Traité de radioactivité/Tome 1/6

Gauthier (Tome Ip. 206-326).

CHAPITRE VI.

GAZ RADIOACTIFS OU ÉMANATIONS.



57. Émanations radioactives. — Les gaz présents dans une enceinte qui contient du radium, de l’actinium ou du thorium sont radioactifs. Cette radioactivité persiste si l’on aspire ces gaz et si on les sépare de la substance active. Les gaz ainsi séparés perdent leur activité progressivement et finissent par devenir complètement inactifs. Le temps nécessaire pour la désactivation des gaz est très différent suivant que ces derniers ont été obtenus à partir du radium, de l’actinium ou du thorium. On peut estimer qu’il est possible d’observer pendant un mois l’activité des gaz qui ont séjourné au contact du radium, pendant 10 minutes l’activité de ceux qui ont séjourné au contact du thorium, et pendant une minute seulement l’activité de ceux qui ont séjourné au contact de l’actinium.

Quand un gaz est devenu actif au contact du radium, du thorium ou de l’actinium, on dit que ce gaz contient une émanation radioactive provenant de l’un de ces corps. Le mot émanation évoque l’idée d’un gaz ; les émanations radioactives se sont, d’ailleurs, montrées en tout point analogues à des gaz matériels.

Les émanations radioactives ne traversent pas les parois de métal, de verre ou de mica, même quand celles-ci sont très minces, mais elles peuvent passer au travers de corps poreux.

Les parois des récipients qui contiennent des émanations radioactives, deviennent elles-mêmes radioactives par suite du développement sur ces parois de la radioactivité induite. À chacune des trois émanations correspond une radioactivité induite distincte et caractéristique.


58. Émanation du thorium. — Pour observer les effets de l’émanation du thorium, on fait passer sur un composé de thorium un courant d’air qui entraîne l’émanation dans l’appareil où elle doit être étudiée. La figure 43 représente un dispositif expérimental analogue à celui qui a été employé par M. Rutherford dans ses recherches à ce sujet.

La substance active, oxyde ou hydrate de thorium, est placée dans le tube O en T. On envoie dans ce tube un courant d’air,


Fig. 43.
Fig. 43.

préalablement desséché par le passage dans un flacon laveur à acide sulfurique ; ce courant d’air traverse un tampon de coton, destiné à arrêter les gouttelettes de liquide entraîné. Après son passage sur le composé de thorium, l’air contenant de l’émanation est filtré au travers d’un deuxième tampon de coton qui arrête les poussières et les ions formés en T. L’air passe ensuite le long du tube métallique 0 ; ce tube forme condensateur cylindrique avec des électrodes isolées A, B, C, etc. qui sont protégées par des anneaux de garde. Le tube O est porté à un potentiel élevé ; chacune des électrodes peut être reliée à un électromètre ; les électrodes non utilisées sont reliées au sol, ainsi que les anneaux de garde. La conductibilité, communiquée à l’air par l’émanation qui y est contenue, est mesurée par le courant de saturation que l’on peut obtenir entre le cylindre et l’une des électrodes.

On constate que la conductibilité est entièrement due à la présence de l’émanation et ne peut provenir d’un entraînement d’ions, formés en T par les rayons du thorium. Si, en effet, on remplace le composé de thorium par un composé d’urane, en conservant le même dispositif expérimental, l’air qui arrive dans le tube O n’est pas conducteur. Quand un courant d’air de vitesse constante a été établi depuis 10 minutes, un régime régulier est atteint, et le courant qui peut être obtenu sur chacune des électrodes est constant. Ce courant n’a pas la même valeur pour les diverses électrodes ; son intensité est d’autant plus faible que l’électrode se trouve plus loin de la substance active. De plus, la baisse que l’on constate dans l’intensité du courant, quand on remplace l’une des électrodes, par exemple A, par l’électrode suivante B, est d’autant plus grande que la vitesse du courant d’air est plus faible. La conductibilité de l’air qui contient l’émanation décroît donc avec le temps. Connaissant la vitesse du courant d’air, on peut évaluer le temps qui est nécessaire pour que l’air effectue le trajet entre deux électrodes, et l’on peut ainsi connaître la diminution de conductibilité pendant un temps donné. On peut aussi, après avoir arrêté le courant d’air, observer sur l’une des électrodes la décroissance progressive de la conductibilité de l’air contenu dans le tube O, dont on aura eu soin de fermer les orifices.

Voici une série de nombres obtenus par M. Rutherford dans une expérience de ce genre ; on désigne par t le temps compté depuis le moment où le courant d’air a été arrêté, par i le courant de saturation mesuré à l’instant t et exprimé en unités arbitraires :

                               
t secondes ,7                     
11
  
100,7
128 
  
69,7
162 
  
51,7
118 
  
25,7
155 
  
14,7
210 
  
6,7
272 
  
4,1
360 
  
1,8


Si l’on construit une courbe qui représente l’intensité du courant en fonction du temps, on constate que cette courbe correspond approximativement à une relation numérique simple : l’intensité du courant diminue de moitié en un temps égal environ à une minute. On peut admettre que cette loi est précisément celle suivant laquelle disparaît l’émanation du thorium, l’intensité du courant étant à chaque instant supposée proportionnelle à la quantité d’émanation présente dans le gaz.

La loi de décroissance de l’émanation du thorium a été, dans la suite, déterminée avec plus de précision par d’autres observateurs. MM. Rossignol et Gimingham ([1]) ont trouvé que l’activité décroît de moitié en une période de 51 secondes ; M. Bronson ([2]) a trouvé pour la même constante une valeur égale à 54 secondes ; M. Hahn a obtenu la valeur 53s,3[3]. La méthode utilisée était en principe la même que celle de M. Rutherford.

Le dégagement d’émanation par l’oxyde ou l’hydrate de thorium est d’autant plus important que la couche de matière employée est plus épaisse. Pour des couches d’épaisseur suffisante, la radioactivité répandue dans le gaz, par suite de la présence de l’émanation, est importante par rapport au rayonnement direct de la substance. Quand on entraîne le gaz radioactif par un courant d’air, la conductibilité de l’air au contact de la substance se trouve fortement diminuée, car l’émanation du thorium ne peut pas s’y accumuler.


59. Émanation du radium — L’émanation du radium peut être obtenue soit avec les composés radifères solides, soit avec les solutions de sels radifères. Les composés solides dégagent très peu d’émanation à la température ordinaire ; la radioactivité répandue dans l’air qui séjourne au contact de ces composés est peu importante par rapport à la radioactivité du produit solide lui-même ; si l’on fait passer un courant d’air sur un sel radifère solide, la conductibilité de l’air au contact de la substance n’éprouve pas de diminution notable.

Quand le sel solide est porté à une température élevée, le dégagement de l’émanation a lieu beaucoup plus facilement. Mais il est préférable de se servir de solutions de sels radifères, car un sel en solution donne lieu à un dégagement abondant d’émanation du radium à la température ordinaire.

L’émanation du radium est bien plus persistante que celle du thorium. On peut aspirer de l’air chargé de cette émanation dans un condensateur à gaz ; l’émanation ainsi séparée du radium manifeste une radioactivité progressivement décroissante, qui peut être observée pendant un mois et davantage au moyen d’une méthode de mesures électriques. On peut aussi aspirer l’air qui contient de l’émanation du radium dans un ballon de verre, dont la paroi est recouverte de sulfure de zinc phosphorescent. La radioactivité du gaz contenu dans le ballon se manifeste par la luminosité du sulfure de zinc ; celle-ci peut être observée pendant plusieurs jours et même au delà d’un mois.


La première étude précise de la loi de variation de l’activité de l’émanation du radium a été faite par P. Curie au moyen de deux dispositifs différents[4].

L’émanation était fournie par une solution de sel de baryum radifère, conservée dans un flacon fermé muni d’un robinet, et n’occupant qu’une partie du volume du flacon. L’air contenu dans le flacon se charge d’émanation, et peut ensuite être aspiré dans un récipient, dans lequel on a préalablement fait le vide.

Une première série d’expériences consistait à aspirer le gaz actif dans un tube de verre A (fig. 44) que l’on scellait ensuite à la lampe.

Fig. 44.


Ce tube de verre était placé à l’intérieur d’un tube d’aluminium mince, qui constituait l’armature intérieure d’un condensateur cylindrique. Les rayons émis par le tube traversaient l’aluminium et rendaient conducteur l’air contenu entre les armatures du condensateur. L’armature intérieure B était portée à un potentiel élevé, l’armature extérieure C était reliée à l’électromètre. On mesurait au moyen d’un quartz piézoélectrique le courant de saturation qui pouvait être obtenu dans le condensateur.

Le rayonnement ainsi mesuré est dû exclusivement à la radioactivité des parois du tube, et non à celle du gaz. Si, en effet, on extrait rapidement du tube l’air chargé d’émanation, cette opération ne donne lieu à aucune variation brusque de l’intensité du rayonnement, laquelle, mesurée immédiatement avant et après l’extraction du gaz actif, a sensiblement la même valeur. Toutefois la loi de désactivation de la paroi du tube se trouve modifiée. Quand l’émanation a été enlevée, le tube se désactive ensuite rapidement, et son activité est sensiblement nulle après quelques heures. Si, au contraire, l’émanation reste enfermée dans le tube, celui-ci perd son activité beaucoup plus lentement ; l’intensité du rayonnement décroît alors de moitié en 4 jours environ. Dans cette deuxième expérience on peut donc admettre que l’émanation enfermée dans le tube entretient la radioactivité des parois et que celle-ci persiste aussi longtemps que l’émanation elle-même.

Si, après avoir introduit brusquement l’émanation dans le tube, on ferme celui-ci rapidement, et que l’on commence de suite une série de mesures du rayonnement pénétrant, faites à des intervalles convenables, on constate que ce rayonnement est sensiblement nul au début, mais qu’il augmente progressivement. L’augmentation, d’abord rapide, devient de plus en plus lente, et l’intensité du rayonnement tend vers une valeur maximum qui est atteinte en trois heures, et qui se maintient sensiblement constante pendant les deux heures suivantes. Ce maximum est suivi d’une décroissance lente et régulière qui se poursuit pendant quelques semaines, jusqu’à la disparition presque complète de l’activité.

Les expériences qui viennent d’être décrites prouvent que le rayonnement extérieur du tube n’est pas dû directement à l’émanation, mais qu’il doit être attribué à la radioactivité induite qui se forme progressivement sur les parois en présence de l’émanation. Le maximum est obtenu quand cette radioactivité induite atteint une valeur limite qui correspond à la quantité d’émanation présente. La courbe qui représente l’accroissement de l’intensité du courant en fonction du temps est reproduite dans la figure 45, I.

P. Curie a trouvé que la loi de décroissance lente du rayonnement extérieur du tube qui contient l’émanation est très simple. L’intensité du rayonnement est exprimée en fonction du temps par une loi exponentielle

Dans cette formule représente l’intensité initiale, mesurée quelques heures après l’introduction de l’émanation, est la base

Fig. 45.


des logarithmes naturels et une constante qui représente un temps. En portant le logarithme de en ordonnées et t en abscisses, les points représentatifs des expériences viennent se placer très exactement sur une même ligne droite, qui peut être poursuivie pendant 20 à 30 jours, bien que l’intensité du rayonnement soit tombée après ce temps à moins d’un trentième de la valeur initiale.

Les expériences ont été exécutées dans des conditions très variées. On a employé, pour fournir l’émanation, des solutions de sels de radium d’activité très différente, ou encore des sels radifères solides ; on a fait varier les dimensions des enceintes contenant l’émanation (de 3cm³ à 200cm³) et la forme de ces enceintes ; on a fait varier l’épaisseur du verre et l’on a employé des enceintes à paroi de cuivre ou d’aluminium ; on a effectué l’activation de l’enceinte en y laissant pénétrer l’émanation soit par un tube large et court, soit par un tube long et capillaire ; on a fait varier le temps d’activation par le radium entre 15 minutes et un mois ; on a fait varier la pression de l’air chargé d’émanation depuis I la pression atmosphérique jusqu’à une pression de 2cm de mercure, et l’on a laissé le tube se désactiver après avoir été scellé sous cette pression réduite ; on a opéré avec de l’hydrogène ou du gaz carbonique au lieu d’air à l’intérieur des tubes actifs. Cependant la loi de décroissance du rayonnement extérieur s’est maintenue inaltérée malgré ces modifications des conditions de l’expérience.

Une deuxième série d’expériences a été effectuée par P. Curie, en prenant comme mesure de l’activité l’intensité du courant de saturation, obtenu entre deux électrodes, situées dans l’intérieur du tube qui contient l’émanation. Quand on opère ainsi, la conductibilité que l’on mesure est due à la fois au rayonnement du gaz et à celui des parois. Si, en effet, on chasse rapidement l’émanation par un courant d’air et qu’on laisse le tube se remplir d’air inactif, on constate que la conductibilité de l’air entre les deux électrodes, mesurée aussitôt après l’opération, est beaucoup plus faible qu’avant l’opération. On voit ainsi que l’on doit attribuer à l’émanation un rayonnement propre qui n’est pas assez pénétrant pour traverser la paroi du tube et pour agir au dehors, mais qui agit énergiquement pour ioniser l’air contenant l’émanation ; c’est un rayonnement absorbable. Quand l’émanation se trouve brusquement introduite dans le tube, le courant mesuré immédiatement après l’introduction n’est pas nul, mais possède une certaine valeur initiale ; le courant croît ensuite en fonction du temps et atteint une valeur maximum au bout de 3 heures ; le maximum est suivi d’une décroissance lente et régulière, comme dans le cas où l’on mesure le rayonnement pénétrant. La relation entre l’intensité du rayonnement et le temps, compté à partir du moment où l’on introduit l’émanation, est représentée pendant 3 heures par la courbe II de la figure 45. La valeur du courant maximum est environ deux fois plus élevée que celle du courant initial. On peut remarquer que l’accroissement de l’intensité du courant est au début beaucoup plus rapide que dans le cas où l’on utilise seulement les rayons pénétrants (courbe I).

Dans ces expériences avec des électrodes intérieures, la loi de décroissance du rayonnement est la même que dans les expériences précédentes faites avec des électrodes extérieures au gaz contenant l’émanation. La courbe I [fig. 46) représente l’intensité du rayonnement en fonction du temps pendant 6 jours à partir du moment où l’émanation a été introduite dans l’appareil. La courbe II (fig. 46) représente pour le même intervalle de temps le logarithme de l’intensité en fonction du temps.

Le travail, effectué par P. Curie sur l’émanation du radium, constitue la première étude précise et complète de la loi de décroissance d’une forme de radioactivité à durée limitée. Il résultait, de l’ensemble des expériences faites pour cette étude, que la loi de décroissance peut être représentée

Fig. 46.


rigoureusement par une formule exponentielle simple, caractérisée par une seule constante de temps. P. Curie a admis que la loi observée est caractéristique de la disparition de l’émanation du radium. La constante de temps qui caractérise cette disparition s’est montrée indépendante des conditions de l’expérience, de la nature du gaz qui remplit l’enceinte et de la matière qui en constitue les parois.

P. Curie a montré de plus que la loi de disparition de l’émanation est indépendante de la température dans les limites comprises entre 450° et la température de l’air liquide[5]. Les tubes scellés contenant l’émanation étaient maintenus pendant 3 jours à la température de 450° dans un four électrique. Les tubes étaient ensuite ramenés à la température ambiante. On mesurait leur activité et l’on constatait que la perte totale pendant le temps de chauffe était égale à celle que le tube aurait éprouvée pendant le même temps à la température ambiante. Dans la figure 47

Fig. 47.


on a représenté les expériences en portant le logarithme du rayonnement en ordonnées et le temps en abscisses. On obtient ainsi des droites parallèles entre elles (1), (2), (3), (4) qui représentent 4 séries d’expériences effectuées à la température ambiante. La courbe (5) donne le résultat d’une expérience faite à 450° ; les points de A à B représentent les mesures faites avant la chauffe, les points de C à D, les mesures faites après la chauffe ; tous ces points sont situés sur une même droite parallèle aux quatre droites précédentes. Dans un autre essai les tubes étaient refroidis dans l’air liquide à −180°. Le point E, courbe (6), représente une première mesure faite à la température ambiante : puis le tube est resté plongé dans l’air liquide pendant 6 jours ; on a recommencé ensuite les mesures à la température ambiante. La première mesure, point F, obtenue immédiatement après le réchauffement du tube, a donné une valeur de rayonnement deux fois plus faible que celle qu’on aurait trouvée si le tube était resté constamment à la température ambiante. Mais l’activité du tube augmente ensuite rapidement pendant une demi-heure environ (points de F à G). Les mesures faites ensuite, de G à H, donnent les valeurs que l’on aurait obtenues si le tube était resté constamment à la température ambiante. La droite GH prolongée passe par le point E ; cette droite a la même inclinaison que les droites (1), (2), (3), (4). Après une perturbation temporaire, la loi de décroissance ordinaire se trouve rétablie. La perturbation est due à la condensation de l’émanation du radium à basse température.

La valeur numérique de la constante de temps de l’émanation du radium, d’après les expériences de P. Curie, est la suivante :


ou

On peut encore caractériser une troisième constante reliée aux précédentes. Cette constante est le temps nécessaire pour que l’émanation se détruise de moitié.

Soit


la formule qui donne l’intensité du rayonnement en fonction du temps, compté à partir d’un moment où la loi de baisse régulière est établie.

On a


le signe désignant les logarithmes décimaux.

Si l’on désigne par T un temps tel que , on trouve

La valeur de qui se déduit de la valeur de donnée précédemment, est

Le coefficient angulaire de la droite qui représente la baisse du logarithme de l’intensité est proportionnel à

P. Curie a fait remarquer que la constante de temps mesurée pour l’émanation du radium, étant indépendante des conditions des expériences, doit être considérée comme caractéristique de cette émanation, et que, de plus, cette constante qui n’a aucun caractère spécifique doit avoir une importance d’ordre général. Elle est d’ailleurs susceptible d’être déterminée avec une grande précision. Cette constante pourrait être employée pour définir un étalon de temps indépendant de toutes les unités adoptées pour les autres grandeurs physiques[6]. Des constantes analogues, relatives à d’autres cas de radioactivité à durée limitée, peuvent être utilisées de la même manière.

MM. Rutherford et Soddy ont montré, au cours de leurs expériences sur la condensation de l’émanation du thorium, que la vitesse de destruction de celle-ci n’est pas non plus modifiée à la température de l’air liquide.

La décroissance de l’émanation du radium a été étudiée par d’autres savants. MM. Rutherford et Soddy[7] ont recueilli l’air chargé d’émanation dans une éprouvette à gaz sur du mercure. De temps en temps un volume déterminé de ce mélange était puisé avec une pipette à gaz et introduit dans un condensateur à gaz. Ce dernier se composait d’une boîte cylindrique en laiton dans laquelle pénétrait une électrode cylindrique coaxiale isolée, tous les joints étant étanches pour l’air. La boîte était portée à un potentiel élevé, l’électrode centrale était réunie à un électromètre avec adjonction d’un condensateur de capacité convenable. On mesurait par la méthode de vitesse de déviation le courant de saturation obtenu dans le condensateur immédiatement après l’introduction de l’émanation ; ce courant était pris comme mesure de l’activité de l’émanation contenue dans le condensateur. La mesure est rendue difficile par l’accroissement rapide du courant, par suite du développement de la radioactivité induite sur les parois du condensateur. Les mesures ont été continuées pendant 33 jours. Elles ont conduit à admettre une diminution d’activité suivant une loi exponentielle, mais avec une valeur de la constante un peu plus grande que celle trouvée par P. Curie. MM. Rutherford et Soddy ont indiqué les valeurs

----

Bien que ces résultats soient, en première approximation, conformes à ceux de P. Curie, l’écart des valeurs obtenues de part et d’autre pour la constante dépasse les erreurs des expériences ; cet écart atteint en effet 7 à 8 pour 100. Parmi d’autres expérimentateurs. MM. Bumstead et Wheeler ont indiqué la valeur M. Sackur, employant la méthode de MM. Rutherford et Soddy, a trouvé [8].

M. Rümelin[9] a employé la méthode suivante : deux vases A et B qui communiquent par un tube étroit contiennent de l’air chargé d’émanation à l’état de mélange homogène ; ces vases sont scellés séparément et en même temps. L’activité de l’émanation contenue dans chaque vase est mesurée après un temps pour le vase A et après un temps , pour le vase B. Pour cela l’émanation contenue dans le vase est transportée dans une chambre d’ionisation adaptée à un électroscope ; un courant de vapeur, provenant d’un ballon qui contient de l’eau en ébullition, balaye l’air chargé d’émanation qui se trouve dans le vase et l’entraîne dans un gazomètre où cet air est recueilli sur de l’eau avant d’être aspiré dans la chambre d’ionisation. Le courant de saturation, mesuré 3 heures après l’aspiration quand le maximum est atteint, est proportionnel à la quantité d’émanation qui a été introduite dans la chambre. Soient et les courants obtenus respectivement avec l’émanation du vase A et avec celle du vase B. Les quantités d’émanation contenues à l’origine du temps dans les deux vases étaient proportionnelles à leurs volumes et et ont été réduites ensuite dans le rapport pour le vase A et pour le vase B. On a donc


d’où l’on peut tirer la valeur de

Les nombres ainsi obtenus pour ont varié entre 3,70 et 3,80 jours avec une moyenne de 3,75 jours. Toutefois la méthode a le très grand inconvénient de faire passer l’émanation au travers de l’eau avant la mesure de son activité. Or l’émanation du radium est soluble dans l’eau, et le coefficient de solubilité n’est pas très petit ; on perd donc nécessairement de l’émanation en opérant par ce procédé, et il est probable que la perte n’est pas négligeable pour des expériences de précision.

J’ai entrepris un certain nombre de séries de mesures ayant pour but la détermination exacte de la constante Ces mesures étaient faites par la méthode de P. Curie, qui consiste à mesurer le courant que peut produire l’émanation enfermée dans un récipient absolument étanche, la mesure étant faite soit par la méthode des électrodes extérieures, soit par la méthode des électrodes intérieures. Cette méthode semble, en effet, celle qui mérite le plus de confiance, car on élimine les causes d’erreur relatives au transport de l’émanation d’un vase dans un autre. L’emploi du quartz piézoélectrique permet d’ailleurs d’effectuer une série de mesures portant sur 20 à 25 jours, toutes les mesures étant absolument comparables sans que l’on ait à s’inquiéter de la sensibilité de l’électromètre ou de la capacité des appareils de mesure.

L’appareil qui a servi pour les mesures au moyen d’électrodes extérieures est semblable à celui représenté dans la figure 44. L’appareil qui a été utilisé pour les mesures au moyen d’électrodes intérieures est un condensateur à gaz tel que celui qui a été représenté dans la figure 38 ; la boîte B de ce condensateur était munie de deux tubes de dégagement étroits dont l’un se terminait par un manomètre tronqué de très petit volume, tandis que l’autre servait de tube de communication. L’opération préliminaire consiste à faire le vide dans le condensateur et à fermer le tube de communication à la lampe. On laisse ensuite l’appareil en observation pendant quelques jours pour vérifier qu’il est parfaitement étanche. On aspire alors dans le condensateur une quantité convenable d’émanation contenue dans de l’air sec, on finit de remplir avec de l’air sec jusqu’à ce que la pression devienne sensiblement égale à la pression atmosphérique et l’on ferme à la lampe le tube qui a servi pour l’aspiration. L’appareil est alors prêt pour une série de mesures.

Chaque série de mesures par la méthode des électrodes extérieures ou intérieures se prolongeait de 20 à 30 jours, les mesures étant faites généralement une ou deux fois par jour. Le maximum de l’intensité du courant est atteint 3 heures après le moment où l’émanation a été aspirée dans le condensateur ; cependant la loi exponentielle de la diminution de l’intensité ne semble parfaitement établie que 24 heures après l’aspiration. J’ai cru constater en particulier que dans mes expériences à électrodes intérieures, le courant, après avoir atteint le maximum, décroît de plus en plus vite entre et le temps étant compté depuis l’instant où l’émanation a été introduite dans l’appareil ; mais à partir de la vitesse de baisse devient un peu moins grande et prend un régime constant qui se maintient ensuite pendant plus de 20 jours. Si donc on construit la courbe qui représente le logarithme de l’intensité en fonction du temps, cette courbe présente un point d’inflexion entre et Ce point d’inflexion, dont l’existence n’est pas prévue par la théorie, est peu marqué et il est difficile d’être tout à fait affirmatif à son sujet.

Dans toutes les expériences le courant de saturation était toujours atteint ; la différence de potentiel établie entre les deux armatures du condensateur de mesures était de 800 volts.

Dans les expériences faites par la méthode des électrodes intérieures, la masse de gaz soumise à l’effet ionisant restait constante ; aucune correction n’était donc nécessaire pour tenir compte de la variation de la pression et de la température de l’air ambiant. Mais dans les expériences faites avec l’appareil à électrodes extérieures, la chambre d’ionisation n’était pas close de manière à être étanche. L’ionisation produite dans l’air contenu dans cette chambre par les rayons pénétrants qui sortent du tube à émanation, croît avec la densité de l’air soumis à l’action des rayons ; elle pourrait être considérée comme proportionnelle à la densité, si le pouvoir pénétrant des rayons utilisés était suffisamment grand. On aurait en ce cas


en désignant par i le courant mesuré à la pression p et à la température t, et par le courant rapporté à une pression et une température . La correction ε que l’on doit ajouter à i, pour obtenir , est alors donnée approximativement par la formule


est mesuré en millimètres de mercure. Cette correction est probablement un peu trop forte, car il est vraisemblable que parmi les rayons primaires et les rayons secondaires qui en proviennent il y en a de relativement absorbables ; mais on peut remarquer qu’en moyenne la forme des courbes est à peine affectée par la correction.

Une autre correction est à considérer : c’est celle qui résulte de la radioactivité propre de l’appareil de mesures. Celle-ci était toujours très faible au début de l’expérience, n’atteignant, par exemple, que 0,1 pour 100 du courant à mesurer ; elle augmentait d’importance à mesure que le courant dû à l’émanation allait en diminuant et pouvait atteindre 5 pour 100 de la valeur à mesurer. La méthode du quartz piézoélectrique permet d’effectuer une série de mesures portant sur 30 jours environ. Quand on emploie le procédé des électrodes extérieures, on peut prolonger la durée de l’expérience en employant une grande quantité d’émanation, et en réduisant au début l’intensité du rayonnement au moyen d’un écran en plomb épais qui enveloppe le tube actif et que l’on enlève après 20 jours. On constate toutefois qu’il n’y a pas intérêt à prolonger les mesures au delà de 30 jours, car la loi exponentielle simple se trouve altérée à partir de cette époque, et la décroissance du courant devient de plus en plus lente. Ce fait est dû au développement progressif d’une radioactivité induite à évolution très lente, différente de celle qui ne demande que 3 heures pour atteindre un équilibre de régime avec l’émanation du radium (voir § 77). Il est important de s’assurer que cette radioactivité ne peut contribuer d’une manière appréciable à produire le courant dans l’appareil de mesures. En effet, s’il en était ainsi, la loi de décroissance observée serait un peu plus lente que celle qui caractérise l’émanation, la déformation pouvant cependant être trop faible pour que l’on voie clairement que la loi n’est pas purement exponentielle. Cette considération constitue une objection importante contre l’emploi des méthodes qui consistent à mesurer l’activité de l’émanation en la laissant dans le même vase. On peut éliminer cette objection de la manière suivante. Quand la série de mesures est terminée, on chasse l’émanation du récipient qui la contient ; on attend 24 heures pour laisser complètement s’éteindre la radioactivité induite à évolution rapide, et l’on mesure alors le rayonnement propre de l’appareil. Si l’on opère avec des électrodes intérieures, le récipient est simplement le condensateur de mesures ; si l’on opère avec des électrodes extérieures, ce récipient est le tube qui contenait l’émanation, et qui, après avoir été vidé, doit être remis en place pour la vérification à faire après 24 heures. Dans les deux cas on constate que l’activité observée ainsi après une expérience de 25 jours est très faible, et qu’elle ne saurait modifier les résultats obtenus.

Chaque série de mesures a été représentée par une courbe, en portant en abscisses le temps mesuré en heures, et en ordonnées le logarithme décimal du nombre qui mesure le courant en unités arbitraires. Les courbes ainsi obtenues sont reproduites dans la figure 48. Ce sont très exactement des droites dont le coefficient angulaire a (diminution du logarithme décimal de l’intensité par heure) est indiqué dans le Tableau qui suit :

Électrodes intérieures.

  TEMPS D’OBSERVATION. a.
I..... ... 470 heures 0,003279
II........ 450 ..».. 0,003270
III. ..... 430 ..».. 0,003265
IV. ..... 430 ..».. 0,003280
V........ 580 ..».. 0,003258
  Valeur moyenne....... 0,003270
Fig. 48.


L’échelle relative à ces droites est indiquée sur la figure en bas et à gauche.

Électrodes extérieures.
  TEMPS D’OBSERVATION. a.
VI.. . .. 0
460 heures
0,003255
VII...... 0
360 ..»..
0,003270
VIII... . 0
700 ..»..
0,003244
IX.... .. 0
800 ..»..
0,003255
X........
1040 ..»..
0,003200
  Valeur moyenne....... 0,003246

Les droites VI et VII sont construites à la même échelle que les droites I à V. Les droites VIII, IX, X représentent des expériences de durée beaucoup plus grande, et sont construites à une échelle moitié de la précédente, indiquée sur la figure en haut et à droite. La concentration initiale de l’émanation dans le tube était en ce cas plus grande, mais l’intensité du rayonnement au début était réduite par l’emploi d’un écran de plomb qui entourait le tube ; lorsque l’intensité était devenue faible, on enlevait l’écran, et l’on continuait les mesures dans le même appareil. Le raccord des deux parties de la droite, obtenues avec écran et sans écran, est indiqué sur la figure par une croix, et l’on voit qu’il n’y a en ce point aucun changement de direction. L’altération de la droite X à partir de 800 heures est due à l’apparition de la radioactivité induite à évolution lente.

Dans les expériences VI à X la concentration initiale de l’émanation était considérablement plus grande que dans les expériences I à V, le rapport étant de l’ordre de Ainsi au cours d’une expérience isolée la concentration peut diminuer dans un rapport de 1000 environ, sans que la loi exponentielle se trouve en défaut, et de plus, le coefficient a est sensiblement le même dans toutes les expériences, quelle que soit la concentration initiale dans les limites indiquées. Il en résulte que la loi de destruction de l’émanation est indépendante de la concentration de celle-ci dans de très larges limites. Ce fait est encore confirmé par des expériences faites avec de l’émanation très concentrée (quantité maximum d’émanation pouvant être fournie par 1dg de radium, et contenue dans un petit tube de volume 0mm³,1 environ). La concentration initiale en ce cas était fois plus grande que dans les expériences avec des électrodes intérieures, et cependant la loi de destruction ne paraît pas altérée. La droite XI représente une de ces expériences avec a = 0,00323. La droite XII représente les résultats d’une série de mesures obtenues dans un appareil à électrodes intérieures, avec l’émanation restante d’une expérience faite précédemment dans l’appareil à électrodes extérieures. La loi de destruction est toujours sensiblement la même ( 0,00330). À la fin de cette série l’émanation était séparée du radium depuis 3 mois.

On voit, d’après cela, que la constante de l’émanation est susceptible d’être déterminée avec une grande précision par les deux méthodes employées. Toutefois la méthode des électrodes intérieures donne pour a des valeurs plus concordantes, et en moyenne légèrement supérieures à celles fournies par l’autre méthode, (écart des moyennes inférieur à 1 pour 100). La méthode des électrodes intérieures, dans laquelle le rayonnement de l’émanation intervient directement à côté de celui de la radioactivité induite, semblerait, de ce chef, avoir un avantage sur celle des électrodes extérieures, dans laquelle le rayonnement de la radioactivité induite intervient seul ; cette dernière méthode présente en revanche plus de sécurité, parce qu’il est certain qu’aucune fuite d’émanation ne peut avoir lieu. Une théorie complète montre d’ailleurs que pour des temps supérieurs à quelques heures et inférieurs à un mois, la décroissance du rayonnement total et celle du rayonnement pénétrant doivent, toutes les deux, représenter très exactement la loi de décroissance de l’émanation.

J’ai remarqué que les résultats obtenus avec des électrodes extérieures sont très influencés par l’état d’humidité de l’air qui contient l’émanation. Si, en particulier, celui-ci est rigoureusement desséché, les résultats sont très irréguliers, à tel point que l’expérience ne peut être utilisée pour la détermination de la constante. Ce phénomène s’explique par les conditions de dépôt de la radioactivité induite dans le tube qui contient l’émanation. On verra plus loin qu’une matière active se forme dans le gaz et se dépose

C. - I. 15 (?) sur les parois du tube par suite d’un phénomène de diffusion ; ce dernier est fortement influencé par les variations de la température ambiante, qui donnent lieu à la production de remous dans la masse gazeuse. Tout changement de distribution du dépôt actif peut se traduire par une variation de l’intensité d’ionisation dans l’appareil qui utilise les rayons. On peut régulariser le phénomène par deux procédés : 1o en utilisant un tube très étroit dans lequel le dépôt actif atteint très facilement la paroi et ne séjourne pas dans le gaz ; une telle expérience est représentée par la droite VII ; 2o en utilisant de l’air humide dans lequel le dépôt actif se comporte comme un corps pesant et atteint rapidement la paroi inférieure (voir § 87) ; la droite VI représente une expérience faite dans ces conditions.

On peut conclure qu’en adoptant la valeur 0,00326, on obtient la constante de l’émanation du radium avec une erreur inférieure à 1 pour 100. D’après cette valeur de on trouve

On trouvera à la fin de ce Volume une Table qui permet de calculer quelle est, pour une certaine quantité d’émanation initialement présente, la fraction qui subsiste après un temps donné (Tableau A), la valeur adoptée pour étant

60. Émanation de l’actinium. — Les terres rares actinifères dégagent avec une très grande facilité l’émanation de l’actinium. En faisant passer un courant d’air sur un produit solide actinifère placé dans un condensateur de mesures, on constate qu’il se produit un entraînement d’activité considérable, et que l’activité du produit est fortement diminuée. Cette activité est donc due en très grande partie à l’émanation accumulée entre les grains et dans leur voisinage immédiat. Si le courant d’air chargé d’émanation de l’actinium est dirigé sur un écran au sulfure de zinc phosphorescent, celui-ci manifeste une belle luminosité à l’endroit où il est atteint par le courant d’air. On déplace à volonté la plage lumineuse en modifiant la direction du courant d’air. Quand le courant d’air est dirigé presque parallèlement à la surface de l’écran, on voit apparaître une traînée de lumière semblable à un jet de fumée lumineuse qui s’estompe progressivement, parce que l’émanation de l’actinium, étant très peu persistante, se détruit en même temps qu’elle est entraînée par le gaz. Si le produit est actif, l’expérience est d’une grande beauté,

La loi de décroissance de l’émanation de l’actinium a été étudiée par M. Debierne[10] qui a employé à cet effet le dispositif expérimental représenté dans la figure 43. La matière actinifère, en grains débarrassés de poussière trop fine, était placée entre deux tampons de coton à l’extrémité du tube O. Un courant d’air rapide traversait la substance et entraînait l’émanation le long du tube. Le tube était porté à un potentiel élevé ; il contenait, ainsi que l’indique la figure, plusieurs électrodes isolées, équidistantes et placées suivant son axe. L’une quelconque de ces électrodes pouvait être réunie à un électromètre, et l’on mesurait le courant de saturation qui pouvait être obtenu entre chaque électrode et le tube. Ce courant est proportionnel à la conductibilité de l’air à l’instant de son passage sur l’électrode considérée, et l’on supposait que cette conductibilité est elle-même proportionnelle à l’activité de l’émanation contenue dans l’air. Connaissant la vitesse du courant d’air, on peut évaluer le temps qui correspond au passage d’une électrode à la suivante.

On constate ainsi que la conductibilité décroît très rapidement le long du tube, et qu’il est nécessaire d’employer un courant d’air très rapide. ( environ), si l’on veut utiliser plusieurs électrodes occupant une grande longueur du tube. La loi de décroissance est une loi exponentielle simple. L’intensité du courant est donnée par l’expression


ou encore


en désignant par l’intensité à une électrode choisie comme origine, par l’intensité mesurée sur l’une des électrodes suivantes, dont le centre est à une distance de celui de l’électrode d’origine, par la vitesse du courant d’air, par un temps égal à Dans la figure 49 la ligne I représente le logarithme du pouvoir ionisant de l’émanation en fonction du temps.

Le coefficient a la valeur 0,18. Cette valeur est telle que l’activité de l’émanation diminue de moitié en un temps

Fig. 49.

Dans l’expérience précédente la concentration en émanation est directement mesurée par l’ionisation du gaz. La série complète des mesures peut être effectuée avant que le tube et les électrodes n’aient acquis une radioactivité induite appréciable.

Dans une autre série d’expériences, M. Debierne a cherché à mesurer la concentration en émanation au niveau d’une électrode déterminée, par la radioactivité induite que l’on peut observer après un temps suffisant sur la paroi du condensateur cylindrique que cette électrode forme avec le tube O. Pour cela on fait passer pendant plusieurs heures le courant d’air qui entraîne l’émanation dans le tube ; ensuite, on enlève la substance active, on chasse l’émanation, et l’on mesure aussitôt l’ionisation dans chacun des condensateurs successifs. Cette ionisation est due uniquement à la radioactivité induite des parois ; elle décroît, d’ailleurs, régulièrement en fonction du temps, l’activité d’un condensateur diminuant de moitié en 36 minutes environ. En effectuant des mesures croisées, on peut établir quelles sont, au même instant, les activités de tous les condensateurs. On constate que l’activité croît d’abord quand on s’écarte de l’origine du tube où se trouvait la substance active ; elle passe ensuite par un maximum, puis commence à décroître ; la loi de décroissance est alors la même que celle que l’on observe dans les mesures du pouvoir ionisant de l’émanation, de sorte que, dans la région du tube qui suit le maximum, la radioactivité induite est proportionnelle à la concentration de l’émanation qui lui a donné naissance, et peut servir à mesurer cette concentration. Dans la figure 49, la ligne II représente le logarithme du pouvoir activant de l’émanation en fonction du temps. L’anomalie observée dans la portion du tube comprise entre l’origine et la région du maximum n’a pas encore été complètement expliquée. On peut imaginer, ainsi qu’avait supposé M. Debierne, que l’émanation se compose de deux produits gazeux distincts : une première émanation formée par l’actinium, douée de pouvoir ionisant et ayant une loi de décroissance caractérisée par la constante T = 3,9 sec., se transformerait en une deuxième émanation inactive, mais produisant la radioactivité induite, et se détruisant bien plus rapidement que la première. Un certain temps serait alors nécessaire pour que la deuxième émanation se forme dans le gaz qui passe sur l’actinium et entraîne la première. Quand la région du maximum est dépassée, les concentrations des deux émanations sont proportionnelles, la proportionnalité résultant d’un équilibre de régime entre la production et la destruction de la deuxième émanation. La radioactivité induite est proportionnelle à la concentration de la deuxième émanation.

On peut aussi essayer d’expliquer le même phénomène sans admettre l’existence de deux émanations, et en supposant que le dépôt de radioactivité induite qui se forme dans le gaz demande un certain temps, d’ailleurs très court, pour se diffuser et pour parvenir à se déposer sur la paroi du tube. Certaines expériences sont en faveur de cette manière de voir, mais la question ne peut être considérée comme résolue.

La décroissance de l’émanation de l’actinium peut être observée qualitativement au moyen du dispositif suivant utilisé par M. Debierne. Un courant d’air entraîne l’émanation le long d’un tube de verre dans lequel se trouvent des écrans semblables entre eux et équidistants, recouverts de sulfure de zinc phosphorescent. L’émanation excite la luminosité de ce sulfure, et la phosphorescence est d’autant plus forte que la concentration de l’émanation au voisinage de l’écran est plus grande. À partir du moment où l’on établit le courant d’air, on voit s’éclairer successivement les écrans dans l’ordre de leur distance à la source, à mesure que l’arrivée de l’émanation se fait sentir. Quand le régime est établi, l’intensité de la phosphorescence va en se dégradant d’un écran au suivant, à mesure que la distance à la source augmente, et l’étendue jusqu’à laquelle le phénomène est visible croît avec la vitesse du courant d’air. Quand on arrête celui-ci, on voit la phosphorescence des écrans s’éteindre progressivement ; mais si le courant d’air a persisté pendant un temps suffisant, l’extinction n’est pas complète, et chaque écran conserve un résidu de luminosité d’autant plus grand que la phosphorescence de régime était plus grande. Cette phosphorescence résiduelle est due, non à l’émanation, mais à la radioactivité induite formée sur l’écran, et disparaît en même temps que celle-ci dans l’intervalle de quelques heures.

Les mesures effectuées par MM. Hahn et Sackur par la méthode du courant gazeux ont confirmé la valeur indiquée par M. Debierne pour la constante de l’émanation de l’actinium[11].

En raison de sa destruction rapide, l’émanation de l’actinium ne peut être transportée par aspiration dans un condensateur de mesures, de manière à être séparée de la matière active qui lui donne naissance.

M. Debierne a montré que les produits d’actinium émettent en plus de leur émanation caractéristique une proportion très faible d’une émanation très persistante[12]. Pour s’en assurer il suffit d’aspirer dans un condensateur de mesures le gaz qui se trouve dans un ballon contenant une solution d’actinium. L’émanation de l’actinium est immédiatement détruite ; l’émanation plus persistante reste seule, et l’on peut étudier la loi de sa variation avec le temps. On constate que cette émanation se comporte comme celle du radium et qu’elle doit être considérée comme identique avec celle-ci. Le dégagement d’émanation du radium par les solutions d’actinium est très faible ; toutefois il ne semble pas possible de l’attribuer à la présence d’une petite quantité de radium qui serait restée avec l’actinium lors de sa préparation. Il est maintenant prouvé que l’actinium contient une petite quantité de l’élément radioactif ionium qui donne lieu à une production lente de radium.


61. Comparaison des trois émanations. — Nous venons de voir que les trois émanations radioactives se détruisent suivant une loi de même forme, mais que la vitesse de destruction est très différente dans chaque cas. Voici les valeurs des coefficients caractéristiques pour chaque émanation :

Émanation du radium ----
-----»-----du thorium ------w»
----- »-----de l’actinium---- ------ma»

On peut remarquer que la destruction de l’émanation de l’actinium est environ 87000 fois plus rapide que celle de l’émanation du radium.

Les émanations émises par les corps radioactifs se diffusent progressivement dans l’air qui entoure la substance ; mais, comme leurs durées de vie sont très différentes, les effets obtenus n’ont pas le même caractère.

Dans un vase qui contient une solution de sel radifère, l’émanation du radium se trouve répandue d’une manière sensiblement uniforme quand l’équilibre de régime a été atteint ; cette émanation est en effet assez persistante pour pouvoir se diffuser dans un vase de forme large sans éprouver de destruction en proportion notable.

L’émanation du thorium, par contre, ne peut se diffuser à distance notable de la substance qui l’émet ; ce phénomène est encore plus marqué avec l’actinium dont l’émanation ne peut se propager qu’à quelques centimètres de la substance active ; la concentration de l’émanation décroît en ce cas très rapidement quand on s’éloigne de l’actinium.

Mais si, au lieu de conserver la substance active dans un récipient plein d’air à la pression atmosphérique, on opère sous pression réduite, les phénomènes se trouvent modifiés. En ce cas les émanations du thorium et de l’actinium peuvent se diffuser facilement et se répandre dans le vase comme le ferait l’émanation du radium.

Les trois émanations ont en commun la propriété d’ioniser les gaz dans lesquels elles se trouvent contenues, d’impressionner les plaques photographiques, et de provoquer la luminosité des substances phosphorescentes, en particulier celle du sulfure de zinc phosphorescent. Le courant obtenu dans un condensateur de mesures qui contient un gaz chargé d’émanation, croît avec la pression du gaz quand la quantité d’émanation reste constante.

Toutes les trois émanations ont la propriété de communiquer aux substances solides, avec lesquelles elles se trouvent en contact, une radioactivité temporaire dite induite. À chaque émanation correspond une radioactivité induite particulière et caractéristique, indépendante de la matière qui la reçoit.

Les émanations peuvent être étudiées par leurs effets ionisants ou par leur faculté de provoquer la phosphorescence. À ce dernier point de vue c’est le sulfure de zinc qui est employé de préférence comme matière phosphorescente. On a vu comment un écran au sulfure de zinc peut servir pour mettre en évidence l’entraînement de l’émanation de l’actinium par les courants d’air. On peut de même obtenir l’illumination d’un écran au sulfure de zinc par l’émanation du radium, en aspirant celle-ci dans un récipient en verre qui contient un tel écran ; avec de grandes quantités d’émanation le phénomène est très brillant. Le verre du récipient est aussi rendu lumineux par l’émanation du radium ; parmi les différentes espèces de verres, le verre de Thuringe est particulièrement sensible, cependant la luminosité est toujours bien plus faible qu’avec le sulfure de zinc.

La propagation de l’émanation du radium le long d’un tube capillaire peut être suivie par l’observation de la luminosité du verre le long de ce tube.

La luminosité du sulfure de zinc en présence des émanations présente un caractère particulier : celui de scintillations. En observant la luminosité avec une loupe, on voit apparaître une multitude de points lumineux dont chacun ne persiste qu’un temps très court. Ce phénomène, sur lequel nous reviendrons plus loin, est surtout frappant avec l’émanation de l’actinium.


62. Diffusion des émanations. — Un grand nombre de recherches ont été effectuées pour préciser la nature des émanations radioactives. Ces recherches ont mis en évidence, que les émanations se comportent en tout point comme des gaz matériels instables doués de radioactivité. Les recherches entreprises dans cet ordre d’idées comportent l’étude de la diffusion des émanations, de leur solubilité, de leur condensation à basse température, ainsi que les essais d’isolement de l’émanation du radium en vue de la détermination de son spectre et de la mesure de son volume sous pression déterminée. Ces recherches seront exposées ici dans l’ordre indiqué ci-dessus.

P. Curie et M. Debierne ont montré que si une enceinte A, contenant du radium, communique par un long tube capillaire avec une autre enceinte B primitivement inactive, cette dernière s’active progressivement par suite d’un phénomène de propagation de l’activité le long du tube capillaire[13]. Cette propagation correspond à un déplacement de l’émanation du radium, laquelle, en cette circonstance, se comporte comme un gaz qui diffuse de l’enceinte A vers l’enceinte B au sein de l’air qui remplit le tube capillaire, en vertu de la différence de ses concentrations respectives dans les deux enceintes. Quand l’équilibre est établi, les deux enceintes, si elles sont semblables, manifestent la même activité extérieure.

P. Curie et M. Danne ont étudié ensuite quantitativement le partage de l’émanation du radium entre deux réservoirs[14]. La quantité d’émanation contenue dans chaque réservoir était évaluée par le rayonnement extérieur de ce réservoir, ce rayonnement étant mesuré quand l’équilibre de régime était atteint entre l’émanation et la radioactivité induite des parois. Soit un réservoir de volume qui émet un rayonnement  ; on le met en communication avec un deuxième réservoir inactif de volume  ; une partie de l’émanation passe dans ce deuxième réservoir, mais un état de régime n’est établi qu’au bout d’un certain temps t. Pendant ce temps l’émanation est détruite en proportion connue. Soit i le rayonnement qu’aurait émis le premier réservoir au bout du temps t si la communication avec le deuxième réservoir n’avait pas été établie. Soit le rayonnement effectivement mesuré après le temps On trouve que

------

L’émanation s’est donc partagée entre les deux réservoirs proportionnellement à leurs volumes. L’expérience donne le même résultat avec divers degrés de vide.

Dans l’expérience précédemment décrite, les deux réservoirs sont à la même température. D’autres expériences ont été faites, dans lesquelles l’un des réservoirs était à la température ambiante tandis que l’autre était porté à 350°. On constate que l’émanation se partage entre les deux réservoirs dans la même proportion que le ferait la masse d’un gaz dans les mêmes conditions, c’est-à-dire conformément à la loi Boyle-Gay-Lussac. Soient le rayonnement du premier réservoir avant l’expérience, et son rayonnement après un temps t, quand le partage de l’émanation entre les deux réservoirs a été accompli, et que le nouvel équilibre a été établi. Soient et les volumes, , et les températures des deux réservoirs. On aura


λ étant le coefficient caractéristique de la destruction de l’émanation du radium.


Si les émanations se diffusent comme des gaz, on peut chercher à déterminer les coefficients de diffusion des émanations dans l’air ou dans un autre gaz. Les expériences de ce genre présentent d’autant plus d’intérêt qu’elles donnent des indications sur le poids moléculaire des émanations considérées comme gaz matériels, alors que l’on ne peut encore espérer obtenir ce poids moléculaire par la mesure des densités des émanations.

La première détermination du coefficient de diffusion de l’émanation du radium a été effectuée par M. Rutherford et Miss Brooks par la méthode de Loschmidt[15]. Voici comment était disposée l’expérience (fig. 50). Un long cylindre de laiton de 73cm de longueur et de 6cm de diamètre était divisé en deux parties égales par une paroi mobile S. Les extrémités du cylindre étaient fermées par deux bouchons d’ébonite, au travers desquels on faisait pénétrer dans le tube deux électrodes E1, et E2 disposées suivant l’axe du tube. Le cylindre pouvait être porté à un potentiel élevé ; chacune des électrodes pouvait être réunie à un électromètre. L’appareil était placé dans une caisse remplie de coton pour assurer la constance de la température. L’émanation était obtenue en chauffant un sel radifère contenu

Fig. 50.


dans un tube de platine ; l’émanation dégagée était entraînée dans la partie 1 du cylindre au moyen d’un lent courant d’air sec fourni par un gazomètre et filtré au travers d’un tampon de coton ; la pression dans le cylindre restait égale à la pression atmosphérique. Après introduction d’une quantité suffisante d’émanation, les orifices du tube étaient fermés, et l’appareil était abandonné à lui-même pendant quelques heures pour que l’équilibre puisse s’établir. On enlevait alors la cloison S, et l’émanation commençait à diffuser de la partie 1 du tube vers la partie 2. Le courant de saturation qui pouvait être obtenu sur les électrodes E1 et E2 était mesuré à intervalles réguliers. Le courant obtenu avec E1 va en diminuant, celui obtenu avec E2, d’abord nul, va en augmentant. Après quelques heures le courant a sensiblement la même valeur des deux côtés ; l’émanation est alors distribuée dans le cylindre d’une manière uniforme.

Voici maintenant la théorie de l’expérience. On peut admettre que l’émanation seule est en mouvement et que l’air est en repos, la concentration en émanation étant extrêmement faible.

L’émanation diffuse dans la direction Ox, par suite de l’excès de concentration qui existe entre deux sections voisines du tube, la concentration restant constante dans une même section. Si l’on désigne par la concentration de l’émanation dans une section placée à une distance de la section origine, la quantité d’émanation qui traverse dans le sens l’unité de cette section, par unité de temps, est égale à est le coefficient de diffusion. L’unité de surface de la section placée à la distance sera de même traversée dans l’unité de temps par la quantité d’émanation

La quantité d’émanation détruite par unité de temps, dans la portion de la tranche qui a comme base l’unité de surface, est égale à si est le coefficient de destruction de l’émanation. L’accroissement rapporté à l’unité de temps de la quantité d’émanation contenue dans l’élément de volume considéré sera donc tel que


d’où l’équation

Si la diffusion est achevée en quelques heures, on peut négliger la destruction de l’émanation pendant un temps aussi court, et l’équation se réduit alors à la forme simple

On peut obtenir la solution de cette équation sous forme d’une série. La solution contient des constantes arbitraires que l’on détermine de manière à satisfaire aux conditions aux limites, d’après lesquelles, au début de l’expérience, l’émanation est répandue uniformément dans la portion du tube seulement, et la vitesse de diffusion reste constamment nulle aux extrémités du tube. En désignant par la longueur du tube, par et les quantités d’émanation présentes respectivement au temps dans les portions 1 et 2 du tube, on trouve

(6)

C’est cette formule qui a été utilisée pour le calcul du coefficient Pour s’en servir il faut connaître le rapport qui est fourni par la mesure des courants de saturation obtenus sur les électrodes E1 et E2 quand, la diffusion ayant été arrêtée, l’équilibre de l’émanation avec la radioactivité induite est établi.

Généralement la mesure était faite par un autre procédé. Les électrodes restaient chargées négativement pendant la durée de la diffusion et recueillaient la plus grande partie du dépôt actif formé dans le gaz (radioactivité induite) ; la diffusion étant arrêtée, les électrodes étaient rapidement remplacées par des électrodes semblables inactives, et la mesure était faite aussitôt. La durée de la diffusion variait de 15 minutes à 2 heures. Dans le calcul on ne conservait que les deux premiers termes du développement, la série étant très convergente. Les valeurs obtenues pour étaient comprises entre 0,08 et 0,12. Des expériences ultérieures, faites dans des conditions meilleures de constance de température, ont fourni des valeurs plus concordantes comprises entre 0,07 et 0,09. On n’a constaté aucune influence de l’humidité de l’air ni aucune perturbation provenant de l’action du champ électrique ; ce dernier fait tend à prouver que l’émanation n’est pas changée.

La méthode qui vient d’être exposée ne semble pas se prêter à des mesures très exactes. Une perturbation considérable doit se produire au moment où l’on ouvre la paroi. De plus la mesure du courant dans les sections 1 et 2 du tube doit être influencée par le manque d’uniformité dans la distribution de l’émanation. Si les expériences comportaient une précision suffisante, il serait facile de tenir compte de la destruction spontanée de l’émanation pour des temps de diffusion plus longs.


P. Curie et M. Danne ont mesuré le coefficient de diffusion de l’émanation du radium par une méthode différente[16].

Considérons deux réservoirs 1 et 2 (fig. 51) qui communiquent entre eux par un tube étroit de longueur l et de section s. Les volumes des deux réservoirs sont et . Au début le réservoir 1 contient de l’émanation. La pression du gaz est la même dans les deux réservoirs au début de l’expérience et reste la même pendant la durée de celle-ci, mais l’émanation diffuse du réservoir 1 vers le réservoir 2 par le tube

Fig. 51.


de communication. On peut admettre que la concentration n de l’émanation est constante en tous les points d’une section du tube ; on peut aussi admettre que la diffusion à l’intérieur des réservoirs se fait très rapidement, et que les concentrations de l’émanation au temps y sont uniformes et égales respectivement t, à N1 et N2. Les quantités totales d’émanation dans les deux réservoirs sont alors

...et...

L’émanation du radium se détruit lentement, de sorte que si le tube n’est pas trop long, le régime de l’écoulement n’est pas modifié par la destruction de l’émanation lors de son passage dans le tube. La quantité d’émanation qui traverse par unité de temps une section du tube est égale à le sens positif Ox de la diffusion étant dirigé du réservoir 1 vers le réservoir 2. Quand le régime de la diffusion est établi, cette quantité est la même, à un moment donné, quelle que soit la section considérée, et l’on a, par suite,

La concentration dans chaque réservoir varie alors, d’une part par suite du transport d’une certaine quantité d’émanation d’un réservoir à l’autre pendant un temps donné, d’autre part par suite de la destruction, à l’intérieur de chaque réservoir, de quantités d’émanations et par unité de temps. On obtient donc les deux équations

(I)

De ces équations on déduit les suivantes :

(II)


dont les intégrales sont

(III)


La mesure de et au même temps permet donc de calculer la valeur du coefficient et par suite celle de Il est d’ailleurs préférable d’effectuer une série de mesures pour des valeurs de différentes. La différence des concentrations dans les deux réservoirs décroît suivant une loi exponentielle plus rapide que celle qui caractérise la destruction de l’émanation.

Si, en particulier, le volume est très grand par rapport à , la deuxième des relations (III) se simplifie et devient

(IV) .... avec ....

L’expérience consiste alors à mesurer l’activité du réservoir 1 à des intervalles de temps déterminés, et à construire la ligne qui représente le logarithme du rayonnement en fonction du temps. On obtient ainsi une droite dont l’inclinaison permet de calculer le coefficient et la valeur de La température doit rester constante pendant la durée de l’expérience.

P. Curie et M. Danne employaient un réservoir muni d’un tube capillaire qui était ouvert à l’air libre. Les formules (IV) sont applicables à ce cas. La quantité d’émanation contenue dans le réservoir était évaluée par la mesure du rayonnement extérieur de celui-ci, l’appareil de mesures étant absolument semblable à celui employé pour l’étude de la loi de décroissance de l’émanation. Les diamètres des tubes employés variaient entre 0cm,09 et 0cm,4 ; les longueurs des tubes entre 5cm et 50cm. Les valeurs obtenues pour étaient comprises entre 0,094 et 0,112 ; les valeurs de obtenues en faisant varier la longueur du tube concordent mieux entre elles que les valeurs obtenues en faisant varier la section, les tubes larges donnant, dans ce dernier cas, des valeurs plus faibles que les tubes étroits. Le volume du réservoir variait entre 6cm³ et 27cm³.

La valeur moyenne obtenue pour est 0,100 environ. Les écarts entre les expériences peuvent être attribués aux oscillations du gaz qui ont pu être provoquées par des variations de la température du réservoir, ou par des variations de la pression atmosphérique pendant la durée de l’expérience. La forme du réservoir s’est montrée sans influence ; on peut donc conclure que la vitesse de l’écoulement de l’émanation par le tube capillaire est proportionnelle pour un tube donné à la concentration de l’émanation dans le réservoir.

La mesure de coefficient de diffusion de l’émanation du radium par cette même méthode a été reprise récemment dans des conditions de précision meilleure[17]. La diffusion avait lieu entre deux réservoirs réunis par un tube étroit et ne communiquant pas avec l’air libre. Le réservoir qui contenait à l’origine l’émanation avait un volume d’environ 100cm³ ; l’autre réservoir était un ballon de verre d’environ 12 litres de capacité. L’appareil était plongé dans un bain de glace fondante. La valeur obtenue pour le coefficient de diffusion à la température 0° et sous la pression atmosphérique normale est

Cette valeur est très voisine de la moyenne des expériences Curie et Danne. Le dispositif expérimental est représenté dans la figure 52.

Les expériences qui ont été décrites ont montré que le coefficient de diffusion de l’émanation du radium dans l’air est peu différent de 0,1 et qu’il est, par conséquent, du même ordre que les coefficients de diffusion de divers gaz dans l’air. On peut d’ailleurs remarquer que la détermination du coefficient de diffusion d’une émanation n’exige que des mesures de rayonnement et peut, pour cette raison, être effectuée plus facilement qu’une détermination analogue pour un gaz ordinaire.

Voici un Tableau qui indique les coefficients de diffusion de quelques gaz

Fig. 52.


dans l’air ; on a désigné par M la masse moléculaire de ces gaz :

  Vapeur d’eau = 0,198 = 18  
Gaz carbonique 0,142 44
Vapeur d’alcool 0,101 46
Vapeur d’éther 0,077 74

On sait qu’il existe une loi empirique d’après laquelle le coefficient de diffusion mutuelle de deux gaz varie approximativement en raison inverse de la racine carrée du produit de leurs masses moléculaires. Par son coefficient de diffusion, l’émanation du radium vient se placer à côté des gaz qui ont une assez grande masse moléculaire ; cependant la masse, évaluée d’après la loi considérée, serait au-dessous de 100. D’autre part, certaines considérations théoriques ont conduit M. Rutherford à attribuer aux émanations en général, et à celle du radium en particulier, une masse moléculaire très grande et supérieure à 200. Le désaccord entre le nombre déduit des expériences de diffusion et celui que propose la théorie, a provoqué de nouvelles recherches qui sont relatives au passage de l’émanation au travers de tampons poreux.

Une telle série d’expériences est due à M. Makower qui utilisait des tampons de plâtre[18]. On comparait la vitesse de passage de l’émanation mélangée d’air au travers du tampon à celle d’autres gaz tels que l’hydrogène, l’oxygène, le gaz carbonique et le gaz sulfureux. D’après une loi expérimentale dite loi de Graham, le produit du coefficient caractéristique de la vitesse de passage, par la racine carrée de la masse moléculaire doit rester approximativement constant. Cette loi n’est pas rigoureuse, et le produit croît en même temps que mais si l’on porte en abscisses et le produit en ordonnées, on constate que les points qui correspondent aux gaz indiqués plus haut se trouvent sur une même ligne droite. Cette droite a servi par extrapolation à évaluer le poids moléculaire de l’émanation du radium, qui s’est trouvé placé entre 85 et 99.

Une autre étude comparative de la diffusion de l’émanation du radium et du gaz carbonique, au travers d’une plaque poreuse, a fourni, par application simple de la loi de Graham, le nombre 180 pour le poids moléculaire de l’émanation[19]. Enfin M. Perkins[20] a comparé la vitesse de passage de l’émanation du radium au travers d’une plaque d’asbeste à celle de la vapeur de mercure à une température comprise entre 250° et 275°. La chambre de diffusion étanche contenait de l’hydrogène et de la vapeur de mercure, ou de l’hydrogène et de l’émanation. Cette chambre était traversée par un tube de fer dont la paroi contenait le tampon poreux. Un courant d’hydrogène traversait le tube et entraînait le gaz qui diffusait ; celui-ci était recueilli à la sortie du tube. Les coefficients qui caractérisent la vitesse de passage sont 0,034 pour l’émanation du radium et 0,037 pour la vapeur de mercure. Il en résulterait pour l’émanation, d’après la loi de Graham, un poids moléculaire 234. Toutefois l’expérience faite dans ces conditions comporte des difficultés et des causes d’erreur.

La vapeur de mercure a été choisie pour la comparaison, parce que la molécule de cette vapeur possède un grand poids moléculaire et qu’elle est, de plus, monoatomique. Or l’émanation, d’après la théorie, doit avoir aussi un poids moléculaire élevé ; il résulte d’ailleurs des expériences sur la nature chimique des émanations, que celles-ci sont probablement des gaz monoatomiques inertes de la famille de l’argon ; on espérait, pour ces deux raisons, pouvoir effectuer plus sûrement la comparaison des deux gaz étudiés.

La diffusion de l’émanation du thorium a été étudiée par M. Rutherford. Aucune des méthodes précédemment décrites ne pouvant s’appliquer au cas considéré, une méthode différente a été adoptée. Voici en quoi consiste cette méthode[21]. Une plaque G couverte d’hydrate de thorium (fig. 53) est placée

Fig. 53.


horizontalement au fond d’un cylindre en laiton P d’une grande hauteur. L’émanation dégagée diffuse vers le haut du cylindre, et l’on peut admettre que sa concentration reste constante dans chaque section de celui-ci. Si Ox est la direction de la diffusion, l’équation qui caractérise celle-ci est la même que dans le cas de la méthode de Loschmidt Cette équation est la suivante :


étant le coefficient de diffusion de l’émanation dans le gaz qui la contient et le coefficient de destruction de l’émanation. Quand un temps suffisant s’est écoulé, un régime permanent se trouve établi, et la concentration de l’émanation conserve alors dans chaque section du cylindre une valeur constante et d’autant plus faible que l’on se trouve plus loin de la surface de l’hydrate de thorium. On a, en ce cas,


d’où, en intégrant.

et sont deux constantes arbitraires à déterminer. On doit faire puisque pour on doit avoir On aura alors, en désignant par la concentration au contact de la surface active où

Par conséquent la concentration de l’émanation décroît en fonction de la distance suivant une loi exponentielle dont le coefficient caractéristique est Ce coefficient peut être déterminé par l’expérience, et l’on peut en déduire la valeur de si est connu.

Au lieu d’étudier directement la distribution de l’émanation le long du cylindre, M. Rutherford plaçait dans l’axe de celui-ci une électrode cylindrique E, qui reste réunie pendant toute la durée de l’expérience au pôle négatif d’une batterie d’un grand nombre d’éléments, dont le pôle positif est réuni au cylindre. L’électrode centrale récolte un dépôt de radioactivité induite, et l’on peut admettre que, le long de l’électrode, la radioactivité induite est en chaque point proportionnelle à la concentration de l’émanation dans le gaz au niveau du même point. L’activation dure un à deux jours, le cylindre étant rempli d’air sec et conservé à une température constante. La tige est ensuite retirée, et l’activité des diverses portions de la tige est étudiée par la méthode électrique. Cette mesure peut se faire facilement, l’activité induite due à l’émanation du thorium décroissant très lentement en fonction du temps après activation longue, et surtout au début de la désactivation. On trouve que la radioactivité décroît de moitié sur une longueur de 1cm,9 environ. En admettant pour la valeur 0,013, on trouve pour la valeur 0,09 un peu supérieure à celle trouvée par le même auteur avec l’émanation du radium.

M. Makower a comparé les vitesses de diffusion des émanations du radium et du thorium au travers du même tampon poreux, et en a conclu que les deux émanations devaient avoir des poids moléculaires voisins.


La diffusion de l’émanation de l’actinium a été étudiée par M. Debierne par une méthode semblable à celle que M. Rutherford avait employée avec l’émanation du thorium[22]. Sous la forme que lui a donnée M. Debierne, l’expérience est susceptible d’une grande précision, et pour cette raison le dispositif expérimental sera décrit ici d’une manière détaillée[22].

Le composé d’actinium était placé dans une petite cuvette plate c, occupant tout le fond d’une boîte parallélépipédique (fig. 54). Dans la partie centrale de la boîte et au-dessus de l’actinium on avait disposé deux lames métalliques l1, l2, assez minces. Ces deux lames glissaient dans des rainures bien parallèles et pouvaient être retirées très rapidement. Pour rendre la température uniforme et pour éviter tout remous gazeux, ce qui est indispensable dans les expériences de cette nature, la boîte métallique était à doubles parois, et entre les deux parois étaient disposées des cloisons permettant d’établir une circulation d’eau tout autour de la boîte intérieure ; le couvercle portait également une double paroi cloisonnée, parcourue par le même courant d’eau. Les deux lames rectangulaires avaient des dimensions de 6cm sur 8cm, et étaient disposées bien parallèlement, soit à 4mm soit à 2mm l’une de l’autre.

Les lames étant placées dans l’appareil au-dessus du sel d’actinium et, le courant d’eau passant autour de la boîte, on laissait s’établir le régime. Au bout de 20 à 24 heures on enlevait le couvercle et l’on retirait les lames activées. On plaçait ensuite l’une des lames dans l’appareil de mesures,

Fig. 54.


pour déterminer la distribution de la radioactivité induite sur la face regardant l’autre lame.

Quand l’état de régime est établi, la concentration de l’émanation dans une tranche de gaz située à la distance de la substance active est représentée par la formule


est la concentration au contact de la substance active. La concentration de l’émanation peut être mesurée soit par l’ionisation produite dans le gaz, soit par la radioactivité induite produite sur des parois solides. La deuxième méthode est plus facile à réaliser. D’après les expériences de M. Debierne, les deux méthodes peuvent servir indifféremment pour mesurer la concentration de l’émanation de l’actinium, le pouvoir activant de celle-ci étant proportionnel à son pouvoir ionisant, en tout point qui n’est pas très voisin de la substance.

L’appareil de mesures est représenté dans la figure 55. Il comprend un condensateur C, dont le fond est percé d’une fente étroite f, et un chariot

Fig. 55.


mobile M sur lequel est placée la lame l. En déplaçant le chariot, on peut amener devant la fente les différentes portions de la lame activée, et, dans chaque position, la portion agissante est une petite bande d’environ 2mm de largeur.

La radioactivité induite de l’actinium diminue assez rapidement, et il est nécessaire de déterminer l’activité au même instant pour toutes les parties de la lame. Pour cela on détermine expérimentalement les courbes de décroissance avec le temps de l’activité de différentes bandes situées à des distances connues du bord de la lame activée. Si l’on porte en abscisses les temps et en ordonnées les logarithmes du courant, on obtient une série de droites parallèles dont l’inclinaison indique une décroissance de moitié en 36 minutes. En menant d’un point donné une parallèle à l’axe des ordonnées, on obtient, par l’intersection avec les droites parallèles, une série de points qui permettent de calculer l’activité au même instant pour toutes les portions de la lame. On peut alors construire la courbe qui indique la variation de l’activité induite avec la distance. Cette courbe représente en même temps la variation de la concentration de l’émanation avec la distance à la substance active.

La figure 56 montre le résultat obtenu dans plusieurs expé-

Fig. 56.


riences; on a porté en abscisses les distances à la substance active, et en ordonnées le logarithme de l’activité correspondante au même instant. On voit que, pour une même expérience, les points obtenus se trouvent sur une même droite, ce qui indique que la loi de décroissance est bien une exponentielle simple. L’inclinaison de cette droite permet de calculer l’exposant de l’exponentielle, d’où l’on peut déduire le coefficient de diffusion.

Plusieurs séries d’expériences ont été exécutées en faisant varier certaines conditions. La droite I est relative à une expérience où la distance entre les lames était de 4mm, la droite II à une autre expérience où la distance était 2mm ; dans les deux cas la matière était placée à la partie inférieure de la boîte, et la diffusion se faisait vers le haut. Pour rechercher si un courant gazeux ascendant ne pouvait se produire, par exemple par suite du petit dégagement de chaleur du sel d’actinium, une expérience a été disposée de manière à faire diffuser l’émanation vers le bas. La substance employée était constituée par de petits grains suffisamment gros pour ne pas traverser une toile métallique fine ; elle était placée dans une petite cuvette plate dont le fond était en toile métallique, et cette cuvette était disposée à la partie supérieure de la boîte à température constante. Les deux lames étaient placées au-dessous. Le résultat fut absolument identique au précédent ; la droite III qui représente cette expérience est bien parallèle aux autres droites[23].

D’après l’ensemble des expériences l’activité diminue de moitié quand la distance à la substance active augmente de 5mm,5, à la température de 15° et à la pression atmosphérique ordinaire.

En posant


on trouve

Les nombres obtenus dans les différentes expériences diffèrent de moins de 2 pour 100.

Le coefficient ainsi obtenu doit avoir une grande exactitude. En effet, la méthode est simple, les mesures précises, et les résultats tout à fait réguliers et conformes à la théorie. Il résulte de ce travail que l’émanation de l’actinium se diffuse probablement plus rapidement que les émanations du radium et du thorium, dont les coefficients de diffusion sont, d’ailleurs, connus avec moins de précision. L’émanation de l’actinium est donc probablement celle des trois émanations dont le poids moléculaire est le plus faible. Si l’on compare son coefficient de diffusion dans l’air à celui du gaz carbonique, la loi empirique, d’après laquelle le coefficient de diffusion varie en raison inverse de la racine carrée du poids moléculaire, conduit à assigner à l’émanation de l’actinium un poids moléculaire voisin de 70.

Cette même méthode a été utilisée pour l’étude de la diffusion de l’émanation de l’actinium dans l’air sous diverses pressions et dans les gaz autres que l’air[24]. Les dimensions de la chambre de diffusion doivent dans certains cas être modifiées. La théorie de l’expérience suppose, en effet, que la concentration de l’émanation devient sensiblement nulle à l’extrémité des lames. Quand le coefficient de diffusion augmente, l’émanation diffuse à une distance plus grande de la matière active, et l’on doit augmenter la longueur des lames.

Les valeurs du coefficient de diffusion de l’émanation dans différents gaz sont indiquées dans le Tableau suivant :

        Gaz.        D  
Air
Debierne    0,112    à 15° et à la pression normale
Bruhat 0,112 »
Russ 0,123 »
Hydrogène
Bruhat 0,412 »
Russ 0,330 »
Gaz carbonique
Bruhat 0,077 »
Russ 0,073 »
Gaz sulfureux Russ 0,062 »
Argon Russ 0,106 »

La diffusion de l’émanation dans l’argon a été étudiée dans le but de s’assurer si la loi empirique qui relie le coefficient de diffusion et la masse moléculaire s’applique aux gaz monoatomiques. La comparaison des coefficients de diffusion de l’émanation dans l’air et dans l’argon est favorable à cette loi.

Si la loi empirique s’appliquait rigoureusement, le rapport des coefficients de diffusion d’un gaz A dans deux gaz B et C serait indépendant du choix du gaz de comparaison A. Dans le Tableau suivant on a représenté pour différents gaz les rapports des coefficients de diffusion dans l’air et dans le gaz carbonique d’une part, dans l’air et l’hydrogène d’autre part.

     
...
 
Éther 0,71 3,8
Alcool méthylique 0,66 3,8
Alcool 0,67 3,7
Acide formique 0,67 3,9
Acide acétique 0,67 3,8
Formiate d’éthyle 0,67 3,9
Benzène 0,70 3,9
Eau 0,67 3,5
Gaz carbonique    » 3,8
Émanation de l’actinium ... 0,68 3,7

L’émanation de l’actinium suit donc bien la règle énoncée au même degré d’approximation que les autres gaz.

Les coefficients de diffusion de l’émanation du thorium dans l’air et dans l’argon ont été déterminés par M. Russ au moyen de la même méthode. Les nombres trouvés sont

Il en résulte que la masse moléculaire de l’émanation du thorium serait plus grande que celle de l’émanation de l’actinium, le rapport évalué d’après la loi empirique étant 1,42.

Il était important de se rendre compte si les coefficients de diffusion des émanations radioactives variaient de la même manière que les coefficients de diffusion des gaz en fonction de la pression et de la température. Le coefficient de diffusion mutuelle de deux gaz varie en raison inverse de leur pression totale, et augmente avec la température.

Le Tableau suivant donne les résultats d’expériences faites à diverses pressions[25]. La température n’ayant pas été exactement la même pour les différentes expériences, on a effectué une correction qui consiste à admettre que le coefficient varie proportionnellement à étant la température absolue. Des expériences faites à la température de la glace fondante ont permis de s’assurer que la petite correction ainsi apportée est suffisamment exacte.

Dans le Tableau on a indiqué dans la première colonne la pression de l’air dans la deuxième colonne la température dans la troisième la valeur du coefficient de diffusion pour l’émanation de l’actinium, dans la quatrième la valeur du produit

 
  760 15 0,112........ 10,2 10-5
367 15 0,245 10,30»
362 12 0,224 10,00»
287 11,5........ 0,33 11,60»
235 14 0,343 9,9, 0»
209 13,5 0,404 10.20»
134 13,2 0,61 9,9, 0»
127 16,3 0,55 8,5, 0»
097 14,8 0,93 10,80»
071,5........ 16,1 1,165 10,00»
052 15 1,62 10,00»
036 16 2,29 10,00»
025 13 3,65 11,00»
009 12,3 9,1 10,00»
765 00 0,095 9,8, 0»
764 00 0,096 9,9, 0»

On voit que le coefficient de diffusion de l’émanation de l’actinium dans l’air varie très sensiblement en raison inverse de la pression de l’air, les écarts de cette loi n’ayant pas de caractère systématique.


L’ensemble des expériences effectuées sur la diffusion de l’émanation de l’actinium prouve que la diffusion des émanations est un phénomène bien régulier, en tout point analogue à la diffusion des gaz ordinaires, et cela malgré l’extrême dilution des émanations. Il n’y a d’ailleurs aucune raison théorique ou expérimentale pour supposer que les lois de diffusion puissent cesser de s’appliquer quand la concentration d’un gaz devient très faible. Le coefficient de diffusion des émanations peut donc être défini et mesuré avec précision. Les valeurs expérimentales obtenues rapprochent les émanations des gaz dont la masse moléculaire est comprise entre 70 et 100. Si l’on veut étendre aux émanations la loi empirique indiquée plus haut, on peut en conclure que les masses moléculaires des émanations sont comprises entre ces limites.

Il est intéressant de comparer ce résultat aux prévisions qui découlent de considérations théoriques. Les corps radioactifs ont des poids atomiques élevés. MM. Rutherford et Soddy ont admis que les émanations radioactives sont des gaz à molécule monoatomique et à poids atomique également élevé. Par exemple, un atome d’émanation du radium serait formé à partir d’un atome de radium à la suite de l’expulsion par celui-ci d’une particule α dont la masse atomique est égale à 4, puisqu’il a été prouvé que cette particule représente un atome d’hélium. Si donc le poids atomique du radium est égal à 226, celui de l’émanation du radium serait égal à 222. Des raisonnements analogues conduisent à penser que les émanations du thorium et de l’actinium doivent aussi avoir des poids atomiques élevés.

Les expériences de diffusion ne semblent pas confirmer ces prévisions. Il importe cependant de remarquer que la théorie cinétique ne prévoit aucune relation simple entre le coefficient de diffusion de deux gaz l’un dans l’autre et leurs masses moléculaires. Dans l’hypothèse de chocs élastiques entre molécules, le coefficient de diffusion doit dépendre non seulement des masses des molécules, mais aussi de leurs dimensions.

Une méthode plus sûre pour la détermination des masses moléculaires consiste à utiliser le phénomène d’effusion ou écoulement d’un gaz au travers d’une petite ouverture. La vitesse d’effusion, toutes conditions égales d’ailleurs, est exactement en raison inverse de la racine carrée de la masse moléculaire.


63. Absorption de l’émanation du radium par les liquides. Solubilité. Diffusion dans les liquides. — Au cours de leurs recherches sur la production de la radioactivité induite en présence de sels de radium, P. Curie et M. Debierne ont constaté que l’activité peut être communiquée aux liquides et, en particulier, à l’eau distillée[26].

L’eau peut être rendue radioactive par divers procédés. On peut, par exemple, séparer, par distillation en vase complètement clos, l’eau d’une dissolution de chlorure de baryum radifère faite depuis quelques jours ; l’eau distillée ainsi obtenue est fortement radioactive. Un second procédé, encore plus simple, consiste à mettre dans une enceinte parfaitement close deux cristallisoirs renfermant, l’un une dissolution de sel radifère, l’autre de l’eau distillée ; au bout d’un temps suffisant l’eau distillée est devenue active, la communication de la radioactivité se faisant par l’intermédiaire des gaz de l’enceinte. On peut encore enfermer une solution de sel radifère dans une capsule de celluloïd complètement fermée, que l’on fabrique avec de la feuille de celluloïd, dont les bords se soudent quand ils ont été humectés d’un peu d’acétone. Le celluloïd joue le rôle d’une membrane semi-perméable parfaite, et aucune trace de sel ne traverse les parois, tandis que l’activité de la dissolution se communique très bien à l’eau extérieure.

Quand deux ballons A et B, dont l’un A contient une solution aqueuse de sel radifère, et l’autre B de l’eau distillée, sont mis en communication, l’activité de la solution se communique à l’eau distillée, et un état de régime s’établit au bout de quelque temps. Quand ce régime est atteint, et quand les deux ballons ont même volume et contiennent une même quantité de liquide, leur rayonnement extérieur a la même valeur. Si toutefois on sépare les deux ballons et qu’on les conserve fermés, l’activité du ballon A qui contient la solution radifère se trouvera augmentée après quelque temps, tandis que l’activité du ballon B contenant l’eau distillée active disparaît lentement avec le temps et finit par s’évanouir.

Les deux ballons étant en équilibre comme précédemment, et ayant le même rayonnement extérieur, on peut les ouvrir et les laisser quelque temps en communication avec l’air libre. On constate que les deux ballons perdent alors presque complètement leur rayonnement extérieur ; mais si on les referme, le ballon B reste inactif, tandis que l’activité du ballon A se régénère et reprend peu à peu sa valeur primitive.

Un sel radifère solide laissé à l’air libre ne se désactive pas d’une manière sensible. Mais un tel sel n’est pas non plus capable de produire dans son voisinage une activation aussi intense que celle que l’on peut obtenir avec la solution du même sel utilisée dans les mêmes conditions.

Toutes ces expériences peuvent s’expliquer par les propriétés de l’émanation du radium qui se comporte comme un gaz soluble dans l’eau. Ce gaz produit par le radium s’accumule dans les grains du sel solide ; mais si le sel est en solution, l’émanation se dissout elle-même et peut s’échapper dans l’air par l’intermédiaire du liquide. Quand l’air chargé d’émanation se trouve au contact de l’eau, celle-ci s’active en absorbant l’émanation. Si cette eau est ensuite enfermée, de manière que l’émanation ne puisse pas s’échapper, la désactivation se produit lentement à mesure que l’émanation se détruit.

De nombreuses recherches ont démontré la présence de l’émanation du radium dans l’eau de diverses sources, dans l’eau de mer et dans les sources de pétrole ; l’émanation du radium est plus facilement absorbée par le pétrole que par l’eau.

Les expériences de P. Curie et de M. Debierne relatives à l’absorption de l’émanation du radium par l’eau ne pourraient être répétées avec les émanations du thorium et de l’actinium dont la destruction est trop rapide.


L’émanation du radium se dissout dans l’eau dans une proportion déterminée. Les premières expériences à ce sujet sont dues à M. v. Traubenberg qui a étudié l’émanation contenue dans l’eau des sources de Fribourg, et a montré que les lois de solubilité des gaz dans les liquides s’appliquent à cette émanation[27]. La présence d’une émanation radioactive dans les eaux de source venait d’être constatée par M. Himstedt et M. J.-J. Thomson.

M. v. Traubenberg se servait d’une pompe aspirante et foulante qui permettait de faire passer un grand nombre de fois un volume d’air déterminé au travers d’une certaine quantité d’eau, et d’envoyer ensuite cet air dans un appareil où son ionisation était mesurée. Après un nombre suffisant de passages il s’établit entre l’air et l’eau un régime permanent, et l’activité acquise par l’air prend une valeur constante qui peut être 100 fois plus grande que celle que l’on observe pour l’air ordinaire.

Soient et les volumes d’eau et d’air employés, le coefficient de solubilité de l’émanation dans l’eau, et les concentrations de l’émanation dans l’eau et dans l’air. On a


et l’ionisation mesurée est proportionnelle à On enlève alors l’air actif, et on le remplace par un volume égal d’air ordinaire dont l’activité est négligeable ; puis on rétablit la circulation de l’air dans l’eau jusqu’à ce qu’un nouveau régime soit obtenu ; la concentration de l’émanation dans l’air devient alors et cette concentration est évaluée par l’ionisation dans l’appareil de mesures. Si l’on écrit que l’émanation contenue dans l’eau après la première circulation s’est partagée, lors de la deuxième circulation, entre l’eau et l’air comme un gaz dont le coefficient de solubilité est , on obtient la relation


d’où

Si l’activité de l’air ordinaire n’est pas négligeable, les concentrations et , qui interviennent pour la mesure du coefficient sont mesurées par les excès de l’activité de l’air qui a barboté dans l’eau sur celle de l’air ordinaire.

Le coefficient de solubilité ainsi déterminé était à la température ordinaire. On a pu constater d’ailleurs que l’émanation étudiée était celle du radium.

Au lieu d’utiliser la méthode de circulation sous la forme indiquée, on peut aussi opérer d’une autre manière qui consiste à agiter avec un volume de liquide donné un certain volume d’air contenant de l’émanation du radium[28]. Pour cela on peut se servir de deux ballons de même volume placés l’un au-dessus de l’autre et communiquant par un robinet à large voie ; le ballon inférieur est rempli de liquide, le ballon supérieur de gaz. On fait circuler le liquide et le gaz dans les deux ballons au travers du robinet de communication. Quand on juge que l’équilibre est atteint, on redresse l’appareil, on ferme le robinet, et le liquide et le gaz se trouvent séparés. On peut alors procéder à la mesure de l’activité du gaz. L’eau active est ensuite secouée à nouveau avec le même volume d’air frais, et l’activité acquise par cet air est mesurée comme précédemment.

Voici les résultats obtenus pour la solubilité de l’émanation du radium dans l’eau et dans d’autres liquides à diverses températures :

α pour l’eau
à la température ordinaire.
    Eau (Hofmann).
    Pétrole (Hofmann).
Température. α. Température. α.
v. Traubenberg 0,34 2 0,245 -21° 22,7
Mache[29] 0,33 20° 0,23 + 3° 12,87
Hofmann 0,23 40° 0,17  20° 09,55
Kofler 0,27 60° 0,135  40° 08,13
  70° 0,12  60° 07,01
80° 0,12
Température ordinaire.
         
Liquide.____ α.
Eau 00,30 environ
Pétrole 09,55...» Hofmann
Toluène 11,75...» »
Alcool 05,60...» Kofler
Eau de mer........ 00,165..» »

On voit que, conformément à ce qui a lieu pour les autres gaz, le coefficient de solubilité de l’émanation dans un liquide décroît quand la température augmente. L’émanation est, d’ailleurs, beaucoup plus soluble dans les liquides organiques que dans l’eau, et à basse température le coefficient d’absorption pour ces liquides peut devenir très grand ( = 67 à -79° pour le toluène).

L’émanation est moins soluble dans les solutions salines que dans l’eau, et d’autant moins que la concentration en sel est plus grande. D’après M. Kofler le coefficient obtenu avec les solutions équimoléculaires serait le même et égal à 0,16 pour une solution de concentration normale ().

Pour les mélanges d’alcool et d’eau le coefficient de solubilité de l’émanation du radium varie d’une manière continue avec la proportion relative des deux liquides.

La diffusion de l’émanation du radium dans l’eau a été étudiée par une méthode analogue à l’une de celles utilisées pour l’étude de la diffusion dans les gaz[30]. L’expérience consistait à faire absorber l’émanation en vase clos par un liquide contenu dans un vase cylindrique allongé. On pouvait prélever des portions du liquide à différentes hauteurs et mesurer l’activité de ce liquide dans un condensateur. La théorie de l’expérience est absolument analogue à celle qui a été établie pour la diffusion de l’émanation du thorium. La concentration de l’émanation est exprimée en fonction de la profondeur de pénétration dans le liquide par la formule suivante :

étant la concentration de l’émanation à la surface du liquide, le coefficient de diffusion de l’émanation au sein du liquide et le coefficient de destruction de l’émanation.

On trouve, pour l’émanation du radium, pour l’eau et pour le toluène.

D’après cela on obtient dans le cas de l’eau

Le nombre trouvé par M. Stefan pour le coefficient de diffusion du gaz carbonique dans l’eau est l’émanation se diffuse donc dans l’eau plus lentement que le gaz carbonique.

64. Absorption de l’émanation du radium par les solides. — Les substances solides qui ont été activées en présence de sels radifères perdent, en général, leur activité suivant une loi caractéristique indépendante de la nature de la substance. P. Curie et M. Danne ont montré que, 3 heures après le début de la désactivation, l’activité décroît de moitié en une période d’environ 28 minutes. Ils ont toutefois trouvé que pour certaines substances la décroissance est beaucoup plus lente[31]. Le phénomène est extrêmement manifeste avec le celluloïd et le caoutchouc. La paraffine et la cire le présentent à un degré moindre ; il se fait déjà sentir avec l’alun et le plomb. Cet effet peut être attribué à l’absorption d’une certaine quantité d’émanation par les corps solides, surtout par ceux qui sont mous ou poreux. On constate d’ailleurs que le celluloïd, qui a été activé pendant un temps long, émet ensuite de l’émanation pendant plusieurs jours ; cependant il finit par se désactiver complètement.

L’expérience a montré que les tubes de porcelaine sont traversés à chaud par l’émanation du radium ainsi que les tubes de fer. Le quartz à chaud n’est pas traversé. Le verre à froid absorbe très peu d’émanation, le cuivre en absorbe un peu plus et le plomb encore davantage.

Fig. 57.


Dans quelques expériences la quantité d’émanation absorbée par le verre, le cuivre et le plomb en vase clos était de l’ordre de la fraction de la quantité présente dans les vases employés.

M. Rutherford a montré que le charbon de bois, et surtout le charbon de noix de coco, absorbe très énergiquement l’émanation du radium à la température ordinaire[32], mais qu’il la dégage ensuite quand il est chauffé au rouge. La proportion de l’émanation non absorbée par le charbon croît régulièrement avec la température ; la loi d’accroissement est représentée dans la figure 57. L’absorption est sensiblement complète à 15°, elle devient pratiquement nulle à 400° pour la quantité d’émanation employée[33]. Quand on emploie de grandes quantités d’émanation, l’absorption n’est plus complète à la température ordinaire ; il semble se produire une espèce de saturation.

L’écume de mer, la mousse de platine, le noir de platine, absorbent facilement l’émanation du radium, ainsi que cela a lieu pour le charbon, et le pouvoir absorbant semble dépendre de l’état physique de la substance, en particulier de l’état de sa surface[34].

65. Condensation des émanations. — MM. Rutherford et Soddy ont découvert ce fait important que les émanations radioactives se condensent par l’action du froid comme des gaz liquéfiables à très basse température[35]. Quand on fait passer lentement de l’air chargé d’émanation du radium dans un long tube étroit, enroulé en spirale et plongeant dans de l’air liquide, l’émanation se condense dans le tube, et l’on peut conduire l’expérience de telle manière, que l’on ne constate pas du tout la présence d’émanation dans le gaz qui s’échappe du serpentin. Si ensuite on laisse le serpentin se réchauffer, l’émanation passe de l’état condensé à l’état gazeux et peut à nouveau être entraînée par un courant d’air.

On peut mettre en évidence d’une manière très frappante la condensation de l’émanation du radium, en utilisant l’action de cette émanation sur le sulfure de zinc phosphorescent. Pour cela on peut employer le dispositif représenté dans la figure 58.

Une solution de sel de radium est placée en A dans un réservoir en verre, qui communique par un tube avec deux autres réservoirs en verre B et C, dont la paroi est recouverte de sulfure de zinc phosphorescent. Le robinet R étant fermé, on fait le vide dans les réservoirs B et C ; si ensuite on ouvre le robinet R, l’air chargé d’émanation qui se trouvait dans le réservoir A se répand dans les réservoirs B et C et les rend lumineux. On ferme alors le robinet R et l’on plonge le réservoir C dans l’air liquide. Au bout d’une heure, on constate que le réservoir B a perdu sa luminosité, tandis que le réservoir C est encore lumineux ; l’émanation a, en effet, quitté le réservoir B et est venue se condenser en C dans la partie

Fig. 58.


refroidie ; cependant le réservoir C n’est pas très lumineux, parce que la phosphorescence du sulfure de zinc est plus faible à la température de l’air liquide qu’à la température ambiante. On ferme ensuite le robinet R", ce qui interrompt la communication entre les deux réservoirs B et C, on retire le réservoir C du vase D contenant de l’air liquide, et on le laisse revenir à la température ambiante. Le réservoir C est alors vivement illuminé tandis que le réservoir B est toujours obscur ; l’émanation, qui au début de l’expérience était répandue dans les deux réservoirs, se trouve, en effet, tout entière maintenant dans le réservoir C. Dans cette expérience la condensation de l’émanation se fait d’autant plus rapidement que la pression du gaz est plus faible, la diffusion de l’émanation du réservoir B vers le réservoir C se trouvant facilitée quand la pression est réduite. On peut aussi remarquer que le réservoir B peut conserver encore une certaine luminosité alors que l’émanation est déjà entièrement contenue dans le réservoir C ; en effet, ce réservoir, ayant acquis une certaine radioactivité induite en présence de l’émanation, ne se désactive que progressivement quand l’émanation l’a quitté, et la disparition complète de la radioactivité induite demande quelques heures.

MM. Rutherford et Soddy ont déterminé la température de condensation de l’émanation du radium de la manière suivante : Un lent courant gazeux de vitesse constante pouvait être envoyé dans une spirale de cuivre ayant 3m de longueur et plongeant dans un bain d’éthylène liquide (fig. 59). L’éthylène était constamment agité et l’on pouvait abaisser sa température en entourant d’air

Fig. 59.


liquide le vase qui le contenait. La température de la spirale était déterminée par sa résistance électrique qui s’est montrée approximativement proportionnelle à sa température absolue. Des essais préliminaires ont été faits à ce sujet : on faisait passer dans la spirale un courant d’intensité connue, et l’on mesurait la différence de potentiel entre les deux extrémités. Cette détermination a été faite à 0°, à la température d’ébullition de l’éthylène liquide -103°,5, à la température de solidification de l’éthylène -169°, et à la température de l’air liquide que l’on évaluait à l’aide des Tables de Baly d’après la proportion d’oxygène. La courbe qui donnait la résistance de la spirale en fonction de la température était entre 0° et -192° une ligne approximativement droite passant par le zéro absolu.

Voici en quoi consistait l’expérience. Le gaz contenant l’émanation du radium passait dans la spirale refroidie au-dessous de la température de la condensation. L’émanation ayant été condensée, on envoyait dans la spirale un courant d’oxygène ou d’hydrogène et on laissait monter la température. Le gaz qui passait dans la spirale pénétrait ensuite dans un condensateur cylindrique où son activité était mesurée. Cette activité était nulle tant que la température de la spirale était suffisamment basse ; mais, la température augmentant, on observait à un moment donné la production d’un courant dans le condensateur ; ce courant augmentait très rapidement à mesure que la température montait, et atteignait une valeur maximum. Voici par exemple les résultats obtenus avec un courant d’hydrogène correspondant à un débit de 1cm³,38 par seconde :

  Température. Intensité du courant
dans le condensateur.
     - 160° 20
     - 156° 20
     - 154,3° 21
     - 153,8° 21
     - 152,5° 24

Ces nombres indiquent que l’émanation condensée se volatilise complètement dans un intervalle de température très restreint.

Le Tableau suivant renferme les résultats obtenus avec des débits variés d’oxygène ou d’hydrogène. On a désigné par la température à laquelle commence la volatilisation, et par la température à laquelle la moitié de l’effet maximum a été obtenue.

    Débit gazeux. --. -.
Hydrogène--------- 0,25 cm³ : sec----- - 151,3--- - 150
Hydro» 0,32cm» - 153,7 - 151
Hydro» 0,92cm» - 152 - 151
Hydro» 1,38cm» - 154 - 153
Hydro» 2,3cmc» - 162,5 - 162
-Oxygène 0,34cm» - 152,5 - 151,5
Hydro» 0,58cm» - 155 - 153

Quand le courant de gaz n’est pas trop rapide, les résultats obtenus sont concordants ; mais pour la vitesse qui correspondait à un débit de 2,3 cm³ : sec, la température de volatilisation était bien plus basse, ce qui s’explique en admettant que, le régime de température ne pouvant pas s’établir en ce cas entre le gaz et le métal, la paroi interne de la spirale était à une température plus élevée que sa masse. MM. Rutherford et Soddy ont conclu que la température de condensation de l’émanation du radium est voisine de -152°, et qu’elle est très nettement définie.

Les expériences relatives à la condensation de l’émanation du thorium ont été faites d’une manière un peu différente. Un courant gazeux de vitesse constante passait sur de l’oxyde de thorium, puis dans la spirale refroidie à la température de l’air liquide, et enfin dans le condensateur de mesures. L’émanation était condensée dans la spirale, et aucun courant n’était observé dans le condensateur. On enlevait alors le bain d’air liquide, on laissait la température monter lentement, et l’on mesurait l’ionisation obtenue dans le condensateur pour diverses températures de la spirale ; cette ionisation peut caractériser la quantité d’émanation entraînée dans le condensateur.

Voici la température à laquelle on commençait à avoir une ionisation mesurable, c’est-à-dire à laquelle une petite quantité d’émanation échappait à la condensation :

    Courant de gaz
par seconde.
Température.
cm³ °
Hydrogène--------- 0,71 -155
Hydr» 1,38 -159
Oxygène 0,58 -155

La condensation de l’émanation du thorium s’étend sur un intervalle de température beaucoup plus grand que cela n’a lieu pour l’émanation du radium. Une température de -150° est nécessaire pour assurer la condensation presque complète, mais il faut que la température s’élève à -120° pour que l’on n’observe plus de condensation. La figure 60 représente la proportion de l’émanation non condensée en fonction de la température pour un courant de gaz oxygène de débit égal à 1,38 cm³ : sec.

Dans d’autres expériences MM. Rutherford et Soddy introduisaient dans la spirale froide une quantité d’émanation déterminée, contenue dans un gaz ; la proportion d’émanation qui était restée non condensée à une température déterminée, était évaluée en extrayant rapidement cette émanation au moyen d’une pompe, et en la transportant dans l’appareil de mesures. La température de condensation ainsi trouvée pour l’émanation du radium s’est montrée bien définie et voisine de -150°, conformément aux résultats obtenus par la méthode du courant d’air.

Fig. 60.


Pour l’émanation du thorium la condensation commence à -120° et s’étend sur un intervalle de température de trente degrés environ. La proportion d’émanation condensée à une température donnée dépend de la pression et de la nature du gaz, de la concentration de l’émanation et du temps pendant lequel elle a séjourné dans la spirale ; cette proportion est plus forte dans l’hydrogène que dans l’oxygène, elle augmente quand la pression du gaz diminue et quand l’émanation reste plus longtemps dans la spirale.

M. Rutherford a supposé que la vraie température de condensation de l’émanation du radium est vers -150°, tandis que celle de l’émanation du thorium est vers -120°, mais que la condensation de l’émanation du thorium ne peut se faire aussi brusquement que celle de l’émanation du radium, parce que de ces deux émanations la première est beaucoup plus diluée dans le gaz qui la contient que la deuxième, et que, par suite, les particules étant relativement plus écartées, leur agglomération se produit plus difficilement. Cette agglomération est d’ailleurs facilitée par toutes les conditions qui favorisent la diffusion, et c’est ainsi que s’explique l’influence de la nature et de la pression du gaz sur le phénomène.

Il est certain que les conditions dans lesquelles s’effectue la diffusion jouent un rôle important en ce qui concerne la rapidité de la condensation à une température déterminée, et que, par suite, le phénomène que l’on observe dépend de causes multiples. Toutefois on peut remarquer que, même indépendamment de ces causes, on ne voit aucune raison pour qu’il existe une température vraie de condensation.

Si les émanations condensées pouvaient être assimilées à des gaz liquéfiés, possédant à une température déterminée une pression de vapeur saturante, la température de condensation dépendrait nécessairement de la quantité d’émanation contenue dans un volume d’air déterminé, et un courant de gaz passant sur l’émanation condensée entraînerait à toute température une quantité d’émanation sensiblement proportionnelle à la pression de vapeur saturante qui correspond à cette température. La courbe qui donne la proportion d’émanation condensée en fonction de la température de la spirale dans les expériences de MM. Rutherford et Soddy devrait en ce cas présenter quelque analogie avec la courbe qui représente la variation de la pression de vapeur saturante d’un fluide en fonction de la température. On observerait donc un accroissement progressif plus ou moins rapide, mais il n’y aurait pas lieu de s’attendre à observer un effet brusque.

On a vu qu’avec l’émanation du thorium le phénomène est progressif ; avec celle du radium il semble assez brusque ; cependant M. Rutherford a observé qu’en opérant avec de grandes quantités de cette émanation, on peut constater son entraînement par un courant d’air déjà à -155°, alors que la volatilisation complète n’a lieu qu’à -152°. De plus P. Curie et M. Dewar, ainsi que M. Ramsay et M. Rutherford, ont constaté dans diverses expériences, que si une quantité relativement grande d’émanation du radium est condensée à la température de l’air liquide, dans un récipient qui communique avec une trompe à mercure, l’émanation est constamment entraînée dans une certaine mesure à cette température si basse, tant que l’on continue à faire fonctionner la trompe. On observe donc à certains points de vue des phénomènes analogues à ceux qui auraient lieu pour un gaz liquéfié, mais, d’autre part, la température de condensation de l’émanation du radium ne semble pas dépendre notablement de la concentration. Il est d’ailleurs certain que dans les expériences de condensation l’émanation n’était pas présente en quantité suffisante pour qu’une véritable liquéfaction ait pu se produire, la pression de la vapeur étant devenue saturante. On peut aussi rappeler que, même pour les gaz pour lesquels cette condition est remplie, la condensation n’a pas toujours lieu à la même température. Au sein du gaz il se produit, en général, par abaissement de température, une sursaturation, à moins que le gaz ne contienne des centres de condensation qui peuvent être des poussières.

On peut penser avec plus de vraisemblance que la condensation des émanations très diluées à basse température présente plutôt une analogie avec l’absorption des gaz par les parois solides froides. On sait que ce phénomène est électif, c’est-à-dire que certaines matières absorbent plus ou moins facilement certains gaz. C’est ainsi que le charbon de bois absorbe très facilement à la température de l’air liquide les gaz communs de l’air et l’argon, mais le néon et l’hélium ne sont pas absorbés. On a vu plus haut que le charbon absorbe l’émanation très énergiquement à la température ordinaire. Dans les mêmes conditions les parois de verre, de plomb, de cuivre absorbent cette émanation très faiblement et à un degré inégal, tandis que le celluloïd et le caoutchouc l’absorbent en plus forte proportion.

Si la condensation des émanations à basse température est assimilable à une absorption exercée par la paroi solide, cette absorption est probablement élective, et l’on devrait s’attendre à trouver que, d’une part, la proportion de l’émanation non condensée dans des conditions déterminées croît régulièrement avec la température, et que, d’autre part, cette proportion dépend de la nature de la paroi sur laquelle se produit la condensation. L’allure générale du phénomène est conforme à cette manière de voir ; la marche de la condensation est tout à fait progressive pour l’émanation du thorium et aussi pour celle de l’actinium ; pour l’émanation du radium la condensation se fait plus brusquement.

On constate d’ailleurs qu’il est extrêmement difficile de condenser de très grandes quantités d’émanation du radium mélangée à l’air. Si, par exemple, on fait circuler, dans un serpentin plongé dans l’air liquide, un courant d’air contenant de l’émanation à l’état relativement très concentré, on remarque que l’émanation se condense à l’entrée du serpentin, et qu’une forte proportion échappe à la condensation. Il semble donc qu’en ce cas il se produit comme pour le charbon une saturation de la paroi. Peut-être aussi le phénomène est-il dû à ce fait que le gaz qui entraîne l’émanation non condensée a été privé de centres de condensation pouvant faciliter le phénomène.

Le rôle de la paroi dans les phénomènes de condensation est encore peu connu. Des expériences récentes de M. Laborde[36] semblent prouver que la température de condensation de l’émanation du radium, déterminée par la méthode de M. Rutherford, n’est pas la même pour les serpentins métalliques et les serpentins de verre, la température de condensation dans ces derniers étant comprise entre -177° et -179°, tandis qu’avec les serpentins métalliques (cuivre, fer, étain, argent) on obtenait des températures de condensation comprises entre -153° et -155°.

On verra plus loin que l’émanation du radium a pu effectivement être liquéfiée lorsqu’elle se trouvait dans des conditions de concentration comparables à celles pour lesquelles on observe la liquéfaction des gaz ordinaires. Il est probable que le phénomène de condensation des émanations diluées à basse température et le phénomène de liquéfaction sont distincts.


M. Goldstein a observé la condensation de l’émanation de l’actinium dans les conditions suivantes : un réservoir dont la paroi est recouverte de sulfure de zinc phosphorescent et qui plonge dans l’air liquide, communique par un tube coudé avec un réservoir où se trouve l’actinium ; le vide est fait dans l’appareil. On constate dans ces conditions que l’émanation de l’actinium rend lumineux le sulfure de zinc, et que la luminosité est limitée par un anneau situé au-dessus du niveau de l’air liquide.

La condensation de l’émanation de l’actinium aux basses température a été étudiée par M. Henriot[37] de la manière suivante : l’émanation dégagée par un sel d’actinium très actif se diffuse dans un bon vide au travers d’un faisceau de tubes métalliques très étroits et recourbés en U. Elle est observée à la sortie de ces tubes au moyen des scintillations qu’elle produit sur un écran au sulfure de zinc, et que l’on examine à l’aide d’un petit microscope. Le faisceau de tubes plonge dans un bain constitué par un mélange d’air liquide et d’éther de pétrole. On laisse la température monter graduellement, et l’on observe l’aspect des scintillations en ouvrant pour un instant un robinet qui établit la communication entre l’actinium et l’écran. On constate que la proportion de l’émanation non condensée augmente très rapidement vers -143°, et continue ensuite à augmenter jusque vers -100°.

Dans d’autres expériences on faisait varier la température du sel d’actinium contenu dans une petite boîte en laiton.

Fig. 61.


L’émanation qui se dégageait du sel était enlevée de temps en temps par un brusque courant d’air, entraînée dans un condensateur à gaz et mesurée par une méthode appropriée. On constate que l’arrivée d’émanation peut être observée quand la température du sel atteint - 140°, que la quantité d’émanation entraînée augmente ensuite rapidement mais progressivement avec la température jusqu’à la température de 120°, et doit encore croître au delà de celle-ci (fig. 61),

Quand on laisse séjourner l’émanation de l’actinium pendant un temps déterminé dans un serpentin qui plonge dans un bain réfrigérant, la proportion de l’émanation non condensée croît régulièrement avec la température. Le phénomène de condensation est étalé svir un grand intervalle de température, et cela d’autant plus que la pression est plus forte[38]. Le même phénomène est observé pour l’émanation du thorium. La condensation sensiblement complète est obtenue pour les émanations de l’actinium et du thorium à des températures très voisines.


66. Propriétés chimiques des émanations. — Diverses expériences ont été effectuées par MM. Rutherford et Soddy[39] pour voir si les émanations présentent au point de vue chimique quelque analogie avec les gaz connus. L’expérience a montré que les émanations peuvent passer au travers de solutions acides sans être fortement absorbées. L’émanation du thorium peut passer sans altération dans un tube de platine chauffé aussi fort que possible, et cela même quand ce tube est rempli de noir de platine. Dans d’autres expériences l’émanation du thorium était entraînée dans un tube de verre contenant du chromate de plomb chauffé au rouge, ou bien elle passait avec un courant d’hydrogène dans de la poudre de magnésium chauffée au rouge ou dans du noir de palladium au rouge également ; enfin on l’envoyait avec un courant de gaz carbonique dans de la poudre de zinc au rouge. Dans aucun cas on n’a observé d’autre modification de l’émanation du thorium que sa décroissance ordinaire.

On peut faire l’expérience suivante : l’émanation émise par l’oxyde de thorium est entraînée par un courant de gaz carbonique ; on mélange de l’air au courant de gaz carbonique actif et l’on fait passer le mélange dans un tube qui contient de la soude ; l’émanation n’est pas absorbée par la soude, mais reste avec l’air et, si on l’envoie dans un condensateur de mesures, on constate que son activité est la même que dans le cas où le courant de gaz carbonique est remplacé par un courant d’air de même vitesse, le dispositif expérimental restant d’ailleurs le même. Cette expérience prouve que l’activité du gaz qui a passé sur l’oxyde de thorium ne doit pas être considérée comme une sorte de modification peu profonde de ce même gaz ou comme une activité temporaire appartenant à ce gaz, mais bien comme la propriété d’un agent qui se trouve dans le gaz à l’état de mélange.

L’émanation du radium se comporte comme celle du thorium ; elle ne se montre pas sensible à l’action des réactifs chimiques variés très énergiques dont il vient d’être question.

MM. Ramsay et Soddy[40] ont fait passer pendant plusieurs heures des étincelles électriques au travers de l’oxygène contenant de l’émanation du radium et mis en présence d’alcali ; l’oxygène était ensuite absorbé par le phosphore. L’émanation restait inaltérée dans l’appareil ; en introduisant de l’air dans celui-ci, on pouvait transporter le mélange dans un condensateur de mesures et vérifier que l’activité n’avait éprouvé aucune variation anormale.

En se basant sur les résultats des essais qui viennent d’être décrits, on peut considérer les émanations radioactives comme des gaz qui n’ont pas d’affinités chimiques, et les assimiler aux gaz, dits inertes, de la famille de l’argon. On peut, en même temps, admettre, en poursuivant cette analogie, que les émanations radioactives ont une molécule monoatomique.


67. Rayonnement et charge des émanations. — Les trois émanations émettent un rayonnement ionisant. Ce rayonnement ne comprend pas de rayons pénétrants ; il est entièrement composé de rayons absorbables, du genre . Nous avons vu comment ce fait a été mis en évidence pour l’émanation du radium par les expériences de P. Curie (§ 59). Pour l’émanation du thorium le dispositif suivant peut être employé : un courant d’air qui passe sur la substance active entraîne l’émanation dans la boîte B (fig. 62) dont le couvercle contient une fenêtre fermée par une lame mince d’aluminium ou de mica. On mesure l’ionisation de l’air dans l’espace compris entre le couvercle de la boîte B et le plateau A qui forment condensateur. On constate qu’au début de l’expérience le rayonnement est complètement arrêté par une épaisseur de mica de 0cm,0015, suivie d’une épaisseur d’aluminium de 0cm,0013     [41]. Mais peu à peu la boîte B commence à acquérir la radioactivité induite, et en même temps des rayons plus pénétrants font leur apparition ; ces rayons ne sont donc pas dus directement à l’émanation.

Le même dispositif peut être utilisé avec l’émanation de l’actinium. Là aussi on n’a que des rayons absorbables au début de l’expérience, mais les rayons

Fig. 61.


pénétrants apparaissent beaucoup plus rapidement que dans le cas de l’émanation du thorium. Ce fait est en relation avec le développement plus rapide de la radioactivité induite.

Les émanations ne portent pas de charge électrique. P. Curie d’une part, M. Rutherford d’autre part, ont observé que la vitesse de diffusion des émanations du radium et du thorium n’est pas altérée par l’existence d’un champ électrique normal à la direction de la diffusion. M. Rutherford faisait passer un courant d’air chargé d’émanation du thorium dans un condensateur cylindrique de grande longueur, formé par un tube métallique muni d’une électrode cylindrique coaxiale. En établissant une différence de potentiel entre le tube et l’électrode, on pouvait produire un champ électrique radial normal à la direction du mouvement de l’émanation. On n’a pu constater aucune influence d’un tel champ électrique sur le mouvement de l’émanation, et il résulte de ces expériences que, pour un champ moyen de 1 volt par centimètre, la vitesse de déplacement de l’émanation dans la direction de ce champ est certainement inférieure à 10-3 cm par seconde ; la mobilité d’une particule d’émanation ne serait donc qu’une très petite fraction de celle d’un ion gazeux dont l’ordre de grandeur est 1cm,5 par seconde, tandis que le coefficient de diffusion dans l’air est, au contraire, plus grand (0,1 environ pour les émanations, 0,03 en moyenne pour un ion gazeux). Il en résulte que le rapport de la charge que pourrait avoir une particule d’émanation à la charge élémentaire est tel que

Il est probable, d’après cela, que l’émanation du thorium n’est pas chargée.

M. Mc Clelland a fait une expérience directe qui consiste à introduire brusquement l’émanation du radium dans un condensateur à gaz employé comme cylindre de Faraday, la boîte qui forme l’armature extérieure du condensateur étant réunie à l’électromètre. Aucune déviation de l’électromètre n’a pu être constatée par suite de l’introduction de l’émanation[42]. Les expériences de ce genre présentent cette difficulté que l’isolement du cylindre de Faraday est rendu défectueux par l’action des rayons pénétrants qui traversent le métal et rendent conducteur l’air qui l’entoure ; il en résulte qu’une charge faible peut passer inaperçue.


68. Production et dégagement des émanations. — Les émanations radioactives sont produites et dégagées par les composés solides ou les solutions de radium, de thorium ou d’actinium, et ce dégagement est en relation étroite avec l’activité des produits qui lui donnent naissance.

M. Giesel a le premier attiré l’attention sur ce fait qu’un sel solide de radium, qui vient d’être préparé à partir d’une dissolution, n’a pas tout d’abord une activité constante[43] ; son activité va en augmentant à partir de la préparation et atteint une valeur limite sensiblement invariable au bout d’un mois environ. Le contraire a lieu pour la solution. Quand on vient de la préparer, elle est d’abord très active, mais laissée à l’air libre elle se désactive rapidement, et prend finalement une activité limite qui peut être considérablement plus faible que la valeur initiale. Ces variations d’activité s’expliquent fort bien en se plaçant au point de vue de l’émanation. La diminution de l’activité de la solution correspond principalement à la perte de l’émanation qui s’échappe dans l’espace ; cette baisse est bien moindre si la dissolution est en tube scellé. Une solution désactivée à l’air libre reprend une activité plus grande quand on l’enferme en tube scellé. La période de l’accroissement de l’activité du sel qui, après dissolution, vient d’être ramené à l’état solide, est celle pendant laquelle l’émanation s’emmagasine à nouveau dans le radium solide.

Voici quelques expériences à ce sujet :

Une solution de chlorure de baryum radifère est enfermée en vase clos ; on ouvre le vase, on verse la solution dans une cuve et l’on mesure l’activité :

Activité mesurée immédiatement 
 67,25
Activité»mesuréeau bout de 2 heures 
 20,25
Activité»mesurée au .»ut de 2 jours 
 0,25

Cette solution, laissée à l’air libre pendant 2 jours, est donc devenue environ 300 fois moins active.

Une solution de chlorure de baryum radifère qui est restée à l’air libre est enfermée dans un tube de verre scellé, et l’on mesure le rayonnement de ce tube. On trouve les résultats suivants :

Activité mesurée immédiatement 
 27
Activité»mesuréeaprèsè.2 jours 
 61
Activité»mesurée ap»ès.3 jours 
 70
Activité»mesurée ap»ès.4 jours 
 81
Activité»mesurée ap»ès.7 jours 
 100
Activité»mesurée ap»è 11 jours 
 100

L’activité initiale d’un sel radifère solide après sa préparation peut dépendre du temps pendant lequel le sel est resté dissous si ce temps est court. Le sel solide contient en effet une certaine quantité d’émanation qui est accompagnée de radioactivité induite ; quand on dissout le sel et qu’on laisse la dissolution pendant 1 jour ou davantage dans des conditions où l’émanation s’échappe facilement, la radioactivité induite s’éteint progressivement ; si alors on évapore rapidement la dissolution, le sel sec obtenu ne contient d’abord sensiblement ni de l’émanation ni de la radioactivité induite ; ce sel possède alors l’activité totale minimum qu’il soit susceptible de manifester dans des conditions de mesures déterminées. Si, au contraire, un sel solide préparé depuis longtemps est soumis à une dissolution et à une dessiccation immédiate, l’émanation qui était contenue dans le sel est chassée, mais la radioactivité induite reste avec le sel dont l’activité initiale se trouve par ce fait augmentée. Toutefois, en ce cas, le sel éprouve une baisse d’activité pendant les premières heures qui suivent sa dessiccation ; cette baisse est due à la destruction de la radioactivité induite qui a lieu rapidement, tandis que l’accumulation de l’émanation demande un temps beaucoup plus long. On observera toujours aussi un excès d’activité initiale du sel sur son activité minimum, quand le sel est obtenu par évaporation rapide d’une dissolution qui était conservée en vase clos et qui, par conséquent, contenait de l’émanation et de la radioactivité induite.

Voici les valeurs des activités initiales obtenues avec un chlorure dont l’activité limite était 800 et que l’on maintenait en dissolution pendant un temps donné ; puis on séchait le sel et l’on mesurait son activité immédiatement :


Activité limite 
 800
Activité initiale après dissolution et dessiccation immédiate 
 440
Activité initiale après que le sel est resté dissous _5 jours 
 120
Activité initiale»près que le sel»est resté dissous 18 jours 
 130
Activité initiale»près que le sel»est resté dissous 32 jours 
 114


Dans cette expérience le sel dissous se trouvait dans un vase simplement couvert d’un verre de montre.

Deux dissolutions faites avec le même sel ont été conservées en tube scellé pendant plusieurs mois ; l’une de ces dissolutions était 8 fois plus concentrée que l’autre. Après dessiccation rapide l’activité du sel de la solution concentrée était deux fois plus grande que l’activité du sel de la solution plus étendue. Mais, un jour après, les deux échantillons de sel avaient la même activité, et l’accroissement d’activité se continua exactement de la même façon pour tous les deux jusqu’à la limite. La différence des activités initiales était due à un excès de radioactivité induite dans la dissolution qui, ayant le volume le plus petit, a pu être évaporée plus rapidement.

Il est utile de se rendre compte des détails qui viennent d’être indiqués afin de pouvoir les prendre en considération pour la comparaison de l’activité des sels radifères.

Les Tableaux suivants indiquent comment augmente l’activité d’un sel radifère solide, à partir du moment où ce sel est séché après dissolution jusqu’au moment où il atteint son activité limite[44] ; dans ces Tableaux on a désigné par l’intensité du rayonnement, l’intensité limite étant supposée égale à 100, et le temps étant compté à partir du moment où le produit a été séché. Le Tableau I (fig. 63, courbe I) est relatif au rayonnement total :

Fig. 63.


le Tableau II (fig. 63, courbe II) est relatif seulement aux rayons pénétrants (rayons qui ont traversé 3cm d’air et 0mm,01 d’aluminium).

Tableau I.                 Tableau II.
Temps . Temps .
0 ………… 21 0 ………… 11,3
1 jour ………… 25 1 jour ………… 19
3 » ………… 44 3 » ………… 43
5 » ………… 60 6 » ………… 60
10 » ………… 78 15 » ………… 70
19 » ………… 93 23 » ………… 86
33 » ………… 100 46 » ………… 94
67 » ………… 100

Les résultats obtenus dans diverses séries de mesures ne sont pas absolument concordants, des divergences pouvant se produire par suites de petites pertes d’émanation éprouvées par le sel solide ; mais le caractère général des courbes obtenues reste le même. La reprise de l’activité n’est complète qu’après un mois, et les rayons les plus pénétrants sont ceux qui sont le plus profondément atteints par l’effet de la dissolution.

L’intensité initiale du rayonnement qui peut traverser 3cm d’air et 0mm,01 d’aluminium n’était que 1 pour 100 de l’intensité limite, alors que l’intensité initiale du rayonnement total était égale à 21 pour 100 du rayonnement total limite.

On voit, par conséquent, que le rayonnement pénétrant d’un sel radifère dépourvu d’émanation et de radioactivité induite est pratiquement supprimé ; le radium au minimum d’activité n’émet que des rayons absorbables, et l’on verra plus loin que ces rayons sont du genre la présence de rayons et dans le rayonnement du radium est liée à la présence de l’émanation, laquelle, d’ailleurs, n’intervient pas pour cette émission directement, mais en vertu de la radioactivité induite qui l’accompagne[45].

Quand une solution radifère, qui ne contenait sensiblement pas d’émanation, est enfermée en vase clos, le rayonnement pénétrant de cette solution, d’abord nul, augmente en fonction du temps de la même manière que le rayonnement pénétrant d’un sel solide à partir de sa dessiccation.

La production d’émanation a donc lieu aussi bien quand le sel est en dissolution que lorsqu’il est à l’état solide. La quantité d’émanation qui s’accumule dans un vase clos, contenant un sel de radium solide ou dissous, tend vers une certaine limite. Cette limite est atteinte en un mois et elle est la même avec le sel solide qu’avec sa dissolution ; elle ne dépend que de la quantité de radium contenue dans le vase clos.

Voici comment on peut s’en assurer. Une certaine quantité d’un sel radifère solide soluble est introduite dans un flacon de verre sec ayant la forme indiquée dans la figure 66, a. La fermeture étant étanche, on fait une légère aspiration de l’air du flacon, puis on ferme les robinets et l’on abandonne le flacon pendant un mois. Quand ce temps est écoulé, on ouvre la tubulure B sous l’eau, et on laisse pénétrer quelques centimètres cubes d’eau dans le flacon de manière à dissoudre rapidement le sel radifère ; la quantité de liquide doit être telle que le tube B plonge dans la solution. L’émanation contenue dans la solution et dans le flacon est alors entraînée par un courant d’air qui barbote dans la solution, et transportée dans un condensateur de mesures ; cette opération se fait très parfaitement quand le volume de la solution est petit. On referme ensuite les robinets et l’on abandonne la solution radifère pendant un mois ; après ce temps on mesure à nouveau l’émanation accumulée en la transportant de la même manière dans le même condensateur. Les résultats obtenus dans les deux mesures sont très voisins.

La quantité limite d’émanation qui peut s’accumuler dans un vase clos contenant une certaine quantité de radium est indépendante de la forme et des dimensions du vase, ainsi que l’on peut s’en assurer par des expériences analogues à celle qui vient d’être décrite. La production de l’émanation n’est donc pas un phénomène analogue à l’émission d’une vapeur dont la pression peut devenir saturante.

P. Curie et M. Debierne ont effectué un grand nombre d’expériences sur la production de la radioactivité induite dans une enceinte close contenant un sel radifère[46]. Ils ont trouvé que, pour un dispositif expérimental déterminé, l’activité induite qui se développe sur les parois du vase ou sur des lames placées dans le vase tend lentement vers une valeur limite. Si l’on opère au moyen d’une solution radifère sous diverses pressions, depuis la pression atmosphérique jusqu’à celle de la tension de vapeur saturée de la solution, on trouve que l’activation limite est la même, et qu’elle s’établit avec la même vitesse quelle que soit la pression. Quand la substance activante est un sel solide, on peut opérer soit à la pression atmosphérique, soit avec un vide très parfait ; dans les deux cas l’activation limite est à peu près la même. On obtient encore le même résultat en remplaçant l’air par l’hydrogène dans l’enceinte activante. Par suite, la valeur limite de la radioactivité induite et la vitesse de son évolution ne dépendent pas de la nature et de la pression du gaz contenu dans l’enceinte, mais seulement de la quantité de radium qui s’y trouve, l’activation étant d’ailleurs beaucoup plus grande avec un sel dissous qu’avec le même sel solide. L’intensité de l’activation peut servir à mesurer la quantité d’émanation présente dans l’enceinte activante. Les expériences qui viennent d’être décrites prouvent donc que le régime suivant lequel cette quantité d’émanation se développe est indépendant de la nature et de la pression du gaz.

Ni la production ni la destruction de l’émanation ne peuvent donc être influencées. D’autre part le régime s’établit si lentement que le retard apporté par la diffusion de l’émanation dans un vase large est négligeable ; c’est pourquoi les conditions telles que la nature et la pression du gaz, qui modifient la vitesse de diffusion, restent sans effet ; ces mêmes conditions interviendraient dans des expériences faites avec les émanations du thorium ou de l’actinium.


La théorie la plus simple consiste à supposer que la production de l’émanation par le radium est continue et constante, et que l’état de régime qui s’établit dans un vase clos résulte d’une compensation entre la quantité d’émanation produite pendant un certain temps, et celle qui disparaît pendant le même temps en vertu de la destruction spontanée.

Nous avons vu que, si l’on désigne par la quantité d’émanation présente au temps dans un vase qui ne contient pas de radium et par celle présente au temps dans le même vase, on peut écrire


étant la constante qui caractérise la destruction spontanée de l’émanation.

On a, par suite,


ou


la quantité d’émanation qui disparaît par unité de temps en vertu de la destruction spontanée est donc représentée par ou par

Soit, d’autre part, la quantité d’émanation produite par unité de temps par un gramme de radium. Si grammes de radium sont présents dans un vase clos, l’accumulation de l’émanation dans ce vase aura lieu conformément à la loi suivante :

En intégrant cette équation on obtient


étant une constante arbitraire.

En désignant par la valeur de au temps on trouve

Le premier terme représente ce qui reste au temps de la quantité initialement présente. Le deuxième terme représente l’émanation qui s’accumule en présence du radium. Si, en particulier, c’est-à-dire si le vase clos ne contient pas d’émanation au temps la formule devient


ou bien

Quand le sel de radium est à l’état solide, la quantité d’émanation s’y trouve presque entièrement à l’état occlus. Quand le sel est dissous et que la dissolution est contenue dans un vase clos, la quantité est répartie entre la dissolution et l’air surnageant ; la destruction de l’émanation est d’ailleurs assez lente pour que la distribution se fasse conformément aux lois de solubilité des gaz dans les liquides, au moins d’une manière approchée ; le retard apporté par la diffusion ne devient important qu’avec de grandes quantités de liquide et avec des vases comportant des parties capillaires.

La quantité limite d’émanation, susceptible de s’accumuler dans un vase clos contenant une quantité donnée de radium, peut être désignée par elle ne pourrait être atteinte théoriquement que pour On a, par conséquent,

(1)                                                                      

La quantité est obtenue en multipliant la quantité d’émanation produite par unité de temps par la constante de temps qui caractérise la destruction de l’émanation. Pour l’émanation du radium heures environ ; par conséquent est la quantité qui serait dégagée en 133 heures, s’il ne se produisait pas de destruction spontanée.

En posant


on obtient la relation

Par suite, la courbe d’accumulation de l’émanation et la courbe de sa destruction à partir de sa valeur limite sont telles que la somme de leurs ordonnées est constante et égale à cette valeur limite. Ces courbes sont dites complémentaires. Elles sont représentées dans la figure 64 conformément à la théorie, la valeur adoptée pour étant 133,2 heures.

Si l’on considère que la partie du rayonnement, d’un sel solide, qui peut être supprimée par l’effet de la dissolution, est proportionnelle à la quantité d’émanation présente dans le sel, et si l’on suppose que le sel solide ne perd pas d’émanation à l’extérieur, alors la courbe qui donne en fonction du temps doit aussi représenter l’accroissement d’activité en fonction du temps pour un sel qui a été ramené à son activité minimum. Les courbes expérimentales de la figure 63 doivent donc pouvoir se confondre avec la courbe considérée. L’allure générale de ces courbes est effectivement en faveur de cette manière de voir, et, conformément à la théorie, la moitié de l’excès du rayonnement limite sur le rayonnement initial est obtenue en un temps voisin de quatre jours ; toutefois la concordance n’est pas très parfaite, parce que le sel pouvait perdre un peu d’émanation à l’extérieur.

On peut obtenir des courbes plus conformes à la théorie, en mesurant l’accroissement d’activité d’un sel qui, après avoir été ramené à son activité minimum, a été enfermé en tube scellé. On mesure en fonction du temps l’intensité du rayonnement pénétrant du sel, le dispositif expérimental étant le même que celui qui a été utilisé pour l’étude de la décroissance de l’émanation par la méthode des électrodes extérieures. L’intensité du rayonnement est

Fig. 64.


proportionnelle à la radioactivité induite formée dans le sel, et celle-ci est elle-même proportionnelle à la quantité d’émanation présente dans l’ampoule après le temps

La formule (1) peut s’écrire

L’excès de l’activité limite sur l’activité actuelle décroît donc suivant la loi de destruction de l’émanation. Si l’on porte en abscisses le temps et en ordonnées le logarithme de la différence les points obtenus doivent se placer sur une ligne droite, dont l’inclinaison permet de calculer la constante . On voit donc là un moyen pour déterminer le coefficient caractéristique de la destruction de l’émanation du radium.

Plusieurs expériences faites dans ce but ont donné des résultats tout à fait conformes à la théorie. La diminution du logarithme décimal de par heure est très exactement la même que celle observée sur les droites de la figure 48. On a obtenu pour cette diminution dans trois expériences consécutives les nombres

L’une de ces expériences est représentée dans la figure 65.

Fig. 65.


Toutefois, cette méthode n’ayant pas donné des résultats aussi concordants que les méthodes de mesure de la décroissance de l’émanation, les nombres obtenus n’ont pas été utilisés pour la détermination de la constante La méthode a d’ailleurs cet inconvénient que l’erreur commise sur la mesure de l’intensité limite se répercute sur chacune des différences .


69. Dosage du radium par la mesure de l’émanation dégagée. — La théorie précédente permet d’établir un mode de dosage du radium par l’émanation qu’il dégage en un temps donné. Ce procédé de dosage a été proposé de divers côtés et a été effectivement utilisé dans différents laboratoires pour des travaux dont certains ont une grande importance, La méthode qui a été employée le plus souvent est celle qui consiste à chasser par ébullition l’émanation limite contenue dans une solution qui renferme du radium, et à transporter cette émanation dans un appareil de mesures. J’ai tout spécialement étudié une méthode de dosage du radium par l’émanation qu’il dégage[47]. Cette méthode, employée couramment au laboratoire de radioactivité de Paris depuis plusieurs années, s’est montrée d’un emploi très pratique et donne des résultats d’une très grande précision : c’est pourquoi elle sera décrite avec quelques détails. La méthode consiste à entraîner par un courant d’air à froid l’émanation dégagée par une petite quantité (quelques centimètres cubes) d’une dissolution contenant du radium.

Les deux formes d’appareils en verre (barboteurs) qu’on utilise pour y placer la dissolution, sont représentées dans la figure 66. Le barboteur a est fermé par un bouchon rodé que l’on enlève pour introduire la dissolution ; il est muni d’un tube A qui est destiné à amener l’air au fond du vase et d’un tube de dégagement B ; ces deux tubes sont à robinets. Le barboteur b n’a ni rodage

Fig. 66.


ni robinets. La solution est introduite par la tubulure C au moyen d’une pipette à pointe longue et fine ; après introduction de la dissolution la tubulure C est fermée à la lampe ; le tube A sert pour l’arrivée de l’air, et le tube B est un tube de dégagement. Ces deux tubes sont étirés en pointe fine, et ils restent fermés à la lampe pendant que l’émanation s’accumule, de sorte que l’appareil est alors rigoureusement clos et qu’aucune fuite d’émanation ne peut avoir lieu. Le barboteur a n’offre pas la même sécurité, puisque sa fermeture comporte un rodage et deux robinets ; il est toutefois d’un emploi plus pratique et sert pour l’usage courant, tandis que le barboteur b est employé pour des recherches de précision. Le volume total est, en général, de 25cm ; mais on peut employer des barboteurs plus petits ou plus grands. On introduit dans le barboteur un petit volume de la solution proposée, de manière que le tube A plonge dans la dissolution sur quelques millimètres de longueur. L’appareil qui sert pour mesurer l’activité de l’émanation produite par la solution est un condensateur à gaz muni de deux robinets (fig. 38). Le transport de l’émanation contenue dans un barboteur de la forme a dans le condensateur de mesures se fait de la manière suivante : la tubulure B du barboteur est réunie par un tube de caoutchouc de petite longueur à l’une des tubulures du condensateur, dans lequel on a préalablement fait le vide ; le robinet A étant fermé, on établit la communication entre le barboteur et le condensateur ; l’air chargé d’émanation contenu dans le barboteur est aspiré dans le condensateur dont le volume est environ 20 fois plus grand que celui du barboteur. La plus grande partie de l’émanation contenue dans le barboteur est extraite pendant cette opération. On ferme alors la communication avec le condensateur, on ouvre peu à peu le robinet A et on laisse rentrer dans le barboteur de l’air inactif qui, barbotant dans la solution, entraîne l’émanation qui est y contenue. Quand la pression atmosphérique est rétablie dans le barboteur, on fait une nouvelle aspiration en ouvrant le robinet du côté du condensateur pendant que le robinet A est fermé. Par une succession d’aspirations et de rentrées d’air on peut pratiquement enlever la totalité de l’émanation contenue dans le barboteur pour des temps d’accumulation supérieurs à quelques heures. Il est bon d’opérer toujours de la même manière ; j’ai obtenu d’excellents résultats en produisant trois aspirations suivies de trois rentrées d’air, après quoi, le robinet A étant ouvert, on laissait rentrer dans le condensateur un courant d’air, traversant le barboteur sous pression atmosphérique, et ayant toujours à peu près la même vitesse réglée par une manœuvre du robinet du condensateur. Dans mes expériences l’ensemble des trois aspirations et des trois rentrées d’air demande 5 minutes ; le courant d’air régulier passe ensuite pendant 10 minutes. Le liquide se trouve alors après chaque opération dans un état parfaitement défini et ne garde qu’une quantité d’émanation négligeable par rapport à celle qui se forme en quelques heures. Les quantités d’émanation extraites à des intervalles de temps égaux sont très exactement égales pour des temps d’accumulation supérieurs à 4 heures.

Quand on emploie un barboteur de la forme b, l’ouverture des tubulures se fait en cassant leurs pointes dans les tubes de caoutchouc qui les relient au condensateur et au flacon laveur ; les robinets qui servent pour la manœuvre sont alors celui du condensateur et celui du flacon laveur. Après l’opération on ferme à nouveau les pointes des tubulures à la lampe.

Quand l’opération est finie, la pression atmosphérique n’est pas encore rétablie dans le condensateur. On laisse celui-ci sous pression réduite et l’on attend que, par suite du développement de la radioactivité induite, le courant ait atteint la valeur maximum, qui peut être facilement mesurée avec une grande exactitude. Il y a avantage à rétablir la pression atmosphérique dans le condensateur seulement quelques minutes avant la mesure, parce que, si l’appareil n’était pas parfaitement étanche, la petite perte d’émanation qui pourrait en résulter se trouverait diminuée. On peut faire une mesure du courant de saturation entre 3 heures 30 minutes et 4 heures, à partir de l’aspiration de l’émanation. Il est bon de faire deux séries de mesures à une demi-heure d’intervalle.

La valeur du courant de saturation pour une même quantité d’émanation dépend des dimensions du condensateur et de la densité du gaz qui y est contenu ; ces conditions influent en effet sur la manière dont se trouvent utilisés les rayons émis par l’émanation et la radioactivité induite. Plus les dimensions du condensateur sont grandes et plus la densité du gaz est élevée, plus le courant est intense. Si les dimensions des condensateurs employés restent toujours les mêmes, il suffit de préciser l’influence de la densité du gaz et de ramener toutes les mesures à une densité considérée comme normale. La correction à appliquer, à cet effet, a été déterminée par l’expérience. Une certaine quantité d’émanation se trouvant dans un condensateur relié à un manomètre, et le courant ayant atteint sa valeur maximum, on faisait la mesure du courant en augmentant par degrés la quantité d’air contenue dans le condensateur, de manière à avoir la valeur du courant pour une série de pressions comprenant la pression atmosphérique et s’en écartant dans les deux sens de la valeur de quelques centimètres de mercure. La courbe expérimentale ainsi obtenue a permis d’établir la correction due à la variation de pression de l’air atmosphérique ; la correction due à la variation de la température ambiante a été déduite en admettant que la température n’intervient que pour modifier la densité de l’air. Avec les dimensions des condensateurs employés, la formule de correction est la suivante :


représentant la correction à ajouter au courant mesuré pour le ramener à la valeur qu’il aurait eue, si l’air du condensateur avait été à la pression de 760mm de mercure et à la température de 15°, alors que la pression et la température de l’air au moment du remplissage final ont été effectivement millimètres de mercure et degrés. La correction peut atteindre 2 pour 100 de la valeur mesurée, et son emploi est utile pour des mesures précises.

Le condensateur qui a servi pour une mesure est ensuite purgé de l’émanation qu’il contient ; pour cela on y fait le vide, et on laisse ensuite rentrer de l’air inactif séché et filtré. Quand cette opération a été répétée plusieurs fois, le condensateur est abandonné pendant une journée pour permettre l’extinction de la radioactivité induite ; Il peut, après cela, resservir pour une nouvelle mesure. Toutefois, il peut conserver une petite activité que l’on doit faire intervenir comme correction aux mesures et qui doit être aussi faible que possible. L’expérience montre que les condensateurs de mêmes dimensions sont parfaitement interchangeables.

L’air chargé d’émanation qui pénètre dans le condensateur est très humide ; l’interposition de tubes desséchants peut occasionner des erreurs telles que l’absorption de petites quantités d’émanation par ces matières. Cette interposition peut être évitée si l’on a soin de se servir d’ambre pour les pièces isolantes du condensateur ; l’ambre conserve en effet dans l’air humide ses propriétés isolantes à un degré suffisant, pour que la mesure puisse se faire très exactement par une méthode de zéro ; l’ébonite ne peut pas rendre le même service. Après chaque opération il est bon de dessécher le condensateur.

Nous avons vu que la quantité d’émanation accumulée pendant le temps est donnée par la formule

Si l’émanation n’éprouvait pas de destruction spontanée, la même quantité d’émanation serait obtenue en un temps que l’on peut nommer temps réduit et qui est tel que

Par suite

Le temps réduit augmente avec et tend vers la valeur quand tend vers l’infini. Pratiquement la limite est atteinte avec une grande approximation pour jours.

La quantité


doit être constante pour un barboteur déterminé, contenant un poids fixe de radium. Soit la valeur de ce rapport. Pour deux barboteurs contenant des poids différents et de radium, les rapports correspondants et devront vérifier la relation

Il suffira donc de connaître la valeur du rapport pour une solution contenant une quantité connue de radium, pour pouvoir doser par comparaison le radium contenu dans toute autre solution. Pour prouver que l’emploi de la méthode est légitime, il est nécessaire de s’assurer que le rapport est indépendant du temps d’accumulation et qu’il est proportionnel à la teneur de la solution en radium.

Si la constante de temps de l’émanation est connue, le temps réduit peut facilement être calculé pour une valeur quelconque du temps d’accumulation On peut, en particulier, construire une Table qui fournit les valeurs de correspondant à des valeurs de croissantes par intervalles convenables. Une Table de ce genre est depuis plusieurs années d’usage courant dans mon laboratoire. On peut admettre que la valeur de est très voisine de 133,2 heures (voir § 59). C’est ce nombre qui a été adopté comme base pour la construction de la Table qui a été reproduite à la fin de ce Volume (Tableau B).

L’expérience prouve que le rapport se montre très constant et peut être mesuré avec une grande précision pour des temps d’accumulation compris entre 15 heures et 48 heures. Pour des temps d’accumulation de quelques heures seulement, la mesure est moins bien définie, en ce sens que le mode de prise d’émanation prend plus d’importance ; aussi les résultats sont moins bons. Enfin pour des temps de quelques jours et davantage, conserve approximativement la même valeur que pour un jour, mais les mesures sont moins concordantes, et la valeur trouvée pour est le plus souvent trop faible, l’écart pouvant atteindre 5 pour 100 environ.

Quand on emploie des barboteurs à robinets, toute valeur de trop faible peut être attribuée à un défaut de fermeture, mais avec des barboteurs entièrement clos cette cause d’erreurs est supprimée. Il est possible que pour des temps d’accumulation longs il puisse se produire une occlusion partielle de l’émanation dans le verre. On peut aussi remarquer que, si l’on obtenait toujours pour jours une valeur de constante et inférieure à celle que l’on obtient pour jour, ce fait serait une indication pour penser que la valeur admise pour est trop forte ; en effet, si, par exemple, on modifie de 5 pour 100 la valeur de , le temps réduit qui correspond à est modifié dans la même proportion, tandis que les temps réduits qui correspondent aux temps d’accumulation inférieurs à 2 jours éprouvent une réduction inférieure à 1 pour 100. Les résultats obtenus avec des valeurs de comprises entre 5 et 30 jours ne sont pas assez réguliers pour que l’on puisse s’en servir dans le but de fixer la valeur de la constante.

Voici, à titre d’exemple, quelques-unes des nombreuses séries de mesures effectuées :

I. Barboteur
à robinets
           II. Barboteur
sans robinets
           III. Barboteur
sans robinets
t heures. R. t heures. R. t heures. R.
40,2__ 2,13 16,890__ 14,34 45,5__ 2,19
121,5__ 2,10 26,490__ 14,18 2580,5__ 2,13
51,4__ 2,15 21,590__ 14,27 48,5__ 2,16
67,4__ 2,13 21,290__ 14,28
68,9__ 2,13 26,390__ 14,22 IV. Barboteur
sans robinets
24,1__ 2,15 4,233__ 14,38
792,9__ 1,97 17,353__ 14,17
42,4__ 2,14 2,423__ 14,47 t heures. R.
21,683__ 14,07 17,28__ 2,68
0,908__ 14,38 44,75__ 2,68
24,390__ 14,32 27,07__ 2,68

En employant un temps d’accumulation entre 1 et 2 jours et en opérant avec grand soin, on peut obtenir une précision de 0,5 pour 100. L’erreur à craindre sur la constante ne peut influencer les résultats d’une manière appréciable si heures.

Les valeurs de pour deux barboteurs différents sont très exactement proportionnelles aux poids de radium contenus dans les dissolutions. On peut alors préparer une solution étalon avec un sel de radium pur, et déterminer en valeur absolue l’intensité du courant de saturation que l’émanation, fournie par cette solution par unité de temps, peut produire dans un condensateur de forme déterminée. Cet étalonnage sert ensuite de base pour tous les dosages que l’on voudra effectuer ; il constitue une opération délicate qui doit être faite avec le plus grand soin en raison de son importance. Voici comment cette opération a été exécutée.

Le sel de radium utilisé était le chlorure de radium parfaitement pur (poids atomique 226,5). Le sel qui vient de cristalliser d’une solution contenant de l’acide chlorhydrique est séché à l’étuve et privé de son eau de cristallisation. Ensuite quelques fragments conservant la forme de cristaux sont choisis, placés dans un creuset de platine et pesés après dessiccation avec les mêmes précautions que celles qui étaient habituelles pour une détermination de poids atomique. Le poids de chlorure de radium anhydre utilisé était de 0g,02 à 0g,03.)

Le sel est introduit dans un flacon de verre à bouchon rodé, parfaitement propre ; ce flacon a une contenance d’environ 250cm³ ; il est pesé à 1mg près. En versant sur le sel un peu d’eau qui avait été redistillée dans un appareil en platine, on doit obtenir la dissolution du sel sans aucun résidu. Le volume de la solution est alors amené à 150cm³ environ, et une goutte d’acide chlorhydrique très pur est ajoutée ; le poids total de la dissolution est déterminé par une pesée précise au milligramme. La solution ainsi préparée peut se conserver pendant quelque temps sans que l’on puisse constater aucune altération de sa limpidité.

La quantité de chlorure de radium pur, utilisée pour une mesure de l’activité de l’émanation dégagée, était en général d’environ 10-6 gramme : il était donc nécessaire de faire des barboteurs avec une solution beaucoup plus diluée que la solution principale. Pour cela on fait sur celle-ci des prises de liquide destinées à la préparation de solutions auxiliaires. Le liquide prélevé (1cm³ à 2cm³) est soigneusement pesé ; on l’additionne d’une quantité convenable (150cm³) d’eau parfaitement pure et l’on pèse la solution ainsi obtenue. Pour chacune de ces solutions auxiliaires la quantité utilisée pour un barboteur est de 0g,5 à 1g,5 ; on détermine cette quantité en pesant le barboteur avant et après l’introduction du liquide ; on ajoute un peu d’eau pure pour amener le volume à 2cm³ environ, puis on ferme le barboteur qui est prêt à être utilisé.

Trois mesures étaient généralement faites pour chaque barboteur. On mesure pour un temps d’accumulation le courant de saturation qui peut être obtenu dans un condensateur de forme déterminée 3 à 4 heures après l’introduction de l’émanation, c’est-à-dire quand le courant a atteint sa valeur maximum. L’intensité du courant est mesurée au moyen d’un quartz piézoélectrique en grammes par seconde ; elle est rapportée à une heure de temps réduit et ramenée à la pression normale et à une température de 15°. Le nombre ainsi obtenu est désigné par Soit le poids de sel contenu dans un barboteur. Le rapport doit être constant pour un même condensateur à gaz et une même lame de quartz piézoélectrique ; la connaissance de ce rapport suffit pour effectuer des dosages de radium.

Voici un exemple d’une détermination de ce genre :


  (moyenne).
Solution
principale
contenant
0,0245g
de RaCl2 pur.
Solution auxiliaire I. Barboteur a. 5,24 2,257. 106
5,21
5,24
Barboteur b. 3,165 2,269. 106
3,17
3,164
Solution auxiliaire II. Barboteur c. 5,17 2,259. 106
5,11
5,11
Barboteur d. 4,55 2,267. 106
4,60
4,53

On voit que la concordance est très bonne, l’écart maximum n’atteignant pas 0,5 pour 100. Les temps d’accumulation étaient de 1 à 2 jours.

Pour obtenir un nombre absolu, il faut faire intervenir la constante de la lame de quartz utilisée ; cette constante est connue par des expériences d’étalonnage (voir § 27). On peut calculer ainsi l’intensité du courant maximum pour l’émanation obtenue par gramme de sel et par heure de temps réduit. J’ai trouvé comme moyenne de quelques séries de mesures concordantes :

E.S. par gramme de RaCl2 et heure de temps réduit.


ou

E.S. par gramme de Ra et heure de temps réduit.

Ce nombre est obtenu avec les conditions expérimentales suivantes : le condensateur de mesures est un vase cylindrique de 12cm,5 de hauteur et de 6cm,7 de diamètre intérieur (volume, environ 440cm3). L’électrode centrale est une tige de 3mm de diamètre qui arrive à la distance de 1cm du fond. Un petit écart de ces dimensions n’entraîne pas de variation appréciable dans les résultats des mesures, de sorte que la reproduction des conditions expérimentales indiquées ne présente pas de difficultés. Le courant de saturation a toujours été atteint ; la différence de potentiel entre les armatures du condensateur était de 800 volts.

Les solutions de radium à teneur connue peuvent servir pour étalonner des appareils de mesures devant servir pour le dosage. Si la sensibilité au courant est connue pour un appareil de mesures en valeur absolue, on peut se servir des données indiquées plus haut pour effectuer des dosages sans le secours d’une solution étalon.

La préparation de solutions étalons diluées est une opération difficile qui doit être effectuée avec le plus grand soin, de manière à éviter la formation de précipités insolubles. La conservation de ces dissolutions paraît également présenter des difficultés. Il semble qu’une solution qui paraît limpide peut cependant avoir éprouvé une perte de sel de radium, celui-ci étant peut-être absorbé par le verre. Pour faciliter la conservation des solutions auxiliaires, il est bon de les additionner d’une petite quantité de sel de baryum pur, le baryum pouvant remplacer le radium dans les réactions qui tendraient à insolubiliser ce dernier. Des barboteurs préparés avec ces solutions auxiliaires se conservent sans altération pendant plusieurs mois en donnant un débit d’émanation constant.

La méthode de barbotage à froid peut être utilisée pour le dosage de quantités de radium beaucoup plus faibles que celles qui ont servi pour l’étalonnage. En augmentant la sensibilité du dispositif de mesures et la quantité de liquide, on peut par exemple, doser ainsi 10-9 gramme de radium. Si cependant on était amené à utiliser une quantité de liquide trop grande, la méthode deviendrait inapplicable, et il serait nécessaire d’opérer en chassant l’émanation par l’ébullition ; d’ailleurs, même en opérant ainsi, on peut se demander si dans ces conditions l’expulsion de l’émanation est complète. Quand il s’agit de doser le radium dans une matière telle qu’un minerai, on peut procéder ainsi qu’il suit : au lieu d’utiliser une solution du minerai pour la doser directement, on commence par en extraire aussi complètement que possible le baryum radifère qui y est contenu, ce qui donne la possibilité de doser le radium dans un volume de dissolution restreint.

La théorie suppose que la production de l’émanation par le radium est constante. D’après les expériences effectuées jusqu’à présent il n’est pas douteux qu’il en est ainsi, au moins en première approximation. Mais ces expériences ne permettent pas d’affirmer qu’aucune variation lente ne se produit dans le débit d’émanation des sels de radium, à partir de leur préparation. Une étude systématique de ce débit pourra nous renseigner à ce sujet, et l’on voit qu’une telle étude est réalisable avec une assez grande précision par la méthode indiquée.


Le dégagement d’émanation par les sels solides de radium est relativement faible à la température ordinaire, et c’est pour cette raison que l’activité de ces sels n’est pas notablement affectée par les courants d’air. P. Curie et M. Debierne ont constaté que pour un sel solide, bien desséché, le pouvoir activant, c’est-à-dire le pouvoir de produire la radioactivité induite dans une enceinte fermée, constitue une petite fraction seulement, par exemple 2,5 pour 100, du pouvoir activant de la dissolution du même sel[48] ; le pouvoir activant peut d’ailleurs être considéré comme une mesure de la quantité d’émanation qui est mise en liberté dans l’enceinte close dans chaque unité de temps. On ne peut guère assigner une valeur parfaitement déterminée au débit d’émanation que fournit à l’extérieur un sel solide ; ce débit dépend en effet, de diverses conditions telles que la grandeur de la surface libre pour une masse déterminée et l’état de tassement. Pour les sels solubles, la faculté de dégager l’émanation à l’extérieur est fortement influencée par l’état d’humidité de l’air environnant, le sel étant d’autant moins perméable à l’émanation qu’il est plus sec ; pour les sels insolubles cet effet n’est pas sensible. On verra aussi que les sels deviennent moins perméables à l’émanation quand ils ont été soumis à une chauffe forte et prolongée.

En faisant le vide sur du sel radifère on retire toute l’émanation disponible. Toutefois la radioactivité d’un chlorure radifère sur lequel on avait fait le vide pendant 6 jours n’a pas éprouvé de baisse appréciable par cette opération, et restait toujours bien plus élevée que l’activité minimum du même sel obtenue après dissolution et dessiccation. La radioactivité du sel est donc due en grande partie à l’émanation occluse dans l’intérieur des grains, laquelle ne peut être enlevée en faisant le vide.

Si l’émanation du radium éprouve une résistance pour passer des grains dans l’air environnant, il en est de même pour son passage du radium solide dans un liquide. Quand on agite du sulfate radifère avec de l’eau pendant une journée entière, son activité après cette opération est sensiblement la même que celle d’une portion du même sulfate laissée à l’air libre.


70. Action de la température sur le dégagement des émanations radioactives par les matières solides. — Ainsi que l’a d’abord observé M. Dorn, le dégagement d’émanation par les sels de radium solides est rendu plus facile à température élevée. J’ai étudié avec quelques détails l’effet de la chauffe sur les sels de radium[49].

Quand on chauffe un composé radifère, ce composé dégage de l’émanation et perd de l’activité. La perte d’activité est d’autant plus grande que la chauffe est à la fois plus intense et plus prolongée. C’est ainsi qu’en chauffant un sel radifère pendant 1 heure à 130° on lui fait perdre 10 pour 100 de son rayonnement total ; au contraire, une chauffe de 10 minutes à 400° produit peu d’effet. Une chauffe au rouge de quelques heures de durée détruit 77 pour 100 du rayonnement total.

La perte d’activité par la chauffe est plus importante pour les rayons pénétrants que pour les rayons absorbables. C’est ainsi qu’une très forte chauffe de quelques heures de durée détruit environ 77 pour 100 du rayonnement total, mais la même chauffe détruit presque totalement le rayonnement qui est capable de traverser 3cm d’air et 0mm,1 d’aluminium. En maintenant le chlorure de baryum radifère en fusion pendant quelques heures (vers 800°), on détruit 98 pour 100 du rayonnement capable de traverser 0mm,3 d’aluminium. On peut dire que les rayons pénétrants n’existent sensiblement pas après une chauffe forte et prolongée. Ce fait peut être rapproché du résultat analogue obtenu pour le rayonnement du radium quand celui-ci possède son activité minimum après dissolution. Dans ce cas aussi le rayonnement pénétrant est sensiblement absent. Les deux cas comportent la même interprétation : le rayonnement pénétrant étant dû à la radioactivité induite qui accompagne l’émanation, se trouve temporairement supprimé quand le sel a été privé de l’émanation qu’il contenait, et que la radioactivité induite correspondante s’est éteinte. Le rayonnement absorbable restant est inséparable du radium ; il constitue environ 22 pour 100 du rayonnement total dans l’appareil de mesures employé.

Quand un sel radifère a perdu une partie de son activité par la chauffe, cette baisse d’activité ne persiste pas ; l’activité du sel se régénère spontanément à la température ordinaire et tend vers une valeur limite. J’ai observé le fait fort curieux que cette limite est plus élevée que l’activité limite du sel avant la chauffe, du moins en est-il ainsi pour le chlorure qui contient, en général, de l’eau de cristallisation. En voici des exemples : un échantillon de chlorure de baryum radifère qui, après avoir été préparé à l’état solide, a atteint depuis longtemps son activité limite, possède un rayonnement total représenté par le nombre 470. Cet échantillon est soumis à une chauffe au rouge pendant quelques heures ; deux mois après la chauffe, il atteint une activité limite avec un rayonnement total égal à 690 ; le rayonnement a donc été augmenté dans le rapport 1,45. Un échantillon de chlorure de baryum radifère qui, après avoir été préparé à l’état solide, a atteint une activité limite égale à 62, est maintenu en fusion pendant quelques heures ; puis le produit fondu est pulvérisé. Ce produit reprend une nouvelle activité limite égale à 140, soit deux fois plus grande que celle qu’il pouvait atteindre, quand il avait été préparé à l’état solide sans avoir été notablement chauffé pendant la dessiccation.

Voici, à titre d’exemple, des nombres qui indiquent quelle est la loi de l’augmentation de l’activité des composés radifères après la chauffe.

Fig. 67.


Les Tableaux I et II donnent l’intensité du rayonnement en fonction du temps, l’intensité limite étant supposée égale à 100, et le temps étant compté à partir de la fin de la chauffe. Le Tableau I (fig. 67, courbe I) est relatif au rayonnement total d’un échantillon de chlorure de baryum radifère. Le Tableau II (fig. 67, courbe II) est relatif au rayonnement pénétrant d’un échantillon de sulfate de baryum radifère ; on mesurait l’intensité du rayonnement qui traversait 3cm d’air et 0mm,01 d’aluminium. Les deux produits ont subi une chauffe au rouge cerise pendant 7 heures.

Tableau I.                      Tableau II.
Temps.------ 00. Temps.------ 00.
00 …… 016,2 00 …… 000,8
00,6 jour …… 025,4 00,7 jour …… 013
01,6jo» …… 027,4 01,6 jo» …… 018
02,6 jours …… 038 01,9 jo» …… 026,4
03,6 jo» …… 046,3 06,7 jours …… 046,2
04,6 jo» …… 054 10,7 jo» …… 055,5
06,6 jo» …… 067,5 14,7 jo» …… 064
10,6 jo» …… 084 18,7 jo» …… 071,8
24,6 jo» …… 095 27,7 jo» …… 081
57,6 jo» …… 100 36,7 jo» …… 091
  50,7 jo» …… 095,5
57,7 jo» …… 099
84,7 jo» …… 100

Les courbes I et II rappellent la courbe d’accumulation de l’émanation (fig. 64) avec laquelle elles devraient pouvoir être confondues si les conditions de l’expérience avaient été parfaites.

Quand deux échantillons d’un même sel radifère, dont l’un seulement a subi une altération d’activité par la chauffe, sont laissés en dissolution pendant quelques heures et ensuite séchés, on ne peut constater aucune différence dans l’activité de ces deux produits à partir de la dessiccation.

Un sel radifère qui a été dissous et qui vient d’être séché à une température très modérée (inférieure à 100°), possède toujours sensiblement le même pouvoir pour provoquer l’activité induite, et par conséquent laisse échapper au dehors toujours autant d’émanation. De plus son pouvoir activant n’est pas différent de celui d’un échantillon du même sel qui, après avoir été préparé à l’état solide, est resté dans cet état un temps suffisant pour atteindre la radioactivité limite.

Pour les sels radifères solides, le pouvoir de provoquer la radioactivité induite est fortement influencé par la chauffe. Pendant que l’on chauffe les composés radifères, ils dégagent plus d’émanation qu’à la température ordinaire ; mais, quand ils sont ensuite ramenés à la température ordinaire, non seulement leur radioactivité est bien inférieure à celle qu’ils avaient avant la chauffe, mais aussi leur pouvoir activant est considérablement diminué. Pendant le temps qui suit la chauffe, la radioactivité du produit va en augmentant et peut même dépasser la valeur primitive. Le pouvoir activant se rétablit aussi partiellement ; cependant, après une chauffe prolongée au rouge, le pouvoir activant se trouve en grande partie supprimé, sans être susceptible de reparaître spontanément avec le temps. On peut restituer au sel radifère son pouvoir activant primitif en le dissolvant dans l’eau et en le séchant à l’étuve à une température de 120°. Il semble donc que la calcination ait pour effet de mettre le sel dans un état physique particulier, dans lequel l’émanation se dégage bien plus difficilement que cela n’a lieu pour le même produit solide qui n’a pas été chauffé à température élevée, et il en résulte tout naturellement que le sel atteint une radioactivité limite plus élevée que celle qu’il avait avant la chauffe. Pour remettre le sel dans l’état physique qu’il avait avant la chauffe, il suffit de le dissoudre et de le sécher, sans le chauffer au-dessus de 150°.

Voici quelques exemples numériques à ce sujet :

On a désigné par l’activité induite limite provoquée en vase clos sur une lame de cuivre par un échantillon de carbonate de baryum radifère d’activité 1600.

Posons pour le produit non chauffé :

On trouve :

jour après la chauffe 
 a = 13,3
jours         » 
 a = 17,1
10 
                 » 
 a = 15,3
20 
                 » 
 a = 15,3
37 
                 » 
 a = 15,3

La radioactivité du produit avait diminué de 90 pour 100 par la chauffe, mais, au bout d’un mois, elle avait déjà repris la valeur primitive.

Voici une expérience du même genre faite avec un chlorure de baryum radifère d’activité 3000. Le pouvoir activant est déterminé de la même façon que dans l’expérience précédente.

Pouvoir activant du produit non chauffé :

Pouvoir activant du produit après une chauffe au rouge de trois heures :

02 jours après chauffe 
 2,3
05 jours ap» 
 7,0
11 jours ap» 
 8,2
18 jours ap» 
 8,2
Pouvoir activant du produit non chauffé qui a été dissous, puis séché à 150° 
 92,0
Pouvoir activant du produit chauffé qui a été dissous, puis séché à 150° 
 105,0

On peut se proposer de doser le radium par l’émanation mise en liberté lors de la chauffe dans des conditions déterminées. Cette méthode a été employée pour le dosage du radium dans les minéraux radioactifs. Des recherches ont été faites dans mon laboratoire pour étudier les conditions de l’application de cette méthode. L’appareil utilisé était un tube de quartz de petit volume, long et étroit, fermé à un bout et muni à l’autre bout d’un robinet à trois voies. Au fond du tube on plaçait une nacelle de platine contenant une petite quantité de chlorure de baryum radifère. Le tube de quartz pouvait être chauffé à une température élevée dans un four électrique ; la température était mesurée au moyen d’un couple thermo-électrique. Des essais ont été faits pour s’assurer que l’émanation du radium ne traverse pas le quartz, même à température élevée.

L’expérience consistait à chauffer d’abord le sel jusqu’à la fusion et à enlever aussi parfaitement que possible l’émanation dégagée ; pour cela on aspirait celle-ci dans un condensateur à gaz dans lequel on avait fait le vide, puis on laissait rentrer de l’air inactif dans le tube de quartz et l’on faisait une nouvelle aspiration. En répétant un certain nombre de fois alternativement ces deux opérations, au moyen d’une manœuvre convenable du robinet à trois voies, on arrivait à transporter d’une manière très complète l’émanation disponible du tube dans le condensateur. L’appareil était alors fermé et abandonné à lui-même pendant un temps déterminé afin de laisser l’émanation s’accumuler à nouveau dans le sel ; au bout de ce temps le sel était à nouveau porté à une température élevée et connue, et l’on procédait à nouveau à l’extraction de l’émanation. On mesurait l’activité de celle-ci par le courant de saturation maximum qu’elle pouvait produire dans le condensateur (3 à 4 heures après l’aspiration).

Les expériences ont montré que la quantité d’émanation qui est dégagée par le sel lors de la fusion est exactement la même que celle qui est obtenue avec le même sel et pour le même temps d’accumulation quand le sel est dissous, et quand on emploie la méthode de dosage qui a été décrite plus haut. Il est utile de remarquer que dans les expériences avec le sel fondu, le volume du sel était très petit, la quantité de sel employé étant inférieure au décigramme. Voici quelques nombres à titre d’exemple :


par fusion.
                    
par dissolution.
113 113
111 108
132 130
136 135

Une série d’expériences a été faite avec des temps d’accumulation voisins de 3 jours. Le sel était d’abord chauffé pendant 2 à 3 heures à la température et l’émanation disponible était enlevée ; ensuite l’accumulation de l’émanation avait lieu à la température ordinaire, et c’est seulement avant l’extraction que la température était à nouveau établie avec le même temps de chauffe. L’émanation était alors extraite et mesurée. La température est indiquée dans la première colonne du Tableau. Dans la deuxième colonne on trouve la quantité d’émanation obtenue avec un chlorure de baryum radifère, cette quantité étant rapportée à un temps d’accumulation d’une heure. Dans la troisième colonne cette même quantité est donnée pour un sulfate de baryum radifère qui contenait autant de radium que le chlorure qui a fourni les nombres de la deuxième colonne. Enfin dans la dernière colonne figure la valeur de pour un sel dissous,

contenant la même quantité de radium que les deux sels
température

(chlorure).

(sulfate).
par
dissolution
.
1200°
 
113
(sel fondu)
106
(chauffe de 3 heures)
113
 
1060°
 
113
(sel fondu)
59
(chauffe de 3 heures)
 
860°
 
71
(chauffe de 3 heures)
4
(chauffe de 3 heures)
850°
 
72,3
(chauffe de 3 heures 30 minutes)
 
850°
 
56
(chauffe de 2 heures)
650°
 
32,5
(chauffe de 2 heures)
350°
 
6
(chauffe de 3 heures)


étudiés par la chauffe ; en ce cas l’extraction de l’émanation a été faite par la méthode de barbotage.

On peut constater que la quantité d’émanation obtenue avec le sel fondu est égale à celle que l’on peut extraire du même produit dissous, et constitue un maximum qui n’a pas été atteint pour le sel solide non fondu ; même à la température de 1200° le sulfate ne peut dégager toute l’émanation qui y est contenue ; toutefois après une chauffe de 3 heures à cette température ce sel ne conserve qu’une faible partie de l’émanation qui y était accumulée.

On voit de plus que si le sel n’a pas été fondu, la quantité d’émanation mise en liberté à une température déterminée dépend non seulement de la température, mais aussi du temps de chauffe.

On peut conclure de ce qui précède que le dosage du radium par l’émanation n’est légitime avec l’emploi de la méthode de chauffe que si la fusion du produit radifère a été obtenue. Cette condition n’a pas, en général, été réalisée pour les minéraux étudiés par ce procédé.

Les expériences précédentes montrent aussi qu’à la même température le chlorure non fondu dégage l’émanation bien plus facilement que le sulfate.

On pourrait penser que l’émanation se dégage du sel solide par suite d’un phénomène de diffusion, de telle manière que la perte à l’extérieur est à chaque instant proportionnelle à la quantité d’émanation accumulée dans le sel. On pourrait désigner par la vitesse de perte, étant un coefficient qui croîtrait avec la température. Si aucun autre phénomène n’intervenait, on aurait pour la vitesse d’accumulation de l’émanation, à une température déterminée,


étant le poids du radium contenu dans la matière, la quantité d’émanation produite dans l’unité de temps par un gramme de radium et le coefficient qui caractérise la destruction spontanée de l’émanation. On voit qu’avec cette hypothèse l’on aurait


en désignant par la vitesse d’accumulation pour c’est-à-dire pour des temps d’accumulation très courts à partir de l’instant où le sel a été privé de toute émanation.

Une étude complète a été faite à ce sujet par M. Kolowrat[50] qui a mesuré pour différentes températures la valeur de Pour cela on chassait l’émanation du sel pendant que celui-ci était fondu ; on établissait ensuite une température déterminée qui était maintenue pendant 3,75 heures ; après ce temps l’émanation mise en liberté était enlevée par aspiration et mesurée. Le sel étant ensuite fondu à nouveau, on pouvait en extraire l’émanation qui y était restée occluse et la mesurer. On connaissait donc pour le sel considéré :

1o La quantité d’émanation produite au total par heure et ne pouvant être dégagée intégralement qu’à l’aide de la fusion, autrement dit le débit d’émanation

2o La quantité d’émanation dégagée à l’extérieur par heure, à une température déterminée et dans les conditions de l’expérience ;

3o La différence de ces deux quantités qui représente l’émanation occluse dans le sel ; c’est aussi pour les temps d’accumulation courts la valeur de la quantité

On trouve que la valeur de n’est pas indépendante de la température mais qu’elle est, au contraire, une fonction de celle-ci ; cette fonction va d’abord en décroissant quand la température s’élève ; c’est seulement à la température ordinaire que l’on a Quand la température croît, la différence


va en augmentant et représente l’émanation dégagée à l’extérieur par un procédé autre que celui de la diffusion.

La loi suivant laquelle varie en fonction de est représentée dans la figure 68. Pour le chlorure de baryum radifère la valeur de reste d’abord

Fig. 68.


sensiblement nulle jusqu’à 350° environ ; à partir de cette température augmente rapidement jusque vers 830° ; il se produit ensuite une perturbation qui amène une diminution de et un minimum est atteint vers 900° ; ce minimum est suivi d’une nouvelle augmentation rapide qui se poursuit jusqu’à la température de fusion vers 950° ; à cette température atteint la valeur c’est-à-dire que l’émanation est totalement dégagée par le sel fondu. On peut penser que la perturbation qui a lieu au voisinage de 900° est occasionnée par une transformation moléculaire du sel qui semble se produire à cette température.

Des résultats analogues ont été obtenus avec le fluorure de baryum radifère ; toutefois la valeur de ne devient appréciable que vers 600°. On constate également, dans la courbe relative au fluorure, un crochet analogue à celui qui se produit avec le chlorure.

Ainsi l’émanation peut être émise par le sel autrement que par un phénomène de diffusion ; cette émission, qui augmente avec la température, ne dépend pas de la quantité d’émanation présente, mais seulement de la quantité

Fig. 69.


de radium ; il existe donc une sorte de pouvoir émissif qui est fonction de la température, et que l’on pourrait être tenté d’interpréter comme un phénomène de projection de particules d’émanation par les couches de sel dont la communication avec l’extérieur est facile.

Les courbes de la figure 69 indiquent la loi suivant laquelle l’émanation est absorbée ou occluse par le sel, quand celui-ci est maintenu à une température donnée pendant 28 heures. Dans d’autres expériences, certaines de ces courbes ont été prolongées pendant plusieurs jours. Les courbes relatives à différentes valeurs de peuvent se distinguer aussi bien par la tangente à l’origine, valeur de que par la valeur limite de soit Une perturbation dans la forme des courbes est amenée par la variation irrégulière de au voisinage de 900°. La courbe supérieure représente la loi d’accumulation théorique quand l’émanation reste entièrement absorbée.

On peut essayer de mettre la relation entre et sous la forme


représente un terme indépendant du temps et de , mais dépendant de On aurait, en ce cas,


avec

L’expérience semble prouver que le coefficient ne prend une valeur appréciable qu’à température élevée (probablement au-dessus de 800°), de sorte qu’aux températures moyennes la perte d’émanation à chaud serait indépendante de et pourrait être due principalement à un phénomène de projection dont la nature n’est pas encore connue.

Quand on a laissé l’émanation s’accumuler à une température peu élevée et qu’on élève ensuite rapidement la température à la valeur il se produit un dégagement d’émanation brusque. Contrairement à ce qu’on aurait pu prévoir, la quantité d’émanation ainsi dégagée n’est pas égale à l’excès de la quantité présente sur la quantité qui serait en équilibre avec le sel à la température on constate qu’elle est plutôt déterminée par l’excès de la quantité présente sur celle qui aurait été accumulée pendant le même temps à la température Plusieurs expériences de ce genre sont représentées par la courbe de la figure 70. L’accumulation a lieu à la température ordinaire ; après un temps déterminé (environ 20 heures), la température est portée à 729° pendant quelques

Fig. 70.


heures, et l’émanation disponible est retirée à des intervalles de temps rapprochés ; ensuite on laisse le sel reprendre la température ordinaire. On peut calculer la quantité d’émanation contenue dans le sel à un moment donné et la représenter par une courbe en fonction du temps. On voit que cette courbe présente des crochets ; la quantité absorbée passe par un minimum et augmente ensuite suivant une loi qui tend à se confondre avec la loi d’accumulation à la température de 729°, laquelle est représentée par une courbe tracée en pointillé sur la figure. La quantité absorbée à une température après un temps est donc la même, que la température ait été établie dès le commencement de l’accumulation, ou qu’on ait d’abord accumulé à froid, puis chauffé à la température pendant un temps convenable.

Pour rendre compte de ces expériences, M. Kolowrat a proposé l’explication suivante : les molécules d’émanation formées pendant un temps donné peuvent être en partie absorbées par le sel, mais toutes les molécules ne sont pas retenues avec le même degré de cohésion ; celles qui sont retenues plus énergiquement ne peuvent se dégager qu’à une température plus élevée. Le nombre des molécules qui sont susceptibles d’être mises en liberté à une température donnée constitue une fraction déterminée du nombre des molécules formées par unité de temps ; cette fraction croît avec la température et devient égale à 1 à la température de la fusion. Une élévation brusque de la température a pour effet de déterminer la mise en liberté de toutes les particules qui étaient retenues dans le sel avec un degré de cohésion inférieur à celui qui correspond à la température qu’on vient d’établir.

Dans cette théorie la loi d’accumulation à une température constante doit être de la forme est la constante de destruction de l’émanation, et la quantité d’émanation qui reste absorbée à l’état de régime, et qui est d’autant plus petite que la température est plus élevée.

L’expérience prouve que l’émanation une fois dégagée n’est plus sensiblement absorbée par le sel, même quand on abaisse la température de celui-ci.

Si l’on étudie divers échantillons d’un même sel radifère en quantités égales, et dégageant, par conséquent, pour un même temps d’accumulation, la même quantité d’émanation lors de la fusion, on constate que la proportion de l’émanation dégagée à une même température, dans les mêmes conditions, peut varier d’un échantillon à l’autre et semble par suite dépendre de l’état physique du sel et peut-être de la présence d’impuretés. On peut aussi penser qu’une rémanence des effets de chauffe peut exister dans une certaine mesure. Un même échantillon de sel donne des résultats bien réguliers quand on a soin de faire fondre le sel avant chaque expérience.


Le dégagement de l’émanation du thorium par les composés solides est relativement facile à température ordinaire ; c’est pour cette raison que l’activité du sel est fortement influencée par les courants d’air.

Les caractères généraux de la production et du dégagement de l’émanation du thorium sont les mêmes que ceux qui ont été mis en évidence pour l’émanation du radium. En particulier les effets de dissolution et de chauffe se manifestent d’une manière analogue.

MM. Rutherford et Soddy[51] ont comparé le débit d’émanation des différents composés solides de thorium dans des conditions déterminées, en entraînant par un courant d’air de vitesse connue l’émanation produite par un poids connu de substance placée dans un vase plat, et en envoyant ce courant d’air dans un condensateur de mesures. Après 10 minutes un état stationnaire est atteint. L’expérience a montré que, pour les vitesses de courant d’air employées, le courant de saturation était proportionnel au poids de matière jusqu’à 20g. Il résulte de cette étude que les composés de thorium ont un pouvoir de dégagement d’émanation qui varie dans de très larges limites. C’est ainsi que l’hydrate de thorium émet à poids égal deux à trois fois plus d’émanation que l’oxyde de thorium du commerce. Le nitrate de thorium à l’état solide ne dégage que de la quantité d’émanation fournie à poids égal par l’oxyde de thorium. Divers échantillons de carbonate se comportent d’une manière très différente suivant leur mode de préparation.

Pour l’oxyde de thorium la faculté de dégager l’émanation est deux ou trois fois plus grande dans les gaz humides que dans les gaz desséchés.

Le dégagement d’émanation est facilité par une élévation de température[52]. L’oxyde de thorium chauffé au rouge dans un tube de platine dégage trois ou quatre fois autant d’émanation qu’à froid. Tant que la température est maintenue constante, la vitesse de dégagement de l’émanation conserve cette valeur élevée, mais elle reprend sa valeur primitive lors du refroidissement. Si toutefois le produit a été chauffé au blanc, le pouvoir de dégagement est grandement réduit, et après refroidissement ce pouvoir tombe à une valeur qui ne constitue que 10 pour 100 de la valeur primitive. Quand le produit est dans cet état, M. Rutherford le nomme déémané.

Le pouvoir de dégager l’émanation diminue pour l’oxyde de thorium quand la température s’abaisse ; à la température de l’acide carbonique solide il est dix fois plus petit qu’à la température ordinaire ; il reprend sa valeur primitive par réchauffement.

L’effet des variations de température est réversible tant que la température de déémanation n’a pas été atteinte. Quand celle-ci a été dépassée, l’effet de la chauffe peut être détruit en faisant passer le produit par l’état de dissolution. L’effet de la chauffe consiste donc, comme dans le cas des sels de radium, en une altération des propriétés du produit qui est rendu moins perméable à l’émanation, mais la faculté de produire celle-ci n’est pas influencée.

Le dégagement de l’émanation du thorium est facilité par la dissolution. L’azotate de thorium dissous dégage trois ou quatre fois plus d’émanation que la quantité correspondante d’oxyde de thorium. Quand on dissout rapidement dans l’eau chaude une certaine quantité d’azotate de thorium contenue dans un flacon, l’émanation accumulée dans ce sel se dégage et peut être entraînée dans un appareil de mesures par un courant d’air rapide qui traverse la solution pendant 25 secondes. Le courant d’ionisation est mesuré immédiatement, puis la solution est abandonnée à elle-même pendant 10 minutes. Au bout de ce temps l’état de régime entre la production et la destruction de l’émanation est atteint ; on entraîne alors l’émanation accumulée en opérant exactement comme dans le cas précédent, et l’on fait une nouvelle mesure. On trouve que l’émanation limite qui s’est accumulée dans le sel dissous produit le même courant que l’émanation qui était accumulée dans le sel solide. C’est ce que l’on pouvait prévoir si la production d’émanation est la même dans le sel solide et dans le sel dissous, et si le sel solide ne dégage pas d’émanation à l’extérieur, condition réalisée approximativement pour l’azotate[53].

L’azotate de thorium solide doit contenir une quantité d’émanation limite qui peut être calculée en supposant une production constante et une destruction suivant la loi exponentielle caractéristique. On a alors pour cette quantité limite


désigne la quantité d’émanation produite par seconde et par gramme de thorium, le nombre de grammes de thorium utilisés, la constante de destruction de l’émanation. On trouve


la quantité limite est donc 87 fois plus grande que celle qui se forme par seconde.

Peu d’expériences ont encore été faites sur le dégagement de l’émanation de l’actinium. On sait toutefois que ce dégagement est extrêmement facile à la température ordinaire pour les composés solides, dont l’activité est, pour cette raison, fortement influencée par les courants d’air. L’hydrate dégage l’émanation le plus facilement, l’oxalate en dégage bien moins.

Les expériences de condensation qui ont été décrites plus haut (§ 65) montrent qu’à basse température le dégagement d’émanation par un composé d’actinium solide est empêché. Ce dégagement ne commence à pouvoir être constaté qu’à partir de - 140° et augmente ensuite rapidement avec la température au delà de + 120°. La courbe représentative du phénomène (fig. 61) rappelle la courbe (fig. 68) qui représente le dégagement d’émanation à l’extérieur par un sel de radium en fonction de la température, sauf que la courbe relative à l’actinium ne présente pas la perturbation observée avec les sels de radium. Tout se passe comme si, au point de vue de sa perméabilité à l’émanation, l’actinium se trouvait à - 140° dans des conditions comparables à celles dans lesquelles le chlorure de radium se trouve à 350°.


Nous avons vu que le dégagement d’émanation par un composé solide à la température ordinaire se fait difficilement pour un sel de baryum radifère et relativement facilement pour les composés de thorium et les substances actinifères. Or il y a une différence de nature entre les matières qui interviennent dans les deux cas. Le radium est généralement dilué dans les sels de baryum ; l’actinium se trouve à l’état de trace avec des terres rares ; le thorium X, source de l’émanation du thorium, est dilué dans les composés de thorium. On peut donc penser que la facilité plus ou moins grande avec laquelle se dégagent les émanations pourrait dépendre de la nature des matières au sein desquelles elles se forment plutôt que de la nature même des émanations. Cette manière de voir a été confirmée par des expériences récentes[54] qui comportent l’étude du dégagement de l’émanation par des composés insolubles divers contenant des traces de radium. À la solution qui contenait un sel du métal choisi, on ajoutait une solution contenant une quantité connue et très faible de radium, puis on précipitait le métal, à l’état de sel insoluble ou d’hydrate, par un réactif approprié. Le précipité entraînait le radium en proportion plus ou moins forte pour les différents composés étudiés ; c’est ainsi que le radium est très complètement entraîné avec un précipité d’hydrate de fer ou d’urane, tandis que les hydrates de thorium, de didyme ou d’aluminium ne l’entraînent qu’en faible proportion. Le précipité séparé du liquide était séché à l’étuve vers 120° ; puis on mesurait séparément l’émanation dégagée par le liquide et par le solide après 20 heures d’accumulation en vase clos. On trouve ainsi que, pour les sels solides de baryum et de plomb, l’émanation recueillie ne constitue qu’environ 3 pour 100 de l’émanation accumulée, tandis que pour d’autres composés le dégagement est beaucoup plus important. Voici le rapport de la quantité d’émanation recueillie à la quantité d’émanation accumulée pour quelques-uns des composés étudiés.

Hydrate de fer 
 0,295
Hydrate d’urane 
 0,205
Hydrate de baryum 
 0,035
Fluorure de didyme 
 0,205
Fluorure de baryum 
 0,055
Chromate de fer 
 0,345
Chromate de baryum 
 0,045
Sulfate de plomb 
 0,033
Sulfate de baryum 
 0,028

Dans les expériences faites sur l’émanation du radium, celle-ci est, en général, fournie par une solution, et dans certains cas il peut en résulter des inconvénients. L’emploi de radium dilué dans des composés perméables à l’émanation (hydrate de fer ou d’urane, chromate de fer, fluorure de didyme) permet d’obtenir à la température

ordinaire une forte proportion de l’émanation accumulée.

71. Les émanations sont des gaz matériels. Séparation de l’émanation du radium à l’état pur. Mesure du volume. — Nous avons vu que les émanations radioactives se comportent à bien des points de vue comme des gaz ; toutefois, dans toutes les expériences qui ont été décrites jusqu’ici, la présence d’une émanation était toujours révélée uniquement par ses propriétés radioactives. Pour prouver que les émanations sont bien des gaz, on peut chercher à les isoler, à mesurer leur volume sous pression déterminée et à observer la production d’un spectre caractéristique. Les expériences de cette nature sont très importantes, parce que s’il est prouvé sans aucun doute que la radioactivité dans le cas des émanations est attachée à des gaz matériels de nature bien définie, il est prouvé en même temps que ces gaz ne sont pas stables, mais éprouvent une destruction spontanée, ce qui n’a encore jamais été observé pour l’un des gaz ordinaires.

L’opinion d’après laquelle les émanations sont des gaz matériels a été soutenue par MM. Rutherford et Soddy aussitôt après la découverte des émanations radioactives, et alors que les propriétés de celles-ci étaient encore peu connues. Les résultats de l’expérience sont venus appuyer cette opinion en tout point, et les travaux récents relatifs à l’émanation du radium sont de nature à l’établir définitivement. Des trois émanations, celle du radium est d’ailleurs la seule que l’on puisse tenter d’isoler, parce que sa persistance est assez grande ; les émanations du thorium et de l’actinium se détruisent si rapidement qu’elles ne peuvent s’accumuler en quantité appréciable.

L’émanation du radium est obtenue à partir des sels de radium solides ou dissous ; elle est contenue dans les gaz qui sont constamment dégagés par ces sels. Une solution de sel de radium suffisamment concentrée donne lieu à un dégagement de gaz visible et continu, ainsi que l’a tout d’abord observé M. Giesel[55] ; les gaz formés sont principalement l’oxygène et l’hydrogène, et la composition du mélange est voisine de celle de l’eau, de sorte que l’on peut admettre qu’il y a décomposition de l’eau par l’action du radium ; toutefois un excès d’hydrogène peut, en général, être constaté. Un sel de radium solide, qui n’a pas été rigoureusement privé d’eau, donne aussi lieu à la formation de gaz qui restent occlus dans le sel et se dégagent lors de la dissolution ou de la fusion ; on obtient également en ce cas de l’oxygène et de l’hydrogène, le mélange contenant une proportion d’hydrogène plus grande que celle qui correspond au gaz tonnant. Enfin on trouve généralement dans les gaz dégagés un peu d’acide carbonique et des traces d’hélium. Ce dernier gaz se forme d’une manière continue en présence de radium, ainsi que l’ont établi MM. Ramsay et Soddy dans un travail dont l’importance est considérable, et dont les résultats ont reçu de nombreuses confirmations[56].

La production de gaz par une solution de bromure ou de chlorure de radium est d’environ 0cm3,4 par gramme de radium et par heure.

Les premiers travaux relatifs à l’isolement de l’émanation du radium sont

Fig. 71.


dus à MM. Ramsay et Soddy[57]. L’émanation accumulée avec d’autres gaz en présence d’une solution de 60mg de bromure de radium était transportée avec ces gaz dans un eudiomètre F, dans lequel on produisait une explosion (fig. 71). L’excès d’hydrogène contenant l’émanation était laissé en contact avec de la soude qui absorbait les traces d’acide carbonique. On faisait alors un vide très complet dans la partie restante de l’appareil, puis on y laissait pénétrer l’hydrogène et l’émanation au travers d’un tube D rempli d’anhydride phosphorique. On entourait ensuite le tube capillaire A d’air liquide pour y condenser l’émanation ; pour suivre les progrès de la condensation, on observait la luminosité du verre au contact de l’émanation. On laissait ensuite monter le mercure au niveau G, et l’on faisait un très bon vide au travers du robinet C ; puis, ayant fermé celui-ci, on enlevait l’air liquide, et on laissait monter le mercure de manière à refouler l’émanation dans la partie capillaire du tube A ; on mesurait alors son volume en fonction du temps, et l’on cherchait à produire son spectre en faisant passer la décharge dans le tube au moyen d’électrodes qui y étaient contenues.

Le volume obtenu ainsi dans une expérience a été 0mm³,124 sous pression atmosphérique ; le volume de la bulle lumineuse allait en diminuant et disparut presque complètement en un mois. Dans une autre expérience le volume obtenu était 0mm³,025 sous pression atmosphérique, mais cette fois-ci le volume augmenta, et après 23 jours il était devenu dix fois plus grand. On constatait alors dans le tube la présence de gaz hélium dont le spectre très brillant pouvait être observé.

MM. Ramsay et Soddy ont conclu de leurs expériences que l’émanation est un gaz qui obéit à la loi de Boyle-Mariotte, et que le volume de l’émanation en équilibre avec 1g de radium est environ 1mm³ sous la pression normale et à la température ordinaire.

La détermination du volume de l’émanation présente des difficultés qui proviennent d’une part de l’incertitude relative à la pureté de ce gaz, d’autre part de la variation irrégulière du volume observé. En ce qui concerne ce dernier point, on sait actuellement qu’il y a production d’hélium en présence de l’émanation ; par suite de cette production, le volume gazeux devrait aller en augmentant, tandis que la destruction de l’émanation tend à le faire diminuer, et, suivant la théorie actuelle, le volume final pourrait être plus grand que le volume initial. Dans cette théorie l’hélium est un des produits de la destruction de l’émanation ; il résulte de la projection, par l’émanation et par la radioactivité induite qui l’accompagne, de particules matérielles qui constituent les rayons et qui sont des atomes d’hélium portant une charge électrique. Ces particules étant expulsées avec une grande vitesse, peuvent pénétrer dans les parois du vase qui contient l’émanation et être absorbées par celles-ci. La manière dont varie le volume du gaz dépend de la proportion d’hélium absorbé, laquelle dépend elle-même de conditions très variées, telles que la forme du tube, la nature des parois, etc. M. Ramsay a d’ailleurs montré que l’hélium n’est pas notablement absorbé par le verre dans les conditions ordinaires ; l’absorption résulte donc de ce fait que la vitesse des particules est considérable.

Les résultats obtenus plus tard par MM. Ramsay et Cameron[58] pour la mesure du volume de l’émanation ont été différents. La quantité de radium utilisée était 0g,0877. Le gaz extrait de la solution qui contenait une petite quantité de sel insoluble était soumis à une explosion et séché sur de l’anhydride phosphorique. Ensuite l’émanation était condensée à la température de l’air liquide, et le vide était fait dans l’appareil pour enlever l’hydrogène qui était resté avec l’émanation. Pendant que l’on fait le vide, on entraîne toujours un peu d’émanation, ce dont on peut s’assurer en observant la luminosité des tubes. Il y a donc là une cause d’incertitude relative au volume de l’émanation qui correspond à une quantité donnée de radium ; si l’on ne fait pas un vide assez complet, on laisse de l’hydrogène ; si l’on fait le vide trop longtemps, on entraîne une quantité appréciable d’émanation.

Les expériences ont confirmé que l’émanation obéit à la loi de Boyle quand les mesures sont faites rapidement et que la pression varie entre 20mm et 200mm de mercure, pendant que le volume varie entre 1mm³ et 10mm³ environ. Le volume initial de l’émanation était difficile à déterminer. On observait, en général, pendant la première heure après la séparation, une contraction assez rapide en vertu de laquelle le volume diminuait de moitié ; ensuite le volume dans certaines expériences restait constant, dans d’autres il variait sans qu’une loi de variation commune à toutes les expériences puisse être établie. Dans certaines expériences le volume diminuait suivant la loi même de destruction de l’émanation. Le volume initial observé variait entre 0mm³,182 et 0mm³,337 pour l’émanation produite en quatre jours environ. MM. Ramsay et Cameron considéraient le nombre le plus fort comme le plus exact et adoptaient pour le volume de l’émanation qui se trouve en équilibre avec 1g de radium la valeur de 7mm³ sous la pression normale. Ce nombre était bien plus élevé que celui obtenu précédemment.

Le volume occupé par l’émanation qui est en équilibre radioactif avec 1g de radium est une constante importante. De plus la valeur de cette constante est en relation directe avec la vitesse de destruction du radium. Si, en effet, l’émanation est produite aux dépens du radium, celui-ci disparaît d’autant plus vite que la formation de l’émanation est plus rapide, et d’autre part la quantité d’émanation qui correspond à l’équilibre est proportionnelle à la vitesse de formation. Il est même possible, moyennant certaines hypothèses, d’évaluer numériquement la vie moyenne du radium d’après la vitesse de production de l’émanation. La connaissance de celle-ci présente donc un intérêt considérable. Des recherches concernant la mesure aussi exacte que possible du volume de l’émanation ont été reprises par M. Rutherford, M. Debierne et MM. Ramsay et Gray.

M. Rutherford utilisait 0g,25 de radium[59]. Les gaz dégagés étaient soumis à l’explosion dans le réservoir C (fig. 72) ; le vide étant fait dans la partie supérieure de l’appareil, le gaz restant était refoulé dans le réservoir D où il séjournait au contact de potasse qui absorbe l’eau et le gaz carbonique ; le tube en U était alors plongé dans un bain réfrigérant pour que l’émanation se condense, et l’on faisait le vide sur l’émanation condensée par le robinet B. Ensuite l’émanation était admise au moyen du robinet A dans le vase E, dans lequel un très bon vide avait été fait préalablement ; ce robinet étant fermé, on refoulait l’émanation dans le tube capillaire et l’on mesurait son volume. La pureté de l’émanation était contrôlée par l’apparence du spectre obtenu au moyen d’électrodes extérieures appliquées sur le tube capillaire.

Des traces de gaz carbonique étaient visibles d’une manière très tenace dans le spectre obtenu. Pour éliminer les gaz carbonés il était nécessaire de

Fig. 72.


laisser l’émanation privée d’hydrogène en contact prolongé avec la potasse, et de faire le vide sur l’émanation condensée à une température intermédiaire entre celle de l’air liquide et celle de la condensation, afin de pouvoir enlever à la trompe les gaz qui se condensent plus difficilement que l’émanation.

Les expériences ont montré que l’émanation obéit à la loi de Boyle, ainsi que l’avait annoncé M. Ramsay. La variation de volume à partir du moment où l’émanation est refoulée dans le tube capillaire ne se fait pas exactement de la même manière dans les diverses expériences ; quelquefois le volume commence de suite à augmenter, d’autres fois il se produit une contraction initiale, et un minimum est atteint qui est généralement suivi d’une augmentation. M. Rutherford a admis que le volume minimum est celui que l’on doit adopter ; ce minimum a lieu en moins d’un jour à partir du début.

Pour rapporter le volume mesuré à une quantité de radium déterminée, on comparait le rayonnement pénétrant du tube qui contenait l’émanation en équilibre avec la radioactivité induite qu’elle produit, avec le rayonnement pénétrant d’une ampoule qui contient une quantité connue de radium en équilibre avec l’émanation et la radioactivité induite. Le rayonnement pénétrant provenant de la radioactivité induite donne une mesure de la quantité de radium correspondante, et cette manière de procéder élimine l’incertitude provenant des opérations effectuées sur le mélange gazeux. M. Rutherford a trouvé ainsi pour le volume de l’émanation qui est en équilibre avec 1g de radium environ 0mm³,6, moyenne des trois nombres suivants, obtenus dans trois expériences consécutives et rapportés à la pression normale :

0mm³,59,       0mm³,66,       0mm³,58.

M, Rutherford a signalé ce fait que l’émanation du radium est absorbée très rapidement par les parois du tube, quand on fait passer dans le gaz une décharge pour produire le spectre. Pour cette raison le volume de l’émanation doit-être mesuré avant le passage du courant dans le tube.

La méthode expérimentale utilisée par M. Debierne[60] est un peu différente de celle de M, Ramsay et de M. Rutherford. Elle consiste à séparer l’émanation et l’hélium contenus dans le mélange gazeux en faisant absorber les autres gaz par des réactifs appropriés. Par l’action du cuivre et de l’oxyde de cuivre, l’oxygène est absorbé ; l’hydrogène donne de la vapeur d’eau, et les gaz carbonés de l’acide carbonique ; l’eau est absorbée par l’anhydride phosphonique, le gaz carbonique par la potasse fondue ; enfin l’azote est absorbé par du lithium légèrement chauffé. L’émanation est séparée de l’hélium par condensation au moyen de l’air liquide. Un dispositif particulier est employé pour obtenir une condensation fractionnée et observer séparément les gaz condensés à des températures différentes et l’hélium non condensé. Après purification, l’émanation et l’hélium ne se trouvent plus à aucun moment en contact avec un robinet ; la graisse des robinets est en effet attaquée en présence de l’émanation et donne naissance à des gaz carbonés. L’hélium est recueilli en même temps que l’émanation.

L’appareil utilisé est représenté dans la figure 73. L’émanation est fournie

Fig. 73.


par une solution contenant environ 0g,2 de radium. Avant l’expérience, l’air est complètement éliminé de l’appareil ; pour cela on y fait un bon vide à plusieurs reprises. On laisse ensuite les gaz s’accumuler, la communication de la solution avec le restant de l’appareil étant interceptée par du mercure. Quand la quantité de gaz est suffisante, on fait un vide parfait par le robinet R. Ensuite on ferme les robinets R et R’ et, en aspirant le mercure du réservoir A, on établit la communication entre la solution et l’appareil. Une portion du gaz est alors admise dans le tube à absorption par une manœuvre du robinet R’ ; le gaz se répand dans les tubes absorbants, que l’on chauffe de l’extérieur à l’endroit où se trouvent le cuivre, l’oxyde de cuivre et le lithium. Quand l’absorption est achevée, on introduit une nouvelle portion de gaz, et l’on continue à procéder ainsi jusqu’à ce que tout le gaz disponible ait été utilisé. Enfin on laisse le gaz résiduel pendant 24 heures au contact des matières absorbantes. On utilise alors le mercure contenu dans le réservoir B pour refouler le gaz dans le tube d’absorption, et l’on fait arriver le mercure au niveau On détermine ensuite la condensation de l’émanation dans le tube capillaire latéral, qui plonge dans un vase Dewar entouré d’air liquide et contenant de la limaille de cuivre. La température est mesurée au moyen d’un thermomètre à pentane. La condensation étant complète, on enlève l’air liquide et on laisse la température monter progressivement ; quand elle a atteint une valeur déterminée, on isole les gaz volatilisés en laissant monter le mercure au niveau En utilisant plusieurs tubes capillaires latéraux on peut ainsi réaliser un fractionnement du gaz basé sur la facilité de condensation. Le gaz non condensé (hélium) est alors soumis à nouveau à l’action des réactifs absorbants pour éliminer les traces d’hydrogène et de gaz carbonique qui pourraient encore être présentes. Ce gaz est ensuite refoulé dans la fourche terminale, où il se partage en deux parties égales : l’une destinée à la mesure du volume et l’autre à l’examen du spectre.

Les diverses portions de gaz sont enfermées par le mercure dans les tubes capillaires. On les isole de l’appareil en fermant ces tubes à la lampe dans la portion occupée par le mercure. On coupe ensuite l’extrémité des tubes ; la pression atmosphérique s’établit et, comme le fond des tubes est occupé également par du mercure, les bulles gazeuses se trouvent enfermées entre deux filets de mercure sous la pression atmosphérique. On peut observer le volume de la bulle en mesurant sa longueur à la machine à diviser, la section du tube étant connue. Si l’on veut observer aussi le spectre, on recueille l’émanation dans un tube en forme de fourche, comme celui qui termine l’appareil dans la figure, l’une des branches de la fourche formant un tube à électrodes, et l’autre étant destinée à recueillir une bulle de gaz par le moyen qui vient d’être indiqué.

La portion du gaz la plus fortement radioactive et contenant la plus grande partie de l’émanation est celle qui se condense entre - 175° et - 150°. Le gaz non condensable donne le spectre de l’hélium pur. Le volume de l’émanation subit généralement une contraction initiale assez forte ; après cette diminution le volume est bien défini ; le volume mesuré dans ces conditions a été utilisé pour calculer le volume de l’émanation saturée de 1g de radium. Pour cela le rayonnement pénétrant de la bulle gazeuse était comparé à celui émis par une ampoule contenant une quantité bien connue de chlorure de radium parfaitement pur. Le volume était bien proportionnel à l’activité pour des bulles préparées avec des temps d’accumulation de l’émanation variant de trois jours à un mois. Les nombres obtenus dans quatre expériences étaient 0mm3,60, 0mm3,52, 0mm3,61, 0mm3,59. La moyenne 0mm3,58 est en bon accord avec le nombre indiqué par M. Rutherford.

Le spectre de l’émanation ne présentait pas de différence avec celui obtenu par MM. Rutherford et Royds. La loi de décroissance de l’émanation pure sous pression atmosphérique a été étudiée pour toutes les bulles, et l’on n’a pas constaté de différence avec la loi observée pour l’émanation diluée[61]. Donc, même à cette forte concentration, la loi de destruction n’est pas altérée (fig. 48, XI).

Les résultats obtenus par M. Rutherford et par M. Debierne au moyen de dispositifs différents sont en très bon accord. Ces résultats ont été confirmés ensuite par MM. Ramsay et Gray[62] qui utilisant 0g,2 de radium ont obtenu pour le volume de l’émanation saturée de 1g de radium la valeur 0mm3,60, moyenne de trois expériences concordantes. Le dispositif expérimental était le même que celui utilisé antérieurement par M. Ramsay, mais certains perfectionnements y étaient apportés pour éviter le contact de l’émanation avec la graisse des robinets. De plus on tenait compte de l’émanation qui est entraînée avec l’hydrogène pendant qu’on fait le vide sur l’émanation condensée ; la proportion de l’émanation entraînée était évaluée par son rayonnement pénétrant. On faisait aussi une correction relative aux gaz non condensables (hydrogène et hélium) qui n’avaient pas été totalement éliminés, cette correction étant déduite de l’observation de la pression pour différents volumes quand l’émanation est partiellement liquéfiée. Enfin le volume mesuré était celui obtenu après la contraction initiale, et non le volume initial,

MM. Ramsay et Gray ont exprimé l’opinion que la contraction initiale est due à la pénétration des gaz incondensables résiduels (hydrogène et hélium) dans le verre sous l’action de l’émanation.

Les résultats des divers travaux conduisent à admettre pour le volume de l’émanation saturée d’un gramme de radium sous la pression atmosphérique la valeur 0mm3,6. Ce nombre est en très bon accord avec diverses prévisions de la théorie des transformations radioactives.


72. Liquéfaction de l’émanation du radium. — Dans les expériences relatives à la mesure du volume de l’émanation, on peut observer la pression de celle-ci pour différents volumes. On peut aussi faire varier la température en plongeant le tube capillaire qui contient l’émanation dans un bain réfrigérant. Pour une pression et une température convenable, on a pu observer la liquéfaction de l’émanation et mesurer la pression de la vapeur saturante. Des expériences à ce sujet ont été publiées par M. Rutherford[63] et par MM. Ramsay et Gray[64]. La liquéfaction de l’émanation se manifeste par l’apparition d’un point phosphorescent brillant dans le fond du tube capillaire ; ce point disparaît dès qu’on réduit la pression. Les tubes capillaires utilisés ont environ 0mm,05 de diamètre ; l’observation est faite au microscope.

Voici les valeurs de la pression de vapeur saturante de l’émanation à différentes températures

Rutherford.

(en centimètres).
                      Température
absolue.
76………………… - 165° 208°
25………………… - 178° 195°
51………………… - 101° 172°
.0,9………………… - 127° 146°
Ramsay et Gray.

(en centimètres).
           Température
absolue.
°
            50 ………… 202,6
            80 ………… 212,4
           100 ………… 217,2
           200………… 234,5
           400 ………… 255,3
           500 ………… 262,8
          1000 ………… 290,3
          1500 ………… 307,6
          2000 ………… 321,7
          2500 ………… 334,5
          3000 ………… 346,0
          3500 ………… 356,0
          4000 ………… 364,4
          4500 ………… 372,9
          4745 ………… (crit.)377,5 (crit)

Les expériences de MM. Ramsay et Gray étaient faites dans un appareil de compression. La proportion des gaz non condensables était évaluée par l’observation de la pression du mélange gazeux à une même température en présence de volumes de liquide différents. On effectuait ensuite une correction due à la pression de ces gaz.

La température d’ébullition de l’émanation sous pression atmosphérique est - 65° d’après M. Rutherford, - 62° d’après MM. Ramsay et Gray. La température critique est 104°,5.

L’émanation liquide est incolore et transparente en lumière transmise ; elle paraît phosphorescente probablement par suite de l’excitation de la luminosité du verre ; la teinte de la phosphorescence dépend de la nature du verre. Par abaissement de température elle se solidifie et cesse de transmettre la lumière ; la température de fusion mesurée avec un thermomètre au pentane est vers - 71°. L’émanation solide est lumineuse ; la lumière émise, très brillante à froid, passe par refroidissement du bleu d’acier au jaune, et devient rouge orangé à la température de l’air liquide. Par réchauffement les teintes se succèdent dans l’ordre inverse. Pour les pressions inférieures à 50cm de mercure, l’émanation, d’après MM. Ramsay et Gray, est à l’état solide ou gazeux.

D’après une évaluation approchée la densité de l’émanation liquide serait voisine de 5 à la température de l’ébullition sous la pression atmosphérique.

Les résultats qui précèdent ont conduit à quelques réflexions au sujet du poids atomique de l’émanation. MM. Ramsay et Gray ont remarqué que, d’après les différences entre les poids atomiques, les homologues supérieurs du xénon dans la famille des gaz inertes auraient les poids atomiques 175, 219, 263. Si l’on porte en ordonnées les poids atomiques, et en abscisses d’une part les températures absolues d’ébullition, d’autre part les températures critiques absolues pour l’argon, le crypton et le xénon, par les points obtenus on peut faire passer des circonférences, et si les points relatifs à l’émanation étaient aussi sur ces cercles, le poids atomique de celle-ci serait 176. La considération des pressions critiques conduit au même résultat. Toutefois une extrapolation de ce genre est nécessairement sujette à caution.


73. Spectre de l’émanation du radium. — Des essais en vue de l’observation du spectre de l’émanation ont été faits par MM. Ramsay et Soddy au courant de leurs recherches relatives à l’isolement de l’émanation. Pendant ces essais des raies brillantes ont été observées à plusieurs reprises, mais, généralement, ces raies n’étaient pas persistantes. Dans des expériences faites ultérieurement, MM. Ramsay et Collie ont obtenu un spectre brillant qu’ils ont attribué à l’émanation[65]. Ce spectre était peu persistant, cependant il a été possible d’entreprendre une mesure des longueurs d’onde des raies principales. Après la disparition du spectre nouveau, le spectre de l’hydrogène apparaissait ; après plusieurs jours on pouvait constater l’apparition du spectre de l’hélium.

MM. Rutherford et Royds ont photographié le spectre de l’émanation pure obtenue suivant la méthode qui a été décrite plus haut[66]. L’émanation destinée à l’observation du spectre a été condensée par le froid dans un tube de 50mm3 de volume, muni d’électrodes de platine. L’émanation correspondait à 0g,13 de radium, et sa pression évaluée d’après le volume occupé était de 1mm,1 de mercure. Le spectre était très brillant, surtout dans le vert et dans le violet ; il disparaissait quand on immergeait dans l’air liquide un tube adapté latéralement au tube principal ; par conséquent ce spectre appartenait à un gaz condensable ; on le faisait réapparaître en laissant l’émanation se volatiliser. La présence de l’hydrogène pouvait être évitée, si l’on prenait la précaution de faire le vide dans le tube en le chauffant avant d’introduire l’émanation. Le nombre des lignes observées est environ 100 ; aucune d’elles n’existe dans les spectres stellaires. Le spectre disparaît quand on fait passer le courant pendant quelque temps ; en même temps la pression diminue dans le tube par suite de l’occlusion de l’émanation par les parois du verre.

M. Royds a aussi obtenu le spectre de l’émanation du radium au moyen d’un réseau concave. Ce spectre est tout à fait conforme à celui obtenu au moyen d’un prisme et s’étend plus loin dans l’ultraviolet.


Spectre de l’émanation du radium.
Longueur d’onde.
Intensité. Rutherford et Royds. Ramsay et Collie.
05 ………… 5721,5 5725
08 ………… 5589,5
03 ………… 5393,5
04 ………… 5084,5
04 ………… 4979,0 4985
10 ………… 4861,3
04 ………… 4817,2
05 ………… 4721,5
10 ………… 4681,1 4690
10 ………… 4644,7 4650
08 ………… 4625,8 4630
07 ………… 4609,9
04 ………… 4604,7
07 ………… 4578,7
09 ………… 4509,0
10 ………… 4460,0
08 ………… 4435,7
06 ………… 4391,8
04 ………… 4372,1
15 ………… 4350,3
07 ………… 4340,9
04 ………… 4225,8
10 ………… 4203,7
07 ………… 4188,2
20 ………… 4166,6
10 ………… 4114,9
12 ………… 4102,2
14 ………… 4045,4
15 ………… 4018,0
12 ………… 3982,0
17 ………… 3957,7
14 ………… 3917,5
14 ………… 3888,9
16 ………… 3867,6
10 ………… 3753,6
17 ………… 3739,9
10 ………… 3664,6
15 ………… 3622,2

Séparateur

  1. Rossignol et Gimingham, Phil. Mag., 1904.
  2. Bronson, Amer. Journ. Sc., 1905.
  3. Hahn, Jahrbuch d. Rad., 1905.
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  20. Perkins, Amer. Journ. of. Sc., 1908.
  21. Rutherford, Radioactivity.
  22. a et b Debierne, Le Radium, 1907.
  23. M. Ramsay avait cru observer une ascension de l’émanation de l’actinium dans l’air ; cette expérience montre que ce phénomène n’existe pas en réalité.
  24. Sydney Russ, Phil. Mag., mars 1909. — Bruhat, Comptes rendus, mars 1909 ; Le Radium, 1909.
  25. Bruhat, loc. cit.
  26. Curie et Debierne, Comptes rendus, 1901.
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  43. Giesel, Wied. Ann., t. LXIX, p. 91
  44. M. Curie, Thèse de doctorat, 1903.
  45. D’après certaines recherches, une très faible partie du rayonnement (1 pour 100 au plus) pourrait cependant être attribuable au radium lui-même (voir § 189).
  46. Curie et Debierne, Comptes rendus, 1901.
  47. M. Curie, Le Radium, 1910.
  48. Curie et Debierne, Comptes rendus, 1901.
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  50. Kolowrat, Le Radium 1907 et 1909.
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  59. Rutherford, Phil. Mag., 1908.
  60. Comptes rendus, mai 1909.
  61. Cependant l’émanation non condensée et mélangée à l’hélium en faible quantité semblait décroître un peu plus lentement (diminution de moitié en 4,1 jours environ). Une observation analogue a été faite par M. Rutherford.
  62. Chem. Soc., 1909.
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