Traité populaire d’agriculture/Entretien des pâturages

SECTION DEUXIÈME.

Entretien des pâturages.

Si l’on veut que les pâturages atteignent promptement leur plus haut degré de fertilité, qu’ils donnent des produits abondants ; si l’on veut surtout qu’ils se maintiennent dans un état de fertilité avantageux, il faut non seulement travailler à leur formation, mais encore veiller à leur entretien et leur donner chaque année les soins nécessaires.

Nous le répétons, c’est se tromper étrangement que de croire que pour procurer à son bétail une nourriture abondante, il suffit d’abandonner les pâturages à la nature. Seuls, les pâturages gras se trouvent dans ce cas ; tous les autres, pour peu qu’on les néglige, ne donnent jamais un revenu proportionné à leur étendue.

Les principaux soins d’entretien sont les suivants :

I. — Il est dans la nature des choses que les pâturages ne peuvent recevoir d’autres engrais que celui que les animaux en pacage y déposent. Ces engrais d’ailleurs doivent suffire ; mais il faut les épandre.

En effet, si les excréments des animaux sont laissés intacts sur le gazon, ils privent d’herbe l’espace qu’ils occupent, et cela tant qu’ils ne sont pas décomposés. L’espace ainsi perdu finit par devenir assez considérable, et si, comme on le prétend, une bête à cornes peut couvrir de ses fientes trois pieds carrés de surface, la rapide diminution du produit du pâturage est une conséquence évidente et inévitable, si on laisse les excréments sans les épandre.

Plus tard, ces excréments, après leur décomposition, profitant exclusivement du petit espace qui les environne, et chacun de ces endroits recevant une dose d’engrais beaucoup trop considérable, l’herbe jaillit avec une vigueur telle, qu’elle est aqueuse, peu nourrissante : les animaux la délaissent.

Et d’ailleurs, ces excréments sont très inégalement répartis. En effet, les animaux revenant constamment à la même place, soit pour ruminer, pendant la chaleur du jour, soit pour passer la nuit, il en résulte que leurs excréments sont accumulés sur quelques points seulement.

Pour obvier à tous ces inconvénients, il est très utile de faire disperser régulièrement les fientes tous les deux ou trois jours.

La chose est très facile, si l’on a adopté l’excellent système de diviser les pâturages par enclos qui restreignent l’espace livré aux animaux.

Il est encore préférable de réunir les déjections dans un coin du pâturage et de les convertir en composts en les mélangeant avec des couches alternatives de terre. On emploie de préférence les terres provenant du curage des fossés.

La formation d’un tel compost permet aussi de faire disparaître les levées de fossés, qu’on trouve encore sur la plupart des exploitations où elles sont un véritable obstacle à l’égouttement convenable du sol.

L’emploi de ces levées dans la composition d’un compost a donc deux grands avantages : permettre à l’eau un écoulement facile, et convertir cette terre perdue pour la végétation en une substance fécondante.

Si le champ qui doit recevoir cet engrais ne contient pas assez de chaux, on peut ajouter cette dernière substance au compost.

Les quelques frais que peuvent entraîner ces travaux sont plus que compensés par les profits qu’on en retire.

Et, en effet, ce mode d’utiliser les déjections des animaux est préférable à tout autre, en ce que les principes volatils et fertilisants des excréments sont absorbés par la terre qu’on y mélange et retenus ainsi au profit du pâturage.

Ces principes sont au contraire perdus, si les déjections des animaux restent exposées sur le sol à l’évaporation produite par les vents et le soleil.

On peut affirmer, sans exagération, que ce procédé a pour effet d’augmenter de plus de la moitié la puissance de l’engrais produit par les animaux, à tel point que l’on peut, sans inconvénient aucun, en employer une partie pour fumer d’autres terres, sans nuire pour tout cela au pâturage.

Avant d’employer ce compost, il faut en mélanger parfaitement les diverses couches.

La chaux ou les autres substances minérales qu’on a pu y ajouter, contribuent puissamment à rendre à la terre les matières salines dont elle est privée par suite de la végétation des plantes.

II. — La destruction des plantes nuisibles a été suffisamment indiquée à l’article de l’entretien des prairies pour que l’on soit dispensé d’entrer dans de plus longs détails qui ne seraient d’ailleurs qu’une répétition.

Disons toutefois que les mauvaises herbes des pâturages sont aisées à reconnaître par ce fait bien simple que les animaux les laissent intactes.

Il est bon, quelquefois, de herser les pâturages au printemps ; cette opération détruit la mousse et favorise la croissance des bonnes herbes.

Il n’est pas rare de voir dans les pâturages des places vides occasionnées soit par la mauvaise qualité du sol, soit par le dépérissement des herbes. Tout bon cultivateur, lorsqu’il voit ces espaces dégarnis d’herbes, doit, au printemps après le hersage, y répandre des semences de graminées, et ensuite y passer un léger rouleau.

III. — Enfin, dans certaines circonstances, surtout lorsque le sol est de telle nature qu’il soulève à la gelée, on doit, au printemps, faire passer sur le pâturage un rouleau très pesant, qui force les racines à rentrer en terre et les plantes à taller davantage.

Entretenir les clôtures en bon ordre, les fossés et les rigoles libres de tout obstacle sont aussi des soins d’entretien qu’exige tout pâturage.