Traité sur les apparitions des esprits/II/17

CHAPITRE XVII.

Revenans dans les pays Septentrionnaux.

THomas Bartholin le fils dans ſon traité intitulé : des cauſes du mépris que les anciens Danois encore gentils faiſoient de la mort, remarque[1] qu’un certain Hordus Iſlandois voyoit les Spectres des yeux du corps, ſe battoit contre eux & leur réſiſtoit. Ces peuples ne doutoient pas, que les Ames des morts ne revinſſent avec leurs corps, qu’ils abandonnoient enſuite, & retournoient dans leurs tombeaux. Bartholin raconte en particulier, qu’un nommé Aſmond fils d’Alfus s’étant fait mettre tout vif dans le même ſépulcre avec ſon ami Aſvite, & y ayant fait porter à manger, en fut tiré quelque tems après tout en ſang, enſuite d’un combat qu’il avoit eu à ſoûtenir contre Aſvite, qui étoit revenu, & l’avoit cruellement aſſailli.

Il rapporte après cela ce que les Poëtes enſeignent de l’évocation des Ames par les forces de la Magie, & du retour de ces Ames dans les corps qui ne ſont pas corrompus, quoique morts depuis long-tems. Il montre que les Juifs ont crû de même, que les Ames revenoient de tems en tems viſiter leurs corps morts pendant la premiere année de leur décès. Il fait voir que les anciens Peuples Septentrionnaux étoient perſuadés que les perſonnes nouvellement décédées apparoiſſoient ſouvent avec leurs corps ; & il en rapporte quelques exemples : il ajoûte qu’on attaquoit ces Spectres dangereux, qui infeſtoient & maltraitoient tous ceux qui avoient des champs aux environs de leurs tombeaux ; qu’on coupa la tête à un nommé Gretter, qui revenoit ainſi. D’autres fois on leur paſſoit un pieu au travers du corps, & on les fichoit ainſi en terre.

Nam ferro ſecui mox caput ejus,
Perfodíque nocens ſtipite corpus
.

D’autres fois on tiroit le corps du tombeau, & on le réduiſoit en cendres ; on en uſa ainſi envers un Spectre nommé Gardus, qu’on croyoit Auteur de toutes les funeſtes Apparitions qui s’étoient faites pendant l’hiver.

  1. Thomas Bartholin, de cauſis contemptûs mortis à Danis, lib. 2. c. 2.