Traité de la peinture (Cennini)/XLV
Le jaune que l’on nomme ocre est une couleur naturelle. On se la procure dans la terre de montagnes, là où se trouvent de certaines veines de soufre, et là où sont ces veines se trouvent aussi la sinopia, la terre verte et d’autres couleurs. Je fis cette remarque un jour étant conduit par Andréa Cennini, mon père, allant à travers champs vers le col de Valdelsa, vers les confins de Casole, dans le commencement de la forêt de la commune de Colle, au-dessus d’une villa qui se nomme Dometava. Arrivé dans un petit vallon à une grotte sauvage, je raclai la grotte avec un outil, et je vis différentes veines de couleur telles que l’ocre, la sinopie obscure et claire, de l’azur et du blanc, ce que je considérai comme le plus grand miracle du monde de trouver du blanc en veine terreuse. Cependant je dois dire que je fis l’essai de ce blanc et le trouvai gras, ce qui n’est pas bon pour les chairs. Il y avait encore dans le même lieu une veine de couleur noire. Ces couleurs se voyaient dans ce terrain comme une cicatrice sur un visage d’homme ou de femme.
Retournons à la couleur d’ocre. J’allai avec mon couteau à la veine de cette couleur, et je te promets que jamais je ne dégustai une couleur d’ocre plus belle et plus parfaite, non pas qu’elle fût aussi claire que le giallorino, elle était un peu plus obscure, mais pour les cheveux et les vêtements, comme je te l’enseignerai plus avant, jamais meilleure couleur que cet ocre n’exista. Il y en a de deux natures, de la claire et de l’obscure. Chacune d’elles se broie avec de l’eau de la même façon. Broie-les bien, elles n’en seront que meilleures. Sache que l’ocre est une couleur bonne à tout, à fresque spécialement ; puis encore mélangée à d’autres, comme je te l’apprendrai, on s’en sert pour les chairs, les vêtements, les montagnes coloriées, les maisons, les chevaux, et en général pour toutes choses. Cette couleur est de nature grasse.