Traité populaire d’agriculture/Plantes alimentaires cultivées pour leurs feuilles

SECTION DEUXIÈME.

Plantes alimentaires cultivées pour leurs feuilles.

Cette section comprend tout d’abord les différentes plantes que l’on cultive pour leur fourrage en même temps qu’elles peuvent être cultivées pour leurs graines.

Nous les avons étudiées dans la section précédente : ce sont le maïs, les lentilles, les pois, etc. Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit, les détails que nous avons déjà donnés.

Cette section ne comprendra donc que les plantes exclusivement cultivées pour leurs feuilles, parmi lesquelles nous n’étudierons que les suivantes : 1o mil ; 2o trèfle rouge ; 3o trèfle blanc ; 4o trèfle hybride ; 5o chou.

I
DU MIL.

Le mil est connu sous le nom de fléole des prés. C’est une plante vivace dont la tige est feuillée ; c’est une graminée que l’on fait entrer dans la formation de toutes les prairies naturelles.

Le mil donne un fourrage d’une excellente qualité, très recherché des bestiaux.

I.Le mil convient aux prairies et aux pâturages de tous les terrains ; aussi le trouve-t-on partout et pour peu que le sol soit fertile, ses produits ne manquent pas. Toutefois le mil préfère les terrains frais pourvu qu’ils soient bien égouttés ; c’est là que ses produits sont les plus abondants.

II.La place du mil, c’est dans la prairie ; nous ne pouvons considérer cette plante comme occupant dans la rotation une place déterminée. Le mil fait ordinairement la base de nos prairies naturelles ; or, les prairies naturelles sont hors de la rotation.

Toutefois, nous pouvons dire que lorsque l’on forme une prairie naturelle par semis, on sème alors le mil dans une céréale.

III.La culture du mil est toute simple. On le sème au printemps sur le sol qui vient de recevoir une céréale. On doit semer après l’enfouissement de la semence de la céréale, parce que le hersage donné à cette dernière, ferait descendre la graine de mil qui est très fine à une trop grande profondeur.

On peut aussi semer après une récolte sur un terrain déchaumé, mais il faut alors donner une bonne fumure en couverture et soustraire ainsi les jeunes plantes aux dangers de la gelée ; une autre condition de succès, c’est d’opérer sur un terrain qui ne reste pas dénudé après les premières neiges de l’automne.

On sème à la volée et on enterre au rouleau. La quantité de semence qu’il faut employer dépend nécessairement du nombre de plantes que l’on associe au mil ; le mil, en effet, ne se cultive pas seul, c’est une des plantes de la prairie naturelle qui doit en contenir beaucoup d’autres.

Le tableau de la page 235 résout le problème.

IV.Le mil se récolte lorsqu’il est en pleine floraison ; comme d’ordinaire, il forme à lui seul une grande partie de la prairie naturelle, c’est sa floraison, qui, arrivée dans le cours du mois de juillet, marque l’époque où l’on doit commencer les travaux de la fenaison.

Dans un terrain propice, et si l’année est favorable, le mil donne jusqu’à 6,000 livres de fourrage sec par arpent, ce qui correspond à 400 bottes de foin.

On peut aussi cultiver le mil spécialement pour sa graine ; avec des soins intelligents, on peut récolter jusqu’à 20 minots de graine de mil par arpent.

II
DU TRÈFLE ROUGE.

I.Le trèfle redoute la sécheresse ; il lui faut donc un sol frais qui puisse lui donner en tout temps une humidité, une fraîcheur bienfaisante.

Quoique sous un climat humide et à l’aide d’une culture soignée, le trèfle puisse venir même dans une terre très sablonneuse, les sols frais, dans la plupart des circonstances, sont les seuls où il réussisse. Il se plaît dans les terrains argileux, ou argilo-calcaires profonds, en bon état d’ameublissement. C’est dans ces derniers, lorsqu’ils sont bien traités, que le trèfle végète avec le plus de force et qu’il acquiert tout son développement.

Le trèfle réussit encore dans un sol sableux, lorsque ce sol est assis sur un sous-sol argileux qui y entretient une humidité suffisante : cette humidité toutefois ne doit pas être stagnante, elle ferait pourrir les racines du trèfle.

En somme, le terrain de prédilection du trèfle rouge sera toujours un sol argileux, un peu compact, profond, bien ameubli, renfermant une certaine proportion de calcaire et à sous-sol perméable.

II.Le trèfle demande un sol profondément ameubli et complètement purgé de mauvaises herbes.

Ces exigences de sa culture indiquent de suite que le trèfle ne peut mieux venir qu’à la suite d’une récolte sarclée ou d’une jachère qui toutes deux ameublissent et nettoient le terrain.

Le trèfle aime d’ailleurs un sol riche pour y prendre à son début un vigoureux développement qui lui permette d’étouffer les mauvaises herbes qui peuvent croître avec lui.

Le trèfle peut donc succéder à n’importe quelle plante qui laisse la terre ameublie, fumée et nette de mauvaises herbes.

D’un autre côté, le trèfle exerce sur certaines plantes qui viennent après lui, une influence remarquable et dont l’action se fait sentir pendant deux ans au moins. Le trèfle, à ce point de vue, est un excellent précédent à la culture du blé, de l’avoine et des pommes de terre.

Il ne se succède pas à lui-même ; il ne peut revenir sur le même terrain qu’à de longs intervalles, tous les sept ou huit ans.

III. — 1o Comme le mil et toutes les autres plantes des prairies, le trèfle est toujours semé dans une autre récolte ; aussi, est-ce pour cette dernière qu’on prépare le sol ; le trèfle en profite toutefois.

2oVoici tout d’abord la composition chimique de cette plante :

Foin. Racines.
Carbone
47,53
 
43,4
Hydrogène
4,69
 
5,3
Oxygène
37,96
 
36,9
Azote
2,06
 
1,8
Substances minérales
7,76
 
12,6
100,00 100,0

Les substances minérales contenues dans 1,000 parties de cendre donnent les chiffres suivants :

Potasse
268
Soude
71
Chaux
372
Magnésie
40
Oxyde de fer et alumine
3
Silice
54
Acide sulfurique
60
Acide phosphorique
86
Chlore
46
1,000

La potasse et la chaux sont donc les substances minérales qui forment la plus forte proportion des cendres, celles par conséquent que réclame la culture du trèfle ; viennent ensuite les phosphates, la soude.

Il faut donc, de préférence, employer les engrais qui sont les plus riches en ces principes minéraux ; ce sont, entre autres, les cendres, la chaux, le noir des raffineries, les os en poudre fine, les engrais liquides, ainsi que tous les autres liquides chargés de substances salines.

Le fumier d’étable ne convient pas, parce qu’il apporte au sol une grande quantité de graines de plantes nuisibles qui ne tardent pas à infester le champ, et dont la croissance diminue d’autant le produit du trèfle. On réserve d’ordinaire le fumier d’étable pour une récolte sarclée dont les nombreuses façons nettoient le sol et le préparent à la culture du trèfle.

Parmi les substances minérales, le plâtre, sans contredit, est celle dont les effets sont les plus satisfaisants ; nous renvoyons le lecteur à ce que nous en avons dit dans le premier livre de ce traité, il y trouvera les détails de son application.

Le chaulage convient très bien à la culture du trèfle, il en est de même de l’emploi de la marne.

Tous ces engrais minéraux sont enfouis dans le sol avant la semaille du trèfle ou répandus sur la plante elle-même, au printemps, lorsqu’elle est sortie de terre.

3oLe trèfle rouge seul se sème à raison de 10 livres par arpent ; mêlé à d’autres graines, le trèfle doit voir sa quantité de semence diminuer proportionnellement à l’augmentation de la quantité numérique des autres graines auxquelles on l’associe.

Nous renvoyons pour ce détail au tableau de la page 338.

Comme le mil, le trèfle se sème le plus ordinairement avec une autre plante, laquelle doit lui servir d’abri, empêcher que le sol ne se durcisse trop sous les ardeurs du soleil, ce qui aurait pour effet de diminuer considérablement le produit du trèfle.

Toutes les plantes ne favorisent pas au même degré la croissance du trèfle ; il y a un choix à faire.

En première ligne viennent le lin, l’orge et le blé ; ce sont, nul doute, les trois plantes qui répondent le mieux aux exigences de la culture du trèfle, qu’on peut aussi semer dans le seigle, le sarrasin, l’avoine, etc. De toutes les céréales, l’avoine est la moins propice.

La graine de trèfle employée à la semence ne doit pas être trop vieille. — Si elle est âgée de cinq à six ans, elle ne germe pas toujours.

Il n’est pas aisé de distinguer une bonne graine d’une mauvaise, d’en connaître l’âge : aussi, vaut-il toujours mieux produire soi-même la graine de trèfle nécessaire à la formation des prairies que de l’acheter du commerce.

Nous avons indiqué la manière de faire cette récolte à la page 332 de ce traité.

On peut toutefois, si les circonstances s’y prêtent, prendre le temps, avant d’acheter la graine, de s’assurer de sa faculté germinative.

On emploie le moyen suivant :

Sur un morceau de flanelle ou de drap qu’on tient constamment humide, on place, disons 100 graines de trèfle. La chaleur et l’humidité provoquent la germination des bonnes graines qu’on sépare alors de celles qui n’ont point germé. En les comparant entre elles, on détermine la valeur relative de la semence que l’on veut acheter ou que l’on veut employer.

La valeur de la semence détermine à son tour la quantité qu’il en faut répandre.

On sème le trèfle au printemps ; à l’automne, les chances de réussite sont considérablement diminuées. La semaille à cette époque est le plus souvent rendue impossible par l’enlèvement tardif des récoltes, par les gelées d’automne qui arrivent fréquemment avant que la terre soit couverte de neige. En pratique, on peut dire que la semaille d’automne doit céder le pas à celle du printemps qui offre toutes les chances de réussite que l’autre n’a point.

Cette semaille se fait immédiatement après celle de la céréale ou quelques jours après.

4oLe trèfle se trouve bien des différents soins d’entretien que nous avons décrits d’une manière générale en parlant des prairies.

Nous pouvons ajouter le plâtrage comme soin additionnel, ainsi que l’emploi d’engrais salins.

Ces deux détails nous sont d’ailleurs connus par l’étude que nous en avons faite dans le premier livre de cet ouvrage.

IV.Le trèfle est utilisé de deux manières :

1ocomme fourrage vert ;

2ocomme fourrage sec.

On l’emploie comme fourrage vert là où l’on adopte le système de stabulation complète, ou bien lorsqu’on le livre à la dépaissance.

De là deux méthodes d’employer le trèfle vert :

a]la consommation à l’étable ;

b]la dépaissance sur place.

L’utilisation du trèfle comme fourrage sec nécessite préalablement les diverses opérations que nous avons décrites à l’article de la fenaison.

Le rendement du trèfle est en moyenne de 200 à 300 bottes, ou 3,000 à 4,500 livres par arpent.

III
DU TRÈFLE BLANC.

Cette espèce est facile à reconnaître par ses fleurs blanches. C’est une plante vivace, dont les nombreuses tiges sont rampantes, ce qui lui fait donner le nom de trèfle rampant.

I.Comparé au trèfle rouge, le trèfle blanc est d’une culture plus facile ; il a moins d’exigences que le premier. Plus rustique, il se contente d’une terre moins riche et moins humide ; il réussit même sur des terrains qui ne conviennent pas au trèfle rouge. En somme, on peut dire qu’il vient bien dans la plupart des terrains.

Il a toutefois, à l’exemple de la presque totalité des plantes, un sol de prédilection, une terre où ses produits atteignent le degré le plus haut : c’est le sol de consistance moyenne.

II.Le trèfle blanc occupe dans la rotation la même place que le trèfle rouge, c’est-à-dire qu’il vient après une céréale succédant elle-même à une jachère ou à une récolte sarclée.

III. — 1o La préparation du sol est faite en vue de la culture de la céréale dans laquelle on sème le trèfle blanc.

2oLe trèfle blanc réduit en cendres, et ainsi soumis à l’analyse, offre la composition suivante, qui est celle de ses éléments minéraux :

Potasse
342
Soude
66
Chaux
266
Magnésie
33
Oxyde de fer et alumine
5
Silice
171
Acide sulfurique
39
Acide phosphorique
56
Chlore
22
1,000

La composition du trèfle blanc se rapproche beaucoup de celle du trèfle rouge, aussi peut-on ajouter que les mêmes amendements et les mêmes engrais qui conviennent à ce dernier sont ceux qui conviennent aussi à la culture du trèfle rampant.

3oCe que nous avons dit de l’époque de la semaille, de la céréale dans laquelle elle se pratique, de l’essai de la graine que l’on veut semer, lorsque nous avons parlé du trèfle rouge, trouve ici son application. Il n’y a que la quantité de semence qui n’est pas la même ; elle ne doit pas être aussi considérable. Employé seul, le trèfle blanc se sème à raison de 6 à 8 livres, en moyenne, par arpent.

4oLes soins d’entretien sont ceux que réclament les prairies ou les pâturages, suivant que l’on destine le trèfle blanc à être fauché ou pâturé.

IV.Comme le trèfle rouge, le trèfle rampant peut être utilisé de deux manières :

1oen fourrage vert ;

2oen fourrage sec.

La méthode la plus généralement employée consiste à faire pâturer le trèfle ; elle est soumise aux règles que nous avons énoncées dans l’article consacré à l’étude des pâturages, à leur dépaissance.

La conversion du trèfle blanc en fourrage sec est une opération assez difficile, surtout dans l’exécution du fauchage ; il ne faut pas oublier en effet que cette plante est rampante.

Toutefois, lorsque sa végétation est vigoureuse, ses tiges ne trouvant plus sur la surface du sol l’espace nécessaire à leur développement, prennent une autre direction : elles poussent verticalement et atteignent souvent une longueur de 12 à 15 pouces. Le fauchage est alors rendu plus facile.

On obtient du trèfle blanc un produit aussi abondant que celui du trèfle rouge.

IV
DU TRÈFLE HYBRIDE.

Le trèfle hybride est connu aussi sous le nom de trèfle de Suède, trèfle Alsike.

Cette plante diffère du trèfle blanc par une tige plus élevée et plus forte, qui n’est jamais rampante, et par des fleurs toujours rosées.

Ce trèfle mérite certainement, et à un très haut degré, l’attention de nos cultivateurs.

De tous les trèfles, c’est peut-être celui qui donne la plus grande masse d’un fourrage très nourrissant. C’est du moins ce qu’indique sa composition chimique. Il est en effet plus riche en matières azotées, contribue par conséquent plus puissamment à la formation de la viande dans l’animal.

Voici d’ailleurs l’analyse comparée du trèfle hybride et du trèfle rouge, que Gustave Heuzé nous donne dans son livre « les Plantes fourragères. »

Trèfle
hybride.
Trèfle
rouge.
Matières azotées
4,82
 
2,81
Matières non azotées
16,45
 
14,02
Matières minérales
2,06
 
1,40
Eau
76,67
 
81,68
100,00 100,00

Ce qui est d’un avantage incontestable, c’est que le trèfle hybride vient dans les sols où les autres trèfles ne réussissent point ; il préfère, en effet, les terres compactes, froides et humides.

Or, ces terres ne sont pas rares. Le trèfle hybride doit donc être cultivé, et cultivé d’autant plus que lui seul donne des produits abondants là où les autres plantes ne peuvent pas même vivre.

Des essais ont été tentés et permettent de soutenir que sa culture réussit parfaitement sous notre climat ; que cette culture se propage et la production fourragère, ce nœud vital de notre agriculture, aura fait une précieuse conquête.

Même culture que celle du trèfle rouge, en réduisant toutefois la semence à la quantité de 4 à 5 livres par arpent.

Le trèfle hybride s’égrène très aisément ; pour peu qu’on retarde le fauchage de cette plante dès qu’elle est mûre, on facilite d’autant sa reproduction sur le terrain.

V
DU CHOU.

Le chou est une plante bisannuelle, c’est-à-dire qu’il parcourt toutes les phases de sa végétation dans l’espace de deux ans.

On distingue deux variétés de choux : le chou branchu et le chou pominé.

Toutes deux sont employées comme fourrage.

Le chou branchu a une tige dépourvue de pomme et qui s’élève de quatre à six pieds. Elle se garnit de feuilles dans toute son étendue.

Le chou pommé au contraire a des tiges beaucoup moins hautes ; ses feuilles, plus larges, se réunissent en forme de pomme arrondie.

I.Les choux aiment les climats humides, les terres argileuses, profondes, fraîches mais non trop humides ; des sols légers sous un ciel brumeux leur conviennent de même que les argiles compactes sous un climat chaud.

II.Le chou demande des binages et des buttages ; c’est une plante sarclée ; elle ouvre la rotation. Les exigences de sa culture placent d’ailleurs le chou en tête de l’assolement, puisqu’il demande un terrain profondément ameubli et copieusement fumé. Les céréales succèdent d’ordinaire au chou.

Le chou peut aussi se succéder à lui-même pendant deux ou trois ans, mais il demande alors une culture bien entendue.

III. — 1o Le sol, avons-nous dit, doit être profondément ameubli ; il lui faut donc, à l’automne, un labour profond de dix pouces ; au printemps, une quinzaine de jours avant la plantation, on donne un second labour moins profond, que l’on fait suivre d’un hersage et d’un roulage, destinés tous deux à pulvériser les mottes de terre ; enfin, au moment de la plantation, on trace les sillons à l’aide du buttoir.

2oLes feuilles du chou contiennent d’après Girardin :

Eau
92,3
Matières sèches
7,7
100,0

Dans l’état normal, ces feuilles renferment 0,20 pour 100 d’azote ; elles en contiennent 3,70 à l’état sec.

Muller nous donne les chiffres suivants que lui a fournis une analyse faite sur 1,000 parties de cendre, contenant les substances minérales :

Potasse
213,4
Soude
53,6
Chaux
146,3
Magnésie
118,6
Oxyde de fer
28,4
Acide phosphorique
418,8
Acide sulfurique
7,7
Silice
13,2
1,000,0

Les choux contiennent une forte proportion de phosphates, ainsi que de potasse et de chaux ; il faut donc que le sol qui les produit soit riche en sels alcalins et calcaires.

Dans les sols non calcaires, il faut chauler ou marner.

Les choux demandent une fumure abondante qu’on leur applique, si c’est possible, moitié lors du labour d’automne, moitié lors du labour du printemps. Si l’on ne dispose pas de la quantité d’engrais nécessaire, on ne répand alors le fumier qu’en une seule fois et dans les sillons ouverts par le buttoir à l’époque de la plantation des choux.

Le fumier de moutons est celui qui convient le mieux à la culture du chou.

3oLes choux sont cultivés en pépinière, c’est là qu’on les sème et lorsque les jeunes plants ont acquis un développement convenable, on les transplante ; cette dernière opération est connue sous le nom de repiquage.

Le semis des choux se fait en pépinière.

La pépinière reçoit une culture à part.

Disons d’abord que ce doit être un terrain très riche et très frais ; on lui donne en étendue le dixième de la surface que doivent occuper les jeunes plants après le repiquage.

Le terrain choisi, on lui donne un premier labour : c’est un labour de défoncement, profond de 21 pouces, que l’on ne renouvelle que plus tard, lorsque l’on s’aperçoit que les plantes languissent dans leur végétation. Tous les ans, après l’enlèvement des plants, la pépinière doit recevoir deux bons labours à l’automne et une abondante fumure. Au printemps, aussitôt que la saison le permet, on herse le terrain et on le divise en planches de trois pieds, séparées par de petits sentiers.

On répand alors la semence à la volée, à raison de trois onces par arpent ; on la recouvre au râteau.

Le semis en pépinière doit être fait aussitôt que possible, c’est la première condition pour pratiquer le repiquage de bonne heure.

Il faut aussi une bonne graine, et le moyen le plus simple de se la procurer telle c’est de la récolter soi-même, ce qui est des plus faciles. Le chou étant une plante bisannuelle, ne donne sa graine que la deuxième année ; on la recueille dès que la plus grande partie des siliques qui la renferment commencent à blanchir.

4oAussitôt que la plante est sortie de terre, elle est envahie par l’altise, insecte connu de nos cultivateurs sous le nom de puceron.

L’altise s’attaque aux feuilles tendres qui apparaissent les premières et peut détruire en peu de temps toute une pépinière de choux. Il faut donc lui faire la guerre.

« La machine de guerre qui m’a le mieux réussi, ou pour mieux dire, qui m’a seule réussi, dit M. Jules Rieffel, ce sont les cendres non lessivées. Il faut se servir de ces cendres comme moyen mécanique de protéger la jeune plante, en résistant à la troupe vorace des altises. Chaque matin, au point du jour, où les cotylédons (les jeunes feuilles) sont couverts de rosée, il faut saupoudrer de ces cendres toutes les feuilles. Il ne s’agit pas simplement de répandre les cendres à la volée, c’est à pas comptés, et par pincées, que les feuilles doivent les recevoir, de manière que les cendres s’y attachent et couvrent chacune entièrement. De cette manière elles adhèrent assez fortement aux feuilles pour y demeurer un jour entier, quelquefois deux jours, et pendant tout ce temps il est matériellement impossible aux altises d’entamer la moindre parcelle de ces feuilles ainsi cuirassées. On les voit sauter de tous côtés sans s’arrêter nulle part et probablement elles périssent dans tout le désespoir de la faim, car elles disparaissent entièrement après un certain temps. On conçoit que pour la complète réussite de ce moyen, il est indispensable que la plante soit constamment couverte de cendres, jusqu’à ce qu’elle ait atteint sa quatrième feuille. Cette couverture ne nuit aucunement à la végétation qui poursuit son cours comme si elle ne la portait pas. S’il survient de la pluie, le lavage des feuilles n’est pas à redouter. Aussi longtemps que la pluie dure, les altises ne font aucun mal. Mais après qu’elle a cessé, au premier rayon du soleil l’ennemi reparaît en forces. On se hâtera de répandre des cendres, à moins que le jour ne soit déjà avancé. Dans ce dernier cas, on remettrait l’opération au point du jour du lendemain. »

Les choux ont un autre ennemi très dangereux dans un petit papillon blanc qu’on appelle le piéride du chou ; ce papillon donne naissance à des chenilles d’un vert bleuâtre, finement velues, rayées de jaune et parsemées de points noirs. Ce sont ces chenilles, provenant des œufs déposés par les papillons, qui font tant de ravages aux choux, et qui, dans ces dernières années, sont venues en si grand nombre, que la culture du chou devenait impossible dans certaines localités.

Heureusement, depuis deux ou trois ans leur nombre semble diminuer et nous promettre par là même un succès plus assuré dans la culture du chou.

En pépinière, le chou doit recevoir des sarclages aussi souvent que l’exige la croissance des mauvaises herbes.

On recommande aussi fortement d’éclaircir la pépinière, afin de donner aux plants que l’on conserve l’espace nécessaire à leur développement.

Cet espace doit être environ de 3/4 de pouce.

On éclaircit dès que les plants du chou sont assez longs pour pouvoir être saisis par la main.

La transplantation ou le repiquage a lieu lorsque les plants ont acquis un développement qui leur permette de résister aux circonstances moins favorables dans lesquelles ils vont se trouver placés.

On attend en général que les choux aient une tige de la grosseur d’une plume d’oie.

Au moment du repiquage, on trace, comme nous l’avons dit, à l’aide du buttoir, des sillons, qu’on sépare les uns des autres par un intervalle de deux pieds. Si la terre n’a pas été fumée, on doit alors répandre l’engrais suivant la méthode que nous avons indiquée en parlant de la culture du maïs. Pour enterrer le fumier, on fait passer le buttoir dans le centre des billons formés en premier lieu. Dans sa marche, le buttoir déverse la terre à droite et à gauche, sur le fumier, et lorsque cette opération est terminée, le sol présente le même aspect qu’auparavant, il n’y a de différence que là où s’élève maintenant un billon, s’ouvrait un sillon, et que le sillon actuel se creuse à l’endroit même où s’élevait le billon.

Quand le sol est ainsi disposé on aplatit tous les billons en faisant passer sur le champ un léger rouleau d’une longueur suffisante pour opérer sur quatre billons à la fois.

Le sol préparé à recevoir les plants, on procède au repiquage, choisissant pour cela, autant que possible, un temps couvert, un jour qui promette une pluie prochaine.

Voici comment on opère :

« Pour cela, dit l’enseignement de la Gazette des campagnes, trois personnes sont nécessaires si l’on veut que la besogne marche bon train. Toutes trois se mettent sur une même ligne. La première reçoit les plants aussitôt qu’ils sont arrachés de la pépinière, elle les prépare à être transplantés, en coupant l’extrémité de leur racine pour que celle-ci ne se courbe pas dans le trou du plantoir, après quoi, elle couche chaque plant à l’endroit qu’il doit occuper sur la ligne. La seconde personne relève le plant de la main gauche, tandis que de la main droite armée d’un plantoir, elle fait un trou dans la terre ; dans ce trou elle introduit la racine du plant sans la courber. Pendant le court moment que cette dernière personne met à retirer son plantoir et à placer le plant dans le trou, la troisième, placée en face de la précédente, tenant au bras un panier plein d’un engrais en poudre convenable, jette dans le trou une pincée de cet engrais qui arrive au fond en même temps que le plant. Enfin, la seconde personne, toujours avec son plantoir, pratique un trou à côté du plant et par un tour de main tout particulier, fixe en terre le bout de la racine et son collet. »

« Il y a, dit un praticien, tout un art dans ce dernier coup de plantoir… c’est de lui que dépend la réussite de la récolte… Il faut, dans cet exercice, que la pointe du plantoir arrive instinctivement à la pointe de la racine du plant et que celle-ci éprouve alors une pression de la terre du fond, en même temps que par un revers de la main, la même pression se fait sentir au collet de la plante. Par cette double manœuvre le plant est si bien enveloppé de terre qu’il est à l’abri de l’air ambiant et il ne tarde pas à prendre racine. »

Trois personnes agissant de concert comme il vient d’être décrit, peuvent, dans une journée transplanter 9,000 plants de chou.

Un autre mode de repiquage consiste à substituer à l’emploi du plantoir celui de la pioche ; on creuse alors des fosses d’une profondeur quelquefois assez considérable pour que la racine du plant n’y soit pas repliée sur elle-même ; ce mode est plus coûteux que le premier parce qu’il est plus lent. On y a cependant recours lorsque les plants ont acquis une trop grande longueur, ce qui arrive, si l’on se trouve obligé de retarder, pour une cause ou pour l’autre, l’époque du repiquage.

Bien entendu, les plants sont repiqués sur l’arête aplatie du billon. On plante en quinconce, c’est-à-dire que les plants sont disposés comme les carreaux d’un damier ; on réserve un espace de deux à trois pieds entre les plants d’une même ligne. Le lendemain du repiquage, on arrose les plants avec de l’eau ou encore mieux avec un engrais liquide ; cet arrosage facilite beaucoup leur reprise.

Dès que les plants sont repris on donne de suite un premier binage, avec la houe à cheval, entre les lignes. Il a pour effet d’ameublir le sol durci par le piétinement des ouvriers pendant le repiquage. Trois semaines après, on donne un second binage entre les lignes avec la houe à cheval et, cette fois, entre les plants d’une même ligne avec la houe à main (gratte). On donne un troisième binage si la réapparition des plantes nuisibles le nécessite. On termine enfin par un buttage que l’on donne lorsque les choux ont atteint à peu près le tiers de leur grosseur.

IV.La récolte des choux branchus se fait comme celle du tabac. Elle commence dès que les feuilles inférieures prennent une teinte jaunâtre. On fait alors une première cueillette, enlevant tout d’abord ces feuilles inférieures qui ont acquis leur entier développement et dont le changement de couleur trahit la maturité.

Ces feuilles sont livrées à la consommation du bétail.

On continue la récolte, en cueillant quelques jours plus tard, les feuilles suivantes, au fur et à mesure qu’elles parviennent à leur maturité. Enfin, on coupe la tige rez de terre, on la divise en quatre dans le sens de sa longueur et on la donne au bétail pour qui elle est un excellent fourrage.

Les choux pommés, les seuls que l’on cultive généralement en ce pays, doivent se récolter aussi tard que possible, sans toutefois les exposer à être endommagés par les gelées.

Les choux donnent en moyenne un rendement de 25,000 livres par arpent.