu’un léger duvet brun et serré, qui passerait à la rigueur pour des favoris chez un collégien de dix-huit ans, part des tempes et descend en folâtrant tout le long de ses joues ; quand je t’aurai dit qu’avec cela Félicie a des dents petites et blanches, des mains mignonnes et de jolis pieds, tu conviendras que cette fille-là n’est pas à dédaigner. Ne t’étonne donc pas si j’ai jeté mon dévolu sur elle ; oui, je veux tenter l’aventure ; il ne me manque qu’un prétexte pour commencer les hostilités, je suis en train de le chercher. Je te tiendrai au courant des opérations.

L’indisposition de madame, dont je te parlais dans ma dernière lettre, s’est aggravée et s’est changée en maladie ; voilà huit jours qu’elle garde le lit, et depuis ce temps, je ne suis plus sous-maîtresse, mais bien plutôt maîtresse. Tout est sous ma direction, ce qui est loin de me déplaire, car tu sais que j’aime beaucoup à me faire obéir.

Monsieur est plein d’égards pour moi, et me témoigne beaucoup de déférence.

Adieu ; si tu vois quelque chose du haut de tes observatoires, Anne, ma sœur Anne, ne manque pas de m’en instruire ; quant à moi, tu sais ce que je t’ai promis.

Je t’embrasse bien des fois.

Albertine.


LETTRE HUITIÈME.


Adèle à Albertine.
B…, 22 mai 18…

Notre solitude s’anime, chère Albertine ; il nous est venu du monde de Paris ; B… n’est plus reconnaissable, tout y est sens dessus dessous.

Nous avons d’abord Me J…, une des célébrités du barreau parisien, qui a gagné, il y a près d’un an, un gros procès pour mon oncle. Il est fort riche, dit-on. C’est un tout petit homme d’une quarantaine d’années, à l’air grave, important ; invariablement cravaté de blanc ; il a une grosse voix, de gros yeux, le teint bourgeonné, et possède encore une demi-douzaine de cheveux qu’il ramène précieusement de la nuque sur son front.

C’est lui qui occupe la chambre d’honneur. Il faut avouer que je n’ai pas de chance pour les débuts de mon observatoire de droite, car je n’irai certes pas m’enquérir de ce que fait chez lui le solennel Me J…, et comme il est ici pour un mois, vois un peu quelle lacune dans mes études !

Nous avons deux jeunes mariés de l’année, deux tourtereaux, que j’aurais vivement souhaités pour voisins ; avec ceux-là, du moins, j’aurais été sûre d’apprendre quelque chose. J’ai assez intrigué en leur faveur, mais ma tante s’est montrée inflexible : les droits incontestables de l’avocat lui ont assigné la première place.

Un auteur très-connu, X…, nous honore aussi de sa visite. On dit ses pièces très-spirituelles ; je veux bien le croire ; en tout cas, elles n’ont pas de peine à être plus amusantes que sa conversation. Quel être fatigant et monotone !

Nous attendons d’autres visiteurs. On parle de bals champêtres, d’excursions, de parties nautiques ; nous avons la Seine à deux pas ; on parle aussi de jouer la comédie ; quel bonheur ! mon rêve ! Allons, allons, notre été se passera très-agréablement !

En attendant, nous faisons de la musique le soir ; la jeune dame est bonne musicienne, son mari est aimable et ne manque pas d’esprit, bien qu’il ne soit pas breveté pour cela.

Ce surcroît de monde a nécessité une augmentation dans le personnel servant ; il vient de nous débarquer, ce matin même, une nouvelle recrue, qui, j’imagine, doit faire un frappant contraste avec la Félicie dont tu médites la conquête. Juges-en.

C’est une blonde fille de la Normandie ; elle a dix-huit ans à peine ; elle est plus grande que ma tante, qui cependant, tu te le rappelles, est d’une belle taille de femme. Et quelles formes avec cela ! quel développement ! quelle surabondance de chair !

Et figure-toi que ce corps géant est surmonté d’une tête petite, ronde, rose et joufflue ; l’œil est d’une étonnante limpidité et l’expression de la physionomie est presque enfantine. Une vraie tête de bébé !

Il faut voir les regards de convoitise que les hommes — maîtres et valets — jettent sur cette belle fille ?

Me J… lui-même est sorti de son imperturbable gravité : à l’aspect de l’éblouissante fraîcheur et des plantureux appas de notre jeune Normande, ses gros yeux se sont écarquillés, ils ont brillé comme deux charbons ardents ; son nez, du rouge est passé au cramoisi, et ses six cheveux se sont dressés sur son front.

Je ne sais ce qu’il adviendra de tout ceci, mais je tremble pour la vertu de mademoiselle Rose ; je crois qu’elle aura de rudes assauts à subir. À partir de ce moment, je ne la perds pas de vue ; je suis sûre que dans peu j’aurai quelque chose à t’apprendre.

Quant à toi, chère Albertine, je te souhaite une bonne réussite dans le siége que tu entreprends ; tiens-moi surtout au courant de tes progrès.

À toi.
Adèle.


LETTRE NEUVIÈME.


Albertine à Adèle.
Paris, 26 mai 18…

Eh bien, chère petite, mon siége n’a pas été aussi long tout à fait que celui de la ville de Troie ; je suis maîtresse de la position, et ta place, vacante depuis plus de trois mois, est occupée.

Tu veux des détails, n’est-ce pas ?

Voici comment j’avais disposé mes batteries. Hier, dès le matin, en venant voir madame, dont le mal empire visiblement tous les jours, je m’étais plainte d’une légère indisposition ; à dîner, le mal avait redoublé, comme bien tu penses, sans que je pusse dire précisément où en était le siége ; tantôt c’était la tête, tantôt c’étaient les nerfs ; oh ! les nerfs, les nerfs surtout !

Le soir, je voulus tenir compagnie à madame, comme de coutume, mais je me trouvai bientôt si mal, que monsieur me contraignit d’aller me coucher, affirmant qu’il suffirait près de sa femme, et recommandant à Félicie, dont la chambre n’est pas éloignée de la mienne, de veiller attentivement sur moi.

C’est justement ce que je désirais ; je me levai en soupirant, et d’un pas dolent je me dirigeai vers ma chambre, suivie de ma camerera mayor.

Arrivée là, je me trouvai si accablée, qu’il fallut m’aider à me déshabiller ; pourtant, lorsque je fus dans mon lit et que j’eus pris une tasse de camomille, je me sentis beaucoup mieux, et j’envoyai Félicie prévenir monsieur qu’il ne s’inquiétât pas, que mon indisposition se passait, et que j’étais prise d’une invincible envie de dormir.

Tranquille de ce côté, et la messagère revenue, le mal me reprit subitement ; jusqu’alors indécis, il se porta avec violence sur les nerfs ; je m’agitais, je me tordais les bras.

Félicie, fort embarrassée, parlait d’aller chercher monsieur, quand la crise s’apaisa comme par enchantement ; elle me proposa alors de passer la nuit à côté de moi, et s’installa sur une chaise, à mon chevet.

Au bout d’un quart d’heure de tranquillité, je l’invitai à regagner sa chambre ; elle n’en voulut rien faire, naturellement ; alors, pour tout concilier, je l’engageai à partager mon lit, ce qui lui permettrait, en cas de nouvelle crise, de me venir en aide au plus tôt.

Après s’être un peu fait tirer l’oreille, elle se décida.

Le moment décisif approchait.

Voilà ma Félicie quittant robe, jupon, corset, et moi la lorgnant du coin de l’œil, et découvrant, à mesure que tombaient ses vêtements, des formes extrêmement gracieuses et pures, bien que peu accentuées.

Enfin, elle se mit au lit !

Quand je la sentis près de moi, une sorte de fièvre s’empara de tout mon être ; à force d’avoir joué la malade, je devins presque malade sérieusement ; les désirs violents que j’éprouvais, — depuis huit longs jours, j’observais un jeûne rigoureux dans l’attente de ce bienheureux moment, — la crainte de me voir mal accueillie, l’appréhension d’un scandale, tout cela me donnait si fortement sur le système nerveux, que mes dents claquaient malgré moi, et que j’étais agitée d’un tremblement impossible à réprimer.

Eh bien ! chère Adèle, je n’en jouai mon rôle que plus parfaitement.

Je priai d’abord Félicie d’éteindre la veilleuse, dont la lumière, affirmai-je, m’empêcherait de dormir.

Cette précaution prise, et cinq minutes à peine écoulées, cinq siècles plutôt ! hors d’état de me contenir plus longtemps, je me tourne de son côté en soupirant profondément ; elle me demande si je souffre.

— Horriblement, ma chère ! lui dis-je.

Et m’approchant brusquement, je me jette à son cou, comme pour implorer du secours, et je l’embrasse.

Cette avance n’est pas mal reçue ; au contraire, je crois sentir une étreinte qui répond à la mienne. La bonne fille aurait tout fait pour me soulager !

Enhardie par cette heureuse tentative, et ce premier succès aiguisant mes désirs, toujours gémissant, toujours m’autorisant de mes maudits nerfs, je la serre étroitement, puis je me mets à fureter çà et là, d’une main discrète bien entendu, pour ne pas lui donner l’alarme, et je m’assure que partout une peau fine et douce recouvre un corps frais, souple, charmant.

Ne rencontrant aucun obstacle, me sentant même plutôt attirée que repoussée, je me décide à tenter un grand coup. Je passe mon bras gauche autour de Félicie, j’appuie ma bouche sur la sienne, et contraignant ses genoux à s’écarter, je glisse doucement ma main droite entre deux cuisses satinées, qui, loin de me disputer le passage, semblent bien plutôt aller au devant de mes vœux.

Je touche au but, m’y voilà ! je vais… Tout à coup ma main se retire, et je pousse une exclamation de surprise à laquelle ma Provençale répond par un accès d’hilarité folle.

Je te vois d’ici tout ébahie. Tu te demandes ce qui m’arrête en si beau chemin, pourquoi ces rires, pourquoi cette stupéfaction ? Tu me parlais dernièrement d’une certaine toison de ta connaissance et de la mienne, coquettement dessinée, gracieusement frisée… Ah ! ma chère petite, si cela peut s’appeler une toison, de quel nom désigner alors ce que je venais de toucher ? Je devais avoir, pour le moins, rencontré une forêt, peut-être pas aussi vierge que celles de l’Amérique, mais presque aussi impénétrable. Ou plutôt, non, ne cherchons pas de métaphores impossibles ; c’était bien une toison, une toison véritable, celle-là : touffue, hérissée, mêlée, inculte, rude au toucher : une dépouille de chevreau, semblable à celle que Jacob revêtit pour tromper le bonhomme Isaac, ce qui, soit dit en passant, me porte à penser que la race d’Esaü n’est pas éteinte ; Félicie doit, à coup sûr, descendre en ligne droite de ce patriarche velu et passionné pour les lentilles.

Mais il te faut la fin de l’aventure.

L’accès de Félicie apaisé, moi revenue de mon ébahissement, la malicieuse fille m’avoua que, depuis un grand quart d’heure déjà, elle avait éventé ma ruse et n’était plus la dupe de mes soubresauts nerveux ; elle ne m’en avait pas moins laissé jouer mon rôle jusqu’au bout, curieuse de l’effet que produirait sur moi le contact de l’insolite parure dont elle est décorée. L’événement avait répondu à son attente.

Au souvenir de mon exclamation si naturellement jetée et de mon brusque mouvement de retraite, nous nous mîmes à rire comme deux folles, et l’entente la plus parfaite, la plus cordiale s’établit aussitôt. Félicie prit ma main timide encore, lui servit elle-même de guide à travers d’épais fourrés que je franchis non sans peine, et bientôt me prouva par des transports aussi vifs que fréquemment renouvelés, qu’elle n’était pas moins friande que moi d’un plaisir qui m’avait coûté tant de diplomatie dépensée en pure perte.

Pour tout dire, nous fûmes contentes l’une de l’autre ; la nuit fut consciencieusement employée, et lorsque, le lendemain, monsieur et madame me demandèrent si j’étais remise de mon indisposition, à l’air intéressant que me donnaient mes yeux battus, ma figure fatiguée, ils jugèrent que j’avais dû très-mal dormir, et me plaignirent beaucoup.

Tu vois que je t’ai tenu parole ; telle est, dans tous ses détails, l’histoire de ma nouvelle conquête ; à toi, maintenant.

Au diable soit ton vilain petit avocat ! Il avait bien besoin de venir entraver sottement, dès son début, un cours d’histoire naturelle qui promettait d’être si intéressant ! Heureusement, les ressources ne manquent pas à B…

Adieu, chère petite Adèle, je t’embrasse et t’aime toujours, malgré ma grosse infidélité.


Albertine.

  1. Inutile de dire que nous avons dû remplacer par de simples initiales les noms des personnes, qui toutes, ou presque toutes, vivent encore.