Traité populaire d’agriculture/Plantes alimentaires cultivées pour leurs fruits

SECTION PREMIÈRE.

Plantes alimentaires cultivées pour leurs fruits.

Nous bornerons notre étude aux suivantes :

1o blé ; 2o orge ; 3o avoine ; 4o seigle ; 5o maïs ; 6o sarrasin ; 7o fèves ; 8o pois ; 9o lentilles ; 10o vesces.

Les cinq premières plantes ci-dessus nommées appartiennent à la famille des graminées, les quatre dernières à celle des légumineuses ; le sarrasin fait partie de la famille des polygonées.

Les plantes appartenant à la famille des graminées, celles du moins que nous venons d’énumérer, sont plus généralement connues sous le nom vulgaire de céréales. Ce sont des plantes herbacées dont la tige est un chaume, c’est-à-dire qu’elle est cylindrique, fistuleuse, entrecoupée de nœuds solides, de chacun desquels part une feuille engainante, dont la gaine est fendue longitudinalement et offre à son point de jonction avec les feuilles une petite languette qu’on appelle ligule.

La famille des légumineuses, l’une des plus nombreuses du règne végétal, doit son principal caractère à la nature du fruit qui, dans toutes les espèces, est une gousse ou un légume.

C’est de là que lui vient son nom.

Dans l’usage ordinaire, on emploie ce mot de légume pour indiquer les plantes potagères en général, comme les pois, les choux, les carottes ; mais, à proprement parler, il ne convient qu’aux plantes dont les fleurs sont en papillon et dont les graines se trouvent renfermées entre deux cloisons. Tels sont les pois, les fèves, les lentilles, etc.

Ces quelques explications doivent suffire pour nous faire distinguer les plantes graminées des plantes légumineuses.

I
DU BLÉ.

Nous allons, de suite, indiquer la marche que nous suivrons dans l’étude de chacune des plantes que nous allons successivement passer en revue.

I.Le climat et le sol ;

II.La place dans la rotation des cultures ;

III.La culture, qui comprend :

1ola préparation du sol,
2oles amendements et engrais,
3ola semaille et
4oles soins d’entretien.

IV.La récolte et le rendement.


Le blé est, sans contredit, la plus importante des céréales ; c’est celle qui, sous le moindre volume, contient le plus de substances nutritives.

Il existe un grand nombre de variétés de blé ; nous n’entreprendrons pas de les énumérer. D’ailleurs, elles se rapportent toutes à deux grandes classes : les blés tendres et les blés durs qu’on distingue encore en second lieu en blés barbus et en blés sans barbes, ou, en troisième lieu, en blés d’automne et en blés du printemps.

I.Quoique le blé s’accommode des climats les plus variés et que sa culture réussisse dans presque toutes les contrées où l’homme a pu s’établir, l’expérience démontre toutefois que c’est dans les climats tempérés qu’il donne ses produits les plus abondants.

Sous notre climat, le blé réussit parfaitement.

Si le blé s’accommode bien de la plupart des climats, il est loin de se plaire dans toutes les terres : il viendra plutôt dans une argile excessivement tenace, pourvu qu’elle soit bien travaillée et bien égouttée, que dans un sol trop léger et surtout trop sec. Il supporte assez volontiers un sable humide ; il vient bien dans une terre d’alluvion ; mais là surtout où il prospère et donne ses plus beaux produits, c’est dans une terre franche, modérément calcaire, où l’un des éléments argileux et siliceux ne prédomine pas aux dépens de l’autre.

Le blé a besoin d’une humidité convenable pour faciliter sa nutrition et la formation de l’épi ; mais il demande aussi que le sol lui fournisse les éléments minéraux qui entrent dans la composition de ses organes.

II.La culture du blé réussit mieux après certaines récoltes qu’après d’autres ; il convient donc de lui trouver dans la rotation des cultures la place qui lui permettra de donner une plus abondante récolte.

Les mauvaises herbes sont toujours favorisées dans leur croissance par la culture des céréales en général et par celle du blé en particulier.

On ne devra donc pas cultiver le blé sur un champ qui vient de donner une autre céréale, parce qu’alors son produit sera considérablement diminué par les plantes nuisibles qui pousseront d’autant plus en abondance que leurs racines se seront développées dans la récolte précédente.

Pour la même raison, le blé ne devra pas se succéder à lui-même. On évite aussi de semer le blé sur un champ récemment fumé, parce que le fumier apporte à la terre une trop grande quantité de mauvaises graines dont le développement est ensuite favorisé par la culture du blé.

Le blé réussit très bien après une récolte sarclée ; la terre est alors bien ameublie et surtout complètement purgée par les binages des mauvaises herbes que la fumure du sol y a fait croître.

Le blé réussit encore après la culture des légumineuses fumées et coupées en vert. Enfin, on sème le blé sur jachère, c’est-à-dire, sur une surface qui a été privée de récolte pendant une année et qui a reçu pendant ce temps de nombreuses façons destinées à ameublir profondément le sol tout en le purgeant des mauvaises herbes.

III. — 1o Quant à la préparation du sol pour la culture, il est facile de comprendre que les terres légères n’exigent ni les mêmes façons ni en aussi grand nombre que les terres fortes.

Tout dépend donc de la nature du sol, de ses qualités et de l’assolement adopté.

Une terre meuble et riche, voilà ce qu’il faut au blé : des engrais et des labours, voilà donc la condition du succès.

Il faut ici agir avec discernement, donner les engrais à la récolte qui précède, autant que cela se peut et n’ameublir le sol qu’à un degré convenable.

Des labours trop nombreux seraient nuisibles dans une terre légère ; elle serait trop ameublie et les tiges de la plante reposeraient sur un sol trop mouvant.

Un sol meuble à la profondeur de sept à neuf pouces est celui qui convient le mieux.

Un bon labour d’automne réussit bien à préparer la terre ; les gelées l’ameublissent parfaitement et les couches inférieures ont le temps de s’affermir avant l’ensemencement de la surface. Au printemps, on donne un coup de scarificateur ou un hersage énergique.

2oPour connaître les engrais et les amendements qui agissent le plus efficacement sur la production du blé, il faut, ou procéder par tâtonnements, essayant tantôt telle substance, tantôt telle autre, jusqu’à ce qu’une expérience quelquefois coûteuse nous donne la solution du problème, ou connaître immédiatement la composition du sol d’un côté, et de l’autre, celle du blé, afin d’établir nettement quels sont les amendements nécessaires, les engrais les plus propres à la production de cette céréale.

Voici la proportion des substances minérales qui entrent dans la composition du blé.

L’analyse est supposée avoir été faite sur 1,000 parties de cendres.

Nous l’empruntons de Johnston.

Graine. Paille.
Potasse
237
 
125
Soude
91
 
2
Chaux
28
 
67
Magnésie
120
 
39
Oxyde de fer et d’alumine
7
 
13
Acide phosphorique
500
 
31
Acide sulfurique
3
 
58
Silice
12
 
654
Chlore
2
 
11
1,000 1,000

Si maintenant nous examinons le blé au point de vue de sa composition générale, nous lui trouverons les principes immédiats suivants et dans la proportion indiquée :

Blé dur. Blé tendre.
Amidon
58,42
 
76,00
Matières azotées
22,75
 
12,00
Dextrine
9,50
 
6,00
Matières grasses
2,61
 
1,57
Cellulose
3,50
 
2,31
Matières minérales
3,22
 
2,12
100,00 100,00

Comme on le voit, les principes minéraux qui dominent dans la composition du blé sont la silice, la potasse, l’acide phosphorique, la chaux et la magnésie. Les silicates et les phosphates alcalins et terreux nous donnent ces substances.

Il faut donc que le terrain contienne ces principes soit naturellement, soit par l’addition d’amendements ou d’engrais appropriés.

Dans une bonne culture, on applique les engrais organiques à la plante sarclée qui précède le blé : il faut alors une forte fumure, parce que le blé ne profite que de la portion d’engrais qui n’a pas été consommée par la première récolte.

Quant aux engrais minéraux ou aux amendements, tels que les os, les cendres, la chaux, la marne, on peut les appliquer directement au blé lui-même.

3oOn sème le blé jusqu’au commencement de juin. L’époque des semailles, la nature du sol, le mode d’ensemencement, le climat sont autant de circonstances qui font varier la quantité de semences qu’il faut employer.

On peut dire que, terme moyen, cette quantité est de un minot et demi, mesure française, par arpent, lorsqu’on sème le blé au commencement de mai.

4oLe roulage, le rigolage, le hersage, le sarclage, sont autant d’opérations qui conviennent à la culture du blé. Nous les avons décrites dans la culture générale, lorsque nous avons parlé des soins d’entretien à donner aux champs labourés.

IV.Le blé destiné à la panification doit être récolté plus à bonne heure que celui que l’on recueille pour les semailles.

On coupe le premier aussitôt que la paille commence à prendre une couleur jaune et que le grain a acquis assez de consistance pour que l’ongle s’y imprime sans le couper ; on laisse au contraire acquérir toute leur maturité aux blés qui doivent fournir les semences pour l’année suivante.

De toutes les céréales, le blé est celle qui exige peut-être le plus d’attention lors de sa récolte ; une pratique louable consiste à le mettre en veillottes ou quintaux.

Comme le froment passe pour la céréale par excellence, on le cultive non seulement dans les terres qui lui conviennent spécialement, mais encore dans toutes celles où l’on espère en tirer un produit médiocre auquel on ne demande que de payer les frais qu’occasionne la culture. Aussi n’est-il pas de récolte dont le produit soit plus variable. Il s’élève à quarante-cinq minots par arpent dans une bonne terre franche bien cultivée : c’est son produit le plus élevé ; son produit moyen est de douze minots par arpent. Le poids du minot est d’environ 60 livres.

II
DE L’ORGE.

I.Ce qui rend l’orge très précieuse, c’est sa végétation rapide ; elle en atteint le terme en peu de mois ; aussi ses chances de réussite sont-elles très nombreuses, même sous les climats les plus ingrats.

Ayant une racine très fine et très étendue et produisant une quantité considérable de grains très farineux, l’orge demande un sol à la fois très ameubli et très riche ; c’est pour cette raison que l’orge aime tant les terres calcaires et marneuses qui sont naturellement poreuses et faciles à pulvériser et dans lesquelles les engrais se décomposent très facilement. Et, en effet, on remarque partout que, dans des terres de ce genre, l’orge donne un produit plus considérable que dans les terrains glaiseux et argileux.

Les terrains légers, sablonneux, sont moins favorables à la culture de l’orge, parce que rarement ils sont assez riches en substances nutritives ; les terres fortes, trop tenaces, sont aussi défavorables en ce qu’elles opposent trop de résistance au développement des racines.

L’orge, dans tous les cas, redoute l’humidité.

Mais on peut, en variant l’époque de son ensemencement, livrer à sa culture un plus grand nombre de terrains. Ainsi, les terrains secs peuvent être ensemencés de bonne heure ; dans les sols compacts et humides, on devra au contraire retarder la semaille de quelques jours, de quelques semaines, afin de permettre un plus parfait dessèchement du sol.

II.L’orge réussit ordinairement très bien après la culture des récoltes sarclées qui laissent le sol riche et meuble ; elle tient d’ailleurs la même place que le blé dans la rotation des cultures et peut succéder également aux mêmes récoltes.

III. — 1o L’orge veut un terrain parfaitement ameubli et exempt de mauvaises herbes ; ces dernières lui sont funestes plus qu’à toute autre céréale. Le terrain, pour cette plante, doit donc être préparé avec le plus grand soin. Il faut donc que les labours soient exécutés en temps convenable et que les hersages et les roulages soient faits avec soin.

2oVoici la composition suivante :

Amidon
66,43
Matières azotées
12,96
Dextrine
10,00
Matières grasses
2,76
Cellulose ou tissu végétal
4,75
Matières minérales
3,10
100,00

Les matières minérales sont dans la proportion suivante, dans la graine et dans la paille.

L’analyse de la graine a été faite par Kœchlin, celle de la paille par Sprengel, chacune sur 1,000 parties de cendres :

Graine. Paille.
Potasse
137
 
34,3
Soude
67
 
9,2
Chaux
22
 
105,6
Magnésie
86
 
14,3
Oxyde de fer
11
 
30,5
Acide phosphorique
389
 
14,4
Acide sulfurique
12
 
22,5
Silice
276
 
755,5
Chlore
0
 
13,7
1,000 1,000,0

La connaissance de la composition chimique du sol, comparée à celle de l’orge, nous indique quels sont les amendements et les engrais qui conviennent à la culture de cette céréale.

Les amendements calcaires et alcalins, les engrais organiques riches en sels et surtout les fumiers bien consommés, sont ceux qu’on doit préférer. Il ne faut pas toutefois les prodiguer, car l’orge est disposée dans ce cas à prendre une vigueur de végétation qui se porte sur la tige et les feuilles au préjudice du grain. Les labours valent encore mieux pour l’orge que les fumiers trop abondants.

3oOn sème l’orge jusqu’à la fin de juin.

Comme pour toute espèce de grain, la quantité de semence varie suivant les sols, leur degré d’ameublissement, l’époque des semailles, le mode d’ensemencement. Cette quantité varie de un minot et quart à deux minots.

L’orge demande à être enterrée plus profondément que le blé ; aussi, dans un sol parfaitement ameubli, dans une terre légère, on peut semer cette céréale sous raie, l’enterrer par un labour superficiel de trois pouces.

4oSi la terre se durcit à sa surface avant la sortie des plantes, il est bon alors de donner un hersage qui brise la croûte formée.

Les autres soins sont les mêmes que ceux des champs labourés.

IV.L’orge s’égrène très facilement ; aussi faut-il la récolter lorsque sa paille est encore jaune, avant qu’elle blanchisse ; cette époque est généralement indiquée par le fait que les épis d’une pièce d’orge commencent à faire le crochet aussitôt qu’ils sont assez mûrs pour pouvoir être récoltés.

Le rendement de l’orge varie de quinze à quarante minots par arpent ; la moyenne du rendement est de 25 minots par arpent.

La paille d’orge, bien récoltée, passe, parmi les pailles des céréales, pour la plus riche en principes nutritifs. Dans quelques localités, on l’estime comme bien supérieure à celle d’avoine elle-même.

Un minot d’orge pèse environ 48 lbs.

III
DE L’AVOINE.

L’avoine est la plus rustique des céréales. Rarement employée à la nourriture de l’homme, si ce n’est sous forme de gruau, elle est universellement utilisée dans l’alimentation du bétail.

On en cultive plusieurs variétés qui peuvent se réduire aux suivantes : l’avoine noire, variété très bonne et très productive, ayant le grain noir, renflé, et la paille grosse ; l’avoine blanche, qui a produit les sous-variétés d’avoines grise, jaune, brune, et parmi lesquelles l’avoine de Géorgie, de Norvège et celle hâtive de Sibérie sont les plus productives ; le grain en est blanc, gros, à écorce un peu épaisse ; la paille haute et forte ; l’avoine à grappe ou de Hongrie, dont le grain est maigre et léger, et qui est tardive, dure à battre, mais très productive en grain et en paille.

I.Généralement les avoines se plaisent dans les terres à froment, c’est-à-dire d’une consistance moyenne et plutôt fortes que légères ; l’avoine à grappe s’accommode mieux que les autres d’une terre légère.

L’avoine est loin d’être cultivée avec les soins et l’attention que l’on consacre aux autres récoltes de céréales, et cela tient à ce préjugé pernicieux, assez généralement répandu, que les plus mauvais terrains sont encore assez bons pour l’avoine. Celle-ci, cependant, demande un terrain doux, bien ameubli, et passablement riche, si l’on veut qu’à l’exemple des autres céréales, elle tire du sol les substances nécessaires au développement de son grain.

Preuve frappante que toutes les espèces de sol ne lui conviennent pas, c’est que sur les terres où domine le sable, son grain est peu farineux, sa balle dure et sèche ; sur les terrains calcaires et arides, le grain est plus petit encore quoique plus farineux.

Dans les terres arides et sèches, ou trop calcaires, cette céréale ne donne qu’un faible produit.

Ces terrains exceptés, l’avoine s’accommode de tous les sols ; elle ne donne néanmoins de produits considérables que lorsqu’on la sème, sous un climat plutôt humide que sec, dans un terrain plutôt fort que léger, bien préparé, bien fumé et net de mauvaises herbes : elle rend d’autant plus qu’on la cultive avec plus de soin.

Dans un sol frais et sous un climat humide, l’avoine donnera toujours un plus grand produit que l’orge.

II.Dans presque tous les assolements, l’avoine vient à la fin de la rotation.

Elle réussit bien sur les terres défrichées où elle donne, les premières années, de magnifiques récoltes. L’avoine peut succéder à toutes les autres récoltes ; mais si l’avoine doit succéder à des récoltes de céréales pour achever l’épuisement du sol, c’est alors un mauvais calcul. En effet, non seulement le produit de cette céréale devient faible, mais encore celui de la récolte suivante.

Malgré tout, l’avoine donne souvent de beaux produits après une première céréale ; nulle récolte n’utilise mieux un défriché de prairie. Les récoltes sarclées constituent encore pour elle un excellent précédent.

III. — 1o Nous l’avons dit, l’avoine rend d’autant plus qu’on la cultive avec plus de soin : pour en obtenir son produit le plus élevé, il faut donner au sol la même préparation que réclame la culture du blé.

2oLes principes immédiats qui entrent dans la composition de l’avoine, sont répartis comme suit :

Amidon
60,56
Matières azotées
14,38
Dextrine
9,25
Matières grasses
5,50
Cellulose
7,06
Matières minérales
3,25
100,00

Les matières minérales sont dans la proportion suivante, dans 1,000 parties de cendre soumises à l’analyse.

La graine a été analysée par Boussingault, la paille[1] par Lewell.

Graine. Paille.
Potasse
129
 
268,7
Soude
0
 
268,7
Chaux
37
 
72,9
Magnésie
77
 
45,8
Oxyde de fer et alumine
3
 
14,1
Acide phosphorique
169
 
19,4
Acide sulfurique
10
 
21,5
Silice
570
 
542,6
Chlore
5
 
15,0
1,000 1,000,0

Les principes minéraux qui dominent dans l’avoine sont, comme l’indique ce tableau, les silicates et les phosphates de potasse, de chaux et de magnésie ; il lui faut donc des engrais alcalins. L’addition de la marne ou de la chaux est un amendement non moins nécessaire dans les terrains dépourvus de l’élément calcaire.

3oUne condition importante pour assurer la réussite de l’avoine, c’est une semaille hâtive ; car, en levant et en mûrissant très lentement, une semaille trop retardée peut faire manquer une partie de la récolte.

On sème jusque vers le huit de juin.

La quantité de semence varie de deux à trois minots par arpent.

Pour l’avoine dont les grains n’acquièrent pas à la maturité un développement toujours suffisant, il est essentiel de bien choisir la semence sous peine de ne voir lever qu’une partie des grains.

4oLes soins d’entretien sont les mêmes que pour le blé.

IV.L’avoine murit inégalement ; pour la récolter, il faut saisir le moment où la majeure partie des grains est mûre ; le reste complète sa maturation en javelle.

Le rendement varie de 21 à 60 minots par arpent, le rendement moyen est de 35 à 40 minots à l’arpent.

Le poids du minot est d’environ 34 livres.

Le rendement de la paille d’avoine est en poids, à celui du grain, comme 11/2 ou 2 est à 1.

La paille atteint quelquefois une hauteur de 5 à 6 pieds. La meilleure paille d’avoine pour l’alimentation des bestiaux est celle qui vient après une première céréale et qui ne s’élève pas à plus de 21/2 pieds.

IV
DU SEIGLE.

Le seigle est la céréale par excellence des terres sablonneuses.

C’est une plante importante, soit à cause de son grain, excellent pour la nourriture des hommes, soit à cause de sa paille et du fourrage qu’il donne récolté en vert.

Après le blé, le seigle est le grain qui donne une meilleure farine et la plus propre à être convertie en pain.

I.Le seigle peut venir dans les terres arides et siliceuses. Sa végétation est si hâtive dans ces derniers sols, que sa fleur est déjà passée et que sa fructification est assurée à l’époque des sécheresses et des chaleurs. Il est tellement rustique qu’il donne encore de bons produits dans les argiles granitiques des pays de montagnes, pourvu qu’elles soient suffisamment égouttées, car il ne redoute que l’humidité stagnante. Quant au sol qui lui convient le mieux et où il donne ses produits les plus beaux et les plus abondants, c’est une terre légère, un peu calcaire, plutôt fraîche que sèche.

II.Le seigle doit occuper, d’ordinaire, une bonne place dans la rotation. On le sème soit à la suite d’une jachère, soit après des pommes de terre, soit enfin après une légumineuse annuelle, ou un trèfle. Enfin, il vient dans les assolements à toutes les places qui conviennent au froment ; il jouit, en outre, de la propriété de se succéder plusieurs années de suite à lui-même, surtout s’il a reçu des engrais.

III. — 1o Après une récolte sarclée, on sème le seigle sur un seul labour. Dans les sols sableux et peu consistants, les travaux de jachère, si l’on sème sur jachère, consistent plus en labours à l’extirpateur et au scarificateur propres à arracher les racines de chiendent qui y abondent souvent, qu’en labours à la charrue.

Le seigle aime les engrais consommés et comme il prospère autant dans un sol riche que toute autre céréale, la fumure appliquée à la récolte sarclée qui le précède doit être aussi abondante que possible, afin d’alimenter non seulement deux récoltes épuisantes, mais encore la prairie dont on sème les graines en même temps que le seigle.

Plus que le blé, le seigle demande un terrain bien rassis, c’est-à-dire qui ne soit pas nouvellement labouré.

De toutes les céréales semées à l’automne, le seigle est certainement celle qui réussit le mieux sous notre climat.

2oLe tableau suivant indique la composition du seigle, la proportion de ses principes immédiats :

Amidon
268
Matières azotées
12,50
Dextrine
11,90
Matières grasses
2,25
Cellulose
3,10
Matières minérales
2,60
100,00

Sur 1,000 parties de cendre contenant les matières minérales, l’analyse classifie les substances suivantes dans la proportion indiquée :

Graine. Paille.
Potasse
328
 
12
Soude
44
 
4
Chaux
29
 
64
Magnésie
102
 
4
Oxyde de fer
8
 
9
Acide phosphorique
473
 
18
Acide sulfurique
15
 
61
Silice
1
 
822
Chlore
0
 
6
1,000 1,000

L’analyse de la graine a été faite par Frésénius, celle de la paille par Sprengel.

Le seigle, comme on le voit, demande beaucoup de phosphates et de silicates de potasse et de magnésie ; il faudra donc que les engrais qu’on lui applique en contiennent.

3oL’époque de la semaille dépend en grande partie de la nature du sol. On peut dire qu’en général, on ne saurait semer de trop bonne heure le seigle, soit à l’automne, soit au printemps.

Dans le cours de ce traité, nous nous sommes prononcé contre l’habitude de renouveler la semence ; nous avons montré les désavantages qui en résultent pour l’agriculture en général. Il arrive cependant quelquefois qu’à l’égard du seigle il est non seulement permis de s’écarter de cette règle, mais qu’il peut même devenir nécessaire de renouveler la semence. Ce cas peut se présenter lorsque le seigle, étant cultivé dans un terrain très gras et dans une année très chaude, s’est amolli au point qu’il ne résiste plus au froid et qu’il a contracté une forte tendance à verser.

Le seigle ne supporte qu’une légère couverture de terre ; il ne doit pas être semé sous raie. La profondeur moyenne dans un terrain léger est de deux pouces et d’un pouce seulement dans les terres fortes.

La quantité de semence du seigle qu’il faut employer dépend encore plus que pour le blé de l’époque de la semaille, car le seigle ne talle qu’autant qu’il a été semé de bonne heure.

Généralement cette quantité varie de un minot et un quart à un minot et trois quarts par arpent.

4oLes soins d’entretien sont les mêmes que ceux du blé.

IV.Le seigle, s’égrenant moins facilement que le blé, peut être récolté dans un état de maturité plus avancée que le froment.

Le seigle produit de dix à trente-cinq minots par arpent ; son rendement moyen est estimé à 22 minots par arpent.

Un minot de seigle pèse 56 livres.

V
DU MAÏS.

C’est la plante plus communément connue sous le nom de blé d’Inde, blé de Turquie.

Elle est non seulement cultivée dans nos jardins, mais on consacre encore à sa production de grandes pièces de terre, des champs tout entiers, notamment aux États-Unis.

Elle est cultivée non seulement à cause de ses graines, qui sont un aliment pour l’homme et pour les animaux, mais encore comme plante fourragère.

Nous connaissons du maïs une foule de variétés que nous pouvons diviser en trois classes, savoir : 1o le maïs commun ; 2o le maïs précoce ou nain ; 3o le maïs élevé ou le grand maïs.

I.Le choix de la terre est moins important que celui de l’exposition. Cette dernière doit être telle que le maïs reste le plus longtemps possible à l’abri des vents froids, sous l’influence bienfaisante du soleil. Le maïs s’accommode aussi bien d’une terre forte que d’un sol sableux, pourvu toutefois que la première ne conserve pas une humidité excessive. Ni les chaleurs, ni les sécheresses prolongées ne nuisent à la croissance du maïs, mais les gelées les plus légères lui sont funestes, surtout lorsqu’il sort de terre.

Comme la plupart des céréales, le maïs préfère les terres de consistance moyenne, suffisamment ameublies, convenablement fumées. C’est là d’ailleurs qu’il donne ses produits les plus abondants.

L’observation démontre que plus le climat est froid, plus la terre où se cultive le maïs doit être légère.

II.Le maïs, à cause des nombreuses façons qu’exige la terre pendant sa végétation, peut être considéré comme une véritable plante sarclée. Comme il aime une fumure abondante et que sa culture nettoie et ameublit parfaitement la terre, on le fait précéder le blé dans tous les terrains qui conviennent à cette céréale, et le seigle, dans les terres sablonneuses. Il peut supporter une forte dose de fumier sans crainte de verser.

Le maïs succède indifféremment à la plupart des plantes.

III. — 1o Un labour profond à l’automne prépare bien le terrain en le soumettant aux influences de la gelée.

Au printemps, on sème, dès qu’on n’a plus à craindre les effets de la gelée, soit sous raie, à l’aide de la charrue, soit en sillons, avec le buttoir.

Voici comment on procède avec la charrue :

On fait suivre une raie du labour par un ouvrier qui ouvre de deux pieds en deux pieds une légère excavation dans le fond de la raie ; la femme ou l’enfant qui le suit laisse tomber quatre ou cinq grains de maïs dans chaque fossette. Au bout de la pièce, les ouvriers laissent trois raies vides et reviennent par la quatrième. Les touffes de maïs se trouvent de la sorte espacées de deux pieds et les lignes ont une distance de deux pieds et demi entre elles.

Comme on le voit, ce procédé est aussi simple qu’expéditif.

Dans l’autre mode, on trace, avec le buttoir, un sillon profond à chacun des points qui doivent être occupés par une ligne de plantes. Le champ ainsi sillonné sur toute sa surface, on y amène le fumier dans une voiture dont la voie comprend la largeur de trois sillons, de manière que chaque roue suive un sillon et que le cheval marche dans celui du milieu. On décharge le fumier par petits tas dans le sillon du milieu, d’où il est ensuite réparti également entre les trois sillons. On fait alors passer sur le champ une herse qui culbute par-dessus le fumier une partie de la terre accumulée sur les bords des sillons.

C’est au fond de ces sillons en partie comblés, et immédiatement au-dessus du fumier que l’on sème le maïs, à l’aide du semoir mécanique.

Cette manière de préparer le sol économise sur l’engrais, permet de donner un hersage plus effectif, lorsque les plantes commencent à sortir de terre, et présente encore l’avantage d’appliquer au maïs un buttage beaucoup plus énergique que si l’ensemencement avait été fait sur un terrain plat.

On devra recourir à ce mode de préparation, surtout dans les terrains légers où, grâce à lui, les plantes sont moins exposées à la sécheresse du sol.

2oLe maïs renferme sur 100 parties :

Amidon
67,55
Matières azotées
12,50
Dextrine
4,00
Matières grasses
8,80
Cellulose
5,90
Matières minérales
1,25
100,00

Sur 100 parties de maïs il y a donc d’après Payen :

Matières organiques
98,75
Matières minérales
1,25
100,00

Les matières minérales, l’analyse étant faite sur 1,000 parties de cendre, sont réparties dans la proportion suivante, dans la graine, la tige et les feuilles :

Graine. Feuilles. Tiges.
Potasse
325
 
47
 
83
Soude
325
 
1
 
259
Chaux
14
 
164
 
79
Magnésie
163
 
59
 
63
Oxyde de fer et alumine
3
 
7
 
8
Acide phosphorique
451
 
14
 
160
Acide sulfurique
28
 
27
 
7
Silice
14
 
680
 
254
Chlore
2
 
1
 
18
Acide carbonique
0
 
0
 
69
1,000 1,000 1,000

Il faut donc que le terrain destiné à la culture du maïs contienne une suffisante quantité de principes calcaires.

Il faut chauler, marner, ou plâtrer la terre, si l’analyse prouve qu’elle en est dépourvue. La richesse du maïs en potasse, acide phosphorique et acide silicique, indique que les silicates et phosphates alcalins lui conviennent beaucoup et par là même les engrais alcalins qui contiennent ces substances.

3oOn sème le maïs à la volée et en lignes. Le semis à la volée ne peut se justifier qu’autant que le maïs est cultivé comme fourrage, et même dans ce cas, il vaut encore mieux le semer en lignes.

On sème alors sur le labour de deux en deux raies, en ne mettant dans la raie qu’un intervalle de un pouce et demi à deux pouces entre chaque grain. Le semoir à brouette convient très bien pour cette semaille, que l’on peut aussi pratiquer à la main en suivant la charrue ; mais il faut alors que le labour d’ensemencement soit très superficiel, car à plus de deux pouces et demi de profondeur le maïs serait exposé à ne point lever.

Le maïs se sème en mai et au commencement de juin ; la quantité de semence varie, suivant que l’on cultive cette plante pour son grain ou comme fourrage vert. Dans le premier cas, un demi-minot suffit pour ensemencer un arpent en superficie ; dans le second cas, il faut pour la même étendue un minot et demi à deux minots de semence.

Pour semence on doit choisir les grains les mieux nourris et, par là même, il faut rejeter ceux qui se trouvent aux deux extrémités de l’épi, comme étant imparfaitement développés.

Ces grains, ainsi choisis, sont mis dans de l’eau exposée à la chaleur solaire, et dans laquelle ils séjournent pendant quelques heures. L’eau les ramollit et hâte leur germination ; les grains légers qui flottent à la surface du liquide doivent être rejetés. Lorsque les grains que l’on veut semer sont encore tout humides, au sortir de l’eau, on les saupoudre de plâtre ; cette opération en préserve un grand nombre de la destruction.

On conseille aussi de semer le maïs de manière que les lignes soient dirigées du nord au sud, afin que le soleil frappe les pieds le plus longtemps possible.

4oLe maïs lève huit à quinze jours après avoir été semé. Lorsqu’il atteint une hauteur de six à sept pouces, on lui donne un premier binage, avec la houe à cheval entre les lignes, avec un instrument à main dans les lignes. Le binage à la main autour des jeunes plants est donné parce que la houe à cheval ne peut les approcher de trop près sans danger.

Lorsque le maïs a atteint dix-huit pouces de hauteur, on lui donne un léger buttage ; on choisit aussi cette époque pour repiquer dans les places vides ou trop dégarnies, des pieds que l’on prend dans les places où ils sont trop serrés ; ou bien, ce qui est encore mieux, on sème dans ces vides des espèces hâtives qui arrivent à maturité en même temps que le reste du champ.

Le maïs se développe avec rapidité après ce premier buttage, et quelquefois, dans les sols en bon état de fertilité, si l’année n’est pas trop sèche, il émet à son pied des rejets secondaires ; ces pousses nouvelles affaiblissent la tige principale et ne portent jamais que des épis rabougris. Il faut donc les enlever ; elles fournissent d’ailleurs une excellente nourriture au bétail.

Quinze jours après le premier buttage on en donne un second plus énergique, qu’on fait quelquefois précéder d’un binage.

Les cultivateurs américains qui cultivent le maïs en grand n’attachent pas une importance considérable au buttage de cette plante ; plusieurs ne veulent pas le pratiquer, prétendant que c’est une opération inutile ; mais par contre, ils donnent un soin tout particulier au binage et au sarclage et détruisent énergiquement toutes les plantes inutiles qui veulent croître avec le maïs.

Lorsque les panicules que portent les fleurs mâles sont desséchées, mais pas avant que les houppes soyeuses des épis soient flétries, on doit enlever ces panicules avec une portion de la tige que l’on coupe immédiatement au-dessus de l’épi le plus haut, s’il y en a plusieurs.

Cette opération est désignée sous le nom d’écimage.

On supprime en même temps tous les épis surabondants.

Toutes ces parties supprimées sont données au bétail avec les jets qui ont poussé autour de la tige principale. Ces dépouilles réunies, avec les feuilles qu’on enlève plus tard, ne s’élèvent pas à moins de 2,000 livres par arpent et constituent un fourrage vert très profitable aux vaches laitières.

IV.Suivant que l’on cultive le maïs pour sa graine ou pour son fourrage, l’époque de sa récolte doit nécessairement varier.

Voici pour le fourrage.

Dès que les panicules du maïs fourrage commencent à se montrer, on coupe, soit à la faux, soit à la faucille, à mesure des besoins, et l’on prolonge cette récolte jusqu’à ce que les panicules défleurissent. On finit alors de couper ce qu’il en reste et on fane ; il se transforme en un excellent fourrage d’hiver.

On reconnaît que le maïs cultivé pour son grain est mûr quand les spathes ou tuniques qui enveloppent l’épi, sont devenues blanches, s’entr’ouvrent et laissent apercevoir le grain ; celui-ci ne s’égrène pas, aussi y a-t-il avantage à le laisser bien mûrir, ce qu’on reconnaît à sa cassure cornée.

Le maïs est exposé à la moisissure ; aussi, si la saison est humide, il faut le récolter dès qu’il est mûr ; si le temps est sec, on peut retarder de quelques jours.

La récolte comporte les opérations suivantes :

On détache d’abord les épis de la tige, celle-ci est laissée sur le sol. On transporte ensuite les épis aux bâtiments de l’exploitation. Dans les climats où l’automne est pluvieux, on a coutume de retrousser les tuniques et de s’en servir pour lier plusieurs épis ensemble et de les suspendre ainsi à des poutres ou sous des avant-toits ; dans les contrées plus humides encore, on passe la récolte au four pour la faire sécher, mais cette dessiccation à une température élevée détruit, le plus souvent, la faculté germinative des grains.

Là où la température est encore chaude en automne, on se borne à dépouiller le maïs de ses tuniques et à l’exposer à l’action du soleil, sur une surface bien sèche.

Quelque soit le moyen de dessiccation qu’on adopte, il importe de n’engranger le maïs que lorsqu’il est parfaitement sec, autrement il est sujet à s’altérer.

« Lorsque la récolte des épis est terminée on doit couper les tiges rez de terre, et on les lie en gerbes qu’on réunit par faisceaux sur le champ. Aussitôt que ces gerbes sont sèches, on les enlève, puis on les empile pour servir soit à nourrir le bétail, soit à faire de la litière. Les souches sont extraites lors du premier labour ; on en forme de petits tas qu’on brûle sur place et dont les cendres, également réparties et immédiatement recouvertes par un léger labour, servent à amender le sol. » (Girardin et Dubreuil.)

Le battage du maïs s’effectue au fléau, en ayant soin que les épis forment un lit assez épais pour que les grains ne s’écrasent pas sous l’instrument ; on sépare aussi le grain du maïs à l’aide d’un instrument spécial, connu sous le nom d’égrenoir à maïs.

Dans la petite culture, on se sert d’une tige de fer sur l’un des angles de laquelle on passe fortement les épis pour détacher les grains.

Le maïs donne de 30 à 60 minots de grains par arpent, ce qui met son rendement moyen, pour la même étendue, de 40 à 45 minots.

Il donne 15,000 livres à 25,000 livres de fourrage vert par arpent.

Sa culture offre, de plus, cet avantage : c’est que l’espacement qu’on est obligé de donner aux plantes permet de leur associer une seconde récolte qui se développe en même temps qu’elles. Les récoltes les plus convenables sont les citrouilles, la betterave, les haricots nains.

VI
DU SARRASIN.

I.Le sarrasin, cultivé pour son grain, est une récolte précieuse dans les sols pauvres, sablonneux, froids, et dans les terrains meubles montagneux. Ailleurs, il est employé plus utilement comme fourrage hâtif ou comme engrais vert destiné à être enfoui.

On cultive donc cette plante pour trois objets : pour la récolte des graines, pour le fourrage et pour l’amendement des terres.

Le sarrasin se plaît dans les terres siliceuses et granitiques, dépourvues de calcaire, où nulle céréale ne pourrait donner des produits passables, où plus d’une même, ne pourrait parvenir à épier. Cela ne veut pas dire qu’il ne produit pas davantage dans de meilleures terres ; toutefois, il est improductif dans une argile tenace.

La réussite du sarrasin, à part le choix d’un terrain convenable, dépend entièrement des circonstances atmosphériques qui accompagnent sa végétation. La sécheresse, dans plus d’une circonstance, l’empêche de s’élever ; les vents secs arrêtent sa croissance ; la pluie fait tomber ses fleurs ; la moindre gelée blanche le tue : il y a peu de grains, en un mot, qui soient plus casuels et qui se montrent plus indépendants, dans leurs produits, du mode de culture auquel on les a soumis.

II.Le sarrasin est une plante étouffante, c’est-à-dire qu’il nettoie le sol des mauvaises herbes, étouffe leur croissance par la rapidité et la vigueur de la sienne ; le sarrasin, cultivé pour être enfoui en vert, est une plante améliorante, qui enrichit le sol et le prépare à recevoir la culture d’une plante plus épuisante. Le sarrasin peut donc, dans certaines circonstances, remplacer dans la rotation la culture des plantes sarclées, lorsqu’on ne peut surtout disposer d’une fumure nécessaire.

III. 1o Le sarrasin aime une terre bien meuble, il faut donc la lui donner et les différentes opérations de la préparation du sol doivent tendre vers ce but, produire ce résultat.

2oVoici la composition chimique des matières minérales que renferment 1,000 parties de cendre provenant de la combustion de sa graine.

La première colonne du tableau donne les chiffres fournis par une analyse faite par Bichon sur du sarrasin produit par une bonne terre ; les chiffres de la seconde colonne sont donnés par I. Pierre, dans l’analyse d’un sarrasin très maigre.

Graine.
Potasse
87
 
24
Soude
201
 
24
Chaux
67
 
61
Magnésie
104
 
50
Oxyde de fer et alumine
11
 
12
Acide phosphorique
501
 
310
Acide sulfurique
22
 
2
Silice
7
 
535
Chlore
0
 
6
1,000 1,000

La paille du sarrasin, d’après une analyse faite par Sprengel, offre dans 1,000 parties de cendre la proportion suivante de matières minérales :

Paille.
Potasse
106
Soude
19
Chaux
220
Magnésie
403
Oxyde de fer et alumine
23
Acide phosphorique
90
Acide sulfurique
65
Silice
44
Chlore
30
1,000

La forte proportion d’acide phosphorique, de magnésie et de potasse que contient le sarrasin, indique la nature du terrain et des engrais qui conviennent à sa culture.

3oUne faible quantité de semence suffit généralement lorsqu’on sème le sarrasin pour en récolter la graine, parce que cette plante se ramifie beaucoup et demande beaucoup d’air pour pouvoir mûrir ; aussi, malgré la grosseur de la semence, il n’en faut employer qu’environ un demi-minot par arpent. Mais si on le sème pour le fourrage ou pour l’amendement de la terre, la quantité de semence doit être augmentée.

4oLe sarrasin ne réclame pendant sa végétation aucun soin d’entretien ; la rapidité de sa croissance lui permet de prendre le dessus et de se défendre suffisamment contre les plantes nuisibles qui pourraient salir le terrain.

IV.La floraison du sarrasin s’effectue successivement ; toutes ses graines n’arrivent donc pas en même temps à maturité. Il en est qui sont déjà mûres quand les dernières fleurs ne font que de s’épanouir ; et sur la même tige, il y a, à la fois, des fleurs et des graines à toutes les périodes de leur développement. Il est impossible d’attendre que toutes soient mûres, car celles qui ont mûri les premières tombent bientôt d’elles-mêmes et sont perdues. Il faut donc choisir le moment où la tige est couverte de plus de graines ayant atteint leur maturité.

Ce moment choisi, il faut encore, en raison de la facilité avec laquelle ces graines tombent et se détachent, faire la récolte avec beaucoup de précaution. On ne coupe ou l’on n’arrache les tiges que le matin, lorsqu’elles sont encore humectées par la rosée, qui contribue à tenir les graines renfermées dans leurs capsules.

Il ne faut pas javeler le sarrasin ; ses feuilles et ses tiges vertes et charnues risqueraient de s’échauffer plutôt qu’elles ne sécheraient. On en fait, à mesure de la récolte, de petites gerbes que l’on met en ligne, debout, en les écartant par le pied et qu’on laisse ainsi pendant une quinzaine de jours, pour que la graine achève de mûrir. La pluie qui peut survenir, loin d’offrir du danger, hâte au contraire la maturation du grain.

Le battage doit se faire le plus promptement possible, parce que les tiges et les feuilles du sarrasin, restées vertes au moment de la récolte, conservent encore une grande partie de leur eau de végétation, ce qui pourrait toujours provoquer dans la masse du fourrage une fermentation dangereuse.

Il y a des cultivateurs qui se trouvent bien de battre le sarrasin à la machine ; mais souvent il n’est pas assez dur, assez sec pour supporter un battage aussi énergique ; il faut alors recourir au battage au fléau.

On obtient depuis 15 jusqu’à 45 minots par arpent, mais on peut considérer 20 à 25 minots comme une bonne moyenne.

Comme fourrage vert, on obtient 1,000 livres à 1,200 livres par arpent.

La paille du sarrasin paraît la moins nourrissante de toutes les pailles de céréales, mais, d’un autre côté, elle forme une excellente litière et elle est un meilleur excipient des urines et des déjections solides.

VII
DES FÈVES.

Il existe une multitude de variétés de fèves qui se classent toutefois en deux groupes bien distincts, savoir : 1o la féverole ou fève à cheval, qui paraît être le type du genre, et qui seule, pour ainsi dire, fait l’objet de la grande culture. Elle est plus robuste, ses tiges sont plus élevées, elle fleurit tard, fournit beaucoup, donne des fruits plus petits et moins agréables que l’espèce suivante ; 2o la fève de marais, qui n’est pas aussi haute, fleurit plus tôt, donne des fèves plus grosses, aplaties et d’un goût plus agréable.

Il ne faut pas confondre la fève avec le haricot ; ce que nous appelons ordinairement fève, cette légumineuse avec laquelle nous faisons la soupe n’est pas la fève : c’est le haricot.

I.Les fèves prospèrent dans le sol qui convient au froment ; elles réussissent dans les sols argileux, tenaces, et contribuent singulièrement à les ameublir.

II.Les fèves, dans le sol qui leur est propre, peuvent se succéder à elles-mêmes pendant plusieurs années, pourvu qu’on leur donne l’engrais et les façons qu’elles exigent.

On la considère comme une récolte sarclée ; sa culture assure des avantages notables dans les terres fortes où elle devient un excellent précédent à la culture de l’orge et du blé.

Les fèves donnent encore de riches produits sur des prairies et des pâturages rompus.

III. — 1o Un labour profond à l’automne, mesurant au moins huit pouces de profond ; au printemps un second labour de 5 à 6 pouces exécuté au moment de la semaille, et après avoir hersé et roulé le terrain ; voilà la préparation culturale.

2oVoici la composition des féveroles :

Amidon et dextrine
48,3
Matières azotées
30,8
Cellulose
3,0
Matières grasses
1,9
Substances salines
3,5
Eau hygroscopique
1,25
100,0

Les matières minérales sont représentées comme suit, dans la graine et dans la paille[2] :

Graine. Paille.
Potasse
206,2
 
547
Soude
190,6
 
547
Chaux
72,2
 
200
Magnésie
88,1
 
67
Acide phosphorique
367,4
 
72
Acide sulfurique
13,4
 
11
Chlore
14,8
 
26
Silice
40,0
 
70
Oxyde de fer et alumine
7,3
 
7
1,000,0 1,000

Les féveroles, riches en phosphates et en potasse, profitent d’une manière toute particulière de l’addition d’engrais pulvérulents, tels que le noir animalisé, les cendres. Elles supportent aussi une fumure fraîche, quoiqu’elles préfèrent le fumier demi composé.

Il ne faut pas croire que les fèves soient une récolte bien épuisante ; loin de là. Jouissant à un haut degré de la propriété de puiser sa nourriture dans l’atmosphère, cette légumineuse laisse dans le sol, par ses débris, plus de principes fertilisants qu’elle n’en a absorbé. On met cette propriété à profit en cultivant les fèves pour les enfouir en vert, au moment de leur floraison.

3oOn sème les fèves à la volée ou en lignes, ce qui est encore mieux. En lignes, on peut les semer sous raie ou sur le labour : dans tous les cas, il faut qu’elles soient placées à une profondeur de trois ou quatre pouces.

Parmi les différents modes de semailles en lignes, on peut adopter le suivant dont l’exécution est des plus simples. On ne herse pas après le dernier labour ; un ouvrier, muni d’un plantoir, fait au fond de la première raie, à quatre pouces de distance les uns des autres, des trous profonds de un pouce et demi au plus. Un autre qui le suit, dépose une féverole dans chaque trou. On plante ainsi deux raies de suite, on laisse vide la troisième et on continue de la sorte à planter deux raies, séparées par un intervalle d’une seule. On enterre ensuite la semence par un seul coup de herse donné en long. Ce mode de semaille n’exige pas plus de un minot et quart de semence par arpent.

4oLorsque les jeunes plants commencent à sortir de terre, on donne un premier hersage si on a semé à la volée, ou un binage si la culture est en lignes. Il est souvent avantageux, dans ce dernier cas, de faire passer la herse sur les fèves avant de leur donner le premier binage. Pendant leur végétation, lorsque les plants ont atteint une hauteur de cinq à six pouces, on les bine avec la houe à cheval ; on réitère l’opération aussi souvent que les circonstances l’exigent ; le dernier binage doit s’effectuer avant la floraison. On termine quelquefois par l’écimage, qui a pour effet principal d’arrêter la croissance de la sommité des tiges et de faire refluer la sève vers les gousses ; on obtient ainsi une maturation plus précoce et plus égale. On écime lorsque les gousses inférieures commencent à se former.

IV.Les fèves se récoltent lorsque la plus grande partie des gousses est devenue noire. On les arrache ou on les coupe, mais ce dernier mode est préférable, en ce qu’il conserve au sol les racines et une partie de la tige, lesquelles contiennent des principes fertilisants dont profite le terrain.

La récolte se fait plutôt à la faucille qu’à la faux lorsque les fèves sont semées à la volée et toujours à la faucille lorsqu’elles ont été semées en lignes. On les laisse quelques jours en javelles, puis on en fait des gerbes qu’on réunit en les adossant debout par dizaine.

Les gerbes sont rentrées aussitôt que les tiges des fèves sont parvenues à une parfaite dessiccation.

Le rendement s’élève en moyenne à 25 minots par arpent, qui donnent à peu près 1,500 livres de fanes.

VIII
DES POIS.

Les botanistes distinguent deux espèces de pois : le pois des champs et le pois cultivé. Le pois des champs porte une seule fleur, presque toujours d’un rouge violet, sur chaque pédoncule ; le pois des jardins, au contraire, a toujours le pédoncule garni de deux fleurs blanches ou rouges.

I.Les pois, en général, aiment un sol de consistance moyenne, qui ne soit ni trop humide ni trop sec, préférant toutefois un terrain sec à un terrain humide. Si le sol contient en outre quelques livres pour cent de chaux, la récolte est assurée.

Dans un sol compact, les pois ne parviennent qu’à la moitié de leur longueur et ne fleurissent presque pas. Si le terrain, au contraire, est humide et souffre d’une eau stagnante, les fleurs tombent sans laisser de gousses ; si la terre est grasse, abondante en principes fertilisants, si elle contient surtout du fumier frais, les pois produisent des tiges nombreuses, beaucoup de fanes, mais peu de fleurs et conséquemment peu de fruits.

II.Les pois entrent avec avantage dans toutes les rotations, et quant à la place qu’ils doivent y occuper, elle dépend naturellement du but que l’on se propose en cultivant cette légumineuse. On cultive en effet les pois soit pour leur graine, soit pour leur fourrage. Dans le premier cas, ils peuvent alterner avec les plantes sarclées, dans le second cas, avec les céréales.

Ils peuvent donc succéder à toute espèce de récoltes.

La plupart des agronomes soutiennent que lorsque l’on sème consécutivement les pois, plusieurs fois à la même place, ils donnent ordinairement des produits faibles et jaunissent souvent, et qu’il est généralement avantageux d’observer un intervalle de six années au moins entre les diverses apparitions de cette plante sur un même sol.

III. — 1o Dans les terres argileuses, on donne, suivant le degré d’ameublissement du sol, un ou deux labours, le dernier au moment des semailles ; un seul labour suffit pour les sols légers, on le donne au printemps.

Les pois aiment une terre profondément remuée, mais en même temps imparfaitement ameublie ; c’est du moins un fait que constate la pratique. Si donc on veut en tenir compte, on ménagera l’emploi du rouleau et de la herse.

2oLes pois offrent la composition immédiate suivante.

Amidon et dextrine
58,7
Matières azotées
23,8
Matières grasses
2,1
Cellulose
3,5
Sels minéraux
2,1
Eau
9,8
100,0

Bichon pour la graine, Sprengell pour la paille, donnent la proportion suivante des sels minéraux, les analyses ayant été faites sur 1,000 parties de cendre :

Graine. Paille.
Potasse
341,9
 
47,3
Soude
127,6
 
0,0
Chaux
24,6
 
549,2
Magnésie
85,0
 
68,8
Acide phosphorique
342,6
 
48,3
Acide sulfurique
35,6
 
67,9
Chlore
3,1
 
0,8
Silice
30,0
 
200,3
Oxyde de fer et alumine
9,6
 
17,4
1,000,0 1,000,0

Le marnage et le chaulage conviennent donc à la culture des pois, surtout si le sol n’est pas riche en élément calcaire.

En général, on ne doit pas fumer les pois avec du fumier frais ; le fumier pailleux ameublit en effet la terre, la rend poreuse, état que redoute la culture des pois.

Le fumier en couverture, surtout dans les sols légers, réussit mieux ; un compost calcaire trouve dans cette culture une application judicieuse.

3oLes pois se sèment, le pois des champs à la volée, le pois cultivé en lignes. On sème aussitôt que possible ; cette condition de réussite est d’autant plus rigoureuse que le sol et le climat sont plus secs.

On sème sous la raie ou sur le labour ; dans ce dernier cas, un coup de herse enterre la semence.

Le semis en lignes se fait comme celui des fèves.

La quantité de semences qu’il faut employer varie de un minot et quart à deux minots.

En général, il n’est jamais avantageux de semer les pois trop épais, parce que s’ils sont trop drus, le bas des tiges reste toujours dégarni de gousses ; on a observé aussi que lorsque les pois sont atteints par les pluies, durant leur floraison, ceux qui sont clairs nouent mieux que ceux qui sont épais.

4oLes semis à la volée se trouvent toujours bien d’un coup de herse que l’on donne au moment de la levée des pois ; ce sont les seuls soins d’entretien qu’ils exigent pendant leur végétation. Il n’en est pas de même des semis en lignes ; là, il faut biner et répéter les binages à la houe à cheval, chaque fois que les mauvaises herbes se montrent ou que le sol se durcit. On cesse lorsque la récolte est assez épaisse pour couvrir le sol.

IV.Le moment le plus favorable pour récolter les pois est celui où la plupart des gousses inférieures sont mûres. On ne doit pas s’inquiéter de la maturité des plus tardives, ni de ce qu’il se trouve quelquefois des fleurs au sommet des tiges ; car les pois, aussi bien que les graines de la plupart des autres légumineuses, conservent leurs propriétés germinatives, lors même qu’on les aurait récoltés avant leur maturité.

On arrache les pois ou on les coupe à la faux.

Coupés ou arrachés, les pois sont laissés sur le sol ; lorsqu’ils sont suffisamment fanés, on les rassemble en tas et on les rentre lorsqu’ils ont achevé de sécher ainsi au soleil.

La récolte est très sujette à s’égrener ; il faut la manipuler avec précaution.

En moyenne, le rendement des pois est de 15 minots par arpent, leur rendement maximum de 26 minots.

Les pois donnent aussi entre 2,000 à 3,000 livres de paille par arpent ; c’est cette paille qu’on connaît généralement sous le nom de pesats.

IX
DES LENTILLES.

Deux variétés principales sont cultivées en grand, la grande lentille, la plus productive et celle qui donne les plus grosses graines, et la petite lentille ou lentillon, dont les graines plus petites, plus renflées et de nuance plus foncée, ont une saveur plus délicate.

I.Les lentilles aiment en général un terrain doux, bien ameubli et plutôt léger que compact. Elles redoutent aussi, comme toutes les légumineuses, les terres humides et le fumier d’étable frais, non consommé.

II.Les lentilles occupent dans la rotation la même place que les pois ; on les cultive pour leurs graines ou pour leur fourrage.

III. — 1o Pour leur culture on prépare la terre comme pour les pois ; un seul labour suffit ; on le fait suivre d’un hersage.

2oLes lentilles, comme l’indique le tableau suivant, offrent dans leur composition immédiate beaucoup d’analogie avec les autres légumineuses :

Amidon et dextrine
56,0
Substances azotées
25,2
Matières grasses
2,6
Cellulose
2,4
Sels minéraux
2,3
Eau
11,5
100,0

Les sels minéraux qu’on retrouve toujours dans les cendres, sont dans la proportion suivante, dans 1,000 parties :

Graine. Paille.
Potasse
288
 
108
Soude
128
 
8
Chaux
51
 
522
Magnésie
19
 
30
Oxyde de fer
16
 
9
Acide phosphorique
291
 
124
Acide sulfurique
0
 
10
Acide carbonique
158
 
0
Silice
11
 
176
Chlore
38
 
13
1,000 1,000

On peut donc conclure que les lentilles aiment les engrais et les amendements qui conviennent aux pois.

3oLes lentilles se sèment à la volée ou en lignes. Dans ce dernier cas, on sème à la main, sur le labour brut, de deux raies en deux raies ; on enterre avec la herse. On peut aussi semer au semoir sur le labour préalablement hersé.

La quantité de semence est de un minot à un minot et demi.

4oSemées à la volée, les lentilles ne réclament aucun soin d’entretien et on donne à celles que l’on cultive en lignes les mêmes soins qu’exige la culture des pois.

IV.« Aussitôt que les gousses de la lentille commencent à brunir, on procède à la récolte, dit Dubreuil, même quand les tiges seraient encore vertes ; car, si on les laisse trop mûrir, les gousses s’ouvrent et les graines s’échappent. On récolte en arrachant les plantes et on les laisse séjourner sur le sol pendant deux ou trois jours. On attend pour cet arrachage une suite de beaux jours, car s’il survenait une pluie pendant que les tiges sont ainsi étendues sur le sol et que cette pluie fût suivie d’un coup de soleil, toutes les gousses s’ouvriraient et l’on perdrait une grande partie du produit. Après deux ou trois jours d’exposition au soleil, on lie les tiges en petites bottes, dès le matin, puis on les rentre dans la journée. »

« La suite de beaux jours » que veut ici Dubreuil pour que l’on procède à l’arrachage de la lentille n’est pas toujours aisée à prévoir, à l’époque des récoltes surtout.

Le battage se fait au fléau.

Cultivées pour leur fourrage, on devra attendre pour convertir les lentilles en foin que les graines commencent à se former dans les gousses. Il faut bien saisir ce moment et les faucher sans retard.

Le rendement moyen des lentilles est de 12 minots par arpent.

On en obtient comme fourrage 1,200 livres sur une même étendue.

X
DES VESCES.

On les cultive en grand pour le fourrage, pour les graines ou pour les employer comme engrais vert.

I.Elles demandent un sol un peu plus consistant que celui qui convient à la culture du pois et qui soit frais en même temps. Sur les terres légères, sableuses et sèches, elles ont peu de chance de réussir.

II.On peut cultiver la vesce dans la jachère et on lui donne alors une abondante fumure que l’on enfouit par le labour de semence et dont profitera la culture suivante du blé. Mais dans ce cas, la vesce doit être invariablement récoltée en fourrage vert, lequel sera abondant mais peu productif en gousses. Lorsqu’on destine la vesce à produire de la graine, elle vient ordinairement après un blé fumé. Elle pousse moins alors en herbe et produit plus de grains. La terre qui a donné cette dernière récolte est aussi salie que par une récolte d’avoine sur blé ; aussi doit-elle être nettoyée l’année suivante par une jachère ou une culture sarclée.

III. — 1o La vesce n’est pas difficile sur la préparation du sol ; un labour suivi d’un hersage sont les seules opérations culturales qu’elle exige.

2oLes éléments minéraux qui entrent dans la composition de cette plante, sont répartis dans la proportion suivante :

Graine. Paille.
Potasse
336
 
355
Soude
16
 
10
Chaux
54
 
383
Magnésie
95
 
64
Oxyde de fer et alumine
2
 
6
Acide phosphorique
407
 
55
Acide sulfurique
48
 
24
Silice
25
 
87
Chlore
17
 
16
1,000 1,000

Comme les pois, la vesce puise dans l’atmosphère une grande partie de sa nourriture ; ce n’est donc pas une plante épuisante ; elle n’exige pas en général un sol bien riche, quoiqu’elle n’aime point une terre épuisée. Contrairement aux pois, elle peut se succéder à elle-même.

3oOn sème à raison de un minot et demi à deux minots auxquels on ajoute un demi-minot d’avoine ou de seigle qui sert de tuteur au fourrage. On sème à la volée.

4oLa vesce est une plante étouffante dont la végétation vigoureuse détruit les plantes nuisibles ; elle ne réclame aucune culture d’entretien.

IV.On fauche les vesces dès qu’elles sont en pleines fleurs ; quelques cultivateurs attendent jusqu’à ce que les plantes aient commencé à former leurs gousses, parce qu’alors elles sont plus nourrissantes. Les fourrages qu’on en obtient sont très nourrissants et agréables aux bestiaux ; ils sont consommés en vert ou secs ; les vesces, en effet, se fanent très aisément, surtout lorsqu’elles sont mélangées avec de l’avoine. Elles donnent de 1,800 livres à 2,500 livres de fourrage sec.

La récolte des vesces cultivées pour leur graine se fait comme celle des pois des champs.

La vesce donne en moyenne un rendement de 15 minots à l’arpent.

  1. Note Wikisource — Le total de la colonne « Paille » est de 1,268,7 (et non de 1,000,0 comme il est indiqué ici), mais en l’absence de document de référence, aucune correction n’a pu être apportée à l’une et/ou l’autre des deux teneurs s’élevant à 268,7.
  2. Note Wikisource — Le total de la colonne « Paille » est de 1,547 (et non de 1,000 comme il est indiqué ici), mais en l’absence de document de référence, aucune correction n’a pu être apportée à l’une et/ou l’autre des deux teneurs s’élevant à 547.