Traité du gouvernement civil (trad. Mazel)/Chapitre IX

Traduction par David Mazel.
Royez (p. 210-211).


CHAPITRE IX.

Des diverses formes de sociétés.


Ier. Le plus grand nombre, comme il a déjà été prouvé, ayant, parmi ceux qui sont unis en société, le pouvoir entier du corps politique, peut employer ce pouvoir à faire des loix, de tems en tems, pour la communauté, et à faire exécuter ces loix par des officiers destinés à cela par ce plus grand nombre, et alors la forme du gouvernement est une véritable démocratie. Il peut aussi remettre entre les mains de peu de personnes choisies, et de leurs héritiers ou successeurs, le pouvoir de faire des loix ; alors c’est une oligarchie : ou le remettre entre les mains d’un seul, et c’est une monarchie. Si le pouvoir est remis entre les mains d’un seul et de ses héritiers, c’est une monarchie héréditaire : s’il lui est commis seulement à vie, et à condition qu’après sa mort le pouvoir retournera à ceux qui le lui ont confié, et qu’ils lui nommeront un successeur : c’est une monarchie élective. Toute société qui se forme, a la liberté d’établir un gouvernement tel qu’il lui plaît, de le combiner et de le mêler des différentes sortes que nous venons de marquer, comme elle juge à propos. Que si le pouvoir législatif a été donné par le plus grand nombre, à une personne ou à plusieurs, seulement à vie, ou pour un tems autrement limité ; quand ce tems-là est fini, le pouvoir souverain retourne à la société ; et quand il y est retourné de cette manière, la société en peut disposer comme il lui plaît, et le remettre entre les mains de ceux qu’elle trouve bon, et ainsi établir une nouvelle forme de gouvernement.

II. Par une communauté ou un état, il ne faut donc point entendre, ni une démocratie, ni aucune autre forme précise de gouvernement, mais bien en général une société indépendante, que les Latins ont très-bien désignée par le mot civitas, et qu’aucun mot de notre langue ne sauroit mieux exprimer que celui d’état.