Traité de radioactivité/Tome 1/7

Gauthier (Tome Ip. 327-383).

CHAPITRE VII.

RADIOACTIVITÉ INDUITE.



74. Production de radioactivité induite. — La radioactivité induite est une activité transmise à des corps primitivement inactifs, placés dans le voisinage des corps qui ont la propriété d’émettre une émanation radioactive. Tels sont le radium, le thorium et l’actinium. L’uranium, le polonium et autres substances qui ne produisent pas d’émanation ne donnent pas lieu à la formation de radioactivité induite.

La découverte du phénomène de radioactivité induite est relativement ancienne (voir § 53).

Voici quels sont les caractères essentiels de ce phénomène, tels qu’ils ont été établis dans les premières recherches ([1]) :


1o L’activité d’une lame exposée à l’action d’une substance activante augmente avec le temps de l’exposition en se rapprochant d’une certaine limite suivant une loi asymptotique.

2o L’activité d’une lame, qui a été activée et qui a été ensuite soustraite à l’action activante, disparaît progressivement et tend vers zéro suivant une loi asymptotique.

3o Toutes conditions égales d’ailleurs, la radioactivité induite sur diverses lames est indépendante de la nature de la lame. Le verre, le papier, les métaux, s’activent avec la même intensité.

4o La radioactivité induite sur une même lame a une valeur limite d’autant plus élevée que l’activité de la substance activante est plus grande.

5o Toutes conditions égales d’ailleurs, la radioactivité induite acquise par un corps est, en général, augmentée quand ce corps porte une charge électrique négative.


Ainsi la radioactivité induite est indépendante, toutes choses égales d’ailleurs, de la nature de la substance sur laquelle elle apparaît ; cette substance ne lui sert en quelque sorte que de support. On peut de même constater que la radioactivité induite développée sur des surfaces solides non poreuses est un phénomène superficiel ; elle peut être enlevée par frottement avec une couche de matière de très faible épaisseur. Ces considérations ont conduit M. Rutherford à proposer le nom de dépôt actif pour l’agent actif qui se trouve présent sur une surface activée. Le mot dépôt actif évoque l’idée d’une matière. La radioactivité induite se présente d’ailleurs, en effet, comme une propriété attachée à une matière déposée en quantité minime sur la surface activée.

La radioactivité induite consiste dans tous les cas en une émission de rayons hétérogènes qui comporte à la fois un rayonnement absorbable et un rayonnement pénétrant.


75. Radioactivité induite due au radium. — P. Curie et M. Debierne ont fait une série d’expériences qui ont précisé le mode de production de la radioactivité induite dans le cas du radium[2].

Quand on produit l’activation d’une substance au voisinage du radium à l’air libre, on obtient des résultats irréguliers ; le phénomène est, au contraire, très régulier quand on opère en vase clos. La matière active était placée dans une petite ampoule en verre a, ouverte en o (fig. 74), au milieu d’une enceinte close. Diverses plaques A, B, C, D, E placées dans l’enceinte deviennent radioactives au bout d’un jour d’exposition. L’activité est la même, quelle que soit la nature de la plaque, à dimensions égales (plomb, cuivre, aluminium, verre, ébonite, cire, carton, paraffine). L’activité d’une face de l’une des lames est d’autant plus grande que l’espace libre en regard de cette face est plus grand.

Si l’on répète l’expérience précédente avec l’ampoule a complètement fermée, on n’obtient aucune activité induite.

Le rayonnement du radium n’intervient pas directement dans la production de la radioactivité induite. C’est ainsi que, dans l’expérience précédente, la lame D, protégée du rayonnement par l’écran en plomb épais PP, est activée autant que B et E.

La radioactivité se transmet par l’air de proche en proche depuis la matière radiante jusqu’au corps à activer. Elle peut même se transmettre au loin par des tubes capillaires très étroits.

Fig. 74.

La radioactivité induite est à la fois plus intense et plus régulière, si l’on remplace le sel radifère activant solide par sa dissolution aqueuse.

Certaines substances deviennent lumineuses, quand on les place dans une enceinte activante (corps phosphorescents et fluorescents, verre, papier, coton, eau, solutions salines). Le sulfure de zinc phosphorescent est particulièrement brillant dans ces conditions. La radioactivité de ces corps lumineux est cependant la même que celle d’un morceau de métal ou autre corps qui s’active dans les mêmes conditions sans devenir lumineux.

Quelle que soit la substance que l’on active en vase clos, cette substance prend une activité qui augmente avec le temps et finit par atteindre une valeur limite, toujours la même, quand on opère avec la même matière activante et le même dispositif expérimental.

La radioactivité induite limite, observée avec un dispositif convenable, est indépendante de la nature et de la pression du gaz qui se trouve dans l’enceinte activante (air, hydrogène, acide carbonique), elle dépend seulement de la quantité de radium qui s’y trouve à l’état de solution, et semble lui être proportionnelle.

Pendant qu’on fait le vide dans une enceinte close contenant un sel de radium solide, l’enceinte se désactive partiellement, et l’activation se rétablit ensuite très lentement lorsqu’on a interrompu la communication avec la trompe.

Lorsque le gaz actif contenu dans une enceinte renfermant du radium est transporté dans une autre enceinte, il conserve pendant un temps assez long la propriété de rendre radioactifs les corps solides amenés en contact avec lui. La propriété activante du gaz disparaît en fonction du temps suivant une loi exponentielle ; elle diminue de la moitié de sa valeur pendant une période voisine de 4 jours.

Les caractères essentiels du phénomène peuvent être interprétés en admettant que la radioactivité induite ne peut se produire qu’en présence de l’émanation, et que, toutes conditions égales d’ailleurs, elle a une intensité proportionnelle à la quantité d’émanation contenue dans l’enceinte activante.

P. Curie et M. Debierne ont observé que l’activité induite des corps placés dans une enceinte activante dépend essentiellement de l’espace libre existant devant eux[3]. Si dans l’enceinte on place une série de lames de cuivre parallèles entre elles, mais à des distances successives de plus en plus grandes, on constate que lorsque la distance entre les lames est petite, 1mm par exemple, les surfaces en regard s’activent faiblement. Au contraire, si la distance entre les lames est grande, 3cm par exemple, les surfaces en regard s’activent fortement. Le pouvoir d’activation est donc le même dans les diverses parties de l’enceinte, et ce fait est lié à la distribution de l’émanation, mais les parois s’activent, en première approximation, proportionnellement à la grandeur de l’espace libre situé devant elles.

Si l’enceinte activante est en verre, elle est entièrement illuminée, mais elle ne l’est pas également partout. Les tubes d’une même enceinte sont d’autant plus lumineux et plus radioactifs qu’ils sont plus larges. Dans une même enceinte quand le régime est atteint, les parties de même forme ont même activité, qu’elles soient ou non dans le voisinage immédiat de la solution activante.

La radioactivité induite obtenue avec une quantité de radium relativement importante peut atteindre une intensité très élevée. Dans les expériences décrites ci-dessus l’activité des lames était, à surface égale, plusieurs milliers de fois plus grande que celle de l’uranium. On peut obtenir une radioactivité induite bien plus grande encore.


76. Loi de disparition de la radioactivité induite due au radium. — Quand une lame qui a été activée en présence de l’émanation du radium est retirée de l’enceinte activante, l’activité de cette lame disparaît presque complètement en un temps inférieur à un jour. La loi, suivant laquelle l’activité varie en fonction du temps, dépend du temps pendant lequel la lame a séjourné dans l’enceinte activante, autrement dit du temps d’exposition. Cette loi dépend aussi de la manière dont les rayons sont utilisés, et n’est pas la même suivant qu’on utilise le rayonnement total ou seulement le rayonnement pénétrant. Mais dans tous les cas le rayonnement ne conserve après 3 à 4 heures qu’une très faible partie de sa valeur primitive.

Si dans l’enceinte activante la concentration de l’émanation reste invariable, l’activité d’une lame qui séjourne dans l’enceinte croît avec le temps d’exposition. Toutefois une limite est atteinte en moins d’un jour, et l’activité induite de la lame reste alors stationnaire. La loi de la variation de cette activité en fonction du temps, après que la lame a été retirée de l’enceinte, est désormais indépendante du temps d’exposition entre un jour et un grand nombre de jours. L’activation est alors dite saturée, ou bien à exposition longue.

I. Voici comment varie en fonction du temps le rayonnement d’une lame qui a subi une exposition longue :


1o On utilise le rayonnement total . La variation de en fonction du temps est représentée par la courbe de la figure 75, I. L’intensité du rayonnement décroît d’abord rapidement et tombe à la moitié environ de la valeur primitive en un temps d’environ 15 minutes. Une loi de décroissance plus lente s’établit ensuite. Cette loi n’est pas simple, mais elle tend asymptotiquement vers une loi exponentielle simple, avec laquelle elle peut être considérée comme confondue pour = 3 heures à 4 heures. L’intensité du rayonnement diminue alors de moitié en une période de temps voisine de 28 minutes.

La première étude détaillée de la loi de désactivation a été faite par P. Curie et M. Danne[4]. Ce travail a conduit aux résultats expérimentaux qui viennent d’être énoncés, et a permis de plus d’établir ce fait important que la courbe d’apparence complexe peut être représentée par une formule numérique simple qui consiste en une différence de deux exponentielles. Une demi-heure à partir du début de la désactivation la loi de décroissance est représentée par la formule


où les coefficients ont les valeurs suivantes :

La deuxième exponentielle devient négligeable par rapport à la première après quelques heures, et alors la loi de décroissance est une exponentielle simple caractérisée par une diminution de moitié en 28 minutes.

Dans la formule précédente, n’est pas l’intensité initiale réellement observée ; c’est l’intensité initiale qu’on aurait observée si la loi exprimée par la formule s’appliquait dès le début, autrement dit est l’intensité initiale obtenue par extrapolation de la formule vers l’origine des temps. La courbe ainsi extrapolée est indiquée sur la figure en traits ponctués.


2o Si au lieu d’utiliser le rayonnement total, on utilise seulement les rayons qui ont traversé une épaisseur d’aluminium de 0mm,5 ou davantage, c’est-à-dire les rayons et on trouve que l’intensité du rayonnement est approximativement représentée dès le début de la désactivation par la formule Curie et Danne, sans que l’on observe la baisse initiale rapide qui a été signalée dans le cas où les rayons utilisés sont principalement les rayons

Fig. 75.


Nous verrons plus loin que la formule Curie et Danne ne représente pas la loi de désactivation d’une manière rigoureuse. Les coefficients des deux exponentielles ont été légèrement modifiés, et le coefficient peut dépendre dans une certaine mesure des conditions expérimentales. Toutefois cette formule donne une bonne première approximation pour la représentation de la courbe. Elle a d’ailleurs servi de modèle pour l’analyse mathématique d’autres courbes analogues qui se présentent en radioactivité. Le mode d’analyse sera exposé en détail dans le paragraphe 170.


II. L’ensemble des courbes obtenues pour des temps d’exposition variant depuis quelques secondes à 24 heures a été l’objet d’études faites d’une part par P. Curie et M. Danne[5], d’autre part par Miss Brooks[6] ; P. Curie et M. Danne ont montré que dans tous les cas la loi de désactivation devient finalement après quelques heures la même loi exponentielle caractérisée par une baisse de moitié en 28 minutes environ. Les courbes qui représentent l’intensité du rayonnement total en fonction du temps pour différents temps d’exposition ont été tracées dans la figure 76. Les courbes de la figure 77 représentent le logarithme de l’intensité de ce même rayonnement en fonction du temps ; conformément aux résultats expérimentaux énoncés plus haut, chaque courbe tend vers une droite, et toutes ces droites limites sont parallèles entre elles. Les courbes obtenues en utilisant seulement les rayons et sont celles de la figure 78 ; elles représentent l’intensité du rayonnement pénétrant en fonction du temps pour différents temps d’exposition.


1o Considérons en particulier la courbe relative à un temps d’exposition très court (environ 1 minute) et au rayonnement total (fig. 75, II). Pendant les 10 premières minutes après que la lame a été retirée de l’enceinte activante, l’activité décroît rapidement et devient environ 8 fois plus faible, La désactivation se ralentit cependant, et après 15 minutes l’activité prend une valeur stationnaire qui persiste pendant 20 minutes environ. La décroissance reprend alors à nouveau, et tend vers la loi exponentielle caractéristique finale.

Fig. 76.

Les courbes qui correspondent aux temps d’activation compris entre 1 minute et 24 heures ont des formes intermédiaires entre ces deux types extrêmes. À mesure que le temps d’exposition augmente, la baisse initiale diminue d’importance ; en même temps le palier d’intensité constante devient plus court et disparaît.

Fig. 77.

2o La courbe relative à un temps d’exposition très court et au rayonnement pénétrant et (fig. 78) est essentiellement différente à son début de la courbe obtenue pour le même temps d’exposition, en utilisant le rayonnement total. Non seulement on n’y observe pas la baisse initiale si importante, mais, au contraire, le rayonnement, très faible au début, commence par croître et augmente jusqu’à t = 35 minutes environ ; un maximum est alors atteint, après lequel s’établit la décroissance progressive suivant une loi qui tend vers la loi exponentielle finale.

Quand le temps d’exposition augmente, la courbe se déforme progressivement. L’intensité initiale n’est plus nulle, et son rapport à l’intensité

Fig. 78.


maximum va en augmentant ; de plus, le temps qui correspond au maximum recule vers l’origine. Pour un temps d’exposition de 24 heures le maximum se trouve à l’origine même.

On voit que l’évolution de l’activité induite a les apparences d’un phénomène très complexe. Cependant l’étude expérimentale du phénomène a montré que tous les résultats peuvent être représentés numériquement par des combinaisons linéaires de trois fonctions exponentielles distinctes (voir Chapitre XIII). La théorie des transformations radioactives rend compte de ce fait en admettant que le dépôt actif du radium est composé de trois substances radioactives distinctes, dont chacune se détruit suivant une loi exponentielle caractéristique. La première de ces substances est nommée radium A ; elle est produite directement par l’émanation et se détruit très rapidement en produisant la deuxième substance, le radium B ; celle-ci se détruit à son tour en donnant lieu à la formation de radium C. Les vitesses de destruction du radium B et du radium C sont peu différentes. Chacune des substances a son rayonnement propre ; l’intensité relative de ces rayonnements varie avec la proportion des substances et la nature des écrans utilisés, et leur superposition suffit pour rendre compte de tous les phénomènes décrits.

En particulier, la baisse initiale rapide du rayonnement total est due à la destruction du radium A ; cette baisse est supprimée par l’emploi d’un écran d’épaisseur supérieure à 0mm,1, parce que le radium A n’émet pas de rayons pénétrants.

Il est d’ailleurs utile de remarquer que la forme des courbes obtenues dépend dans une certaine mesure du dispositif expérimental employé, parce que de ce dispositif dépend la manière dont les diverses parties du rayonnement sont utilisées pour ioniser le gaz.

Les considérations précédentes s’appliquent aux substances qui n’absorbent pas sensiblement d’émanation (cuivre, verre, etc.). La figure 79 représente les courbes obtenues par P. Curie et M. Danne avec différents temps d’exposition, pour la désactivation de substances telles que le celluloïd ou le caoutchouc qui s’imprègnent d’émanation et ne la dégagent que progressivement ; la vitesse de désactivation est en ce cas diminuée ; on voit que ce phénomène est déjà très sensible avec le plomb. La courbe de désactivation normale après activation saturée est représentée en gros trait sur la figure.

On peut constater que toutes les substances dont la courbe de désactivation s’écarte de la courbe normale, ainsi que l’indique la figure, sont susceptibles de dégager de l’émanation et activent les corps dans leur voisinage. Le même effet peut être observé à un degré très faible avec les métaux ou le verre qui dégagent un peu d’émanation pendant un temps d’une heure ou deux après avoir été retirés de l’enceinte activante. Les corps poreux absorbent l’émanation avec une facilité particulière. Nous avons vu que le charbon, l’écume de mer, le noir de platine sont très actifs à ce point de vue.

Fig. 79.


De toute façon on constate que la loi de disparition de la radioactivité induite est bien plus rapide dans le cas du radium que la loi de disparition de l’émanation. Quand on chasse brusquement l’émanation du radium d’un vase dans lequel celle-ci a séjourné pendant un jour au moins, la loi de décroissance du rayonnement se trouve modifiée, et a lieu, à partir de ce moment, conformément à l’une des courbes qui conviennent à la disparition de l’activation saturée, suivant que l’on utilise le rayonnement total ou le rayonnement pénétrant.

Quand l’émanation est brusquement admise dans un récipient, la radioactivité induite commence aussitôt à s’établir sur les parois du vase et sur toute lame solide qu’on aura placée dans le vase. P. Curie et M. Danne ont trouvé que si l’on désigne par la valeur limite de l’activité acquise par la lame, la différence varie en fonction du temps suivant la même loi que celle qui caractérise la désactivation d’une lame après activation saturée. Ainsi que la lame s’active ou se désactive, le rayonnement tend vers sa valeur limite suivant la même loi. La courbe d’activation et la courbe de désactivation après exposition longue sont complémentaires quand les mesures sont faites dans les mêmes conditions.

Dans la figure 45 la courbe II représente l’accroissement du rayonnement total dans un récipient après introduction de l’émanation (électrodes intérieures) ; cette courbe est complémentaire de la courbe de décroissance du rayonnement total pour ce même récipient quand l’émanation en a été chassée après un séjour d’environ 24 heures (fig. 75, I). De même la courbe d’accroissement du rayonnement pénétrant (fig. 45, I) est complémentaire de la courbe de disparition de ce même rayonnement (fig. 75, I, courbe prolongée par trait ponctué et fig. 78, exposition 20,5 heures).

Si l’on considère qu’une certaine quantité d’émanation a disparu, pendant qu’une certaine quantité de radioactivité induite s’est formée, le fait de l’augmentation du rayonnement dans un vase dans lequel on vient d’admettre l’émanation, prouve que la quantité de radioactivité induite dont la formation accompagne la destruction d’une certaine quantité d’émanation, donne lieu à un rayonnement beaucoup plus important que celui de l’émanation correspondante.


77. Radioactivité induite à évolution lente. — La radioactivité induite due au radium constitue un phénomène dont l’ordre de grandeur est tel qu’il est facile de l’observer. Quand cette radioactivité induite a disparu sur le corps activé, celui-ci ne conserve, en général, aucune activité appréciable. Toutefois ce n’est là qu’une question d’ordre de grandeur, et tout corps qui a été activé conserve en réalité, après disparition de la radioactivité induite à évolution rapide, un résidu d’activité, le plus souvent trop faible pour pouvoir être observé.

P. Curie et moi nous avons observé, en effet, que tout corps qui séjourne pendant longtemps (un mois, par exemple) au contact de l’émanation du radium très concentrée acquiert une radioactivité induite qui laisse un résidu important, après que le corps a subi la désactivation pendant une journée[7]. Dans ces expériences, la loi de décroissance à partir du début de la désactivation était la même que d’ordinaire, mais l’activité étant tombée à une fraction de sa valeur primitive qui était, par exemple, égale à ne diminuait plus, mais évoluait avec une lenteur extrême, et quelquefois même allait en augmentant. Des lames de cuivre, d’aluminium, de verre ont ainsi conservé une activité résiduelle pendant six mois. Dans un travail important sur cette radioactivité induite à évolution lente. M. Rutherford a montré qu’elle augmente pendant des années (voir § 185).

En employant de l’émanation très concentrée, il est facile d’obtenir une activité résiduelle importante, à condition de laisser l’émanation en contact prolongé avec le corps à activer. On peut, par exemple, obtenir une activité 20 fois à 100 fois plus grande que celle de l’uranium, à surface égale.


78. Activité induite due au thorium. — Quand un composé de thorium est placé dans un vase clos, contenant de l’air à la pression atmosphérique, la distribution de l’émanation dans ce vase ne peut devenir uniforme comme dans le cas d’un sel radifère. L’activité induite, à temps d’exposition égal, est toujours d’autant plus forte que l’on se trouve plus près du composé actif. Une activation intense peut être obtenue par l’emploi d’une électrode chargée négativement qui pénètre dans le vase et sur laquelle le dépôt actif vient se concentrer de préférence. On peut obtenir ainsi un fil activé, dont l’activité est à surface égale 10 000 fois plus grande que celle de l’oxyde de thorium.

La production de l’activité induite est liée à la présence de l’émanation. On obtient l’activité induite sur une lame placée au-dessus d’une couche d’oxyde de thorium recouverte par un papier assez épais pour arrêter les rayons c’est-à-dire la partie principale du rayonnement ionisant, mais assez perméable pour laisser passer l’émanation. Au contraire l’activation ne se manifeste pas à l’extérieur d’une boîte étanche contenant de l’oxyde de thorium et ayant l’une de ses parois constituée par une lamelle de mica mince qui laisse passer les rayons et par conséquent aussi les rayons et L’intensité de la radioactivité induite peut être considérée comme proportionnelle à la quantité d’émanation présente. C’est ainsi que l’oxyde de thorium calciné produit très peu d’activité induite par comparaison avec l’oxyde non calciné. On peut faire passer un lent courant d’air, chargé d’émanation du thorium, dans un long tube métallique contenant des électrodes isolées semblables et équidistantes, comme dans l’expérience qui a servi pour la mesure de la décroissance de l’émanation (fig. 43). Quand le régime est établi, ce qui se produit assez rapidement, on mesure le courant d’ionisation qui peut être obtenu entre chacune des électrodes et le tube. Ce courant mesure la concentration de l’émanation au voisinage de chaque électrode, la radioactivité induite demandant un temps assez long pour se développer. Après quelques heures on enlève les électrodes et l’on mesure leur activité ; elle est, pour chaque électrode, approximativement proportionnelle à la concentration de l’émanation qui avait été maintenue en face de cette électrode[8].

L’activité induite due au thorium croît avec le temps d’exposition, et tend vers une valeur limite qui n’est atteinte qu’après quatre jours environ ; l’activation est alors dite saturée. Si le corps activé est ensuite soustrait à l’action de l’émanation, son activité décroît en fonction du temps. La loi de décroissance a été étudiée par M. Rutherford[9]. Elle est représentée par une courbe dans la figure 80, I, le temps compté à partir du début de la désactivation étant porté en abscisses, et l’intensité du rayonnement en ordonnées. La courbe dans son ensemble correspond à une loi exponentielle simple suivant la formule


est l’intensité initiale du rayonnement. La valeur du coefficient de l’exponentielle est Cette valeur est telle que l’intensité du rayonnement décroît de moitié en une période de 11 heures environ.

Pendant les quelques premières heures la loi de désactivation est plus lente que celle indiquée par la formule ci-dessus.

Fig. 80.

Quand le corps à activer est placé en présence de l’émanation du thorium dont la concentration est maintenue constante, l’activation acquise par le corps peut être représentée en fonction du temps par la loi simple.


étant le même coefficient que celui qui intervient dans la formule précédente et étant la valeur limite de l’activité induite. Si en particulier nous faisons


on voit que les courbes d’activation et de désactivation après activation saturée (fig. 80, II et I) sont complémentaires et que l’on a par suite

Pendant les premières heures l’activation a d’ailleurs lieu plus lentement que ne l’indique la formule, de sorte que les courbes I et II restent complémentaires aussi dans cette région initiale.

Si, au lieu d’utiliser le rayonnement total, on utilise seulement les rayons pénétrants, les courbes obtenues ne sont pas modifiées sensiblement. Les Tableaux suivants donnent les valeurs de l’intensité du rayonnement en fonction du temps pour l’activation et pour la désactivation après activation saturée :


Activation.
Désactivation.
Temps en heures. xActivité.            Temps en heures. xActivité.
21,58           6,3__ 0,9           100,86
23,25           10,5__ 7,9           64,86
25,83           29,5__ 11,8           47,46
29,83           40,5__ 23,4           19,66
14,00           59,5__ 29,2           13,86
23,41           77,5__ 32,6           10,36
29,83           83,5__ 49,2           3,76
47,00           90,5__ 62,1           1,86
72,50           95,5__ 71,4           0,86
96,00           100,5__

Quand une lame a été activée pendant un temps court en présence de l’émanation du thorium, la loi de la variation de la radioactivité induite avec le temps pour cette lame n’est pas la même qu’après exposition longue. L’activité en ce cas commence par croître, passe par un maximum, et décroît ensuite suivant une loi qui tend vers la loi exponentielle simple caractéristique de la décroissance après exposition longue. Cette influence du temps d’exposition a été mise en évidence par M. Rutherford[10]. Après exposition de 41 minutes, par exemple, l’activité atteint en 3 heures une valeur maximum trois fois plus grande que la valeur initiale, et décroît ensuite suivant la loi ordinaire de diminution de moitié en 11 heures environ. Les courbes d’évolution de la radioactivité induite du thorium en fonction du temps pour différents temps d’exposition ont été construites par Miss Brooks[11]. Ces courbes sont représentées dans les figures 81 et 82.

Après une exposition de 10 minutes dans l’air contenant l’émanation, mais privé de poussières, l’activité induite atteint en 3 heures 7 minutes une valeur cinq fois plus grande que la valeur initiale et décroît ensuite suivant la loi normale.

Fig. 81.

Quand le temps d’exposition augmente, le maximum se déplace vers l’origine ;

Fig. 82.


en même temps le rapport de l’activité initiale à l’activité maximum va en augmentant et tend vers l’unité. On peut supposer que pour un temps d’exposition très court l’activité initiale serait sensiblement nulle. Dans tous les cas on obtient des courbes de même forme, en mesurant l’activité totale ou l’activité due aux rayons pénétrants.

Au courant de son travail sur la radioactivité induite du thorium, Miss Brooks a observé que la présence de poussières dans l’air de l’enceinte activante peut influencer les résultats obtenus. L’intensité de l’activation obtenue pour un temps d’exposition de 5 minutes dépend en ce cas du temps pendant lequel l’air de l’enceinte est resté au contact de l’émanation, et croît avec ce temps jusqu’à un maximum qui est atteint pour 18 heures. L’activation obtenue dans ces conditions est 20 fois plus grande que celle qu’on aurait obtenue avec de l’air fraîchement introduit ; de plus elle ne subit pas de forte augmentation pendant les premières heures qui suivent la fin de l’exposition, ainsi que cela a lieu normalement pour une exposition de 5 minutes avec de l’air privé de poussières. On peut penser que les particules de poussière contenues dans l’air peuvent acquérir, comme toute substance solide, la radioactivité induite, et que celle-ci évolue sur ces particules suivant les lois ordinaires. Si ensuite on introduit dans l’enceinte activante une électrode chargée négativement, ainsi que l’on fait d’ordinaire quand on veut obtenir la radioactivité induite du thorium, cette électrode récolte aussi toutes les poussières, dont l’activation peut correspondre à un temps d’exposition beaucoup plus long que celui utilisé pour l’électrode elle-même. Les poussières radioactives peuvent aussi d’ailleurs être entraînées vers l’électrode positive qui peut ainsi acquérir une activation importante.

La loi de décroissance finale de l’activité induite du thorium a été étudiée dans plusieurs travaux ; la décroissance de moitié a lieu en un temps dont la valeur est voisine de 10 heures 36 minutes.


79. Radioactivité induite due à l’actinium. — L’activité induite produite en présence des composés d’actinium est limitée dans l’air sous la pression ordinaire à une distance de quelques centimètres de la substance active ; elle ne peut être obtenue à une distance plus grande qu’en opérant sous pression réduite. Ce fait s’explique par la disparition très rapide de l’émanation de l’actinium, laquelle, en se diffusant dans l’air, ne peut se propager à grande distance de la substance active. Le plus souvent l’activation est obtenue en faisant passer sur l’actinium un courant d’air qui entraîne l’émanation et l’amène en contact avec le corps à activer. Les expériences de M. Debierne sur la mesure de la constante de l’émanation de l’actinium ont montré que, sauf à très petite distance de l’actinium, la radioactivité induite sur un corps solide est proportionnelle à la concentration de l’émanation au contact de ce corps solide, toutes conditions étant égales d’ailleurs. L’émanation peut donc être considérée, ainsi que dans le cas du radium et du thorium, comme la cause directe de la radioactivité induite.

Un corps solide qui se trouve au contact de l’émanation de l’actinium sous concentration invariable, prend une activité induite qui augmente avec le temps jusqu’à une valeur limite, laquelle est atteinte en quelques heures. Quand le corps activé est ensuite soustrait à l’action de l’émanation, son activité disparaît complètement en un temps de quelques heures également. La loi de l’évolution de l’activité induite, à partir du moment où le contact avec l’émanation a été supprimé, dépend du temps d’exposition ; mais, quel que soit ce temps, les résultats obtenus en utilisant la totalité du rayonnement sont sensiblement les mêmes que ceux obtenus en utilisant seulement les rayons pénétrants.

On peut aussi remarquer que, quel que soit le temps d’exposition, la loi de variation observée pour la radioactivité induite devient la même 15 minutes après la fin de l’exposition. Cette loi limite a été étudiée par M. Debierne et ensuite par de nombreux observateurs. C’est une loi exponentielle simple de la forme


est l’intensité à l’instant où l’on commence les mesures et qui est pris comme origine du temps, et l’intensité au temps La loi exponentielle peut être caractérisée soit par le coefficient soit par la période de temps nécessaire pour que l’intensité diminue de la moitié de sa valeur ; ce temps est voisin de 36 minutes.

La loi d’évolution de la radioactivité induite de l’actinium varie avec le temps d’exposition depuis 1 minute à quelques heures[12]. L’influence du temps d’exposition se fait surtout sentir pendant les 10 premières minutes après la fin de l’exposition. Pour un temps d’exposition très long, l’intensité décroît d’abord plus lentement que ne l’indique la loi limite. Pour un temps d’exposition très court (moins d’une minute), l’intensité, d’abord très faible, augmente rapidement, passe par un maximum qui est atteint en 9 minutes environ, et décroît ensuite suivant la loi limite caractéristique. Les courbes qui correspondent à des temps d’exposition intermédiaires présentent des formes intermédiaires ; quand le temps d’exposition croît, le rapport de l’intensité initiale à l’intensité maximum va en augmentant et le maximum se rapproche de l’origine des temps (fig. 83).

Fig. 83.

L’étude précise de la courbe relative à un temps d’exposition très court a été faite par M. Bronson. Cette courbe est représentée dans la figure 83. La loi de décroissance limite correspond à

minutes.


80. Relation entre les radioactivités induites et les émanations. — Nous avons vu qu’il existe dans tous les cas une relation étroite entre l’émanation et la radioactivité induite correspondante. Les corps radioactifs qui ne dégagent pas d’émanation (polonium, uranium) ne produisent pas de radioactivité induite. La radioactivité induite se produit en présence de l’émanation, même quand celle-ci est séparée du corps qui lui donne naissance, et l’on peut admettre que l’intensité de la radioactivité induite est proportionnelle, toutes conditions égales d’ailleurs, à la quantité d’émanation présente. On est ainsi conduit à admettre que la radioactivité induite est directement produite par l’émanation, comme l’émanation est produite par le corps radioactif.

Ainsi que nous l’avons vu, les résultats obtenus dans l’étude des émanations radioactives s’expliquent simplement par l’hypothèse qu’un corps radioactif (radium, thorium, actinium) donne lieu à une production continue et constante d’émanation, laquelle a la propriété de se détruire suivant une loi caractéristique et invariable. Ainsi s’établit un équilibre de régime entre la production et la destruction, et la quantité d’émanation atteint une limite invariable quand la production est exactement compensée par la destruction.

On peut concevoir de cette même manière l’évolution de la radioactivité induite en présence de l’émanation. Quand la concentration et la distribution de l’émanation dans l’appareil d’expériences est maintenue constante, la radioactivité induite prend une valeur limite qui reste ensuite également constante ; cette limite est atteinte quand la destruction spontanée de la radioactivité induite compense sa production continue et constante à partir de l’émanation.

Les lois d’évolution des radioactivités induites sont complexes ; leur analyse détaillée trouvera sa place dans la suite de cet Ouvrage.


81. Nature des radioactivités induites. — Les lois d’évolution des radioactivités induites sont entièrement indépendantes de la nature du corps activé. Chaque émanation produit une radioactivité induite caractéristique, dont les propriétés ne dépendent ni de la nature de la matière activée ni de l’intensité de l’activation. Tout se passe donc comme si l’activation consistait en un véritable dépôt de substance active sur la surface activée.

D’autre part le phénomène d’activation ne donne lieu à aucune altération visible de la surface activée ni à aucune augmentation de poids du corps activé. Le dépôt actif se comporte donc comme une matière solide présente en quantité infinitésimale sur la surface activée.

On peut effectuer diverses expériences qui confirment cette manière de voir. Si, par exemple, on enlève par frottement une couche superficielle très mince sur une lame de métal activée, on enlève en même temps, totalement ou au moins en grande partie, l’activité. Celle-ci se trouve alors concentrée dans la portion de matière enlevée, et il est possible d’obtenir de cette manière une forte activité induite, portée par une petite quantité de matière inactive par elle-même.

Les dépôts actifs peuvent encore être concentrés par un autre procédé. Quand on lave à l’eau une surface métallique activée, l’activité induite n’est généralement pas fortement altérée ; mais si, au contraire, on fait un lavage aux acides étendus ou concentrés, les dépôts actifs sont dissous. Si une telle dissolution est évaporée à sec, le résidu de l’évaporation est très actif : il contient à l’état concentré toute l’activité qui avait passé dans la dissolution. M. Rutherford a trouvé que le dépôt actif du thorium est soluble dans les acides sulfurique, chlorhydrique ou fluorhydrique étendus ou concentrés, mais bien moins dans l’acide azotique, et que la décroissance du dépôt actif en solution se fait suivant la même loi qu’à l’état solide[13]. Si, en effet, on évapore, à des intervalles de temps égaux, des volumes égaux de la dissolution, l’activité du résidu est la même que si le dépôt actif était resté sur le corps activé.

Une étude détaillée des propriétés des dépôts actifs a été faite par M. Lerch [14] qui a montré que les dépôts actifs du radium et de l’actinium sont solubles dans les acides. Les dépôts actifs ne sont pas solubles dans l’alcool et l’éther. Quand le dépôt actif obtenu sur du métal a été dissous, la dissolution contient une certaine quantité du métal qui avait été activé ; si l’on reprécipite ce métal par l’emploi d’un réactif chimique convenable, l’activité est généralement entraînée dans la précipitation. On peut aussi entraîner le dépôt actif avec des précipités de matières diverses ; si, par exemple, on ajoute à la dissolution une solution de chlorure de baryum, et que l’on précipite le baryum par l’acide sulfurique, le sulfate de baryum formé est fortement actif.

Le dépôt actif peut aussi être extrait de sa solution par l’électrolyse. Quand la solution active est électrolysée, le dépôt actif est généralement déposé sur la cathode. On peut aussi plonger des métaux dans la solution du dépôt actif, et celui-ci vient alors s’y déposer ; certains métaux s’activent dans ces conditions, tandis que d’autres restent inactifs. Ces expériences montrent que les dépôts actifs semblent avoir les propriétés de métaux. Cependant il est possible aussi d’activer l’anode par électrolyse, en particulier dans le cas où l’anion est absorbé ; quand une anode d’argent plonge dans une solution chlorhydrique du dépôt actif du thorium, cette anode devient fortement active, et son activité décroît suivant la loi normale.

Il semble ainsi que les dépôts actifs sont des matières auxquelles il sera possible d’assigner des propriétés chimiques définies. Toutefois, quand on extrait le dépôt actif de sa dissolution par électrolyse ou par précipitation sur un métal, la loi d’évolution de l’activité induite ainsi extraite peut quelquefois être très différente de la loi normale. Toutes les anomalies observées peuvent être expliquées en attribuant à chaque dépôt actif une nature complexe, et en le considérant comme composé de plusieurs matières, dont chacune à sa loi d’évolution propre, et qui peuvent être séparées par des opérations chimiques.


82. Action de la température sur la radioactivité induite. — Quand une lame activée est soumise à une faible élévation de température, son activité n’est pas modifiée d’une manière appréciable. Mais une chauffe à une température élevée agit très énergiquement sur la radioactivité induite. Ainsi, par exemple, un fil de platine qui a été activé par le thorium peut perdre son activité presque complètement par une chauffe à température très élevée.

L’étude de ce phénomène a montré qu’il ne s’agit pas en ce cas d’une destruction de la radioactivité induite, mais d’un transport ou distillation[15]. L’activité quitte le corps chaud et apparaît sur les corps froids qui se trouvent dans le voisinage. Si, par exemple, un fil activé, placé suivant l’axe d’un tube cylindrique, est fortement chauffé par un courant électrique, l’activité perdue par le fil distille sur la surface intérieure du cylindre. Si pendant le chauffage un courant d’air est envoyé dans le tube cylindrique, la proportion d’activité transmise au tube se trouve diminuée. Une chauffe d’une demi-minute à 1460° suffit pour faire perdre à un fil activé par le thorium 99 pour 100 de son activité[16].

La distillation de la radioactivité induite a été l’objet de nombreuses recherches. P. Curie et M. Danne[17] ont trouvé que l’effet de la chauffe ne consiste pas seulement en un transport partiel de l’activité d’un corps activé chaud à un corps froid, mais que, de plus, les lois d’évolution de l’activité qui a distillé et de celle qui est restée sur les corps activés ne sont pas les mêmes ; ils ont montré que ce fait peut être interprété en admettant que les constituants du dépôt actif se séparent partiellement par la distillation. Ce mode d’analyse des dépôts actifs a été fréquemment employé.


83. Action du champ électrique sur le dépôt de la radioactivité induite. — M. Rutherford a observé que le dépôt de la radioactivité induite due au thorium se fait de préférence sur les corps chargés négativement. Considérons une boîte métallique B (fig. 84) qui contient de l’oxyde de thorium,

Fig. 84.


et dans laquelle on a fait pénétrer une électrode isolée C. S’il n’existe aucune différence de potentiel entre la boîte et l’électrode, la surface intérieure de la boîte et l’électrode deviennent actives ; mais si l’on établit un champ électrique dans la boîte, en réunissant celle-ci au pôle positif d’une batterie de 300 volts, tandis que l’électrode est réunie au pôle négatif de la même batterie, on constate que l’activité induite est entièrement concentrée sur l’électrode négative[18]. On peut obtenir ainsi un fil activé dont l’activité est à surface égale 10 000 fois plus grande que celle de l’oxyde de thorium employé. Si l’électrode centrale est chargée positivement, elle ne s’active pas sensiblement.

La même expérience peut être faite pour la radioactivité induite du radium, et il suffit pour cela d’introduire dans la boîte B de l’émanation du radium. Toutefois la concentration de la radioactivité induite à la cathode est dans ce cas moins complète, et une électrode positive peut aussi acquérir la radioactivité induite, en proportion beaucoup plus faible que cela n’aurait lieu pour la même électrode si elle eût été négative.

M. Debierne a montré que la radioactivité induite de l’actinium est également concentrée à la cathode.

Quand le champ électrique n’est pas intense, la proportion de la radioactivité entraînée à la cathode est moins grande. Dans les expériences avec l’oxyde de thorium (fig. 84), la boîte B était un cylindre de 5cm,5 de diamètre. Quand la différence de potentiel entre la boîte et l’électrode atteignait 50 volts, l’activité se trouvait principalement concentrée sur l’électrode. Pour volts, la moitié du dépôt actif se trouvait sur l’électrode, et l’autre moitié sur les parois de la boîte. Pour l’électrode portait 13 pour 100 de la radioactivité induite totale. On trouvait dans tous les cas que, quand le régime était établi, la somme des activités induites sur l’électrode et sur les parois restait constante, le champ n’ayant ainsi pour effet principal que d’influencer la distribution de la radioactivité induite, et non de modifier sa production. L’action du champ pendant l’activation n’intervient pas non plus, au moins en première approximation, pour modifier la loi d’évolution de la radioactivité induite après la fin de l’exposition.

Sous une pression réduite le phénomène est modifié[19]. Ainsi, dans le cas des expériences avec l’oxyde de thorium, la proportion d’activité induite déposée à l’électrode centrale, employée comme cathode, restait sensiblement constante pour les pressions comprises entre la pression atmosphérique et la pression d’un centimètre de mercure. Mais quand la pression de l’air dans la boîte était au-dessous de 1cm de mercure, la proportion d’activité induite à la cathode était diminuée, et elle n’était plus qu’une faible fraction de sa valeur primitive quand l’expérience était faite à la pression de 0mm,1 de mercure. En ce cas l’activité induite apparaissait sur les parois du vase, même dans un champ fort.

Ces expériences ont conduit à admettre que les particules du dépôt actif, formées dans le gaz contenant l’émanation, possèdent une charge positive ou bien sont transportées par des véhicules chargés positivement. Ces véhicules suivent d’ailleurs les lignes de champ électrique et se concentrent aux coins et aux bords de la cathode quand celle-ci a la forme d’une plaque[20].

Dans les théories actuelles de la radioactivité, les particules des dépôts actifs dérivent de celles des émanations. Les émanations émettent d’ailleurs des rayons c’est-à-dire des particules chargées positivement et animées d’une grande vitesse ; la masse d’une particule est égale, d’après les travaux récents, à celle d’un atome d’hélium, tandis que la masse d’une molécule d’émanation est bien plus grande. Le résidu de la molécule d’émanation, après émission d’une particule est considéré comme une particule du dépôt actif. Cette particule doit éprouver un mouvement de recul qui correspond à la projection de la particule et l’on est ainsi amené à penser qu’elle est elle-même projetée ; toutefois sa vitesse de projection doit être très inférieure à celle de la particule et à cause de cela elle est très rapidement arrêtée par les molécules du gaz environnant, si celui-ci est à la pression atmosphérique. Si la particule n’est pas chargée, elle n’est, à partir de ce moment, soumise qu’à un mouvement de diffusion ; si elle est chargée, elle est de plus sensible à l’action d’un champ électrique. Dans un gaz sous faible pression le phénomène peut se trouver modifié. Les particules du dépôt actif projetées peuvent alors atteindre les parois sans avoir été arrêtées par les molécules gazeuses, et leur vitesse peut en ce cas rester suffisante pour les rendre insensibles à l’action du champ électrique.

Il resterait à expliquer comment une particule du dépôt actif peut acquérir une charge positive. Il semble même, a priori, peu logique d’admettre que le résidu d’une molécule d’émanation non chargée qui vient d’émettre une charge positive avec la particule puisse porter une charge également positive. Cependant il n’y a là aucune objection importante. On verra, en effet, que l’émission d’une particule est généralement accompagnée par une émission de charges négatives, portées par des électrons de très faible vitesse. Nous avons encore actuellement des renseignements très incomplets sur l’émission de charges électriques par les corps radioactifs au point de vue quantitatif, et nous ne pouvons pas en tirer des conclusions fermes. De plus il ne faut par perdre de vue que le gaz dans lequel a lieu l’émission des particules de dépôt actif, est fortement ionisé et contient des charges électriques libres positives et négatives. Chaque ion gazeux peut intervenir pour attirer aussi bien les particules ayant une charge de signe contraire à la sienne que les particules neutres, à condition que la vitesse des particules ne soit pas trop grande. Ainsi la charge d’une particule de dépôt actif pourrait dans certains cas être acquise par celle-ci dans le gaz environnant.

M. Rutherford a fait un essai de détermination de la mobilité des véhicules du dépôt actif du thorium et du radium[21]. Voici quelle était la méthode employée. L’émanation est distribuée uniformément entre les plateaux parallèles A et B (fig. 85) dont la distance est Si une force électromotrice

Fig. 85.


alternative est appliquée aux plateaux, la même quantité de radioactivité induite est déposée sur chaque plateau. Si en série avec la force électromotrice alternative on dispose une force électromotrice fixe inférieure en valeur absolue à le champ entre les plateaux est alternativement dirigé de A vers B ou de B vers A.

Pendant une demi-alternance le champ a la valeur et le sens AB, pendant la demi-alternance suivante il a la valeur et le sens BA. Si l’on suppose que la vitesse d’un véhicule du dépôt actif est proportionnelle au champ de sorte que l’on ait est la mobilité, alors ce véhicule se déplacera inégalement pendant les deux demi-alternances successives, et l’activité induite sera inégalement distribuée entre les plateaux. Si les alternances sont suffisamment fréquentes, les véhicules peu distants de l’électrode A pourront seuls l’atteindre, tandis que tous les autres seront au cours des alternances successives ramenés à l’électrode B.

Soient la durée d’une demi-alternance, le chemin parcouru pendant le temps quand le champ est et le chemin parcouru pendant le temps quand le champ est

Les véhicules recueillis par l’électrode A pendant le temps peuvent être partagés en deux groupes.

1o Le premier groupe comprend la moitié des véhicules qui ont été produits pendant le temps le champ ayant le sens BA, dans la tranche de gaz d’épaisseur adjacente au plateau A. Le nombre de ces véhicules est égal par unité de surface de l’électrode à si est la production par centimètre cube.

2o Le deuxième groupe comprend les véhicules qui ont été laissés dans la même tranche à la fin de la demi-alternance précédente ; leur nombre peut être calculé ainsi qu’il suit. Dans une tranche d’épaisseur placée à la distance du plateau A, véhicules sont produits par unité de temps et de surface. Le chemin qu’ils feront pendant le temps T est inférieur à si l’instant de la production compté depuis le début de l’alternance, est tel que

Donc ne franchiront pas la distance les véhicules produits dans la tranche considérée pendant le temps ces véhicules sont au nombre de et leur nombre dans toute la tranche d’épaisseur est donné par

Par suite le plateau A recueille pendant le temps un nombre de véhicules égal à


Le rapport de ce nombre à la production est donné par


ou


et l’on en tire

étant déterminé par l’expérience, on peut calculer La théorie suppose que les véhicules chargés participent seuls à l’activation, et qu’il ne se produit pas pour eux de recombinaison appréciable.

Voici les résultats obtenus pour le dépôt actif du thorium :


          

          
Nombre
des
     alternances     
par sec.

       

       
152 101 57 0,27 125      d=1cm,3
225 150 57 0,38 1,17
300 200 57 0,44 1,24
273 207 44 0,37 1,47      d=2cm
300 200 53 0,286 1,45

La mobilité moyenne déduite de plusieurs expériences était pour un champ d’un et dans les conditions ordinaires de température et de pression. Cette mobilité est voisine de celle que possèdent les ions positifs créés dans l’air par les rayons Röntgen.

Les expériences faites avec le dépôt actif du radium étaient moins satisfaisantes, par suite de l’activation de l’électrode positive. Cependant la mobilité des véhicules semblait être sensiblement la même avec les dépôts actifs du radium et du thorium.

Dans des expériences faites sur le dépôt actif du thorium, M. Henning a trouvé que la relation entre la proportion d’activité induite déposée sur la cathode et la différence de potentiel appliquée pendant l’activation, pouvait être représentée par une courbe très analogue à celle qui représente la loi de variation du courant dans un gaz ionisé avec la différence de potentiel qui produit ce courant[22].

M. Schmidt a fait des expériences analogues sur le dépôt actif du radium[23]. Des électrodes semblables entre elles étaient successivement activées dans un même condensateur contenant toujours la même quantité d’émanation ; le temps d’exposition était toujours égal à 5 minutes ; la différence de potentiel entre l’électrode et l’armature extérieure variait de 0 volt à 440 volts, l’électrode étant employée comme cathode. Après la fin de l’exposition, on retirait l’électrode et l’on mesurait son activité dans un appareil de mesures convenable ; la mesure était faite 25 minutes après la fin de l’exposition, parce que le courant restait alors relativement stationnaire pendant un temps suffisant pour les mesures. Les valeurs obtenues n’étaient pas extrêmement constantes ; cependant on a pu construire la courbe et constater que sa forme diffère très peu de la courbe qui donne en fonction du voltage l’intensité du courant dans un gaz ionisé.

Ces résultats rendent probable que les véhicules du dépôt actif chargés positivement ont une mobilité voisine de celle des ions positifs, et que, de plus, ils peuvent, comme ces derniers, subir la recombinaison, de sorte qu’une particule ne reste chargée positivement que pendant un temps court.

Le gaz ne semble pas contenir en proportion notable des véhicules de dépôt actif chargés négativement. Un fil porté à un potentiel de + 440 volts ne prend que 2 pour 100 de l’activité qu’il aurait acquise s’il avait été porté au potentiel de - 440 volts.

La relation entre l’activité induite du radium, déposée dans un champ électrique fort, et la pression du gaz a été étudiée par M. Russ[24]. Ce travail a montré que l’activité de l’anode varie peu avec la pression du gaz ; elle décroît un peu quand celle-ci augmente. L’activité de la cathode croît avec la pression, d’abord rapidement pour les pressions comprises entre 0mm,01 et 1mm de mercure, puis plus lentement ; une valeur limite est atteinte pour une pression de 5cm de mercure environ. Jusqu’aux plus faibles pressions utilisées la cathode se montre plus active que l’anode, mais le rapport des activités qui est égal à 2 pour de mercure, devient égal à 20 pour de mercure et croît encore pour des pressions plus élevées.

Quand on opère dans l’hydrogène, les activités de l’anode et la cathode restent égales entre elles et constantes pour des pressions comprises entre 0mm,1 et 1mm de mercure.

Des expériences analogues ont été faites pour les dépôts actifs du thorium et de l’actinium. L’activation était obtenue dans un vase cylindrique couché horizontalement ; la matière active était placée dans une cavité ménagée au milieu de la paroi. Deux électrodes isolées pénétraient dans les deux extrémités du cylindre ; elles étaient reliées aux deux pôles d’une batterie dont le milieu était relié au vase. Quand on opérait avec le thorium, la cathode était 200 fois plus active que l’anode pour pour de mercure, la cathode était 25 fois plus active que l’anode dont l’activité n’avait pas varié sensiblement.

Avec le dépôt actif de l’actinium le rapport des activités de la cathode passait de 2 à 22 quand la pression passait d’une atmosphère à 2mm de mercure, l’activité de l’anode restant d’ailleurs sensiblement invariable. Ce résultat anormal a occasionné une recherche plus approfondie qui a prouvé que le rapport des activités des électrodes dans le cas de l’actinium dépend essentiellement de la distance à la substance active ; ce rapport qui est, parexemple, égal à 5 pour des électrodes placés à 4cm de l’actinium, devient égal à 100 pour des électrodes placées à 2mm de l’actinium.


84. Mécanisme du dépôt de la radioactivité induite. Projection du dépôt actif. — Si le dépôt actif est dû à des particules de matière solide projetées par l’émanation, celles-ci peuvent arriver sur les parois solides soit directement, en vertu de la projection, soit parce qu’ayant été d’abord arrêtées par le gaz, elles se diffusent ensuite vers les parois qui ont la faculté de les fixer. Dans les deux cas la distance à laquelle une paroi peut puiser les particules du dépôt actif ne peut être illimitée. Les particules projetées ne peuvent avoir dans le gaz qu’un parcours limité ; d’autre part les particules qui arrivent sur la paroi par suite d’un mouvement de diffusion, ne peuvent venir que d’une distance limitée par la rapidité de leur destruction.

L’étude de l’action du champ électrique sur le dépôt de l’activité induite avait conduit à penser que les particules du dépôt actif sont émises par projection en vertu d’un recul lié à l’émission de particules . La masse de la particule est égale à celle d’un atome d’hélium, et la masse d’une molécule d’émanation est au moins de l’ordre de 100 ; en vertu du théorème de la conservation de la quantité de mouvement, la vitesse de l’atome restant projeté est certainement inférieure à la fraction 0,04 de la vitesse de la particule , et son énergie est inférieure à la même fraction de l’énergie de celle-ci. On peut donc prévoir que le pouvoir pénétrant de l’atome restant doit être très faible, et que cet atome doit être très rapidement arrêté par les molécules du gaz à la pression atmosphérique. On sait d’ailleurs que les rayons positifs des ampoules de Crookes, dont l’énergie est du même ordre que celle des atomes de dépôt actif projetés, ont un pouvoir pénétrant très faible et sont rapidement absorbés dans les gaz, même sous pression réduite. Conformément aux prévisions, l’expérience a montré que les particules de matière radioactive ne peuvent être projetées à une distance appréciable que dans les gaz sous très faible pression. Dans les gaz sous pression atmosphérique, ces mêmes particules perdent leur vitesse, mais restent susceptibles de franchir des distances assez grandes, soit par diffusion, soit avec l’aide d’un champ électrique quand elles sont chargées.

Les particules projetées peuvent provenir non seulement de l’émanation, mais aussi du dépôt actif qui a été obtenu sur une lame solide ; cette lame peut, en effet, être le siège de transformations radioactives. Certaines transformations sont accompagnées de l’émission de particules  ; telle est la transformation du radium A en radium B. Dans d’autres cas il y a seulement émission de particules ou électrons négatifs ; telle est la transformation du radium B en radium C. La quantité de mouvement d’une particule étant en général très supérieure à celle d’un électron, le mouvement de recul est beaucoup plus faible dans le second cas que dans le premier, et il est plus difficile de le mettre en évidence. Quand la lame est placée dans un gaz sous la pression atmosphérique, les particules projetées sont absorbées par ce gaz au voisinage immédiat de la lame ; or, ces particules portent généralement une charge positive et retournent vers la lame en vertu de l’attraction électrostatique. Si cependant la lame est aussi chargée positivement, les particules chargées se trouvent entraînées à distance par le champ électrique. Il peut aussi arriver qu’une particule émise avec charge positive perde sa charge par recombinaison ; une telle recombinaison doit se produire facilement, le gaz au voisinage de la lame étant fortement ionisé. La particule ramenée à l’état neutre ne subit plus l’attraction électrostatique de la lame, mais peut encore se déplacer dans le gaz et se fixer sur une paroi solide, peut-être par un effet de cohésion. Le transport du dépôt actif par ce procédé est beaucoup moins important qu’en présence d’un champ électrique. Ce transport semble cependant exister, et c’est ainsi que s’interprète probablement le phénomène de volatilité apparente du radium B à la température ordinaire (voir § 179). Quant au phénomène d’entraînement par un champ électrique des particules qui ont perdu leur vitesse sans avoir été déchargées, on a pu l’observer pour différentes matières constituantes des dépôts actifs du radium, du thorium et de l’actinium (Chapitres XIII, XIV et XV).

Voici une expérience qui prouve que la projection du dépôt actif par une lame activée ne peut franchir dans l’air sous la pression atmosphérique une distance de l’ordre d’un millimètre[25]. Une lame fortement activée pendant 10 minutes était placée immédiatement après la fin de l’activation en regard d’une lame inactive. Un courant d’air rapide passait entre les lames. Dans ces conditions aucun transport de l’activité induite n’a été observé ; seules auraient pu atteindre la lame opposée les particules émises par la lame active et non absorbées par le gaz après un millimètre de parcours.

Le phénomène de projection dans les gaz sous une pression inférieure à 0mm,01 de mercure a été mis en évidence par MM. Russ et Makower[26] qui opéraient avec l’émanation condensée à la température de l’air liquide et avec des lames activées. L’émanation était condensée au fond d’un tube de verre vertical ; quand la condensation était aussi complète que possible, on faisait sur l’émanation un vide très parfait ; puis, ayant laissé rentrer l’air, on plaçait dans le tube et à distance variable de l’émanation un disque D destiné à recevoir la matière projetée ; enfin on faisait à nouveau un très bon vide dans le tube. Après quelque temps on examinait l’activité acquise par les deux faces du disque ; on constatait que l’activité de la face tournée vers l’émanation était plus grande que celle de la face opposée, le rapport des activités pouvant atteindre 50 ; l’excès d’activité était attribué au dépôt actif reçu par radiation. Il y a avantage à employer dans ces expériences des quantités d’émanation aussi faibles que possible, parce que si l’on opère avec beaucoup d’émanation, celle-ci ne reste pas entièrement condensée et se répand dans le tube en proportion d’autant plus forte que la quantité est plus grande. L’activité communiquée au disque diminuait approximativement en raison inverse du carré de la distance à la région du tube occupée par l’émanation condensée, et diminuait progressivement quand on augmentait la pression du gaz dans le tube. La loi de cette diminution a permis de calculer un coefficient d’absorption approché de la radiation par le gaz ; ce coefficient serait de l’ordre de 0,5 dans l’air sous la pression de 1mm de mercure, ce qui correspondrait à la pression atmosphérique à l’absorption sensiblement complète de la radiation sur une longueur de l’ordre de 0mm,1.

La composition du dépôt actif reçu par le disque peut se déduire de la loi de variation de l’activité en fonction du temps après la fin de l’exposition. On constate que la loi de décroissance après exposition longue diffère notablement de celle qui est obtenue après activation dans les conditions ordinaires en présence de l’émanation, la différence pouvant s’expliquer par ce fait que le disque reçoit du radium A et du radium B, tandis qu’une lame activée à la manière ordinaire ne reçoit en général directement que le radium A. La projection du radium B et du radium C par une lame activée a également été observée avec le même dispositif expérimental. Tant que la lame contient du radium A, il y a projection de radium B et de radium C. Quand le radium A a disparu, il y a projection de radium C seulement, le disque reçoit donc alors une seule substance radioactive ; l’activité en ce cas décroît après la fin de l’exposition suivant une loi exponentielle simple qui caractérise la destruction du radium C, (diminution de moitié en 19,5 minutes). Le mode d’analyse qui peut servir pour des études de ce genre sera mis en évidence dans le Chapitre XIII.


85. Propagation du dépôt actif par diffusion. — D’après les expériences de P. Curie et de M. Debierne, l’activité acquise en un temps donné par une lame exposée dans une enceinte qui contient de l’émanation du radium dépend de l’espace libre ménagé devant la lame et croît, en première approximation, proportionnellement à cet espace. Ces expériences étaient faites dans l’air à la pression atmosphérique, et les observations portaient sur des distances de 1mm à 3cm. Le transport du dépôt actif du gaz sur la lame à cette distance ne pouvait, d’après ce qui précède, être dû à un phénomène de projection. Les particules projetées restent dans ces conditions dans le gaz, et si la lame se comporte vis-à-vis d’elles comme un corps absorbant, la concentration des particules est nulle au contact de la lame ; il s’établit par suite un mouvement de diffusion vers celle-ci, de sorte que les particules formées à une certaine distance au sein du gaz peuvent atteindre la lame et être absorbées par elle. La cause la plus probable de ce phénomène de diffusion est l’attraction électrostatique exercée par la lame sur les particules qui portent une charge électrique. On peut cependant prévoir que les particules qui se sont formées à trop grande distance de la lame ne pourront atteindre celle-ci, parce qu’elles auront éprouvé auparavant la destruction spontanée. La distance à laquelle la lame peut puiser le dépôt actif dans le gaz dépend ainsi de la vitesse de diffusion des particules et de leur vie moyenne.

La loi suivant laquelle l’activation d’une lame varie en fonction de l’espace libre situé devant elle a été étudiée par M. Debierne[27] qui a comparé les résultats obtenus à ceux que l’on peut prévoir en admettant que les particules qui diffusent sont toutes d’une même espèce, et qu’elles sont soumises seulement à un mouvement de diffusion et à la destruction spontanée. La première de ces suppositions est d’ailleurs légitime, au moins en première approximation ; bien que le gaz contienne sans aucun doute du radium A, du radium B et du radium C, les particules du radium A semblent être à peu près seules absorbées par la lame.

Considérons le phénomène de diffusion entre deux lames parallèles dont la distance est petite par rapport à leurs dimensions, et soient la distance comptée à partir de l’une des lames, la concentration des particules à cette distance, le coefficient de diffusion, le coefficient caractéristique de la loi exponentielle de destruction des particules, le nombre des particules formées par unité de temps et de volume. Dans un élément de volume dont la base est parallèle à la lame et dont la hauteur est le nombre des particules formées par unité de temps est le nombre des particules détruites pendant le même temps est et l’excès du nombre des particules qui sont entrées dans l’élément de volume sur le nombre de celles qui en sont sorties est (voir § 62). Si la concentration de l’émanation reste constante, un état de régime s’établit, et la concentration des particules de dépôt actif reste également stationnaire. L’équation qui caractérise le régime est donc la suivante :

L’intégration de cette équation, effectuée en tenant compte des conditions aux limites : pour et pour conduit à la formule


Cette formule représente la loi de distribution des particules entre deux lames parallèles indéfinies, placées à la distance l’une de l’autre.

Le nombre des particules qui se déposent sur l’unité de surface de la lame par unité de temps est égal à la valeur du produit pour L’activité de régime qui s’établit sur la lame est proportionnelle à ce même nombre. On trouve

D’après cette formule l’activité est proportionnelle à la production qui est elle-même proportionnelle à la concentration de l’émanation, mais la loi de variation de l’activité avec la distance des lames devrait être indépendante de cette concentration. Quand la distance augmente, augmente d’abord proportionnellement à puis de moins en moins rapidement, et tend asymptotiquement vers la valeur limite qui ne serait atteinte que pour une distance infinie. On peut cependant examiner pour quelle distance l’activité limite est atteinte avec une approximation donnée. S’il s’agit de la diffusion du radium A, le coefficient pour cette substance est connu et égal à si de plus le radium A diffusait à l’état d’atomes, la masse d’une particule au moment de l’émission serait, d’après les théories actuelles, très peu différente de la masse d’une molécule d’émanation, et le coefficient de diffusion pourrait être voisin de celui de l’émanation. Si l’on pose on trouve que l’activité limite est atteinte à 1 pour 100 près pour une distance de 25cm à 30cm ; si l’on pose comme pour les ions gazeux, on trouve pour la distance limite environ 15cm ; cette valeur du coefficient de diffusion correspond mieux à la valeur probable de la mobilité des particules chargées.

Les expériences ont été faites en utilisant une série de lames parallèles placées dans une grande cloche à diverses distances comprises entre 1mm et quelques centimètres. Les lames étaient placées verticalement pour éliminer l’effet de la pesanteur qui sera étudié au paragraphe suivant. L’émanation était introduite dans la cloche avec de l’air sous la pression atmosphérique et y séjournait pendant un ou deux jours. Le gaz était soigneusement desséché, et la cloche était maintenue à une température très constante, afin d’éviter la production de remous dans le gaz. On enlevait ensuite les lames et l’on observait leur activité en fonction du temps, d’où l’on pouvait déduire la valeur de l’activité pour toutes les lames à un même instant. On construisait alors la courbe représentant l’activité des lames en fonction de l’écartement. Les expériences ont été faites avec des concentrations de l’émanation variant dans de larges limites.

Les résultats des expériences au point de vue qualitatif ne sont pas entièrement conformes à la théorie précédente, et s’en écartent tout à fait en ce qui concerne l’application numérique. On constate que la forme des courbes obtenues dépend de la concentration de l’émanation. Dans tous les cas l’activité tend vers une limite quand l’écartement augmente, mais cette limite était toujours pratiquement atteinte pour une distance de quelques centimètres seulement. Quelques-unes des courbes obtenues avec différentes concentrations de l’émanation sont représentées dans la figure 86. La quantité d’émanation utilisée est mesurée par la quantité de radium avec laquelle elle se trouve en équilibre ; cette quantité d’émanation était répartie dans un volume de 13 litres environ. La distance limite est indiquée pour chaque expérience. On voit que l’activité limite est atteinte pour une distance plus petite lorsque l’émanation est très concentrée que lorsqu’elle est peu concentrée. De plus, pour les fortes concentrations, la forme générale de la courbe est la même que celle de la courbe théorique, mais pour les faibles concentrations la partie rectiligne se prolonge plus longtemps, et la limite est atteinte plus brusquement. L’examen des courbes de décroissance du rayonnement des diverses lames permet de se rendre compte si le dépôt est dû uniquement au radium A. Si, en effet, les lames sont très rapprochées (1mm d’écartement), il est évident que le radium A formé dans le gaz qui les sépare atteint très rapidement la paroi et ne séjourne pas dans le gaz ; celui-ci ne peut donc contenir les substances B et C, formées à la suite de A. Au contraire, sur des lames écartées de quelques centimètres, les substances B et C pourraient être déposées en même temps que la substance A, et la forme de la courbe de désactivation serait par là même modifiée. Dans les conditions des expériences la différence entre les courbes de désactivation

Fig. 86.

----------Durée de l’activation : 24 heures.
Courbe I, Émanation de 50 mmg. RaBr2. Limite 19 mm.
Courbe II, Ema»ationde 10xxx»xxxx»--------»xi- 25m»
Courbe III,Ema»ationde 00,4x »xxxx»--------»xi- 38m»


est à peine perceptible, et l’on voit ainsi que, même pour les grandes distances le dépôt sous forme de radium B et de radium C est peu important.

On peut donc admettre qu’une seule substance diffuse vers les lames, mais le mécanisme du dépôt n’est pas aussi simple que celui qui a été primitivement envisagé. L’influence de la concentration de l’émanation sur le phénomène montre que les particules changent de nature quand la concentration augmente. Ce changement pourrait être interprété de deux manières différentes. On peut admettre que les atomes de radium A subissent entre eux une sorte d’agglomération en particules plus grosses, et que le coefficient de diffusion se trouve ainsi diminué ; la facilité avec laquelle ces agglomérations pourraient se former dépendrait de la concentration initiale en atomes de radium A, et celle-ci est proportionnelle à la concentration de l’émanation. Pour obtenir avec cette hypothèse une distance limite du même ordre que celle qui a été observée, il faut attribuer aux particules supposées toutes de même grosseur un coefficient de diffusion 140 fois plus petit que celui de l’émanation, et par conséquent une masse considérablement plus grande que celle d’une molécule d’émanation. La formation de particules semblables à partir d’atomes présents dans le gaz à l’état de très grande dilution paraît peu vraisemblable. Les expériences faites avec des temps d’activation variant depuis 1 minute à 24 heures et avec une forte concentration de l’émanation, la même dans tous les cas, ont d’ailleurs donné des résultats très analogues en ce qui concerne la forme des courbes obtenues et la valeur de la distance limite. Un temps d’une minute est donc suffisant pour que puisse s’affirmer l’influence de la concentration sur la nature des particules.

On peut supposer, d’autre part, que certaines particules se modifient en ce sens qu’elles cessent d’être absorbables par la paroi. Tel est, par exemple, le cas de particules chargées qui, par un phénomène de recombinaison, se trouvent ramenées à l’état neutre. La recombinaison des atomes de radium A, émis d’abord avec une charge positive, peut avoir lieu avec les ions négatifs contenus dans le gaz. Pour tenir compte de cette recombinaison, on doit admettre que le nombre des particules qui deviennent neutres par unité de volume et de temps est égal à en désignant par la concentration en ions négatifs au point considéré et par le coefficient caractéristique de la vitesse de recombinaison. L’équation dont dépend la concentration de régime des particules du dépôt actif devient alors

Il serait très facile de traiter le problème ainsi complété, si la quantité était constante. On voit que tout se passerait en ce cas comme si la vitesse de destruction spontanée du dépôt actif était accrue, la constante se trouvant augmentée d’une quantité constante, proportionnelle à la concentration des ions négatifs ; cette concentration de régime serait d’ailleurs proportionnelle à la racine carrée du nombre des ions d’un signe produits par seconde et par unité de volume, parce que, les ions étant beaucoup plus nombreux dans le gaz que les particules de dépôt actif, leur concentration de régime est déterminée par leur recombinaison mutuelle. L’activité limite des lames étant sensiblement atteinte quand on voit que cette limite sera obtenue pour une distance d’environ 2cm, si, donnant à la valeur 0,03, on prend pour la valeur Comme on voit que la destruction spontanée est, dans ces conditions, négligeable par rapport à la recombinaison, de sorte que l’on a sensiblement En adoptant pour le coefficient la même valeur que celle qui caractérise la recombinaison mutuelle des ions, soit E.S. environ, et en posant on trouve pour une valeur d’environ ions par centimètre cube et par seconde, cette production étant supposée uniforme dans le volume. Dans les expériences de M. Debierne la production des ions était, en général, très supérieure à la valeur indiquée et pouvait atteindre la valeur  ; de sorte qu’avec les valeurs adoptées pour les coefficients et avec une distribution uniforme des ions, les distances limites que l’on peut prévoir, en tenant compte de la recombinaison, seraient considérablement plus petites que celles qui ont réellement été observées, et pourraient prendre une valeur inférieure à 1mm.

Remarquons cependant que les valeurs des coefficients sont encore peu connues, et que de plus le rôle de la recombinaison est peu susceptible d’être apprécié avec une certaine précision. En effet, la distribution des ions se présente comme un phénomène très compliqué. Les ions sont produits en un point déterminé par des rayons provenant d’autres régions ; la densité locale des ions dépend donc de la distribution du dépôt actif et de la manière dont les rayons de l’émanation ou du dépôt actif sont utilisés entre les lames qui s’activent. De plus l’ionisation par les rayons présente un défaut d’uniformité particulier ; les ions se distribuent en colonnes de grande densité linéaire suivant la direction des rayons (voir § 145). Enfin la diffusion des ions vers la surface des lames vient aussi influencer la distribution. Il semble difficile dans ces conditions d’établir une théorie susceptible d’une vérification numérique satisfaisante. On peut cependant conclure que le rôle de la recombinaison doit devenir très important, quand la concentration des ions est suffisante. La recombinaison a pour effet d’abaisser la distance à laquelle le dépôt actif est puisé dans le gaz, et comme son importance croît avec la concentration des ions, il doit en résulter que, conformément à l’expérience, la courbe d’activation des lames en fonction de l’espace libre (fig. 86) affecte une forme qui dépend de la concentration de l’émanation.

Il est possible que les particules non chargées soient aussi absorbées par les surfaces solides en proportion notable. Enfin on peut penser que les phénomènes d’agglomération et de recombinaison se produisent indépendamment. Nous avons vu que l’étude du déplacement des particules dans un champ électrique conduit à leur attribuer une mobilité voisine de celle des ions gazeux qui sont peut-être constitués par des agglomérations de masses plusieurs fois plus grandes que celle d’une molécule d’air. Il est de plus certain, qu’en présence de traces de vapeur d’eau, il se trouve dans les gaz des agglomérations qui portent le dépôt actif et qui sont assez importantes pour subir l’action de la pesanteur (§ 86). Cependant M. Debierne n’a pu constater aucune influence de la présence de la vapeur d’eau sur le phénomène de diffusion ; il est donc probable que les particules qui subissent l’action de la pesanteur ont déjà perdu avant de s’agglomérer la faculté de se fixer sur les parois solides.

Les courbes de la figure 87 permettent de comparer l’activation en fonction de la distance dans l’air et dans l’hydrogène. On voit que, dans ce dernier gaz, la courbe obtenue avec une forte concentration de l’émanation présente, avec la courbe obtenue pour la même concentration dans l’air, un écart encore plus grand que la courbe obtenue également dans l’air pour une concentration faible. Ce résultat s’interprète par la grande vitesse de diffusion des particules dans l’hydrogène. On a pu remarquer, sur certaines courbes obtenues avec une forte concentration en émanation, que l’activité des lames, après avoir atteint une certaine limite pour une distance déterminée, va en diminuant légèrement quand la distance entre les lames continue à augmenter. Il semble qu’il y ait en ce cas dans le gaz des particules agglomérées qui servent de centres de dépôt pour l’activité induite. Cette cause peut aussi intervenir pour diminuer la distance à laquelle est obtenue l’activité limite.

Quand on tient compte à la fois de la production, de la recombinaison, de la destruction spontanée,

Fig. 87.

Durée de l’activation : 5 minutes.
I, air, forte concentration.
II, air, faible concentration.
III, hydrogène, forte concentration.


de la diffusion et de l’action du champ, on obtient pour la concentration des particules chargées l’équation suivante :


est la mobilité de ces particules.

On peut traiter théoriquement le problème relatif aux particules non chargées, en admettant que celles-ci résultent de la recombinaison des particules chargées, qu’elles peuvent subir la diffusion, la destruction spontanée et être absorbées par les surfaces solides[28].


86. Action de la pesanteur sur le dépôt de la radioactivité induite. — Quand l’activation se produit sur des lames placées dans une enceinte activante, maintenue à une température très constante, on peut constater un effet important de la pesanteur sur le dépôt de la radioactivité induite.

P. Curie avait observé que, quand l’émanation du radium est contenue dans un vase clos dont la paroi intérieure est recouverte de sulfure de zinc phosphorescent, la luminosité de cette substance, sous l’action de l’émanation, se concentre peu à peu en des plages situées vers le bas du vase. Quand on renverse le vase de manière à amener la plage lumineuse vers le haut, celle-ci disparaît peu à peu, pendant qu’une nouvelle plage lumineuse se reforme en bas. La position de la plage semblait indépendante de causes extérieures autres que l’orientation, en particulier indépendante du voisinage d’aimants, ou de la température.

On pouvait penser que les poussières, qui remplissent le vase et qui deviennent radioactives par contact avec l’émanation, tombent lentement vers le fond et produisent sur la paroi inférieure un excès de radioactivité par rapport

Fig. 88.


à la paroi restante. J’ai entrepris l’étude de ce phénomène par la méthode électrique[29].

Dans une cloche contenant de l’émanation se trouvaient des couples de lames parallèles ayant tous le même écartement ; certains couples avaient leurs lames horizontales, d’autres les avaient verticales (fig. 88). Pour chaque couple, les faces en regard pouvaient seules s’activer, les faces extérieures étant protégées par des lames métalliques qui les recouvraient au contact. L’émanation était fournie en quantité connue par une solution de 0g,05 de chlorure de radium ; on la laissait séjourner dans la cloche pendant 2 ou 3 jours, ensuite on la chassait, et l’on étudiait en fonction du temps l’intensité du rayonnement des faces actives des diverses lames. Les courbes de décroissance de cette activité, obtenues par des mesures croisées, permettent de déterminer par interpolation l’activité des diverses lames au même instant le temps étant compté à partir du moment où toutes les lames ont été soustraites simultanément à l’action de l’émanation. Pour éviter l’effet des variations de température, on plaçait la cloche pour toute la durée de l’activation dans une boîte métallique remplie de coton et installée dans une cave.

On constate que toutes les lames verticales et toutes les lames horizontales regardant vers le bas ont, à surface égale, la même activité ; mais les lames horizontales tournées vers le haut ont une activité beaucoup plus grande (2 à 5 fois plus grande dans mes expériences). Tout se passe donc comme si la radioactivité induite suspendue dans le gaz qui baigne les lames se comportait comme une substance pesante et retombait vers le bas.

On a vu que la radioactivité induite se comporte comme une substance solide qui se forme à l’état de division extrême au sein du gaz qui contient l’émanation et qui se dépose soit par diffusion, soit par projection sur les parois solides voisines. On peut se demander comment cette matière est capable de former dans le gaz des agglomérations assez importantes pour acquérir la vitesse de chute, révélée par le phénomène qui vient d’être décrit.

On pouvait, en particulier, supposer que les centres d’agglomération sont les poussières en suspension dans le gaz. La présence du gaz est, en effet, indispensable ; le phénomène de chute ne se produit pas quand l’activation a lieu sous pression très réduite (2cm ou 3cm de mercure). On peut éliminer les poussières en faisant le vide dans la cloche et en laissant rentrer de l’air filtré : cette opération était répétée plusieurs fois ; l’un des tampons employés pour filtrer l’air était formé par du coton de verre bien tassé sur une longueur de 130cm. Cependant le phénomène n’a été ni supprimé, ni notablement modifié, les diverses expériences étant effectuées avec la même concentration de l’émanation dans la cloche.

On constate, au contraire, que la présence de la vapeur d’eau est nécessaire pour la production du phénomène. Quand l’air dans la cloche est parfaitement desséché, le phénomène ne se produit plus ou sensiblement plus. On obtient des résultats analogues en produisant l’activation dans du gaz carbonique pur ou dans l’hydrogène pur. Le phénomène ne se produit pas dans ces gaz quand ils sont secs, mais il se produit dans le gaz carbonique humide. Pour la production du phénomène, il n’est pas nécessaire que la vapeur d’eau dans la cloche soit saturante. L’importance du phénomène croît avec la concentration de l’émanation et avec la distance des lames ; pour des distances faibles (2mm) le phénomène ne se produit pas ; il a été généralement observé avec une distance des lames de 1cm à 3cm, mais il n’était pas sensible quand la concentration en émanation était trop faible.

Quand on opère avec la même concentration de l’émanation, la même distance des lames et le même gaz, l’activité acquise par toutes les lames est la même, si le phénomène de chute est supprimé. Mais, quand ce phénomène se produit, l’activité des lames regardant le haut est augmentée et celle des lames regardant le bas diminuée par rapport à la valeur qui aurait été obtenue en l’absence du phénomène, montrant ainsi que la source de l’activité acquise par les lames est dans le gaz qui les sépare, et que l’une d’elles ne peut augmenter d’activité qu’aux dépens de l’autre.

Quand un champ électrique intense est établi entre des lames horizontales placées l’une en face de l’autre, le phénomène de chute est masqué. La lame chargée négativement est alors toujours beaucoup plus active que celle chargée positivement, et cela est vrai aussi bien pour les faces qui regardent vers le haut que pour celles qui regardent vers le bas.

L’agglomération du dépôt actif contenu dans le gaz est donc liée à la présence de la vapeur d’eau. Toutefois il n’en est ainsi qu’en ce qui concerne la formation d’agglomérations assez importantes pour pouvoir subir l’action de la pesanteur. La relation qui existe entre l’activation et la distance libre n’est pas influencée d’une manière appréciable par la présence de petites quantités de vapeur d’eau dans l’air qui contient l’émanation.

La nature des particules soumises à l’action de la pesanteur peut se déduire de la comparaison des courbes de décroissance de l’activité pour des lames qui reçoivent le dépôt pesant et pour celles qui ne le reçoivent pas[30]. On trouve ainsi que ce dépôt se compose de radium B et de radium C en proportion variable ; le radium A n’est pas présent, ce qui indique que le temps nécessaire pour la production du dépôt est supérieur à la vie moyenne du radium A.

Il est également intéressant de se rendre compte si l’effet de la pesanteur s’épuise avec la distance des lames, ainsi que cela a lieu pour le phénomène de diffusion. Pour cela on détermine l’activité du dépôt pesant en fonction de l’espace libre au-dessus de la lame[31]. La loi de variation dépend de la proportion de vapeur d’eau dans le gaz ; on fait varier celle-ci en plaçant dans l’enceinte activante un mélange d’eau et d’acide sulfurique en proportion variable. Dans tous les cas, la quantité de dépôt pesant est sensiblement nulle pour les petites distances ; elle semble devenir appréciable quand la distance devient voisine de la valeur limite qui intervient dans le phénomène de diffusion, et continue ensuite à croître. Si le gaz est très peu humide, l’activité tend aussi vers une valeur limite qui est atteinte à une distance d’autant plus grande que la proportion de vapeur d’eau est plus forte. Pour un degré d’humidité suffisamment élevé, l’activité croît jusqu’aux plus grandes distances observées sans aucune indication de limite.

Ces faits peuvent s’interpréter en admettant que la grosseur des particules agglomérées et leur vitesse de chute augmentent avec le degré d’humidité du gaz. Les particules actives formées à une certaine distance de la lame ne pourront augmenter l’activité de celle-ci, que si elles peuvent l’atteindre avant d’avoir éprouvé la destruction spontanée.

Quand la limite a été observée, on peut en déduire une valeur approchée de la vitesse de chute et de la grosseur des particules. On peut faire une théorie approchée du phénomène, en admettant que, conformément aux indications de l’expérience, la production des agglomérations n’a pas lieu dans la couche de gaz où se fait la diffusion, mais qu’en dehors de cette couche la production est uniforme dans le volume. On peut aussi admettre une vitesse de chute constante et la même pour toutes les particules.

Soient alors la distance comptée à partir de la lame inférieure (fig. 89), la concentration des particules à cette distance, l’écartement des lames et

Fig. 89.


la distance limite relative à la diffusion dans les conditions de l’expérience. Soit le nombre des particules formées par unité de temps et de volume dans la région utile comprise entre et Dans un élément de volume compris entre les plans et et ayant comme base l’unité de surface, particules sont formées par unité de temps, et la destruction spontanée en fait disparaître . D’autre part, le nombre des particules qui, par unité de temps, traversent en tombant la face inférieure est et le nombre de celles qui traversent la face supérieure est

d’où un accroissement du nombre des particules dans l’élément de volume. Quand le régime permanent est établi, la concentration reste stationnaire, et l’on peut écrire

En intégrant cette équation et en remarquant que pour
on doit avoir on trouve

Cette relation donne la distribution des particules dans la couche utile. Pour on trouve

Le nombre des particules qui traversent le plan par unité de temps et de surface est égal à Le nombre de celles qui sont reçues par unité de temps sur l’unité de surface de la lame après un intervalle de temps se trouve diminué, en vertu de la destruction spontanée, et a pour valeur

On voit que, pour


d’où

Supposons que l’expérience ait fourni la distance pour laquelle la valeur limite est atteinte avec une approximation donnée. Si, par exemple, on pose


on peut en déduire la valeur de quand on connaît , et

L’expérience montre que l’on peut avoir 3cm dans des conditions où 1cm,5 ; si la matière qui subit la chute est considérée comme radium B, on a

On trouve dans ces conditions

environ ;

si l’on égale la densité des particules à l’unité, on en conclut, par application de la formule de Stokes, une valeur d’environ 0,1 pour le rayon des particules. Ces dimensions sont du même ordre que celles des particules visibles à l’ultra-microscope dans les fumées qui tombent lentement[32].


87. Influence des conditions d’activation sur la forme de la courbe de désactivation.Dépôt actif en suspension dans le gaz. — Indépendamment du phénomène d’occlusion de l’émanation par les corps solides, la courbe de désactivation de ceux-ci peut dépendre dans une certaine mesure des conditions d’activation. À la vérité les différences observées à ce point de vue sont faibles, et l’on peut dire, d’une manière générale, qu’avec un même appareil de mesures et avec des lames activées qui n’absorbent pas sensiblement l’émanation, les courbes obtenues pour un même temps d’activation sont très approximativement les mêmes. On peut faire varier les dimensions de l’enceinte activante, la concentration de l’émanation, la distance libre devant la lame activée. On peut aussi produire l’activation dans un champ électrique, et en ce cas on peut étudier l’activité de l’anode ou de la cathode. Dans tous les cas la forme de la courbe de désactivation reste sensiblement invariable. Cependant il n’en est pas ainsi d’une manière absolue.

On peut prendre comme courbe normale de comparaison celle qui est obtenue avec une lame activée sans l’aide d’un champ électrique et avec un espace libre très faible (1mm), dans lequel le dépôt actif ne peut séjourner. En examinant attentivement les courbes relatives à des lames activées avec un espace libre plus grand, on peut découvrir dans certains cas de petites différences qui prouvent que la lame a reçu du gaz un peu de dépôt actif dont l’évolution était déjà plus avancée que celle du dépôt normal. Le gaz dans l’enceinte activante contient une certaine quantité de dépôt actif en suspension, et peut en être privé par le passage au travers d’un tampon de coton ou par l’application d’un champ électrique intense. La courbe de désactivation après exposition courte pour un fil activé sous potentiel négatif élevé n’est pas exactement la même quand un champ fort a été établi dans l’enceinte avant l’exposition, et quand aucun champ n’a été établi immédiatement avant l’exposition[33] ; dans le premier cas le gaz de l’enceinte avait été purgé de dépôt actif par l’application du champ électrique qui entraîne ce dépôt vers l’électrode négative. Les courbes obtenues permettent de conclure que l’état dans lequel le dépôt actif arrive sur le corps activé peut dépendre du temps pendant lequel le dépôt actif a séjourné dans le gaz avant de se fixer sur le corps.

De même la courbe d’accroissement du courant dans un récipient dans lequel on vient d’admettre l’émanation, peut se montrer un peu différente, suivant que le gaz qui contient l’émanation contient du dépôt actif, ou qu’il en a été purgé avant l’admission. Tous les effets de ce genre sont d’autant plus appréciables que la concentration de l’émanation est plus forte, et ils s’exagèrent quand le gaz n’est pas exempt de poussières ; celles-ci servent en effet de centres pour le dépôt de la radioactivité induite et, venant se fixer sur les corps solides, occasionnent une perturbation dans le mode normal de l’activation, surtout quand on opère avec l’aide d’un champ électrique. L’emploi du champ pendant l’activation est donc plutôt à éviter quand il s’agit de construction de courbes normales.

Une différence réellement grande existe entre les courbes qui correspondent aux faces en regard de deux lames placées pendant l’activation horizontalement l’une en face de l’autre, dans une même enceinte où n’existe aucun champ électrique. Si la distance des lames est suffisante, la face qui regarde vers le haut reçoit le dépôt pesant, tandis que l’autre face ne le reçoit pas. La courbe de désactivation de la première face peut être obtenue par la superposition d’une courbe normale et d’une courbe relative à une activité également normale, mais qui aurait déjà évolué pendant son séjour dans le gaz avant d’avoir été déposée sur la lame.

Ainsi il n’est pas douteux que les gaz qui contiennent les émanations radioactives, contiennent aussi en suspension les dépôts actifs de ces émanations. Ces dépôts actifs ayant la nature de matières solides, doivent tendre à former des agglomérations dans le gaz qui les contient. Nous avons vu comment l’existence de telles agglomérations est rendue probable par les expériences sur l’influence de la distance libre et de la pesanteur sur le dépôt de la radioactivité induite, ainsi que par les expériences sur la mobilité des particules des dépôts. Dans un gaz qui contient des poussières, celles-ci servent comme centres d’agglomération, et la mobilité de ces poussières actives dépend de leur grosseur.

M. Sella[34] a observé que le passage de l’effluve entre une pointe et une plaque placées dans une enceinte activante, a pour effet de priver complètement le gaz du dépôt actif qui y est contenu ; le dépôt est alors recueilli par la plaque quel que soit le sens de l’aigrette. L’expérience a été faite avec de l’air contenant ou ne contenant pas de poussières[35]. Dans les deux cas le passage de l’effluve a pour effet de produire un entraînement du dépôt actif, mais le phénomène est augmenté en présence de poussières.


88. Radioactivité acquise par les substances qui séjournent en dissolution avec les substances actives. — Quand on traite un minerai radioactif contenant du radium, pour en extraire ce corps, et tant que le travail n’est pas avancé, on réalise des séparations chimiques, après lesquelles la radioactivité se trouve entièrement avec l’un des produits de la réaction, l’autre produit étant entièrement inactif. On sépare ainsi d’un côté des produits radiants qui peuvent être plusieurs centaines de fois plus actifs que l’uranium, de l’autre côté du cuivre, de l’antimoine, de l’arsenic, etc. absolument inactifs. Certains autres corps (le fer, le plomb) n’étaient jamais séparés à l’état complètement inactif. À mesure que les corps radiants se concentrent, il n’en est plus de même ; aucune séparation chimique ne fournit plus de produits absolument inactifs ; toutes les portions résultant d’une séparation sont toujours actives à des degrés variables.

Après la découverte de la radioactivité induite, M. Giesel essaya d’activer le bismuth inactif ordinaire en le maintenant en solution avec du radium très actif. Il obtint ainsi du bismuth radioactif[36], et il en conclut que le polonium extrait de la pechblende était probablement du bismuth activé par le voisinage du radium contenu dans la pechblende.

J’ai également préparé du bismuth activé en maintenant le bismuth en dissolution avec un sel radifère très actif[37]. Les difficultés de cette expérience consistent dans les soins extrêmes qu’il faut prendre pour éliminer le radium de la dissolution. Si l’on songe à la quantité infinitésimale de radium qui suffit pour produire dans un gramme de matière une radioactivité très notable, on ne croit jamais avoir assez lavé et purifié le produit activé. Or, chaque purification entraîne une baisse d’activité du produit activé. Les résultats obtenus semblent cependant établir avec certitude que l’activation se produit et persiste après que l’on a séparé le radium. C’est ainsi qu’en fractionnant le nitrate de bismuth activé par précipitation de la solution azotique par l’eau, j’ai trouvé que, après purification très soigneuse, il se fractionne comme le polonium, la partie la plus active étant précipitée en premier. Si la purification est insuffisante, c’est le contraire qui se produit, indiquant que des traces de radium se trouvaient encore avec le bismuth activé. J’ai obtenu ainsi du bismuth activé pour lequel le sens du fractionnement indiquait une grande pureté et qui était 2000 fois plus actif que l’uranium. Ce bismuth diminue d’activité avec le temps ; cependant certains échantillons conservent leur activité sans diminution sensible pendant plusieurs années.

On peut de même activer du plomb et de l’argent en les laissant en dissolution avec le radium. Le plus souvent la radioactivité ainsi obtenue ne diminue guère avec le temps, mais elle ne résiste généralement pas à plusieurs purifications chimiques successives du métal activé.

L’interprétation de ces résultats dans la théorie matérielle de la radioactivité consiste à admettre que le métal n’a acquis en réalité aucune radioactivité dans les conditions de l’expérience, mais qu’il a entraîné avec lui une substance radioactive qui se trouvait dans la solution de sel de radium. On sait actuellement que les solutions de sel de radium peuvent contenir du polonium, et cela en proportion d’autant plus forte que le sel de radium a été plus anciennement préparé ; le polonium est, en effet, un des produits de la destruction du radium, et s’en trouve séparé pendant la préparation de ce corps. En même temps que le polonium, on peut séparer d’une solution de sel de radium du radioplomb qui entretient l’activité du polonium, de sorte que l’activité peut se conserver pendant des années. Les traces de radioplomb et de polonium sont, en général, si faibles, que leur précipitation par l’hydrogène sulfuré sans addition préalable d’une substance qui précipite par le même réactif n’est pas possible.

Les expériences de M. Debierne sur l’activation du baryum en solution avec l’actinium, et celles de Becquerel sur l’activation du baryum en solution avec l’uranium ont reçu une interprétation analogue (voir § 55). De nombreux cas de même nature observés depuis s’expliquent tous de la même manière. La substance qui réalise l’entraînement n’est pas quelconque, et il est probable qu’elle doit avoir une parenté chimique avec la substance entraînée.


89. Essais d’activation par le rayonnement seul d’une substance active. Essais d’activation en dehors de la présence de substances radioactives. — La radioactivité induite due au radium, thorium ou à l’actinium ne se produit qu’au contact des émanations émises par ces corps ; il en est de même pour la radioactivité induite à évolution lente due au radium. Quand la substance active est enfermée en tube scellé même très mince, elle ne produit pas l’activation des substances placées au dehors du tube et recevant le rayonnement. Les essais faits en vue d’observer un tel phénomène n’ont pas donné de résultats positifs[38]. Il en résulte que si un effet de ce genre existe, il est certainement faible, et de grandes précautions sont nécessaires pour le constater avec certitude.

Des essais ont été faits en vue de produire la radioactivité induite en dehors de l’action des substances radioactives.

M. Villard[39] a soumis à l’action des rayons cathodiques un morceau de bismuth placé comme anticathode dans un tube de Crookes ; ce bismuth a été ainsi rendu actif, à vrai dire, d’une façon extrêmement faible, car il fallait huit jours de pose pour obtenir une impression photographique,

M. Mac Lennan exposait divers sels à l’action des rayons cathodiques et les chauffait ensuite légèrement. Ces sels avaient alors acquis la propriété de décharger les corps chargés positivement[40].

On ne peut pas affirmer que dans les cas cités il y ait eu production de radioactivité au vrai sens de ce mot ; cependant les études de ce genre offrent un grand intérêt. Si, en se servant d’agents physiques connus, il était possible de créer dans des corps primitivement inactifs une radioactivité notable, nous pourrions espérer avoir ainsi des indications relatives aux causes de la radioactivité spontanée de certaines matières.


Séparateur

  1. P. Curie et Mme  Curie, Comptes rendus, 1899. — Rutherford, Phil. Mag., 1900.
  2. Curie et Debierne, Comptes rendus, mars 1901.
  3. Curie et Debierne, Comptes rendus, décembre 1901.
  4. Curie et Danne, Comptes rendus, 1903.
  5. Curie et Danne, Comptes rendus, 1903.
  6. Miss Brooks Rutherford, Radioactivity.
  7. M. Curie, Thèse de doctorat, Paris 1903.
  8. Rutherford, Radioactivity.
  9. Rutherford, Radioactivity.
  10. Rutherford, Phil. Mag., 1903.
  11. Miss Brooks, Phil. Mag., 1904.
  12. Miss Brooks, Phil. Mag., 1904.
  13. Rutherford, Phys. Zeit., 1902.
  14. Lerch. Ann. de Phys., 1903.
  15. Miss Gates, Phys. Rev., 1903.
  16. V. Lerch, Ann. de Phys., 1903.
  17. Curie et Danne, Comptes rendus, 1904.
  18. Rutherford, Radioactivity.
  19. Rutherford, Phil. Mag., 1900.
  20. Fehrle, Phys. Zeit., 1902.
  21. Rutherford, Phil. Mag., 1903.
  22. Henning, Ann. d. Phys., 1902.
  23. H.-W. Schmidt, Phys. Zeit., 1908.
  24. Russ, Phil. Mag., 1908.
  25. Debierne, Le Radium, 1909.
  26. Russ et Makower, Proc. Roy. Soc., 1909.
  27. Debierne, Le Radium, 1909.
  28. Une étude théorique des conditions de dépôt du radium A a été publiée par M. Salpeter (Académie des Sciences de Cracovie, 1910).
  29. M. Curie, Comptes rendus, 1907.
  30. Wertenstein, Comptes rendus, 1909.
  31. Loc. cit.
  32. De Broglie, Le Radium 1909.
  33. Schmidt, Phys. Zeit., 1908.
  34. Sella, Lincei Rendic, 1902.
  35. Martinelli, Nuovo Cimento, 1908.
  36. Giesel, Société de Physique de Berlin, janvier 1900
  37. M. Curie, Thèse de doctorat.
  38. Voir Rutherford, Radioactivity.
  39. Villard. Soc. de Phy., 1900.
  40. Mac Lennan, Phil. Mag., 1902.