Traité du gouvernement civil (trad. Mazel)/Chapitre X

Traduction par David Mazel.
Royez (p. 212-228).


CHAPITRE X.

De l’étendue du Pouvoir législatif.


Ier. La grande fin que se proposent ceux qui entrent dans une société, étant de jouir de leurs propriétés, en sûreté et en repos ; et le meilleur moyen qu’on puisse employer, par rapport à cette fin, étant d’établir des loix dans cette société, la première et fondamentale loi positive de tous les états, c’est celle qui établit le pouvoir législatif, lequel, aussi bien que les loix fondamentales de la nature, doit tendre à conserver la société ; et, autant que le bien public le peut permettre, chaque membre et chaque personne qui la compose. Ce pouvoir législatif n’est pas seulement le suprême pouvoir de l’état, mais encore est sacré, et ne peut être ravi à ceux à qui il a été une fois remis. Il n’y a point d’édit, de qui que ce soit, et de quelque manière qu’il soit conçu, ou par quelque pouvoir qu’il soit appuyé, qui soit légitime et ait force de loi, s’il n’a été fait et donné par cette autorité législative, que la société a choisie et établie ; sans cela, une loi ne sauroit avoir ce qui est absolument nécessaire à une loi[1] ; savoir, le consentement de la société, à laquelle nul n’est en droit de proposer des loix à observer, qu’en vertu du consentement de cette société, et en conséquence du pouvoir qu’il a reçu d’elle. C’est pourquoi toute la plus grande obligation où l’on puisse être de témoigner de l’obéissance, n’est fondée que sur ce pouvoir suprême qui a été remis à certaines personnes, et sur ces loix qui ont été faites par ce pouvoir. De même, aucun serment prêté à un pouvoir étranger, quel qu’il soit, ni aucun pouvoir domestique ou subordonné, ne peuvent décharger aucun membre de l’état, de l’obéissance qui est due au pouvoir législatif, qui agit conformément à l’autorité qui lui a été donnée, ni l’obliger à faire aucune démarche contraire à ce que les loix prescrivent, étant ridicule de s’imaginer que quelqu’un pût être obligé, en dernier ressort, d’obéir au pouvoir d’une société, lequel ne seroit pas suprême.

II Quoique le pouvoir législatif (soit qu’on l’ait remis à une seule personne ou à plusieurs, pour toujours, ou seulement pour un tems et par intervalles) soit le suprême pouvoir d’un état ; cependant, il n’est premièrement, et ne peut être absolument arbitraire sur la vie et les biens du peuple. Car, ce pouvoir n’étant autre chose que le pouvoir de chaque membre de la société, remis à cette personne ou à cette assemblée, qui est le législateur, ne sauroit être plus grand que celui que toutes ces différentes personnes avoient dans l’état de nature, avant qu’ils entrassent en société, et eussent remis leur pouvoir à la communauté qu’ils formèrent ensuite. Car, enfin, personne ne peut conférer à un autre plus de pouvoir qu’il n’en a lui-même : or, personne n’a un pouvoir absolu et arbitraire sur soi-même, ou sur un autre, pour s’ôter la vie, ou pour la ravir à qui que ce soit, ou lui ravir aucun bien qui lui appartienne en propre. Un homme, ainsi qu’il a été prouvé, ne peut se soumettre au pouvoir arbitraire d’un autre ; et, dans l’état de nature, n’ayant point un pouvoir arbitraire sur la vie, sur la liberté, ou sur les possessions d’autrui, mais son pouvoir s’étendant seulement jusqu’où les loix de la nature le lui permettent, pour la conservation de sa personne, et pour la conservation du reste du genre-humain ; c’est tout ce qu’il donne et qu’il peut donner à une société, et, par ce moyen, au pouvoir législatif ; ensorte que le pouvoir législatif ne sauroit s’étendre plus loin. Selon sa véritable nature et ses véritables engagemens, il doit se terminer au bien public de la société. C’est un pouvoir qui n’a pour fin que la conservation, et qui, par conséquent y ne sauroit jamais avoir droit de détruire, de rendre esclave, ou d’appauvrir, à dessein, aucun sujet[2]. Les obligations des loix de la nature ne cessent point dans la société, elles y deviennent même plus fortes en plusieurs cas ; et les peines qui y sont annexées pour contraindre les hommes à les observer, sont encore mieux connues par le moyen des loix humaines. Ainsi, les loix de la nature subsistent toujours comme des règles éternelles pour tous les hommes, pour les législateurs, aussi bien que pour les autres. S’ils font des loix pour régler les actions des membres de l’état, elles doivent être aussi faites pour les leurs propres, et doivent être conformes à celles de la nature, c’est-à-dire, à la volonté de Dieu, dont elles sont la déclaration ; et la loi fondamentale de la nature ayant pour objet la conservation du genre-humain ; il n’y a aucun décret humain qui puisse être bon et valable, lorsqu’il est contraire à cette loi.

III. En second lieu, l’autorité législative ou suprême, n’a point droit d’agir par des décrets arbitraires, et formés sur-le-champ, mais est tenue de dispenser la justice, et de décider des droits des sujets par les loix publiées et établies, et par des juges connus et autorisés[3]. Car, les loix de la nature n’étant point écrites, et par conséquent ne pouvant se trouver que dans le cœur des hommes, il peut arriver que, par passion, ou par intérêt, ils en fassent un très-mauvais usage, les expliquent et les appliquent mal, et qu’il soit difficile de les convaincre de leur erreur et de leur injustice, s’il n’y a point de juges établis ; et, par ce moyen, le droit de chacun ne sauroit être déterminé comme il faut, ni les propriétés être mises à couvert de la violence, chacun se trouvant alors juge, interprête et exécuteur dans sa propre cause. Celui qui a le droit de son côté, n’ayant d’ordinaire à employer que son seul pouvoir, n’a pas assez de force pour se défendre contre les injures, ou pour punir les malfaiteurs. Afin de remédier à ces inconvéniens, qui causent bien du désordre dans les propriétés des particuliers, dans l’état de nature, les hommes s’unissent en société, afin qu’étant ainsi unis, ils aient plus de force et emploient toute celle de la société pour mettre en sûreté, et défendre ce qui leur appartient en propre, et puissent avoir des loix stables, par lesquelles les biens propres soient déterminés, et que chacun reconnoisse ce qui est sien. C’est pour cette fin que les hommes remettent, à la société dans laquelle ils entrent, tout leur pouvoir naturel, et que la communauté remet le pouvoir législatif entre les mains de ceux qu’elle juge à propos, dans l’assurance qu’ils gouverneront par les loix établies et publiées : autrement, la paix, le repos et les biens de chacun, seroient toujours dans la même incertitude et dans les mêmes dangers qu’ils étoient dans l’état de nature.

IV. Un pouvoir arbitraire et absolu, et un gouvernement sans loix établies et stables, ne sauroit s’accorder avec les fins de la société et du gouvernement. En effet, les hommes quitteroient-ils la liberté de l’état de nature pour se soumettre à un gouvernement dans lequel leurs vies, leurs libertés, leur repos, leurs biens ne seroient point en sûreté ? On ne sauroit supposer qu’ils aient l’intention, ni même le droit de donner à un homme, ou à plusieurs, un pouvoir absolu et arbitraire sur leurs personnes et sur leurs biens, et de permettre au magistrat ou au prince, de faire à leur égard, tout ce qu’il voudra, par une volonté arbitraire et sans bornes ; ce seroit assurément se mettre dans une condition beaucoup plus mauvaise que n’est celle de l’état de nature, dans lequel on a la liberté de défendre son droit contre les injures d’autrui, et de se maintenir, si l’on a assez de force, contre l’invasion d’un homme, ou de plusieurs joints ensemble. En effet, supposant qu’on se soit livré au pouvoir absolu et à la volonté arbitraire d’un législateur, on s’est désarmé soi-même, et on a armé ce législateur, afin que ceux qui lui sont soumis, deviennent sa proie, et soient traités comme il lui plaira. Celui-là est dans une condition bien plus fâcheuse, qui est exposé au pouvoir arbitraire d’un seul homme, qui en commande 100 000, que celui qui est exposé au pouvoir arbitraire de 100 000 hommes particuliers, personne ne pouvant s’assurer que ce seul homme, qui a un tel commandement, ait meilleure volonté que n’ont ces autres, quoique sa force et sa puissance soit cent mille fois plus grande. Donc, dans tous les états le pouvoir de ceux qui gouvernent, doit être exercé selon des loix publiées et reçues, non par des arrêts faits sur-le-champ, et par des résolutions arbitraires : car autrement, on se trouveroit dans un plus triste et plus dangereux état que n’est l’état de nature, si l’on avoit armé du pouvoir réuni de toute une multitude, une personne, ou un certain nombre de personnes, afin qu’elles se fissent obéir selon leur plaisir, sans garder aucunes bornes, et conformément aux décrets arbitraires de la première pensée qui leur viendroit, sans avoir jusqu’alors donné à connoître leur volonté, ni observé aucunes règles qui pussent justifier leurs actions. Tout le pouvoir d’un gouvernement n’étant établi que pour le bien de la société, comme il ne sauroit, par cette raison, être arbitraire et être exercé suivant le bon plaisir, aussi doit-il être exercé suivant les loix établies et connues ; ensorte que le peuple puisse connoître son devoir, et être en sûreté à l’ombre de ces loix ; et qu’en même-tems les gouverneurs se tiennent dans de justes bornes, et ne soient point tentés d’employer le pouvoir qu’ils ont entre les mains, pour suivre leurs passions et leurs intérêts, pour faire des choses inconnues et désavantageuses à la société politique, et qu’elle n’auroit garde d’approuver.

V. En troisième lieu, la suprême puissance n’a point le droit de se saisir d’aucune partie des biens propres d’un particulier, sans son consentement. Car, la conservation de ce qui appartient en propre à chacun, étant la fin du gouvernement, et ce qui engage à entrer en société ; ceci suppose nécessairement que les biens propres du peuple doivent être sacrés et inviolables : ou il faudroit supposer que des gens entrant dans une société, auroient par là perdu leur droit à ces sortes de biens, quoiqu’ils y fussent entrés dans la vue d’en pouvoir jouir avec plus de sûreté et plus commodément. L’absurdité est si grande, qu’il n’y a personne qui ne la sente. Les hommes donc, possédant, dans la société, les choses qui leur appartiennent en propre, ont un si grand droit sur ces choses, qui, par les loix de la communauté, deviennent leurs, que personne ne peut les prendre, ou toutes, ou une partie, sans leur consentement. Ensorte que si quelqu’un pouvoit s’en saisir, dès-lors ce ne seroient plus des biens propres. Car, à dire vrai, je ne suis pas le propriétaire de ce qu’un autre est en droit de me prendre quand il lui plaira, contre mon consentement. C’est pourquoi, c’est une erreur, que de croire que le pouvoir suprême ou législatif d’un état puisse faire ce qu’il veut, et disposer des biens des sujets d’une manière arbitraire, ou se saisir d’une partie de ces biens, comme il lui plaît. Cela n’est pas fort à craindre dans les gouvernemens où le pouvoir législatif réside entièrement, ou en partie, dans des assemblées qui ne sont pas toujours sur pied, mais composées des mêmes personnes, et dont les membres, après que l’assemblée a été séparée et dissoute, sont sujets aux loix communes de leur pays, tout de même que le reste des citoyens. Mais dans les gouvernemens où l’autorité législative réside dans une assemblée stable, ou dans un homme seul, comme dans les monarchies absolues, il y a toujours à craindre que cette assemblée, ou ce monarque, ne veuille avoir des intérêts à part et séparés de ceux du reste de la communauté ; et qu’ainsi il ne soit disposé à augmenter ses richesses et son pouvoir, en prenant au peuple ce qu’il trouvera bon. Ainsi, dans ces sortes de gouvernemens, les biens propres ne sont guère en sûreté. Car, ce qui appartient en propre à un homme, n’est guère sûr, encore qu’il soit dans un état où il y a de très-bonnes loix capables de terminer, d’une manière juste et équitable, les procès qui peuvent s’élever entre les sujets ; si celui qui gouverne ces sujets-là, a le pouvoir de prendre à un particulier de ce qui lui appartient en propre, ce qu’il lui plaira, et de s’en servir et en disposer comme il jugera à propos.

VI. Mais le gouvernement, entre quelques mains qu’il se trouve, étant, comme j’ai déjà dit, confié sous cette condition, et pour cette fin, que chacun aura et possédera en sûreté ce qui lui appartient en propre ; quelque pouvoir qu’aient ceux qui gouvernent, de faire des loix pour régler les biens propres de tous les sujets, et terminer entr’eux toutes sortes de différends, ils n’ont point droit de se saisir des biens propres d’aucun d’eux, pas même de la moindre partie de ces biens, contre le consentement du propriétaire. Car autrement, ce seroit ne leur laisser rien qui leur appartînt en propre. Pour nous convaincre que le pouvoir absolu, lors même qu’il est nécessaire de l’exercer, n’est pas néanmoins arbitraire, mais demeure toujours limité par la raison, et terminé par ces mêmes fins qui requièrent, en certaines rencontres, qu’il soit absolu, nous n’avons qu’à considérer ce qui se pratique dans la discipline militaire. La conservation et le salut de l’armée et de tout l’état, demandent qu’on obéisse absolument aux commandemens des officiers supérieurs ; et on punit de mort ceux qui ne veulent pas obéir, quand même celui qui leur donne quelque ordre seroit le plus fâcheux et le plus déraisonnable de tous les hommes ; il n’est pas même permis de contester ; et si on le fait, on peut être, avec justice, puni de mort ; cependant, nous voyons qu’un sergent, qui peut commander à un soldat de marcher pour aller se mettre devant la bouche d’un canon, ou pour se tenir sur une brèche, où ce soldat est presque assuré de périr, ne peut lui commander de lui donner un sol de son argent. Un général non plus, qui peut condamner un soldat à la mort, pour avoir déserté, pour avoir quitté un poste, pour n’avoir pas voulu exécuter quelque ordre infiniment dangereux, pour avoir désobéi tant soit peu, ne peut pourtant, avec tout son pouvoir absolu de vie et de mort, disposer d’un liard du bien de ce soldat, ni se saisir de la moindre partie de ce qui lui appartient en propre. La raison de cela, est que cette obéissance aveugle est nécessaire pour la fin pour laquelle un général ou un commandant a reçu un si grand pouvoir, c’est-à-dire, pour le salut et l’avantage de l’armée et de l’état ; et que disposer, d’une manière arbitraire, des biens et de l’argent des soldats, n’a nul rapport avec cette fin.

VII. Il est vrai, d’un autre côté, que les gouvernemens ne sauroient subsister sans de grandes dépenses, et par conséquent sans subsides, et qu’il est à propos que ceux qui ont leur part de la protection du gouvernement, paient quelque chose, et donnent à proportion de leurs biens, pour la défense et la conservation de l’état ; mais toujours faut-il avoir le consentement du plus grand nombre des membres de la société qui le donnent, ou bien par eux-mêmes immédiatement, ou bien par ceux qui les représentent et qui ont été choisis par eux. Car, si quelqu’un prétendoit avoir le pouvoir d’imposer et de lever des taxes sur le peuple, de sa propre autorité, et sans le consentement du peuple, il violeroit la loi fondamentale de la propriété des choses, et détruiroit la fin du gouvernement. En effet, comment me peut appartenir en propre ce qu’un autre a droit de me prendre lorsqu’il lui plaira ?

VIII. En quatrième lieu, l’autorité législative ne peut remettre en d’autres mains le pouvoir de faire des loix. Car, cette autorité n’étant qu’une autorité confiée par le peuple, ceux qui l’ont reçue n’ont pas droit de la remettre à d’autres. Le peuple seul peut établir la forme de l’état, c’est-à-dire, faire résider le pouvoir législatif dans les personnes qu’il lui plaît, et de la manière qu’il lui plaît. Et quand le peuple a dit, nous voulons être soumis aux loix de tels hommes, et en telle manière ; aucune autre personne n’est en droit de proposer à ce peuple des loix à observer, puisqu’il n’est tenu de se conformer qu’aux règlemens faits par ceux qu’il a choisis et autorisés pour cela.

IX. Ce sont là les bornes et les restrictions que la confiance qu’une société a prise en ceux qui gouvernent, et les loix de Dieu et de la nature ont mises au pouvoir législatif de chaque état, quelque forme de gouvernement qui y soit établie. La première restriction est, qu’ils gouverneront selon les loix établies et publiées, non par des loix muables et variables, suivant les cas particuliers ; qu’il y aura les mêmes règlement pour le riche et pour le pauvre, pour le favori et le courtisan, et pour le bourgeois et le laboureur. La seconde, que ces loix et ces réglemens ne doivent tendre qu’au bien public. La troisième, qu’on n’imposera point de taxes sur les biens propres du peuple, sans son consentement, donné immédiatement par lui-même ou par ses députés. Cela regarde proprement et uniquement ces sortes de gouvernemens, dans lesquels le pouvoir législatif subsiste toujours et est sur pied sans nulle discontinuation, ou dans lesquels du moins le peuple n’a réservé aucune partie de ce pouvoir aux députés, qui peuvent être élus, de tems en tems, par lui-même. En quatrième lieu, que le pouvoir législatif ne doit conférer, à qui que ce soit, le pouvoir de faire des loix ; ce pouvoir ne pouvant résider de droit que là où le peuple l’a établi.



  1. « Le pouvoir de faire des loix et de les proposer pour être observées, à toute une société politique, appartenant si parfaitement à toute la même société, si un Prince ou un Potentat, quel qu’il soit sur la terre ; exerce ce pouvoir de lui-même, sans une commission expresse, reçue immédiatement et personnellement de Dieu, ou bien par l’autorité dérivée du consentement de ceux à qui il imposent des loix, ce n’est autre chose qu’une pure tyrannie. Il n’y a de loix légitimes que celles que l’approbation publique a rendues telles. C’est pourquoi nous remarquerons sur ce sujet que, puisqu’il n’y a personne qui ait naturellement un plein et parfait pouvoir de commander toute une multitude politique de gens ; nous pouvons, si nous n’avons point donné notre consentement, demeurer libres et sans être soumis au commandement d’aucun homme qui vive. Mais nous consentons de recevoir des ordres, lorsque cette société, dont nous sommes membres, a donné son consentement quelque tems auparavant, sans l’avoir révoqué quelque tems après par un semblable accord universel. Les loix humaines donc, de quelque nature qu’elles soient, sont valables par le consentement ». Hooker, Eccl. Pol. lib. 1, § 10.
  2. Voyez Hooker, Eccl. Pol. lib. 1, § 10.
  3. Voyez Hooker, Eccl. Pol. lib. 3, §. 9 et lib. 1, §. 10.