Librairie Militaire Berger-Levrault (p. 211-224).



PARTIE XIII

TRAVAIL



SECTION I. — Organisation du travail.


Attendu que la Société des Nations a pour but d’établir la paix universelle, et qu’une telle paix ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ;

Attendu qu’il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger, et attendu qu’il est urgent d’améliorer ces conditions : par exemple, en ce qui concerne la réglementation des heures de travail, la fixation d’une durée maxima de la journée et de la semaine de travail, le recrutement de la main-d’œuvre, la lutte contre le chômage, la garantie d’un salaire assurant des conditions d’existence convenables, la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail, la protection des enfants, des adolescents et des femmes, les pensions de vieillesse et d’invalidité, la défense des intérêts des travailleurs occupés à l’étranger, l’affirmation du principe de la liberté syndicale, l’organisation de l’enseignement professionnel et technique et autres mesures analogues ;

Attendu que la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays ;

Les hautes parties contractantes, mues par des sentiments de justice et d’humanité aussi bien que par le désir d’assurer une paix mondiale durable, ont convenu ce qui suit :


Chapitre I. — Organisation.


Art. 387. — Il est fondé une organisation permanente chargée de travailler à la réalisation du programme exposé dans le préambule.

Les membres originaires de la Société des Nations seront membres originaires de cette organisation, et, désormais, la qualité de membre de la Société des Nations entraînera celle de membre de ladite organisation.


Art. 388. — L’organisation permanente comprendra :

1° Une Conférence générale des représentants des membres ;

2° Un Bureau international du Travail sous la direction du Conseil d’administration prévu à l’article 393.


Art. 389. — La Conférence générale des représentants des membres tiendra des sessions chaque fois que besoin sera et, au moins, une fois par an. Elle sera composée de quatre représentants de chacun des membres dont deux seront les délégués du Gouvernement et dont les deux autres représenteront respectivement, d’une part, les employeurs, d’autre part, les travailleurs ressortissant à chacun des membres.

Chaque délégué pourra être accompagné par des conseillers techniques dont le nombre pourra être de deux au plus pour chacune des matières distinctes inscrites à l’ordre du jour de la session. Quand des questions intéressant spécialement des femmes doivent venir en discussion à la Conférence, une au moins parmi les personnes désignées comme conseillers techniques devra être une femme.

Les membres s’engagent à désigner les délégués et conseillers techniques non gouvernementaux d’accord avec les organisations professionnelles les plus représentatives soit des employeurs, soit des travailleurs du pays considéré, sous la réserve que de telles organisations existent.

Les conseillers techniques ne seront autorisés à prendre la parole que sur la demande faite par le délégué auquel ils sont adjoints et avec l’autorisation spéciale du président de la Conférence ; ils ne pourront prendre part aux votes.

Un délégué peut, par une note écrite adressée au président, désigner l’un de ses conseillers techniques comme son suppléant, et ledit suppléant, en cette qualité, pourra prendre part aux délibérations et aux votes.

Les noms des délégués et de leurs conseillers techniques seront communiqués au Bureau international du Travail par le Gouvernement de chacun des membres.

Les pouvoirs des délégués et de leurs conseillers techniques seront soumis à la vérification de la Conférence, laquelle pourra, par une majorité des deux tiers des suffrages exprimés par les délégués présents, refuser d’admettre tout délégué ou tout conseiller technique qu’elle ne jugera pas avoir été désigné conformément aux termes du présent article.


Art. 390. — Chaque délégué aura le droit de voter individuellement sur toutes les questions soumises aux délibérations de la Conférence.

Dans le cas où l’un des membres n’aurait pas désigné l’un des délégués non gouvernementaux auquel il a droit, l’autre délégué non gouvernemental aura le droit de prendre part aux discussions de la Conférence, mais n’aura pas le droit de voter.

Au cas où la Conférence, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 389, refuserait d’admettre l’un des délégués d’un des membres, les stipulations du présent article seront appliquées comme si ledit délégué n’avait pas été désigné.


Art. 391. — Les sessions de la Conférence se tiendront au siège de la Société des Nations ou en tout autre lieu qui aura pu être fixé par la Conférence, dans une session antérieure, à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés par les délégués présents.


Art. 392. — Le Bureau international du Travail sera établi au siège de la Société des Nations et fera partie de l’ensemble des institutions de la Société.


Art. 393. — Le Bureau international du Travail sera placé sous la direction d’un Conseil d’administration composé de vingt-quatre personnes, lesquelles seront désignées selon les dispositions suivantes :

Le Conseil d’administration du Bureau international du Travail sera composé comme suit :

Douze personnes représentant les Gouvernements ;

Six personnes élues par les délégués à la Conférence, représentant les patrons ;

Six personnes élues par les délégués à la Conférence, représentant les employés et ouvriers.

Sur les douze personnes représentant les Gouvernements, huit seront nommées par les membres dont l’importance industrielle est la plus considérable et quatre seront nommées par les membres désignés à cet effet par les délégués gouvernementaux à la Conférence, exclusion faite des délégués des huit membres susmentionnés.

Les contestations éventuelles sur la question de savoir quels sont les membres ayant l’importance industrielle la plus considérable seront tranchées par le Conseil de la Société des Nations.

La durée du mandat des membres du Conseil d’administration sera de trois ans. La manière de pourvoir aux sièges vacants et les autres questions de même nature pourront être réglées par le Conseil d’administration sous réserve de l’approbation de la Conférence.

Le Conseil d’administration élira l’un de ses membres comme président et établira son règlement. Il se réunira aux époques qu’il fixera lui-même. Une session spéciale devra être tenue c’iaque fois que dix membres au moins du Conseil auront formulé une demande écrite à ce sujet.


Art. 394. — Un directeur sera placé à la tête du Bureau International du Travail ; il sera désigné par le Conseil d’administration, de qui il recevra ses instructions et vis-à-vis de qui il sera responsable de la bonne marche du Bureau ainsi que de l’exécution de toutes autres tâches qui auront pu lui être confiées.

Le directeur ou son suppléant assisteront à toutes les séances du Conseil d’administration.


Art. 395. — Le personnel du Bureau international du Travail sera choisi par le directeur. Le choix fait devra porter, dans toute la mesure compatible avec le souci d’obtenir le meilleur rendement, sur des personnes de différentes nationalités. Un certain nombre de ces personnes devront être des femmes.


Art. 396. — Les fonctions du Bureau international du Travail comprendront la centralisation et la distribution de toutes informations concernant la réglementation internationale de la condition des travailleurs et du régime du travail et, en particulier, l’étude des questions qu’il est proposé de soumettre aux discussions de la Conférence en vue de la conclusion des conventions internationales, ainsi que l’exécution de toutes enquêtes spéciales prescrites par la Conférence.

Il sera chargé de préparer l’ordre du jour des sessions de la Conférence.

Il s’acquittera, en conformité des stipulations de la présente partie du présent traité, des devoirs qui lui incombent en ce qui concerne tous différends internationaux.

Il rédigera et publiera en français, en anglais, et dans telle autre langue que le Conseil d’administration jugera convenable, un bulletin périodique consacré à l’étude des questions concernant l’industrie et le travail et présentant un intérêt international.

D’une manière générale il aura, en sus des fonctions indiquées au présent article, tous autres pouvoirs et fonctions que la Conférence jugera à propos de lui attribuer.


Art. 397. — Les ministères des membres qui s’occupent des questions ouvrières pourront communiquer directement avec le directeur par l’intermédiaire du représentant de leur Gouvernement au Conseil d’administration du Bureau international du Travail, ou, à défaut de ce représentant, par l’intermédiaire de tout autre fonctionnaire dûment qualifié et désigné à cet effet par le Gouvernement intéressé.


Art. 398. — Le Bureau international du Travail pourra demander le concours du secrétariat général de la Société des Nations pour toutes questions à l’occasion desquelles ce concours pourra être donné.


Art. 399. — Chacun des membres paiera les frais de voyage et de séjour de ses délégués et de leurs conseillers techniques ainsi que de ses représentants prenant part aux sessions de la Conférence et du Conseil d’administration selon les cas.

Tous autres frais du Bureau international du Travail, des sessions de la Conférence ou de celles du Conseil d’administration, seront remboursés au directeur par le secrétaire général de la Société des Nations sur le budget général de la Société.

Le directeur sera responsable, vis-à-vis du secrétaire général de la Société des Nations, pour l’emploi de tous fonds à lui versés, conformément aux stipulations du présent article.


Chapitre II. — Fonctionnement.


Art. 400. — Le Conseil d’administration établira l’ordre du jour des sessions de la Conférence après avoir examiné toutes propositions faites par le Gouvernement d’un des membres ou par toute autre organisation visée à l’article 389 au sujet des matières à inscrire à cet ordre du jour.


Art. 401. — Le directeur remplira les fonctions de secrétaire de la Conférence, et devra faire parvenir l’ordre du jour de chaque session, quatre mois avant l’ouverture de cette session, à chacun des membres, et, par l’intermédiaire de ceux-ci, aux délégués non gouvernementaux, lorsque ces derniers auront été désignés.


Art. 402. — Chacun des Gouvernements des membres aura le droit de contester l’inscription, à l’ordre du jour de la session, de l’un ou plusieurs des sujets prévus. Les motifs justifiant cette opposition devront être exposés dans un mémoire explicatif adressé au directeur, lequel devra le communiquer aux membres de l’organisation permanente.

Les sujets auxquels il aura été fait opposition resteront néanmoins inclus à l’ordre du jour si la Conférence en décide ainsi à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés par les délégués présents.

Toute question au sujet de laquelle la Conférence décide, à la même majorité des deux tiers, qu’elle doit être examinée (autrement que prévu dans l’alinéa précédent), sera portée à l’ordre du jour de la session suivante.


Art. 403. — La Conférence formulera les règles de son fonctionnement ; elle élira son président ; elle pourra nommer des commissions chargées de présenter des rapports sur toutes questions qu’elle estimera devoir mettre à l’étude.

La simple majorité des suffrages exprimés par les membres présents de la Conférence décidera dans tous les cas où une majorité plus forte n’est pas spécialement prévue par d’autres articles de la présente partie du présent traité.

Aucun vote n’est acquis si le nombre des suffrages exprimés est inférieur à la moitié du nombre des délégués présents à la session.


Art. 404. — La Conférence pourra adjoindre aux commissions qu’elle constitue des conseillers techniques qui auront voix consultative, mais non délibérative.


Art. 405. — Si la Conférence se prononce pour l’adoption de propositions relatives à un objet à l’ordre du jour, elle aura à déterminer si ces propositions devront prendre la forme : a) d’une « recommandation » à soumettre à l’examen des membres, en vue de lui faire porter effet sous forme de loi nationale ou autrement ; b) ou bien d’un projet de convention internationale à ratifier par les membres.

Dans les deux cas, pour qu’une recommandation ou qu’un projet de convention soient adoptés au vote final par la Conférence, une majorité des deux tiers des voix des délégués présents est requise.

En formant une recommandation ou un projet de convention d’une application générale, la Conférence devra avoir égard aux pays dans lesquels le climat, le développement incomplet de l’organisation industrielle ou d’autres circonstances particulières rendent les conditions de l’industrie essentiellement différentes, et elle aura à suggérer telles modifications qu’elle considérerait comme pouvant être nécessaires pour répondre aux conditions propres à ces pays.

Un exemplaire de la recommandation ou du projet de convention sera signé par le président de la Conférence et le directeur et sera déposé entre les mains du secrétaire général de la Société des Nations. Celui-ci communiquera une copie certifiée conforme de la recommandation ou du projet de convention à chacun des membres.

Chacun des membres s’engage à soumettre dans le délai d’un an à partir de la clôture de la session de la Conférence (ou, si, par suite de circonstances exceptionnelles, il est impossible de procéder dans un délai d’un an, dès qu’il sera possible, mais jamais plus de dix-huit mois après la clôture de la session de la Conférence) la recommandation ou le projet de convention à l’autorité ou aux autorités dans la compétence desquelles rentre la matière, en vue de la transformer en loi ou de prendre des mesures d’un autre ordre.

S’il s’agit d’une recommandation, les membres informeront le secrétaire général des mesures prises.

S’il s’agit d’un projet de convention, le membre qui aura obtenu le consentement de l’autorité ou des autorités compétentes communiquera sa ratification formelle de la convention au secrétaire général et prendra telles mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives les dispositions de ladite convention.

Si une recommandation n’est pas suivie d’un acte législatif ou d’autres mesures de nature à rendre effective cette recommandation, ou bien si un projet de convention ne rencontre pas l’assentiment de l’autorité ou des autorités dans la compétence desquelles rentre la matière, le membre ne sera soumis à aucune autre obligation.

Dans le cas où il s’agit d’un État fédératif dont le pouvoir d’adhérer à une convention sur des objets concernant le travail est soumis à certaines limitations, le Gouvernement aura le droit de considérer un projet de convention auquel s’appliquent ces limitations comme une simple recommandation, et les dispositions du présent article en ce qui regarde les recommandations s’appliqueront dans ce cas.

L’article ci-dessus sera interprété en conformité du principe suivant :

En aucun cas il ne sera demandé à aucun des membres, comme conséquence de l’adoption par la Conférence d’une recommandation ou d’un projet de convention, de diminuer la protection déjà accordée par sa législation aux travailleurs dont il s’agit.


Art. 406. — Toute convention ainsi ratifiée sera enregistrée par le secrétaire général de la Société des Nations, mais ne liera que les membres qui l’ont ratifiée.


Art. 407. — Tout projet qui, dans le scrutin final sur l’ensemble, ne recueillera pas la majorité des deux tiers des suffrages exprimés par les membres présents, peut faire l’objet d’une convention particulière entre ceux des membres de l’organisation permanente qui en ont le désir.

Toute convention particulière de cette nature devra être communiquée par les Gouvernements intéressés au secrétaire général de la Société des Nations, lequel la fera enregistrer.


Art. 408. — Chacun des membres s’engage à présenter au Bureau international du Travail un rapport annuel sur les mesures prises par lui pour mettre à exécution les conventions auxquelles il a adhéré. Ces rapports seront rédigés sous la forme indiquée par le Conseil d’administration et devront contenir les précisions demandées par ce dernier. Le directeur présentera un résumé de ces rapports à la plus prochaine session de la conférence.


Art. 409. — Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle ouvrière ou patronale et aux termes de laquelle l’un quelconque des membres n’aurait pas assuré d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle ledit membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d’administration au Gouvernement mis en cause, et ce Gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu’il jugera convenable.


Art. 410. — Si aucune déclaration n’est reçue du Gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d’administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.


Art. 411. — Chacun des membres pourra déposer une plainte au Bureau international du Travail contre un autre membre qui, à son avis, n’assurerait pas d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention que l’un et l’autre auraient ratifiée en vertu des articles précédents.

Le Conseil d’administration peut, s’il le juge à propos, et avant de saisir une commission d’enquête selon la procédure indiquée ci-après, se mettre en rapport avec le Gouvernement mis en cause de la manière indiquée à l’article 409.

Si le Conseil d’administration ne juge pas nécessaire de communiquer la plainte au Gouvernement mis en cause, ou si, cette communication ayant été faite, aucune réponse ayant satisfait le Conseil d’administration n’a été reçue dans un délai raisonnable, le Conseil pourra provoquer la formation d’une commission d’enquête qui aura mission d’étudier la question soulevée et de déposer un rapport à ce sujet.

La même procédure pourra être engagée par le Conseil, soit d’office, soit sur la plainte d’un délégué à la Conférence.

Lorsqu’une question soulevée par l’application des articles 410 ou 411 viendra devant le Conseil d’administration, le Gouvernement mis en cause, s’il n’a pas déjà un représentant au sein du Conseil d’administration, aura le droit de désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire. La date à laquelle ces discussions doivent avoir lieu sera notifiée en temps utile au Gouvernement mis en cause.


Art. 412. — La Commission d’enquête sera constituée de la manière suivante :

Chacun des membres s’engage à désigner, dans les six mois qui suivront la date de mise en vigueur du présent traité, trois personnes compétentes en matières industrielles, la première représentant les patrons, la deuxième représentant les travailleurs et la troisième indépendante des uns et des autres. L’ensemble de ces personnes formera une liste sur laquelle seront choisis les membres de la Commission d’enquête.

Le Conseil d’administration aura le droit de vérifier les titres desdites personnes et de refuser, à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés par les représentants présents, la nomination de celles dont les titres ne satisferaient pas aux prescriptions du présent article.

Sur la demande du Conseil d’administration, le secrétaire général de la Société des Nations désignera trois personnes, respectivement choisies dans chacune des trois catégories de la liste, pour constituer la Commission d’enquête et désignera, en outre, l’une de ces trois personnes pour présider ladite commission. Aucune des trois personnes ainsi désignées ne pourra relever d’un des membres directement intéressés à la plainte.


Art. 413. — Dans le cas où une plainte serait renvoyée, en vertu de l’article 411, devant une commission d’enquête, chacun des membres, qu’il soit ou non directement intéressé à la plainte, s’engage à mettre à la disposition de la Commission toute information qui se trouverait en sa possession relativement à l’objet de la plainte.


Art. 414. — La Commission d’enquête, après un examen approfondi de la plainte, rédigera un rapport dans lequel elle consignera ses constatations sur tous les points de fait permettant de préciser la portée de la contestation, ainsi que les recommandations qu’elle croira devoir formuler quant aux mesures à prendre pour donner satisfaction au Gouvernement plaignant et quant aux délais dans lesquels ces mesures devraient être prises.

Ce rapport indiquera également, le cas échéant, les sanctions d’ordre économique contre le Gouvernement mis en cause que la Commission jugerait convenables et dont l’application par les autres Gouvernements lui paraîtrait justifiée.


Art. 415. — Le secrétaire général de la Société des Nations communiquera le rapport de la Commission d’enquête à chacun des Gouvernements intéressés dans le différend et en assurera la publication.

Chacun des Gouvernements intéressés devra signifier au secrétaire général de la Société des Nations, dans le délai d’un mois, s’il accepte ou non les recommandations contenues dans le rapport de la Commission, et, au cas où il ne les accepte pas, s’il désire soumettre le différend à la Cour permanente de justice internationale de la Société des Nations.


Art. 416. — Dans le cas où l’un des membres ne prendrait pas, relativement à une recommandation ou à un projet de convention, les mesures prescrites à l’article 405, tout autre membre aura le droit d’en référer à la Cour permanente de justice internationale.


Art. 417. — La décision de la Cour permanente de justice internationale concernant une plainte ou une question qui lui aurait été soumise conformément aux articles 415 ou 416, ne sera pas susceptible d’appel.


Art. 418. — Les conclusions ou recommandations éventuelles de la Commission d’enquête pourront être confirmées, amendées ou annulées par la Cour permanente de justice internationale, laquelle devra, le cas échéant, indiquer les sanctions d’ordre économique qu’elle croirait convenable de prendre à l’encontre d’un Gouvernement en faute, et dont l’application par les autres Gouvernements lui paraîtrait justifiée.


Art. 419. — Si un membre quelconque ne se conforme pas dans le délai prescrit aux recommandations éventuellement contenues soit dans le rapport de la Commission d’enquête, soit dans la décision de la Cour permanente de justice internationale, tout autre membre pourra appliquer audit membre les sanctions d’ordre économique que le rapport de la Commission ou la décision de la Cour auront déclarées applicables en l’espèce.


Art. 420. — Le Gouvernement en faute peut, à tout moment, informer le Conseil d’administration qu’il a pris les mesures nécessaires pour se conformer soit aux recommandations de la Commission d’enquête, soit à celles contenues dans la décision de la Cour permanente de justice internationale, et peut demander au Conseil de bien vouloir faire constituer par le secrétaire général de la Société des Nations une commission d’enquête chargée de vérifier ses dires. Dans ce cas, les stipulations des articles 412, 413, 414, 415, 417 et 418 s’appliqueront, et si le rapport de la Commission d’enquête ou la décision de la Cour permanente de justice internationale sont favorables au Gouvernement en faute, les autres Gouvernements devront aussitôt rapporter les mesures d’ordre économique qu’ils auront prises à l’encontre dudit État.


Chapitre III. — Prescriptions générales.


Art. 421. — Les membres s’engagent à appliquer les conventions auxquelles ils auront adhéré, conformément aux stipulations de la présente partie du présent traité, à celles de leurs colonies ou possessions et à ceux de leurs protectorats qui ne se gouvernent pas pleinement eux-mêmes, cela sous les réserves suivantes :

1° Que la convention ne soit pas rendue inapplicable par les conditions locales ;

2° Que les modifications qui seraient nécessaires pour adapter la convention aux conditions locales puissent être introduites dans celle-ci.

Chacun des membres devra notifier au Bureau international du Travail la décision qu’il se propose de prendre en ce qui concerne chacune de ses colonies ou possessions ou chacun de ses protectorats ne se gouvernant pas pleinement eux-mêmes.


Art. 422. — Les amendements à la présente partie du présent traité qui seront adoptés par la Conférence à la majorité des deux tiers des suffrages émis par les délégués présents deviendront exécutoires lorsqu’ils auront été ratifiés par les États dont les représentants forment le Conseil de la Société des Nations et par les trois quarts des membres.


Art. 423. — Toutes questions ou difficultés relatives à l’interprétation de la présente partie du présent traité et des conventions ultérieurement conclues par les membres, en vertu de ladite partie, seront soumises à l’appréciation de la Cour permanente de justice internationale.


Chapitre IV. — Mesures transitoires.


Art. 424. — La première session de la Conférence aura lieu au mois d’octobre 1919. Le lieu et l’ordre du jour de la session sont arrêtés dans l’annexe ci-jointe.

La convocation et l’organisation de cette première session seront assurées par le Gouvernement désigné à cet effet dans ladite annexe. Le Gouvernement sera assisté, en ce qui concerne la préparation des documents, par une commission internationale dont les membres seront désignés à la même annexe.

Les frais de cette première session et de toute session ultérieure jusqu’au moment où les crédits nécessaires auront pu être inscrits au budget de la Société des Nations, à l’exception des frais de déplacement des délégués et des conseillers techniques, seront répartis entre les membres dans les proportions établies pour le Bureau international de l’Union postale universelle.


Art. 425. — Jusqu’à ce que la Société des Nations ait été constituée, toutes communications qui devraient être adressées, en vertu des articles précédents, au secrétaire général de la Société, seront conservées par le directeur du Bureau international du Travail, lequel en donnera connaissance au secrétaire général.


Art. 426. — Jusqu’à la création de la Cour permanente de justice internationale, les différends qui doivent lui être soumis en vertu de la présente partie du présent traité seront déférés à un tribunal formé de trois personnes désignées par le Conseil de la Société des Nations.


ANNEXE

Première session de la Conférence du travail, 1919.


Le lieu de la Conférence sera Washington.

Le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sera prié de convoquer la Conférence.

Le Comité international d’organisation sera composé de sept personnes, désignées respectivement par les Gouvernements des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie, du Japon, de la Belgique et de la Suisse. Le Comité pourra, s’il le juge nécessaire, inviter d’autres membres à se faire représenter dans son sein.

L’ordre du jour sera le suivant :

1. Application du principe de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures.

2. Questions relatives aux moyens de prévenir le chômage et de remédier à ses conséquences.

3. Emploi des femmes :

a) Avant ou après l’accouchement (y compris la question de l’indemnité de maternité) ;

b) Pendant la nuit ;

c) Dans les travaux insalubres.

4. Emploi des enfants :

a) Âge d’admission au travail ;

b) Travaux de nuit ;

c) Travaux insalubres.

5. Extension et application des conventions internationales adoptées à Berne en 1906 sur l’interdiction du travail de nuit des femmes employées dans l’industrie et l’interdiction de l’emploi du phosphore blanc (jaune) dans l’industrie des allumettes.


SECTION II. — Principes généraux.


Art. 427. — Les hautes parties contractantes, reconnaissant que le bien-être physique, moral et intellectuel des travailleurs salariés est d’une importance essentielle au point de vue international, ont établi, pour parvenir à ce but élevé, l’organisme permanent prévu à la section I et associé à celui de la Société des Nations.

Elles reconnaissent que les différences de climat, de mœurs et d’usages, d’opportunité économique et de tradition industrielle rendent difficile à atteindre, d’une manière immédiate, l’uniformité absolue dans les conditions du travail. Mais, persuadées qu’elles sont que le travail ne doit pas être considéré simplement comme un article de commerce, elles pensent qu’il y a des méthodes et des principes pour la réglementation des conditions de travail que toutes les communautés industrielles devraient s’efforcer d’appliquer, autant que les circonstances spéciales dans lesquelles elles pourraient se trouver le permettraient.

Parmi ces méthodes et principes, les suivants paraissent aux hautes parties contractantes être d’une importance particulière et urgente ;

1. Le principe dirigeant ci-dessus énonce que le travail ne doit pas être considéré simplement comme une marchandise ou un article de commerce.

2. Le droit d’association en vue de tous objets non contraires aux lois, aussi bien pour les salariés que pour les employeurs.

3. Le paiement aux travailleurs d’un salaire leur assurant un niveau de vie convenable tel qu’on le comprend dans leur temps et dans leur pays.

4. L’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où il n’a pas encore été obtenu.

5. L’adoption d’un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures au minimum, qui devrait comprendre le dimanche toutes les fois que ce sera possible.

6. La suppression du travail des enfants et l’obligation d’apporter au travail des jeunes gens des deux sexes les limitations nécessaires pour leur permettre de continuer leur éducation et d’assurer leur développement physique.

7. Le principe du salaire égal, sans distinction de sexe, pour un travail de valeur égale.

8. Les règles édictées dans chaque pays au sujet des conditions du travail devront assurer un traitement économique équitable à tous les travailleurs résidant légalement dans le pays.

9. Chaque État devra organiser un service d’inspection, qui comprendra des femmes, afin d’assurer l’application des lois et règlements pour la protection des travailleurs.

Sans proclamer que ces principes et ces méthodes sont ou complets, ou définitifs, les hautes parties contractantes sont d’avis qu’ils sont propres à guider la politique de la Société des Nations ; et que, s’ils sont adoptés par les communautés industrielles qui sont membres de la Société des Nations, et s’ils sont maintenus intacts dans la pratique par un corps approprié d’inspecteurs, ils répandront des bienfaits permanents sur les salariés du monde.