Traité élémentaire de physique (Haüy)/1803/Chapitre VI

VI. DU MAGNÉTISME.

530. L’aimant a été regardé, pendant long-temps, comme une simple pierre qui avoit la propriété d’attirer le fer ; et la trace de cette opinion s’est conservée dans le langage vulgaire, qui désigne encore par le nom de pierre d’aimant, la mine de fer naturellement pourvue de la propriété dont il s’agit. On aura jugé de sa substance par les particules pierreuses dont elle est souvent mêlée, et qui lui sont purement accidentelles.

531. Les anciens ont connu la vertu attractive que l’aimant exerce sur le fer ; ils avoient même remarqué qu’il communiquoit au fer la vertu d’attirer un autre fer. Mais quoique l’aimant, par cette sympathie qu’il sembloit montrer pour le fer, dût être une de ces espèces de jouets que la curiosité se plaît à exercer, et qu’elle retourne de toutes les manières, la plus belle et la plus importante des propriétés de ce minéral, celle qui lui fait regarder le Nord par une de ses extrémités, et le Sud par l’autre, a long-temps échappé à l’observation. Il paroît que c’est vers le douzième siècle qu’a été faite cette découverte, dont plusieurs nations se disputent l’honneur.

532. Les premières théories sur le magnétisme se ressentent des idées systématiques qui dominoient alors parmi les physiciens. Les tourbillons de Descartes avoient tellement séduit les esprits, que l’on essaya d’en mettre partout. On en donna aux corps électriques. L’aimant eut aussi les siens. On imagina ensuite de simples effluves de matière magnétique, dont les molécules s’accrochoient les unes aux autres, ou prenoient un mouvement de recul, suivant la manière dont les effluves de deux aimants se rencontroient. Il y avoit dans le fer des espèces de petits poils qui faisoient la fonction de valvules, pour permettre au fluide de passer dans un sens, et lui refuser le passage quand il se présentoit dans un sens contraire. Telle étoit entre autres l’opinion de Dufay ; et ce physicien célèbre, qui avoit si bien vu le principe des mouvemens électriques, lorsqu’il en vint au magnétisme, ne donna qu’une machine de son invention, au lieu du mécanisme de la nature.

533. Æpinus est le premier qui, pour expliquer les phénomènes du magnétisme, ait employé de simples forces soumises au calcul. Ce fut en tenant une tourmaline qu’il conçut l’idée qui a servi de base à sa théorie. Il venoit de découvrir que les effets de cette pierre étoient dus à l’électricité, et avoit remarqué qu’elle repoussoit par un côté, et attiroit par l’autre un petit corps électrisé. Il donna à ces deux côtés le nom de pôles, et ce mot, qui auroit pu ne passer que pour une expression plus commode, devint, dans son esprit, le véritable mot. Il vit dans la tourmaline une espèce de petit aimant électrique ; et comparant les phénomènes des vrais aimans avec ceux des corps idio-électriques, il trouva que les actions des deux fluides pouvoient être ramenées aux mêmes lois, et joignit ainsi au mérite d’avoir perfectionné la théorie de l’électricité, et créé, pour ainsi dire, la théorie du magnétisme, celle d’attacher à un même anneau ces deux grandes portions de la chaîne de nos connoissances.

Coulomb, en reprenant des mains d’Æpinus la première de ces théories, pour lui donner un nouveau développement, avoit par là même contracté une espèce d’engagement de perfectionner encore la seconde ; et l’exposé que nous ferons bientôt de ses résultats, prouvera combien il a été fidèle à s’acquitter.

1. Des Principes généraux de la Théorie du Magnétisme.

534. Quoique le fluide magnétique soit soumis aux mêmes lois que le fluide électrique, diverses observations indiquent, dans l’état actuel de nos connoissances, une différence de nature entre l’un et l’autre. Le fer et une ou deux substances métalliques sont les seuls corps qui aient donné jusqu’ici des signes non équivoques de magnétisme, tandis que tous les corps sont susceptibles d’acquérir la vertu électrique. Si l’on présente une tourmaline électrisée à une aiguille aimantée suspendue librement, quels que soient les pôles par lesquels les deux corps se regardent, la tourmaline n’exerce sur l’aiguille, pour la déranger de sa position, que la même force attractive qu’elle exerceroit sur un corps quelconque ; ce qui suppose que sa présence fait naître, dans l’aiguille elle-même, une vertu électrique indépendante de la vertu magnétique.

535. La correspondance entre les deux théories nous conduit à concevoir aussi le fluide magnétique comme composé de deux fluides particuliers, combinés entre eux dans le fer qui ne donne aucun signe de magnétisme, et dégagés dans le fer qui a passé à l’état d’aimant. Les molécules de chaque fluide se repoussent de même les unes les autres, et attirent celles de l’autre fluide ; et Coulomb a prouvé, comme nous le verrons bientôt, que ces différentes actions suivent la raison inverse du carré de la distance.

536. Tout le fluide naturel d’un corps magnétique, même après sa décomposition, reste dans l’intérieur de ce corps ; et, sous ce rapport, les aimants peuvent être assimilés aux corps idio-électriques. Les deux fluides, dégagés de la combinaison, se portent, par des mouvemens contraires, vers les extrémités de l’aimant, d’où ils exercent des actions analogues à celles de l’électricité vitrée et de l’électricité résineuse.

Mais avant d’aller plus loin, nous jetterons un coup d’œil général sur l’ensemble que présente le magnétisme considéré dans toute son étendue, parce que le développement de la théorie, pour être bien saisi, demande qu’on ait au moins une idée de cet ensemble.

537. Tous les phénomènes que présentent les aimants que nous soumettons à l’expérience, ne sont, pour ainsi dire, que les différentes faces d’un fait fondamental, qui a été remarqué depuis long-temps. Il consiste en ce que si l’on choisit à volonté une des extrémités d’un aimant, et qu’on la présente successivement aux deux extrémités d’un second aimant, il y aura attraction d’une part et répulsion de l’autre entre les deux aimants. L’extrémité opposée du premier aimant produira des effets inverses sur celles de l’autre aimant. En général, il y a dans chaque aimant deux points opposés qui manifestent des actions contraires, et auxquels on a donné le nom de pôles. On peut juger de l’énergie de ces actions, en faisant mouvoir un aimant en présence d’une aiguille magnétique suspendue librement ; on verra les extrémités de cette aiguille faire différens circuits, et quelquefois une révolution entière, pour chercher la position qu’exige l’équilibre.

538. Maintenant un phénomène extrêmement remarquable par sa continuité et par l’immensité des distances auxquelles il s’étend, consiste en ce que le globe terrestre fait à l’égard d’une aiguille aimantée la même fonction que l’aimant dont nous venons de parler ; en sorte que l’aiguille, abandonnée à la force de ce vaste corps magnétique, prend une direction qui va du Nord au Midi, et que nous verrons être celle qui s’accorde avec la manière d’agir de cette même force. Si, au moment où l’aiguille est immobile, on la dérange de sa position, elle ne manque jamais d’y revenir, après avoir fait un certain nombre d’oscillations. Qu’auroient pensé les anciens philosophes, qui déjà prêtoient une ame aux aimants, quoiqu’ils ne connussent que leurs actions au contact, s’il leur étoit venu dans l’idée de suspendre un de ces corps à un fil ?

539. Ce que nous venons de dire nous conduit à une observation qui nous paroît intéressante, sur la manière de dénommer les deux fluides qui composent le fluide magnétique, et en même temps les pôles, ou les deux points de chaque aimant dans lesquels résident leurs actions. Le simple énoncé de l’hypothèse relative à l’existence de ces fluides, suffit pour faire concevoir que les répulsions magnétiques, semblables en cela aux répulsions électriques, sont dues à celles qui existent entre les fluides homogènes, et que les attractions proviennent de celles que les fluides hétérogènes exercent l’un sur l’autre. Il en résulte que quand une aiguille magnétique est dans sa direction naturelle, le pôle de cette aiguille, qui est tourné vers le Nord, est dans l’état contraire à celui du pôle de notre globe qui est dans la même partie ; et comme ce dernier pôle doit être le véritable pôle Nord relativement au magnétisme, ainsi qu’il l’est à l’égard des quatre points cardinaux, il paroît plus convenable de donner le nom de pôle austral à l’extrémité de l’aiguille qui est tournée vers le Nord, et celui de pôle boréal à l’extrémité opposée. Nous adopterons, en conséquence, ces dénominations, qui sont déjà usitées en Angleterre ; et par une suite nécessaire, nous nommerons fluide austral celui qui sollicite la partie de l’aiguille la plus voisine du Nord, et fluide boréal celui qui réside dans la partie située vers le Midi.

540. Nous avons déjà vu qu’il en est du magnétisme comme il en seroit de l’électricité, s’il n’existoit dans la nature que des corps parfaitement idio-électriques. Chaque aimant n’a jamais que sa quantité naturelle de fluide, qui est constante, en sorte qu’il ne peut ni recevoir d’ailleurs une quantité additionnelle de fluide, ni céder de celui qu’il possède par sa nature, et que le passage à l’état de magnétisme dépend uniquement du dégagement des deux fluides qui composent le fluide naturel et de leur transport vers les parties opposées du fer.

541. Plus ce métal est dur, et plus les deux fluides éprouvent de difficulté à se mouvoir dans ses pores ; et en général cette difficulté est toujours considérable et supérieure de beaucoup à la résistance que les corps mêmes le plus parfaitement idio-électriques opposent au mouvement interne des fluides dégagés de leur fluide naturel. Coulomb a donné à cette force le nom de force coercitive, comme à celle qui agit dans les corps idio-électriques (400).

542. La propriété qu’ont les aiguilles magnétiques de tourner une de leurs extrémités vers le Nord et l’autre vers le Midi, dépend de ce que le globe terrestre, comme nous l’avons dit (538), fait à l’égard de ces aiguilles la fonction d’un véritable aimant. Dans le développement des effets que produisent les corps magnétiques que nous soumettons à l’expérience, il est souvent nécessaire d’avoir égard à cette action du globe sur les aiguilles aimantées. Mais comme la science est encore trop peu avancée relativement à cet objet, pour permettre de déterminer directement et avec toute la précision convenable, à l’aide de la théorie, l’influence de cette même action, on y a supléé par des résultats d’observation, que l’on prend pour principes, au défaut de ceux que nous fourniroit une connoissance plus approfondie de la cause du magnétisme naturel. Parmi ces résultats, il en est deux qui sont surtout remarquables, et dont nous allons donner une idée.

543. Lorsqu’une aiguille aimantée est suspendue librement à un fil, son pôle austral est tiré vers le Nord, tandis que son pôle boréal est tiré en sens contraire vers le Midi ; et il est évident que dans le cas où les deux forces qui agissent sur cette aiguille varieroient par leur intensité, leur résultante étant toujours sur une seule ligne droite, l’aiguille resteroit constamment sur cette même ligne. Mais de plus, l’observation prouve que les deux actions qui tirent l’aiguille dans deux sens opposés sont sensiblement égales, quel que soit le point de la terre où se trouve l’aiguille. C’est la conséquence nécessaire d’une expérience de Bouguer qui, ayant suspendu à un fil, par le milieu, une aiguille non aimantée, auquel cas la direction du fil étoit verticale, puis ayant aimanté l’aiguille, observa que le fil conservoit son aplomb. Coulomb a tiré la même induction, de ce que le poids d’une aiguille aimantée restoit le même qu’avant l’opération qui avoit produit le magnétisme. On voit effectivement que si l’une des deux actions l’emportoit sur l’autre, son excès pourroit être considéré comme une force particulière dont la direction faisant un angle avec celle de la pesanteur, détermineroit un mouvement composé, en sorte que l’aiguille n’exerceroit pas sur la balance la même pression que quand elle n’étoit pas encore aimantée.

544. Avant de passer au second résultat, nous devons prévenir que l’on a donné le nom de méridien magnétique à celui dont le plan coïncide avec la direction que prend naturellement une aiguille aimantée. Supposons maintenant qu’ayant dérangé l’aiguille de cette direction, on l’abandonne ensuite à elle-même ; elle tendra aussitôt à reprendre sa première position, et cette tendance sera l’effet des différentes forces qui, à ce moment, agissent dans des sens obliques à la longueur de l’aiguille. Or, on peut, en les supposant décomposées, leur substituer une seule force perpendiculaire à l’aiguille, et appliquée à un point situé entre le milieu de cette aiguille et l’extrémité qui regarde le pôle dont elle est plus voisine. Cette force est ce qu’on appelle la force directrice de l’aiguille, et l’observation fait voir qu’elle est proportionnelle au sinus de l’angle que fait l’aiguille dérangée de sa direction naturelle avec cette direction elle-même.

Coulomb est parvenu à ce résultat par un moyen analogue à celui qu’il avoit employé pour déterminer la force électrique mise en équilibre avec la force de torsion d’un fil métallique très-délié (392). Nous rappellerons ici que, toutes choses égales d’ailleurs, la force de torsion est proportionnelle à l’angle de torsion, ou au nombre de degrés que parcourt un point quelconque pris sur la surface du fil, tandis que l’on tord celui-ci. Cela posé, l’aiguille étant d’abord librement suspendue à un fil métallique exempt de toute torsion, Coulomb imprime à ce fil une torsion d’un certain nombre de degrés ; alors l’aiguille s’écarte de son méridien magnétique, jusqu’à ce que la force directrice qui tend à l’y ramener soit en équilibre avec la force de torsion. L’observateur mesure l’angle que fait alors l’aiguille avec sa première direction, puis il augmente la torsion d’un certain nombre de degrés. L’aiguille, dans ce cas, s’écarte encore davantage de son méridien magnétique, et en même temps la force directrice qui tend à l’y faire revenir se trouve augmentée, parce que les forces dont elle est la résultante agissent suivant des directions moins obliques à la longueur de l’aiguille. La torsion terminée, l’aiguille prend de nouveau la position sous laquelle sa force directrice se trouve encore en équilibre avec la force de torsion, qui est mesurée par la première torsion, plus l’acroissement qu’elle a reçu. Or, on trouve que les nombres de degrés qui mesurent les deux torsions, sont proportionnels aux angles que faisoit l’aiguille avec sa première direction, dans les deux positions qui ont donné l’équilibre.

545. Ce résultat conduit à un autre, qui n’en est qu’un corollaire. Quelles que soient les directions des forces réelles qui agissent sur les différens points d’une aiguille, pour la ramener à son méridien magnétique lorsqu’elle en a été écartée, on peut toujours supposer à ces forces une résultante parallèle au méridien magnétique ; et il est facile de concevoir que cette résultante doit passer par un point placé dans la moitié de l’aiguille qui répond au pôle Nord du globe, si l’expérience se fait dans une des contrées boréales, ou au pôle Sud, dans le cas contraire. Or, en partant du fait que les forces directrices sont proportionnelles aux sinus des angles d’écartement, on trouve que la résultante, dont nous venons de parler, est une quantité constante, qui passe toujours par un même point de l’aiguille.

Il est facile de prouver la justesse de cette conséquence. Supposons que nck (fig. 58, Pl. IX) étant la direction de l’aiguille située dans son méridien magnétique, une force quelconque ait fait prendre à cette aiguille la direction lcf ; la force directrice peut être considérée comme une puissance appliquée à l’extrémité f du lévier cf. Représentons-la par fz perpendiculaire sur cf ; si, par le point f, nous menons fd parallèle à nk, la résultante de toutes les forces qui agissent sur l’aiguille, estimée parallélement au méridien magnétique, coïncidera avec fd. Menons par le point z la ligne zd, parallèle à fc, jusqu’à la rencontre de fd, et par le point f le sinus fg de l’angle fck ; le triangle dzf étant semblable au triangle cgf, nous aurons fg:fz :: cf:df, ou . Mais le premier rapport est constant, à cause que la force directrice est proportionnelle au sinus de l’angle fck. Donc le second rapport est aussi constant ; et puisque cf est le rayon, la résultante df sera pareillement une quantité constante, qui passera toujours par le point f de l’aiguille.

Mais ce n’étoit pas assez des résultats que nous venons d’exposer, pour établir une théorie des phénomènes magnétiques : il falloit surtout avoir déterminé la loi à laquelle sont soumises, à différentes distances, les forces qui agissent dans ces phénomènes. Plusieurs physiciens qui s’étoient occupés de la recherche de cette loi, avoient eu recours à des moyens si imparfaits, qu’on ne doit pas être étonné de voir leurs résultats si peu d’accord entre eux, et avec la véritable loi[1].

546. La précision des méthodes employées par Coulomb, pour déterminer cette loi, ne laisse plus aucun doute qu’elle ne suive la raison inverse du carré de la distance, comme celle qui régit les actions électriques (392). Mais ici, la manière dont le fluide étoit distribué dans les corps que l’on soumettoit à l’expérience, exigeoit des considérations particulières, fondées sur ce que ces corps avoient deux centres d’action qui étoient dans deux états opposés, au lieu que les corps électriques, qui avoient servi à des recherches dirigées vers un but semblable, n’étoient sollicités que par une seule électricité, ce qui permettoit de considérer toutes les forces comme réunies dans un seul centre d’action (53). Nous nous bornerons à dire pour le présent que, dans un aimant, les deux centres d’action sont à une petite distance des extrémités.

Coulomb est parvenu, par deux méthodes différentes, au but qu’il s’étoit proposé. La première consistoit à faire osciller une petite aiguille de 27 millimètres, ou un pouce, de longueur, vis-à-vis du centre d’action inférieur d’un fil, d’acier aimanté, long d’environ 6déc.,8, ou 25 pouces, de longueur, placé verticalement dans le plan du méridien magnétique.

Si nous faisons abstraction, pour l’instant, du centre d’action supérieur, nous devons concevoir que l’aiguille, tandis qu’elle fait ses oscillations, est sollicitée en même temps par deux forces, dont l’une réside dans le centre d’action inférieur du fil d’acier, et l’autre est la force directrice de l’aiguille. L’effet de cette dernière, lorsqu’elle agit seule sur une aiguille dérangée de son méridien magnétique, est aussi de produire dans cette aiguille un mouvement d’oscillation. Or, avant l’expérience, Coulomb avoit reconnu que l’aiguille, abandonnée à sa seule force directrice, faisoit 15 oscillations en 60 secondes. Mais il en est ici de l’aiguille comme d’un pendule qui oscille en vertu de la pesanteur. On prouve que l’action de cette force, pour faire osciller le pendule, est proportionnelle au carré du nombre d’oscillations faites pendant un temps donné, que l’on prend pour l’unité de temps. Ainsi, dans l’hypothèse présente, où l’aiguille est sollicitée à la fois par sa force directrice et par celle du fil d’acier, on a la valeur de cette dernière en soustrayant le carré de 15, du nombre d’oscillations faites par l’aiguille pendant 60 secondes.

Pour mettre de la précision dans les expériences, il falloit encore déterminer la distance à laquelle le fil d’acier étoit censé agir sur l’aiguille. Or, nous verrons, dans la suite, que cette action dépend de deux forces, dont chacune s’exerce sur un des pôles de l’aiguille, et qui conspirent à lui imprimer le même mouvement ; et comme l’aiguille étoit fort courte, en sorte que les distances de ses pôles au centre d’action du fil d’acier différoient peu l’une de l’autre, on pouvoit, sans erreur sensible, considérer le milieu de cette aiguille comme la distance moyenne entre celles auxquelles les deux actions s’exerçoient, et c’étoit relativement à ce point qu’il s’agissoit d’estimer la force du fil en présence duquel l’aiguille oscilloit.

Un exemple servira à répandre du jour sur tout ce qui vient d’être dit. L’aiguille placée d’abord de manière que son centre d’action étoit à 108 millimètres, ou 4 pouces, de distance du fil d’acier, fit 41 oscillations en une minute : placée ensuite à une distance double, elle ne fit plus que 24 oscillations en une minute. Donc les forces totales qui sollicitoient l’aiguille dans ses deux positions, étoient entre elles comme le carré de 41 est à celui de 24, ou comme 1681 à 576. Si l’on retranche de chacun de ces deux nombres le carré de 15 ou 225, on aura pour le rapport entre les forces du fil d’acier, celui de 1456 à 351, qui diffère peu de celui de 4 à l’unité[2]. Et parce que les distances correspondantes sont entre elles comme 1 est à 2, on en conclura que les forces sont en raison inverse du carré des distances.

Cependant le nombre d’oscillations faites en 60 secondes, ne donnoit pas toujours exactement la quantité de l’action exercée par le fil d’acier. Cette exactitude n’avoit lieu sensiblement qu’autant que l’aiguille étoit à des distances assez petites du fil d’acier, pour permettre de négliger la force du pôle supérieur de ce fil, qui alors étoit dirigée suivant une ligne peu éloignée de la verticale, et qui d’ailleurs agissoit de beaucoup plus loin que le pôle inférieur. Mais lorsque l’aiguille étoit plus écartée du fil d’acier, alors la partie de la décomposition de cette force, qui étoit dans le sens horizontal, le même que celui suivant lequel agissoit le pôle inférieur, devenoit plus appréciable par rapport à la force de ce même pôle, et aussi n’étoit-ce qu’en faisant la petite correction qu’elle exigeoit, que l’on parvenoit à représenter la loi cherchée, avec toute la précision convenable.

547. L’autre méthode étoit analogue à celle que Coulomb avoit employée relativement à l’électricité. Il faisoit de la balance électrique une balance magnétique, en remplaçant, par une longue aiguille aimantée, le lévier suspendu au fil métallique, et en substituant à la balle de cuivre une semblable aiguille placée verticalement sur le méridien magnétique. Telle étoit la disposition respective des deux aiguilles, que quand celle qui étoit mobile alloit toucher l’autre, en conservant sa position à peu près horizontale, le contact se faisoit par un des centres d’action de la première, et le centre inférieur de la seconde.

La tendance naturelle de l’aiguille à revenir dans son méridien magnétique, étoit encore ici une action particulière qui se composoit avec les actions réciproques des deux aiguilles ; actions dont s’agissoit de trouver le rapport, en les démêlant de cette combinaison. Pour y parvenir, Coulomb compara d’abord la première force toute seule avec la force de torsion, et il trouva que si l’on tordoit le fil métallique qui portoit l’aiguille mobile, d’abord sous un angle de 35 degrés, l’aiguille s’écartoit d’un degré de son méridien magnétique ; et qu’ensuite si l’on tordoit le fil sous des angles qui fussent successivement doubles, triples, quadruples, etc., de 35 degrés, l’aiguille alloit se placer à 2 degrés, 3 degrés, 4 degrés, etc., de son méridien magnétique ; et ainsi en retranchant de chaque torsion imprimée le nombre de degrés qui donnoit la distance de l’aiguille au méridien, c’est-à-dire, la quantité dont le fil s’étoit détordu, en vertu du mouvement de l’aiguille, on trouvoit que la force de l’aiguille, pour réagir contre chaque torsion, équivaloit à autant de fois 35 degrés de torsion, que l’arc qui mesuroit la distance de l’aiguille au méridien renfermoit de degrés.

Cela posé, pour rendre plus sensible le procédé de Coulomb, nous allons donner encore ici l’exposé d’une de ses expériences. Soit S (fig. 59) la position du pôle inférieur de l’aiguille fixe, que nous supposons être le pôle Sud. Cette aiguille étant située verticalement dans le plan de son méridien magnétique, Coulomb met en contact avec ce pôle celui de même nom S de l’aiguille mobile sn, et cela de manière que le fil métallique n’ait aucune torsion : à l’instant l’aiguille fixe repousse l’aiguille mobile à une distance de 24 degrés, en sorte que cette dernière prend la position s′n′.

Or, la tendance à retourner au méridien agit en sens contraire du mouvement que vient de faire l’aiguille mobile, et par conséquent elle diminue d’autant la véritable répulsion, ou celle qui auroit lieu si cette tendance étoit nulle ; c’est-à-dire, que celle-ci remplace la force de torsion qu’il faudroit ajouter à celle de 24 degrés pour maintenir l’aiguille à la même distance, en vertu de la seule répulsion. Mais, lorsque l’aiguille est à 24 degrés du méridien, la torsion qui mesure sa tendance à y retourner est égale à 35 fois 24 degrés, qui font 840 degrés. Donc la répulsion qu’il s’agissoit d’estimer équivaloit à une torsion de 840 degrés, plus 24 degrés, ou de 864 degrés.

Les choses étant dans cet état, Coulomb donne au fil métallique une nouvelle torsion égale à trois circonférences de cercle, en sens contraire du mouvement de 24 degrés qu’avoit déjà fait l’aiguille suspendue au fil, c’est-à-dire, dans le sens bSd, et alors cette aiguille se rapproche à 17 degrés de l’aiguille fixe, en prenant la position s″n″. Or, trois fois 360 degrés font 1080 degrés ; et puisque cette torsion n’est qu’une continuation de celle qui existoit déjà[3], et qui se trouve réduite à 17 degrés, on aura 1097 degrés pour la torsion qui mesure la force répulsive mutuelle des deux aiguilles, moins la tendance à retourner au méridien. Mais cette tendance équivaut à une force de torsion de 17 fois 35 degrés, ou de 595 degrés ; donc si l’on ajoute 595 degrés à 1097 degrés, la somme 1692 degrés donnera la torsion qui fait équilibre à la répulsion qu’il falloit évaluer.

Il suit de là que les deux répulsions sont entre elles comme 864 à 1692, c’est-à-dire, dans un rapport qui approche beaucoup de celui de 1 à 2. Mais les distances correspondantes étoient 24 et 17, dont les carrés 576 et 289 approchent beaucoup du rapport de 2 à 1, d’où l’on voit que les répulsions magnétiques suivent la raison inverse du carré des distances.

Nous avons choisi pour exemples les résultats qui conduisent aux rapports les plus simples. Mais l’expérience a prouvé que la loi des répulsions étoit constante, quel que fût le rapport entre les distances, et l’on a obtenu des résultats analogues, en substituant l’attraction à la répulsion.

2. Des Attractions et Répulsions Magnétiques.

548. Nous sommes maintenant en état d’expliquer les phénomènes que produisent les aimants en vertu de leurs actions mutuelles. La plupart de ces explications ne sont, pour ainsi dire, que la traduction de celles que nous avons données (410) des effets que présentent les corps idio-électriques, dont une partie est à l’état vitré, et l’autre à l’état résineux, et particulièrement les tourmalines. Nous pouvons supposer, si nous voulons, que le fluide boréal d’un aimant fait la même fonction que le fluide vitré d’une tourmaline, et que le fluide austral est l’analogue magnétique du fluide résineux, et tout ce que nous avons dit de l’espèce de pierre dont il s’agit, s’appliquera comme de soi-même aux aimants. Ainsi le rapprochement des phénomènes qui appartiennent aux deux branches de connoissances, se trouve limité à ceux où chaque corps n’a que sa quantité naturelle de fluide, qui peut bien être décomposée, mais jamais augmentée ni diminuée. Par une suite nécessaire, le fluide électrique aura cela de particulier, qu’il se communique librement d’un corps à l’autre, et que, dans certaines circonstances, il se manifeste aux regards par des étincelles et des jets de lumière, tandis que le fluide magnétique agit en silence, et ne devient sensible que par les mouvemens qu’il imprime à d’autres corps placés dans sa sphère d’attraction ou de répulsion. Mais si cette manière d’agir ne promet pas des phénomènes aussi frappans que ceux auxquels l’électricité donne naissance, elle en offre qui méritent d’autant mieux d’être étudiés par des observateurs attentifs, que plus une cause semble affecter de se cacher, et plus elle fait paroître la sagacité de ceux qui en ont pénétré le mécanisme.

549. Lorsque deux morceaux de fer A et B, en présence l’un de l’autre, sont dans l’état naturel, leur équilibre, ainsi que celui des corps qui ne donnent aucun signe d’électricité, dépend de quatre forces qui se détruisent mutuellement. En nous bornant à considérer ces forces dans le corps A, parce que toute action est réciproque, nous devons concevoir que le fluide austral de ce corps agit par attraction sur le fluide boréal de B, et par répulsion sur son fluide austral ; et que, d’une autre part, le fluide boréal de A agit par attraction sur le fluide austral de B, et par répulsion sur son fluide boréal. Un raisonnement semblable à celui que nous avons fait (406) par rapport aux actions électriques, prouvera que les quatre forces dont il s’agit ici sont égales entre elles ; et comme il y a deux attractions et deux répulsions, il s’ensuit que toutes les forces sont en équilibre.

550. Nous avons vu (411) que quand deux corps idio-électriques ont leurs parties dans des états opposés, et qu’on les met en présence, ils s’attirent par leurs côtés différemment électrisés, et se repoussent par leurs côtés semblablement électrisés. De même si deux aimants (fig. 60) se regardent de manière que M tourne son pôle boréal B vers le pôle austral a de l’aimant N ; le fluide boréal de B, par exemple, étant à une plus petite distance de l’aimant N que le fluide austral de A, nous pourrons considérer l’aimant M comme étant tout entier à l’état boréal, en vertu d’une force B′, égale à la différence entre les forces de A et de B ; et la force B′ agissant plus par attraction sur le fluide austral du pôle a que sur le fluide boréal de b, qui est plus éloigné de l’aimant M, l’attraction l’emportera ; et si les deux aimants sont libres de se mouvoir, ils s’approcheront jusqu’au contact et adhéreront l’un à l’autre ; si, au contraire, le pôle b étoit tourné vers le pôle B, comme le représente la fig. 61, il est facile de voir, en faisant le même raisonnement, avec une simple inversion dans les termes, qu’il y aura répulsion entre les deux aimants. Ce sera la même chose, si l’on suppose que ces aimants tournent, l’un vers l’autre, leurs pôles A, a, sollicités par le fluide austral. En général, deux aimants s’attirent par leurs pôles de différens noms, et se repoussent par leurs pôles de même nom.

551. Concevons que le corps N (fig. 60) soit un barreau de fer qui, étant d’abord à l’état naturel, se trouve placé dans la sphère d’activité de l’aimant M, de manière que cet aimant tourne vers lui son pôle boréal B. La force B′ de cet aimant, égale à l’excès de la force de B sur celle de A, agira pour décomposer le fluide de N ; et il est visible que l’effet de cette action sera d’attirer vers a le fluide austral dégagé de la combinaison, et de repousser vers b le fluide boréal ; c’est-à dire, que le barreau N acquerra lui-même la vertu magnétique, en sorte que les pôles les plus voisins seront ceux de noms différens, et que les deux aimants s’attireront. Le résultat sera le même, si l’on suppose que le barreau de fer ait été présenté à l’aimant M du côté opposé, de manière que cet aimant tournât vers lui son pôle austral A. Concluons de là que, lorsqu’on met en présence d’un aimant un barreau ou un morceau quelconque de fer qui étoit auparavant à l’état naturel, l’action de l’aimant lui communique un magnétisme contraire à celui du pôle dont ce barreau étoit le plus voisin, en sorte que, dans ce cas, il y a toujours attraction entre les deux corps. Le physicien ne fait encore ici que se servir du fluide magnétique pour répéter une expérience électrique ; savoir, celle où un corps qui est dans un certain état d’électricité, commence par faire sortir un autre corps de son état naturel, et ensuite l’attire à lui (407).

552. Le barreau qui a reçu le magnétisme, agit à son tour sur l’aimant qui le lui a communiqué, en décomposant une nouvelle portion du fluide naturel de cet aimant, dont une partie est attirée vers le pôle le plus voisin du barreau, et l’autre repoussée vers le pôle opposé. La même chose arrive, à plus forte raison, lorsqu’on fait prendre le magnétisme à un barreau, par le contact immédiat d’un autre barreau déjà aimanté : il en résulte une espèce de paradoxe très-embarrassant pour les physiciens qui admettoient des tourbillons ou des effluves magnétiques ; c’est qu’un aimant pouvoit devenir plus fort lorsqu’il paroissoit avoir cédé une partie du fluide dans lequel résidoit sa force. Au reste, ce surcroît de vertu acquis par l’aimant, n’est bien sensible qu’autant que la force coercitive de cet aimant n’est pas très-considérable.

553. Réaumur a observé le premier, avec surprise, qu’un aimant qui avoit à peine la force nécessaire pour soutenir un morceau de fer d’un poids déterminé, l’enlevoit plus aisément lorsqu’on plaçoit ce fer sur une enclume. Cet effet s’explique de soi-même dans la théorie que nous avons adoptée : le fer ne peut être en contact avec l’aimant, sans devenir aimant lui-même ; dès lors il agit de son côté sur l’enclume pour l’aimanter aussi, et l’enclume, à son tour, réagit sur lui pour augmenter la quantité de fluide libre dans chacun de ses pôles, c’est-à-dire, qu’elle le rend plus attirable qu’il ne le seroit sans elle.

554. Reprenons l’hypothèse où le corps N (fig. 60) ayant passé de l’état naturel à celui de magnétisme, par l’action du corps M, les positions respectives des pôles étoient celles que représente la figure. Supposons de plus, pour mettre l’expérience dans le cas le plus favorable, que les deux corps soient en contact par leurs pôles B, a. Si l’on place derrière le corps N, auprès du point b, un nouveau corps qui soit dans l’état naturel, l’action de N le convertira, à son tour, en un aimant dont le pôle austral sera contigu au pôle b, et l’on pourra continuer cette série indéfiniment. Une manière assez curieuse de varier cette expérience, consiste à présenter un des pôles d’un petit barreau magnétique à l’une des extrémités d’une aiguille à coudre, puis à élever le barreau pour que l’aiguille y reste suspendue : l’extrémité inférieure de celle-ci sert ensuite comme d’amorce pour attirer une seconde aiguille, qui demeure de même suspendue à la première ; et ainsi de suite, tant que la force magnétique l’emporte sur la pesanteur qui agit pour rompre la chaîne.

555. Voici un autre résultat qui, tout élémentaire qu’il est aujourd’hui pour ceux qui connoissent tant soit peu la théorie de l’aimant, en offre une preuve si parlante, qu’il mérite, par cela seul, d’être cité. On a deux barreaux aimantés à peu près d’égale force, et l’on présente tour à tour à chacun d’eux une clef qu’il soit capable d’enlever, ce qui a lieu, quel que soit le pôle que l’on mette en contact avec la clef. On dispose ensuite un des barreaux sur une table, de manière qu’il la dépasse assez pour que la clef y reste suspendue. On pose alors l’autre barreau sur celui auquel la clef est adhérente, en faisant correspondre du même côté les pôles de différens noms ; à l’instant la clef tombe, parce que l’action que le pôle en contact avec elle exerce pour attirer à lui le fluide hétérogène de cette clef, est presque détruite par l’action répulsive du second barreau ; d’où l’on voit que l’explication du fait suppose nécessairement ce principe, que le fer mis en contact avec un aimant, devient aimant lui-même. On conçoit aussi la raison de l’espèce de surprise que cet effet occasionne, lorsque l’esprit n’est pas en garde contre le paradoxe qui se présente à l’œil, et qui consiste en ce qu’une force est détruite par l’addition d’une autre force qui, employée seule, produit en apparence un effet tout semblable.

556. L’action du magnétisme se transmet librement à travers tous les corps qui ne sont pas susceptibles de l’acquérir. Que l’on interpose une planche, une glace, une plaque de cuivre, etc., entre deux aimants, on ne remarquera aucune altération sensible dans leurs actions réciproques. Le charlatanisme a profité de cette faculté qu’ont les forces magnétiques de n’être arrêtées par aucun obstacle, pour donner un air de prestige à des phénomènes très-ordinaires, à l’aide d’un mécanisme qui en déroboit aux regards le véritable agent.

Mais ici l’expérience seule, dégagée de tout ce qui pourroit la déguiser, conduit à des résultats qui paroissent faits pour déconcerter la sagacité du physicien lui-même ; et jamais une théorie n’est mieux établie que quand ses principes, que l’on auroit crus d’abord ébranlés par les difficultés qui naissent de ces résultats, empruntent, au contraire, une nouvelle force des solutions heureuses qu’ils en fournissent. Nous avons déjà eu occasion de citer plusieurs de ces solutions, et ce qui va suivre nous en offrira de nouveaux exemples qui ne sont pas moins remarquables.

557. On dispose verticalement, à une distance de quelques centimètres, deux barreaux de fer aimanté, dont les pôles opposés sont tournés du même côté : on recouvre ensuite les extrémités supérieures avec une planche mince ou une feuille de papier parsemée de limaille de fer ; à l’instant les parcelles de cette limaille s’arrangent de manière à former une multitude de courbes plus ou moins évasées, qui se croisent toutes dans les points situés immédiatement au-dessus des extrémités supérieures des deux aimants. La figure 62 peut donner une idée de cet assemblage de courbes.

Les physiciens ont regardé ce phénomène comme une preuve évidente de l’action des tourbillons magnétiques. Les autres expériences ne donnoient matière qu’à des conjectures sur l’existence de ces tourbillons : dans celle-ci on les voyoit se peindre eux-mêmes.

Nous allons analyser le phénomène, pour en mieux faire saisir la véritable explication d’après les principes de notre théorie. Soit CG (fig. 63, Pl. X) un aimant qui ait son centre d’action boréale en B, et son centre d’action australe en A. Concevons que l’on suspende librement une aiguille de fer extrêmement courte, vers un point N plus voisin de B que de A : cette aiguille, que nous supposons avoir été jusque-là dans l’état naturel, deviendra elle-même un aimant ; et parce que l’on peut regarder alors l’aimant CG comme sollicité par une seule force, en vertu d’une certaine quantité B′ de fluide boréal (550), l’aiguille prendra une position oblique à l’aimant, telle que ba, de manière que a sera son pôle austral, et b son pôle boréal. Les choses étant dans cet état, concevons que l’on fasse mouvoir le centre c de l’aiguille, d’une très-petite quantité, le long de la ligne ad située sur le prolongement de cette aiguille, en sorte que son centre parvienne, par exemple, en g : en vertu de ce seul mouvement, l’extrémité a de l’aiguille se rapprochera du point B ; d’où il suit que l’aiguille prendra une nouvelle position moins oblique que la précédente, et dirigée suivant une ligne em qui fera, avec la ligne bd, un angle infiniment petit. Si l’on fait faire au centre c un nouveau mouvement le long de la ligne em, de manière que ce centre parvienne en f, l’aiguille prendra une nouvelle direction, telle que fl, infiniment peu inclinée sur la direction précédente. Si l’on continue de faire mouvoir de la même manière le centre de l’aiguille, il est aisé de voir que ce centre décrira une courbe cgfn, etc., dont les côtés coïncideront avec les différentes directions de l’aiguille.

Il y aura un point de la courbe où l’aiguille qui s’écarte continuellement du parallélisme avec CG, prendra une direction nr perpendiculaire sur cette ligne. Au delà de ce point, l’extrémité de l’aiguille tendant toujours à se rapprocher de plus en plus du point B, les nouveaux côtés rs de la courbe seront inclinés en sens contraire des premiers côtés cg, gf, etc. ; et enfin, lorsque l’extrémité a de l’aiguille sera infiniment près du point B, la courbe passera par ce même point. Au dessous elle formera des côtés qui approcheront toujours davantage du parallélisme avec CG ; et lorsque le centre de l’aiguille sera en p, situé précisément au-dessous du centre O de l’aimant CG, la direction xy de l’aiguille sera parallèle à CG, à cause de l’équilibre entre les forces des pôles B et A. Au delà de ce terme, la force du pôle A étant devenue prépondérante, la courbe s’infléchira vers le point A, et finira par y passer, en formant une nouvelle branche xzAM, semblable à la branche opposée.

Imaginons maintenant que l’on ait disposé sur la circonférence de cette courbe, les centres d’une multitude d’aiguilles très-courtes ; bientôt ces aiguilles prendront de telles positions, que chacune d’elles se dirigera suivant la tangente au point de la courbe, lequel se confondra avec le centre de l’aiguille ; et comme toutes ces aiguilles se regardent par leurs pôles de différens noms, elles adhéreront entre elles, et formeront elles-mêmes une courbe continue.

Si l’on substitue à ces aiguilles des parcelles de limaille, et qu’au lieu de supposer ces parcelles librement suspendues, on conçoive qu’elles soient couchées sur un plan où elles éprouvent un certain frottement, la résistance produite par ce frottement les empêchera de glisser vers les points A, B, qui agissent pour les attirer ; en même temps cette force attractive pourra être telle, que les parcelles de limaille prennent la direction qu’elles auroient, dans le cas où elles seroient mobiles autour de leurs centres, surtout si l’on seconde leur tendance, en secouant très-légèrement le plan qui les soutient, en sorte qu’elles y formeront, par leur assemblage, la ligne courbe dont nous avons parlé. On comprend aisément que si le plan est couvert de parcelles de limaille, celles-ci se dirigeront sur les côtés de différentes lignes courbes relatives à autant de systèmes d’actions particuliers, et qui auront deux intersections communes aux points A et B, ce qui est conforme à l’observation.

558. On peut expliquer, avec la même facilité, un petit phénomène qui a du rapport avec le précédent, et qui est d’autant plus piquant par sa singularité, qu’il semble mettre l’expérience en contradiction avec la théorie. Voici en quoi il consiste. On place sur une planche OR (fig. 64) un fil de fer délié, long de deux ou trois millimètres, et l’on tient au-dessus de cette table, à la distance de quelques centimètres, un barreau magnétique AB, dans une position verticale, dont l’extrémité inférieure, qui peut être indifféremment le pôle boréal ou le pôle austral, soit située de côté, par rapport au fil de fer. À l’instant ce fil s’élève par l’extrémité la plus voisine du barreau, en prenant une position oblique telle que ba. On imprime ensuite de légères secousses à la planche, de manière à faire un peu sautiller le fil de fer, et on le voit s’approcher continuellement du barreau, jusqu’à ce qu’il vienne se placer immédiatement au-dessous du pôle B, dans une situation verticale.

Jusqu’ici il n’est rien arrivé que l’observateur n’eût deviné d’avance. Maintenant si l’on place le barreau en dessous de la planche, ainsi qu’on le voit fig. 65, et que du reste on opère comme dans le cas précédent, le fil ba se dressera de nouveau, en faisant un angle plus ou moins aigu avec la surface de la planche ; mais à mesure qu’on imprimera de petites secousses à cette planche, le fil s’écartera continuellement du barreau, en se rapprochant du point R, quoiqu’il soit bien évident que le barreau exerce sur lui une force attractive.

Pour éclaircir ce paradoxe, reprenons le cas où le barreau étoit en dessus de la table. Soit B (fig. 66) le centre d’action inférieur de ce barreau. Au moment où le fil se dresse, nous pouvons le considérer comme un petit lévier ab dont le point d’appui est au point b, et dont l’extrémité a est sollicitée à la fois par l’attraction du pôle B et par la pesanteur qui agit pour le faire descendre. Or, cette dernière force s’oppose en partie à l’effet de l’attraction de B, en sorte que l’angle abs, formé par la direction du fil avec le plan OR, est plus petit que l’angle Bbs qui auroit lieu dans l’hypothèse où le fil se dirigeroit suivant la ligne bB, qui passe par le pôle du barreau.

Supposons maintenant que, par l’effet d’une force quelconque, le fil ab se détache du plan OR, de manière que son centre de gravité c se relève un peu au-dessus de sa première position, et parvienne au point c′ situé sur la verticale ucz : si nous imaginons, pour un instant, qu’il ait pris la position a′b′ parallèle à ab, il ne la conservera pas ; mais ses extrémités b′, a′, étant alors toutes les deux libres de se mouvoir, le fil tournera autour du point c′, et tendra à se diriger sur une ligne qui passe par le pôle B, ce qui ne peut avoir lieu sans que son extrémité b′ ne s’abaisse vers le plan OR ; et lorsqu’elle le touchera, le fil ayant une direction telle que b″a″, dont le prolongement passe par le pôle B, ou à peu près, son extrémité b″ sera plus voisine de la verticale sB, que lorsqu’il avoit la position ba. En même temps, la résistance du plan OR offrant de nouveau un point d’appui au petit lévier qui repose sur lui par son extrémité b″, celle-ci restera fixe, tandis que l’extrémité opposée a″ descendra un peu par l’effet de la gravité, de manière que l’angle a″b″s diminuera d’une petite quantité, en restant cependant toujours plus ouvert que le premier angle abs.

Pendant la descente du point a″, le centre de gravité c′ quittera la verticale uz, et se placera dans un point x, situé sur un arc dont b″c′ sera le rayon, d’où il suit qu’il se rapprochera de sB. Si l’on imprime au plan OR une seconde secousse, et que l’on imagine une nouvelle verticale, qui passe par le point x, et le long de laquelle se meuve le centre de gravité du fil, le même effet se répétera, et ainsi de suite, en sorte que le point b″ aura un mouvement progressif vers le point s, et finira par coïncider avec lui, en se dirigeant dans le sens de la verticale sB.

La supposition que nous avons faite d’une verticale dont le centre de gravité du fil suivoit la direction, en s’élevant au-dessus de sa position précédente, n’est pas éloignée de la vérité ; car les distances des pôles a, b du fil au pôle B de l’aimant, ne différant que d’une très petite quantité relativement à elles-mêmes, à cause du peu de longueur de ce fil, les deux actions du pôle B, dont l’une attire le pôle a et l’autre repousse le pôle b, sont à peu près égales ; et comme la secousse imprimée au plan est censée agir suivant une direction diamétralement opposée à celle de la pesanteur, il en résulte que le centre de gravité du fil reste sensiblement dans une même verticale, pendant que ce fil monte ou descend.

Le phénomène doit présenter des effets inverses, lorsque l’aimant est situé en dessous du plan OR, comme on le voit fig. 67, où l’on a supposé que le pôle A, le plus voisin du plan OR, étoit le pôle austral, ce qui est indifférent pour le résultat. Dans cette hypothèse, le fil de fer ayant pris de lui-même la direction ba, si l’on donne une petite impulsion au plan OR, et que c′ soit la nouvelle position du centre de gravité du fil, il est facile de voir que ce fil, au lieu de rester sur une direction a′b′ parallèle à ab, s’abaissera par son extrémité b′, de manière que quand celle-ci touchera le plan OR, la direction du fil sera sur la ligne a″b″A, qui passe par le pôle A de l’aimant ; d’où il suit que l’extrémité b″ sera plus éloignée de la verticale As que dans sa première position. Mais au même moment le fil soutenu au point b″ par le plan descendra un peu par son extrémité a″, en vertu de la pesanteur, et son centre de gravité se transportera à la droite de la verticale uz ; après quoi il est facile de concevoir comment les nouvelles secousses imprimées au plan OR détermineront le fil à se rapprocher du point R, de manière que l’attraction exercée sur lui par l’aimant paroîtra s’être changée en répulsion.

559. Nous indiquerons une expérience très-facile à faire, qui offre un nombreux assemblage de petits phénomènes semblables à celui dont nous venons de donner l’explication. Au lieu d’un seul fil de fer, on met sur la planche OR une pincée de limaille, et on dispose l’aimant en dessous de la planche, de manière que sa direction prolongée passe par le centre de l’endroit recouvert de limaille. À mesure qu’on agite la planche par de légères secousses, on voit les parcelles de limaille s’écarter de toutes parts, comme si elles étoient mues sur les rayons d’un cercle, et laisser à l’endroit qu’elles occupoient d’abord un vide autour duquel elles s’arrangent en forme de disque.

560. Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de donner une idée de la manière dont les deux fluides magnétiques sont distribués dans l’intérieur d’un aimant. Cette distribution, qui est analogue à celle du fluide électrique autour d’un conducteur, ou à celle des deux fluides électriques dans une tourmaline, se fait, en général, de manière que les densités magnétiques étant très considérables vers les extrémités, décroissent ensuite rapidement, et deviennent presque nulles dans un espace sensible situé vers le milieu de l’aimant. Il en résulte que les centres d’action sont, comme nous l’avons dit (546), à une petite distance des extrémités. Par exemple, cette distance n’étoit que de 22mill.,5, ou 10 lignes, dans un fil d’acier de 67cent.,5, ou 25 pouces, de longueur. On jugera à peu près de cette proximité des centres d’action à l’égard des extrémités d’un fil ou d’un barreau d’acier aimanté, en tenant ce barreau dans une position verticale, vis-à-vis d’une aiguille de boussole suspendue librement, et en le faisant monter et descendre, de manière que les différens points de sa longueur se présentent successivement à l’aiguille ; on remarquera dans cette aiguille une tendance sensible vers un certain point du barreau, qui sera peu éloigné de l’extrémité située du même côté.

Cette distribution des deux fluides magnétiques dans un aimant, dépend de ce que les forces de ces fluides suivent la raison inverse du carré de la distance. À en juger par les apparences, l’action de chaque moitié de l’aimant provient uniquement de la présence d’un seul fluide à l’état de liberté. Mais tout nous conduit à admettre une hypothèse très-heureuse de Coulomb, que nous avons déjà indiquée en parlant de l’électricité (458). Elle consiste à regarder chaque molécule de fer comme étant un petit aimant, qui a son pôle boréal et son pôle austral égaux en force l’un à l’autre. Tous les petits aimants dont un barreau magnétique est l’assemblage sont rangés sur différentes files parallèles à l’axe du barreau, de manière que le pôle boréal de l’un est contigu au pôle austral du suivant, ou réciproquement. Nous allons essayer de faire voir comment cette hypothèse offre l’équivalent de ce qui auroit lieu, si chaque moitié de l’aimant étoit dans un seul état de magnétisme.

561. Concevons d’abord une aiguille infiniment déliée mn (fig. 68), composée d’une infinité de petites aiguilles partielles c, d, e, f, etc., et supposons que cette aiguille ait été mise à l’état de magnétisme par l’action d’un aimant. Dans ce cas, toutes les forces contraires des pôles contigus b, a′ ; b′, a″, etc.[4], seront égales entre elles, en sorte que leurs actions se réduiront à zéro. Quant aux forces des deux pôles extrêmes, savoir, celle du pôle a de l’aiguille c, et celle du pôle b de l’aiguille r, qui seules sont en activité, à cause de leur isolement, comme les quantités de fluide dont elles dépendent ne résident que dans deux points, elles sont censées agir sur tous les pôles intermédiaires à des distances infinies, et par conséquent leur action est nulle pour altérer l’état de l’aiguille entière.

Si donc il existoit une pareille aiguille magnétique, ses deux centres d’action seroient situés dans ses points extrêmes, et tout l’espace intermédiaire seroit censé être dans l’état naturel.

Mais l’hypothèse d’une aiguille infiniment déliée n’est qu’idéale, et tous les aimants ont nécessairement une épaisseur plus ou moins sensible. Or, nous pouvons faire entrevoir, à l’aide du raisonnement, quel doit être le résultat de l’influence mutuelle des différentes aiguilles semblables à mn, dont un aimant est censé être l’assemblage, pour mettre cet aimant dans l’état où nous l’offre l’observation.

Imaginons que MN étant l’aimant dont il s’agit, la distribution des deux fluides soit d’abord la même dans chacune de ses aiguilles composantes, que celle qui a lieu dans l’aiguille mn ; supposons, de plus, que l’on mette celle-ci en contact avec l’aimant MN, en sorte qu’elle ne forme plus qu’un avec lui, et examinons l’action qu’il doit exercer sur les différens points de cette aiguille. Si nous divisons l’aimant MN, par la pensée, en autant de parties C, D, E, F, etc., qu’il y a d’aiguilles partielles dans l’aiguille mn, nous aurons une suite d’aimants dans lesquels les forces des pôles contigus B, A′ ; B′, A″, etc., se détruiront mutuellement ; et ainsi MN, dans la supposition présente, ne pourra agir sur l’aiguille mn qu’à l’aide des forces qui ont leur siége dans les pôles extrêmes, savoir, le pôle A de la partie C, et le pôle B de la partie R. Or, chacune de ces forces est celle d’un fluide qui s’étend sur une surface égale à la base de la partie C ou R, composée d’une infinité de points, d’où il résulte qu’elle agit à des distances finies sur toutes les petites aiguilles c, d, e, f, etc.

Or, le fluide du pôle supérieur A attire à lui le fluide boréal du pôle b, b′, b″, etc., de chacune de ces aiguilles, et repousse le fluide austral du pôle a, a′, a″, etc. Donc il y aura un certain nombre de molécules hétérogènes qui se réuniront dans chaque aiguille, et recomposeront une partie du fluide naturel. Mais le fluide du pôle A agit plus fortement sur les aiguilles voisines de l’extrémité m, et plus foiblement sur celles qui sont à une certaine distance de m. Donc la quantité de fluide naturel recomposé décroîtra d’une aiguille à l’autre ; et par une suite nécessaire, les portions de fluide qui restent à l’état de dégagement iront, au contraire, en croissant depuis l’extrémité m. Les mêmes effets auront lieu en sens contraire, en vertu de l’action du pôle inférieur B sur les aiguilles r, o, h, etc.

Il suit de là que si l’on représente par a, b, a′, b′, etc., les quantités de fluide qui restent à l’état de dégagement dans les aiguilles dont ces lettres nous ont servi à désigner les pôles, et si l’on compare les deux aiguilles c, d, on aura a′ plus grand que b ; de même, en comparant e avec d, on aura a″ plus grand que b′, etc. ; d’où nous conclurons que l’action a′b des deux premiers pôles, ainsi que l’action a″b′ des deux suivans, équivaut à celle d’un seul pôle austral animé d’une force égale à l’excès de a′ sur b, ou de a″ sur b′. En faisant un raisonnement semblable à l’égard des pôles suivans, jusqu’au milieu de l’aiguille mn, on en conclura que toute cette moitié est dans le même cas que si elle étoit sollicitée par une suite de quantités décroissantes de fluide austral. Ce sera le contraire par rapport à la moitié inférieure de l’aiguille mn. Les différences b′a, b″a′, etc., entre les quantités de fluide qui appartiennent aux aiguilles partielles r, o, etc., représenteront chacune une force boréale, et toute cette seconde moitié de l’aiguille sera censée être à l’état de magnétisme boréal. De plus, les points également distans des extrémités étant sollicités par des forces égales et contraires, on aura, au milieu de l’aiguille, b″′a″′=0 ; d’où il suit que ce point sera neutre[5].

Mais parce que les forces de l’aimant MN suivent la raison inverse du carré de la distance, elles agiront avec une intensité incomparablement plus grande sur les aiguilles voisines des extrémités m, n, que sur celles qui sont à une certaine distance de ces extrémités ; en sorte que si l’aiguille mn est un peu longue, l’effet de ces forces deviendra presque nul sur la partie moyenne de l’aiguille. Ainsi les fluides conserveront à peu près leur état primitif dans cette partie, d’où il résulte qu’elle ne différera pas beaucoup de l’état naturel.

Ce que nous avons dit de l’aiguille infiniment déliée mn, a également lieu par rapport à toutes les aiguilles dont un aimant MN d’une épaisseur sensible est l’assemblage, et cela en vertu des actions réciproques de ces aiguilles ; de manière qu’à l’instant même où cet aimant a été tiré de l’état naturel, il s’est établi dans son intérieur une distribution générale des deux fluides, semblable à celle que nous avons considérée par rapport à une seule aiguille, pour aider nos conceptions.

562. Il est facile maintenant de résoudre la difficulté que présente un phénomène qui a beaucoup étonné les physiciens, et dont Æpinus lui-même n’a donné qu’une explication peu satisfaisante. On coupe un barreau magnétique vers l’une de ses extrémités, de manière à en détacher une portion qui peut avoir si peu de longueur que l’on voudra, et à l’instant cette portion devient elle même un aimant complet, qui a encore ses deux moitiés sollicitées par des forces égales et contraires. Comment concevoir, dans les théories ordinaires, le double magnétisme dont se trouve pourvu, tout à coup, par une sorte de création, ce segment qui étoit auparavant tout entier dans un état unique, semblable à celui de la partie dont il a été ensuite séparé ?

Pour faire disparoître ce paradoxe, reprenons d’abord l’hypothèse de l’aiguille infiniment déliée mn, qui offre, comme nous l’avons vu, une succession de pôles opposés, égaux en forces, et contigus deux à deux, excepté le premier et le dernier, qui sont isolés. Il est bien évident que si l’on cassoit cette aiguille à un endroit quelconque de sa longueur, chaque partie auroit encore à ses extrémités deux pôles animés de forces égales et contraires, dont l’une, qui étoit d’abord isolée, avoit dès lors toute son intensité, et l’autre, qui étoit balancée par la force du pôle contigu, auroit été mise en activité, en se séparant de ce pôle.

La même chose aura lieu, si l’on suppose qu’une portion de l’aimant MN ait été détachée du reste, avec cette différence, que le pôle situé à l’endroit de la division aura d’abord plus de force que celui de l’extrémité opposée, puisque dans l’aimant encore intact les quantités de fluide alloient en croissant d’un pôle à l’autre, depuis chaque extrémité. Mais à l’instant même, l’état de tout le système changera de manière à satisfaire aux conditions de l’équilibre, qui exige que tout soit semblable de part et d’autre, à égale distance des extrémités.

563. Nous avons vu (458) que les tourmalines offrent un phénomène semblable ; et il est effectivement naturel de penser que les molécules intégrantes des corps, soit magnétiques, soit électriques, étant de petits cristaux complets, qui ont des formes similaires, et qui sont disposés symétriquement dans le corps entier, chacune d’elles doit aussi subir complétement la double action de l’électricité ou du magnétisme, pour mettre ses deux moitiés dans des états différens ; en sorte que la distinction de ces mêmes états, relativement aux corps entiers, n’est qu’une suite de ce qui a lieu pour chaque molécule. L’effet de l’ensemble s’assimile à celui des parties composantes ; et d’après cette hypothèse, très-plausible, il n’y a plus rien d’extraordinaire dans les phénomènes produits par ces corps, que l’on pourroit appeler les polypes du règne minéral.

3. De la Communication du Magnétisme.

564. Nous avons déjà parlé (551) de l’action exercée par un aimant sur un morceau de fer qui, étant d’abord à l’état naturel, se trouve ensuite placé dans la sphère d’activité de cet aimant, et nous avons vu qu’il acquéroit lui-même la vertu magnétique, de manière que sa partie tournée vers l’aimant étoit dans un état opposé à celui du pôle qui avoit agi sur elle à une plus grande proximité. Nous avons maintenant à exposer les différens moyens qui ont été imaginés pour porter au plus haut degré possible ce magnétisme acquis par communication. Mais il faut auparavant donner une idée d’un résultat qui a lieu quelquefois, en conséquence d’une distribution irrégulière des deux fluides mis en mouvement dans un corps qui passe à l’état de magnétisme.

565. Supposons que AB (fig. 69) soit un aimant vigoureux qui agisse sur un barreau de fer mn, pour lui communiquer la vertu magnétique ; l’action de cet aimant, qui dépendra de l’excès B′ de la force du pôle boréal B sur celle du pôle austral A (551), attirera du fluide austral a dans les parties du barreau voisines de n, et repoussera du fluide boréal b dans les parties situées vers m. Or, deux causes font obstacle au mouvement de ce dernier fluide ; savoir, la difficulté qu’éprouvent ses molécules à se mouvoir dans le fer, et qui provient de la force coercitive (541), et la répulsion qu’exercent sur ces mêmes molécules celles du fluide déjà accumulé vers l’extrémité m ; et cette répulsion augmente continuellement, à mesure que l’accumulation va elle-même en croissant. Il peut donc arriver qu’il y ait un terme, où la résistance qui naît du concours de ces deux causes devienne supérieure à la force répulsive de la force B′, et alors le fluide s’engorgera, pour ainsi dire, dans quelque point b′, en cédant à cette résistance, et il pourra même abonder tellement dans ce point, que son action produise dans la partie voisine a′ le magnétisme austral.

Le barreau mn aura donc, dans ce cas, quatre pôles situés à la suite les uns des autres, et qui auront alternativement le magnétisme austral et le magnétisme boréal. On a donné le nom de points conséquens à ces différens pôles qui se succèdent dans un même aimant. Il y a une grande différence entre cette succession de pôles contraires et celle qui résulte de ce que les molécules du fer sont autant de petits aimants dont les pôles en contact ont des forces opposées ; car nous avons vu que ces forces sont équivalentes à une seule force, qui ne varie d’un point à l’autre que par son intensité, au lieu que chaque point conséquent détermine une force réellement contraire à celle que manifesteroit sans lui la partie dans laquelle il réside.

566. L’action d’un aimant sur une aiguille qui est déjà à l’état de magnétisme, mais qui n’a que deux pôles, à l’ordinaire, peut être assez forte pour faire acquérir un ou deux pôles de plus à cette aiguille, qui alors aura trois ou quatre points conséquens. Elle peut encore produire un autre effet, qui est lié avec le précédent, et d’où résulte un simple renversement des pôles de l’aiguille, de manière que le pôle austral prendra la place du pôle boréal, et réciproquement.

La circonstance qui détermine l’un de ces effets à avoir lieu plutôt que l’autre, dépend du rapport entre la force du barreau et celle de l’aiguille. Supposons que l’aiguille mn (fig. 70) étant mobile sur son pivot, on la présente par son pôle boréal b au pôle boréal B d’un barreau, en la maintenant avec la main, pour l’empêcher de tourner par l’effet de la répulsion. Il pourra arriver que la force B′ du barreau (551) refoule tout le fluide b jusqu’à une certaine distance de l’extrémité n, et qu’en même temps il décompose une nouvelle portion du fluide qui est encore à l’état naturel dans l’aiguille, et attire vers n le fluide austral qui faisoit partie de ce fluide naturel. L’aiguille alors aura trois points conséquens, ainsi qu’on le voit fig. 71, en sorte que si on fait passer successivement vis-à-vis de ses différens points le pôle austral d’une autre aiguille, qui ne soit pas assez forte pour changer l’état de la première, les deux extrémités de celle-ci seront répoussées, et il y aura, entre l’une et l’autre, un point tel que b qui sera attiré.

567. Mais si le barreau AB (fig. 70) est assez vigoureux pour surmonter dans tous les points de l’aiguille mn la résistance de la force coercitive, il pourra se faire qu’il refoule jusqu’en m le fluide boréal de l’aiguille, et attire jusqu’en n son fluide austral ; et dans ce cas, les pôles de l’aiguille seront renversés, sans qu’il y ait aucun pôle intermédiaire entre les extrémités m, n.

568. L’analogie entre les aimants et les corps susceptibles de s’électriser par la chaleur, se soutient jusque dans cette espèce d’anomalie que présentent les points conséquens. Nous avons observé une topaze qui, après avoir été chauffée, avoit ses deux extrémités à l’état résineux, tandis que la partie intermédiaire donnoit des signes d’électricité vitrée[6].

569. Pour faciliter l’intelligence de ce qui doit suivre, nous rappellerons ici, avec plus de détail, ce que nous avons déjà dit (541) de la différence qu’apporte, en général, dans le mouvement interne du fluide, le plus ou moins de dureté du fer. L’acier ne se prête à ce mouvement qu’avec beaucoup de difficulté ; mais aussi dès qu’une fois les deux fluides composans ont franchi les obstacles qui tendoient à les empêcher de se distribuer dans les deux moitiés d’un barreau d’acier, la même difficulté qui avoit retardé cette distribution, s’oppose à l’effet de la force attractive, qui tend à ramener les deux fluides l’un vers l’autre, et à faire rentrer, par leur combinaison, le barreau dans son état naturel. Au contraire, dans le fer doux, le dégagement des deux fluides se fait plus facilement et plus abondamment ; mais le retour à l’état de combinaison s’opère ensuite avec la même facilité, d’où il suit que le fer doux acquiert promptement un degré de magnétisme considérable, mais en même temps fugitif, au lieu que l’acier, beaucoup plus difficile à aimanter, conserve aussi plus longtemps sa vertu ; et c’est pour cette raison que les barreaux d’acier sont seuls employés pour faire les aimants artificiels.

570. Le procédé le plus simple, pour communiquer le magnétisme à une verge de fer ou d’acier, consiste à frotter cette verge avec un barreau aimanté, dont on fait glisser un des pôles dans toute la longueur de la verge, en répétant plusieurs fois cette opération dans le même sens. Supposons que le pôle en contact avec la verge soit le pôle boréal du barreau : l’action de ce pôle attire le fluide austral de la verge, et repousse le fluide boréal ; d’où il résulte que la partie de la verge en contact avec le barreau tend sans cesse vers l’état de magnétisme austral, et lorsque le barreau est arrivé à l’extrémité et qu’on le retire, la partie qu’il vient de quitter se trouve dans ce même état de magnétisme.

Le barreau, pendant son mouvement, agissoit en même temps de part et d’autre, à une certaine distance, pour repousser le fluide boréal ; mais, à mesure qu’il avançoit vers l’extrémité qui devoit être le terme de son mouvement, il détruisoit l’effet de cette action dans les points dont il se rapprochoit, et les faisoit passer à l’état de magnétisme austral ; d’où il suit qu’à la fin de son mouvement les parties situées jusqu’à une certaine limite, vers l’extrémité qu’il vient de quitter, possèdent le magnétisme austral, et les parties ultérieures, situées vers l’extrémité opposée, ont acquis le magnétisme boréal ; et ainsi, lorsque la verge restera ensuite abandonnée à elle-même, les deux fluides, pour satisfaire aux conditions de l’équilibre, s’y distribueront de manière que toute la moitié sur laquelle le barreau aura passé en dernier lieu, possédera le magnétisme austral, et l’autre moitié le magnétisme boréal.

Si l’on fait une nouvelle friction, toujours dans le même sens, elle agira en partie pour diminuer l’effet de la précédente, et en partie pour l’augmenter ; et tant que le second effet l’emportera sur le premier, la verge continuera d’acquérir. Mais cette augmentation de vertu magnétique sera très-limitée, de manière qu’après un petit nombre de frictions la communication du magnétisme s’arrêtera.

571. La méthode du double contact, inventée par Michelli, est beaucoup plus avantageuse. Pour la mettre en pratique, on prend deux barreaux aimantés R, S (fig. 72), que l’on dresse verticalement à une petite distance l’un de l’autre, de manière que leurs pôles opposés A, B se correspondent. On les fait glisser, dans cette situation, d’un bout à l’autre de la verge que l’on veut aimanter, de manière qu’ils vont et viennent alternativement, sans leur permettre de dépasser les extrémités de cette verge ; et, lorsqu’après plusieurs frictions les barreaux se retrouvent vers le milieu de la verge, on les enlève suivant leurs directions perpendiculaires à cette verge. Le résultat de cette opération est de mettre chaque extrémité de la verge dans l’état contraire à celui du pôle inférieur du barreau, situé vers cette même extrémité.

Pour concevoir l’effet de la méthode dont il s’agit, considérons d’abord ce qui se passe dans la partie de la verge qui répond à l’intervalle entre les centres d’action a′ et b′ des pôles inférieurs, les seuls qui influent, d’une manière bien sensible, sur le résultat : il est facile de voir que chacune des molécules de fluide austral, telle que x, renfermée dans cette partie intermédiaire, est attirée, de gauche à droite, par le centre d’action boréal b′, et repoussée, dans le même sens, par le centre d’action austral a′. Chaque molécule m de fluide boréal est attirée, au contraire, de droite à gauche par le centre a′, et repoussée, dans la même direction, par le centre b′. Ces effets sont contrariés, jusqu’à un certain point, par les actions que les barreaux exercent sur les parties ultérieures ; par exemple, le barreau S repousse vers la droite les molécules y de fluide boréal qui sont derrière lui, au lieu qu’il repousse, de droite à gauche, celles qui sont en avant, dans l’intervalle entre les centres. Mais la première répulsion est détruite, en grande partie, par l’attraction contraire de l’autre barreau R sur les mêmes molécules ; en sorte que, tout compensé, l’opération tend sans cesse vers son but, qui est, en général, de produire le magnétisme austral dans toute la moitié de la verge située à droite, et le magnétisme boréal dans la moitié opposée. La précaution que l’on prend d’enlever les barreaux du milieu de la verge, à la fin de l’opération, sert à favoriser la distribution symétrique des fluides dans les deux moitiés de la verge abandonnée à elle-même.

572. Il se présente ici une considération relative à la distance requise entre les barreaux, pour que leurs actions aient la plus grande influence possible sur l’effet principal, c’est-à-dire, sur celui qui est produit dans l’espace que ces barreaux interceptent. La détermination de cette distance dépend de la quantité dont les centres d’actions a′, b′ sont élevés au-dessus du barreau A′B′, qui reçoit le magnétisme. Pour concevoir ceci, supposons que les barreaux étant à une distance quelconque l’un de l’autre, leurs centres d’action se trouvent en a et en b (fig. 73), et que A′B′ soit toujours le corps qu’il s’agit d’aimanter. Bornons-nous à considérer, pour plus de simplicité, l’action répulsive du centre b sur une molécule m du fluide boréal renfermé dans le barreau A′B′. Cette action étant dirigée obliquement, par rapport à la longueur de ce barreau, qui est le sens suivant lequel le fluide doit être poussé pour arriver en B′, elle se décompose en deux autres actions, l’une suivant bp perpendiculaire sur A′B′, et qui est nulle par rapport à l’effet proposé ; l’autre suivant br, menée parallélement à AB jusqu’à la rencontre de mr, perpendiculaire sur la ligne de jonction des centres ; et cette seconde force contribue seule au mouvement de la molécule vers B′.

Or, d’une part, la ligne br augmente, à mesure que l’angle bma est plus ouvert, ou, ce qui revient au même, à mesure que les deux barreaux sont plus éloignés l’un de l’autre ; mais en même temps l’intensité de l’action de b diminue, à raison d’une plus grande, distance entre ce centre et la molécule m. Supposons cette distance nulle, l’action représentée par br s’évanouira ; supposons, au contraire, la distance infinie, l’intensité de la force de b deviendra zéro à son tour. Il y a donc, par rapport à l’angle bma, une certaine mesure moyenne qui donne, pour la force réelle, la plus grande valeur possible. Æpinus, qui supposoit que l’action des forces magnétiques suivoit la raison inverse de la simple distance, avoit trouvé que l’angle bma étoit droit dans le cas du maximum ; mais, si l’on rétablit la véritable loi, savoir, celle qui suit la raison inverse du carré de la distance, on aura 70d 31′ 44″ pour la valeur de l’angle dont il s’agit[7].

Supposons, par exemple, que les barreaux dont on se sert soient dans le même état que le fil d’acier dont nous avons parlé plus haut (560), qui avoit 67cent.,5 de longueur, et dans lequel les centres d’action étoient à 22mill.,5 des extrémités ; il faudra, pour obtenir le maximum d’action, placer les barreaux à la distance respective de 32 millimètres.

573. Æpinus a employé la méthode du double contact par un procédé différent, qui consiste à incliner les barreaux en sens contraire, comme on le voit (fig. 74, Pl. XI), en sorte que chacun d’eux fasse un petit angle d’environ 15 ou 20 degrés avec le barreau A′B′. Il se fondoit sur ce que l’on gagne deux choses dans cette manière d’opérer : d’abord les centres d’action a′, b′, qui étoient élevés d’une certaine quantité au-dessus de la surface du barreau A′B′, quand les barreaux qui agissoient sur celui-ci avoient une position verticale, se trouvent beaucoup plus près de lui, et leur action en est plus efficace. En second lieu, l’intervalle entre les centres d’action étant considérablement augmenté en conséquence de l’angle très-ouvert que les barreaux font entre eux, cette nouvelle circonstance recule les limites entre lesquelles étoit resserré l’effet des forces conspirantes, et seconde d’autant mieux l’activité de ces forces.

Mais ces avantages étoient balancés, jusqu’à un certain point, par l’inconvénient qu’avoit l’opération de produire souvent, dans le barreau A′B′, des points conséquens, dont l’action, quoique peu sensible, ne devoit cependant pas être négligée, surtout lorsqu’il s’agissoit des aiguilles de boussole, dont la perfection tient en partie à l’unité de leurs pôles. Pour concevoir l’inconvénient dont il s’agit, supposons que les barreaux AB, en se mouvant de A vers B, soient parvenus au milieu du barreau A′B′. Soit rz une perpendiculaire abaissée du centre d’action de A sur ce dernier barreau. Une molécule s de fluide boréal, située à la droite de cette perpendiculaire, est fortement sollicitée à s’en approcher, en vertu de l’action des deux barreaux AB ; mais en même temps une molécule s′ du même fluide, située à la gauche de la même perpendiculaire, est attirée en sens opposé, et cette action n’est plus sensiblement détruite par la force contraire du centre b′, comme dans le cas où les barreaux AB sont situés verticalement. Or, il peut arriver que le fluide s,s′ se soit tellement accumulé dans l’espace qu’il occupe, que lorsqu’ensuite les deux barreaux continueront leur mouvement, la force coercitive du barreau A′B′ ne leur permette de refouler vers B′ qu’une partie du même fluide. Il se formera donc dans l’espace ss′ un pôle boréal qui, à son tour, pourra faire naître un pôle austral dans l’espace voisin, situé vers B′, ce qui introduira dans cet espace une espèce de force perturbatrice, par rapport à celle de l’extrémité B′.

Pour parer à cet inconvénient, Coulomb, après avoir posé les deux barreaux AB sur le milieu du barreau A′B′, en les inclinant comme faisoit Æpinus, les tire en sens contraire l’un de l’autre, jusqu’à une petite distance de l’extrémité la plus voisine, puis recommence, en partant toujours du milieu. De cette manière, les forces des centres a′ et b′ étant plus divisées, sans cesser d’être conspirantes, ne produisent plus ces accumulations de fluide d’où résultent les points conséquens.

574. Pour se procurer deux barreaux fortement aimantés, on en prend quatre, tous égaux et semblables, dont deux au moins doivent avoir un commencement de magnétisme. On dispose les deux autres parallélement entre eux, comme M, N (fig. 75), et l’on applique contre leurs extrémités deux parallélipipèdes T, T de fer doux, de manière que l’ensemble présente la figure d’un rectangle. On se sert ensuite des deux barreaux R, S qui sont déjà dans l’état magnétique, pour communiquer la même vertu à l’un des premiers barreaux, tel que M, en employant la méthode d’Æpinus, ou, si on l’aime mieux, celle de Coulomb. Ce barreau acquiert des pôles dont les positions sont indiquées sur la figure, et déjà l’autre barreau N, en vertu de la communication qui s’établit entre lui et le barreau M, par l’intermède des contacts, reçoit lui-même un commencement de magnétisme ; et il est facile de concevoir que chacun de ses pôles correspond au pôle contraire du barreau M, comme on le voit encore sur la figure. Après un certain nombre de frictions, on retourne le barreau M, sans changer la disposition de ses pôles, et l’on répète l’opération sur l’autre face. On fait des frictions semblables successivement sur les deux faces du barreau N, en observant de renverser les positions des pôles des barreaux R, S, parce que ceux du barreau N sont eux-mêmes situés en sens contraire des pôles du barreau M. Cette opération terminée, on substitue les barreaux R, S aux barreaux M, N, et l’on se sert de ces derniers pour augmenter la vertu des autres. Lorsqu’on jugera que la communication du magnétisme est parvenue à son dernier degré, on emploîra de préférence les barreaux qui auront reçu les dernières frictions, pour aimanter des aiguilles d’acier et d’autres corps de la même espèce.

On seconde l’effet de cette opération, en y faisant concourir les deux autres barreaux comme moyens auxiliaires. On dirige alors ces barreaux sur une même ligne, comme on le voit fig. 76, à une distance moindre que la longueur de l’aiguille que l’on veut aimanter, et l’on donne à celle-ci une position ab qui répond à l’intervalle entre les deux barreaux, de manière qu’elle repose sur eux par ses extrémités.

Si les barreaux M, N (fig. 75) avoient déjà un certain degré de magnétisme, il est évident qu’il faudra les placer d’avance dans les positions respectives analogues à celles que représente la figure où les pôles de différens noms se répondent du même côté.

575. Supposons que, par un moyen quelconque, les barreaux M, N soient maintenus dans une position invariable, par rapport à eux-mêmes et à l’un des contacts T, et qu’ayant suspendu verticalement cet assemblage, de manière que le point d’attache soit du côté du contact fixe, on place à l’endroit de l’antre contact une pièce de fer doux, garnie inférieurement d’un crochet, comme celle qui est en dessous de l’aimant PS (fig. 77). On pourra, en suspendant différens corps à ce crochet, évaluer le poids que l’aimant est capable de porter, en vertu de sa force attractive. C’est sur ce principe que sont construits les aimants artificiels ; toute la différence consiste en ce que l’on substitue aux barreaux M, N deux faisceaux de lames d’acier, que l’on a d’abord aimantées séparément, et que l’on a ensuite réunies de manière que, dans chaque faisceau, elles fussent contiguës par les pôles de même nom. Coulomb a fait exécuter de ces aimants qui pesoient environ dix kilogrammes ou vingt livres, et dont la force étoit équivalente à un poids d’environ cinquante kilogrammes ou cent livres[8]. Dans les petits aimants, le rapport s’accroît entre le poids de l’assemblage et celui de la charge. Ingen-Housz cite un de ces derniers qui portoit plus de cent fois son propre poids, et ajoute que M. Knigt lui avoit dit qu’on pouvoit aller beaucoup au delà[9].

Nous placerons ici quelques détails sur les armures des aimants et sur la communication du magnétisme.

576. Les armures sont des lames de fer mou que l’on applique contre les aimants aux endroits des pôles, et qui contribuent, soit à en conserver la vertu, soit même à l’augmenter. Avant d’armer un aimant, on le taille en parallélipipède rectangle PS (fig. 77), de manière que si l’on conçoit un plan qui passe à égale distance de deux faces opposées parallélement à ces mêmes faces, les deux moitiés interceptées par ce plan seront dans deux états différens de magnétisme, comme celles d’un barreau aimanté. Chaque armure fh ou f′h′ a la forme d’une équerre dont une des branches f, f′, qui est plus longue que l’autre, et que l’on nomme la jambe de l’armure, s’applique contre une des faces dont nous venons de parler ; et l’autre branche h, h′, qui est le pied de l’armure, s’applique contre la face adjacente, que l’on peut considérer comme la base du parallélipipède. L’armure ne recouvre cette base que sur un espace de quelques millimètres de longueur.

Analysons maintenant l’effet de l’armure qui répond, par exemple, au pôle B de l’aimant. La force de ce pôle agit pour décomposer le fluide naturel de l’armure ; elle attire le fluide austral dans les parties de l’épaisseur de l’armure les plus voisines de l’aimant, et repousse le fluide boréal dans les parties les plus éloignées ; et comme elle agit beaucoup plus efficacement sur la jambe f, le fluide austral se portera de préférence dans l’épaisseur de celle-ci, et le fluide boréal sera refoulé en grande partie dans le pied h, tant par l’action de l’aimant, que par la force répulsive mutuelle de ses propres molécules.

Le pied de l’armure acquerra donc l’espèce de magnétisme qui existe dans la partie correspondante de l’aimant, c’est-à-dire, le magnétisme boréal. On prouvera, par un raisonnement semblable, que les effets contraires ont lieu relativement à l’autre armure.

Or, la jambe agit à son tour par un magnétisme austral, sur le pôle boréal de l’aimant, pour y attirer de nouveau fluide, et cet effet n’est que foiblement balancé par l’action opposée du pied de l’armure, qui est à une plus grande distance. Par une suite nécessaire, le pied acquerra un surcroît de force, et c’est en général de cette combinaison d’actions réciproques que dépend l’avantage qu’ont les armures, d’ajouter un nouveau degré d’activité à la force que les aimants ont reçue de la nature.

La jambe de l’armure doit être d’une certaine épaisseur, que l’on ne pourroit ni diminuer ni augmenter sans inconvénient ; car si elle se trouvoit tellement mince, que le pôle adjacent de l’aimant fut capable d’y attirer une nouvelle quantité de fluide, dans le cas où elle seroit plus épaisse, elle ne produiroit pas tout son effet. D’une autre part, si son épaisseur excédoit de beaucoup la limite jusqu’à laquelle peut s’étendre le fluide attiré par le pôle voisin, l’autre fluide repoussé par le même pôle, passant en partie dans le reste de l’épaisseur, y produiroit un magnétisme semblable à celui du même pôle, et dont la réaction sur ce pôle s’opposeroit à l’effet principal. Il y a donc un certain degré d’épaisseur qui donne, relativement à la jambe de l’armure, le maximum de magnétisme contraire à celui du pôle adjacent, et pour le pied, le maximum de magnétisme semblable à celui du même pôle. L’artiste qui veut diriger la construction de l’armure vers la plus grande perfection de l’aimant, doit chercher ce degré, auquel on ne peut arriver que par tâtonnement.

4. Du Magnétisme du Globe terrestre.

577. Les phénomènes naturels du magnétisme, comparés à ceux de l’électricité, présentent une des différences les plus tranchées entre les modifications des fluides qui produisent ces deux classes de phénomènes, liés à d’autres égards par des analogies si marquées. Ceux qui appartiennent à l’électricité ne sont bien sensibles que dans des circonstances locales et variables, et prennent ordinairement naissance au milieu, des météores, qui n’ont eux-mêmes qu’une existence passagère. Le magnétisme exerce une action universelle et durable, qui se rapporte à des points déterminés, qui ne varie que par un progrès lent et gradué, et qui a son siége dans le globe même que nous habitons. Il est devenu, par sa généralité, un sujet inépuisable d’observations qui se répètent dans toutes les parties des mers ; pour lui, tous les navigateurs sont physiciens, et ne cessent de fixer un œil attentif sur cette aiguille que sa présence semble animer, et qui est capable de leur servir de guide jusque dans les pays les plus reculés.

578. Mais avant de faire connoître les opinions des physiciens sur la cause du magnétisme naturel, nous allons exposer ce que l’on a observé par rapport à la position de l’aiguille aimantée. Lorsqu’on dit de cette aiguille qu’elle tourne une de ses extrémités vers le Nord, quand elle est librement suspendue, cela n’est vrai que dans un sens général et qui admet un grand nombre de restrictions. Si l’on porte l’aiguille successivement à différens points du globe, il y en aura quelques-uns où sa direction coïncidera exactement avec une ligne tirée du Midi au Nord, ou avec le méridien du lieu. Mais dans d’autres points, elle s’écartera de cette ligne, tantôt vers l’Orient, tantôt vers l’Occident, et la quantité de l’écartement variera suivant les lieux. On a donné à cette déviation le nom de déclinaison.

Pour mesurer la déclinaison, on suppose un plan vertical qui passe par la direction de l’aiguille. L’angle formé par ce plan avec le méridien du lieu, donne l’angle de déclinaison ; et nous avons déjà remarqué que l’on appelle méridien magnétique le cercle qui coïncide avec le premier plan.

579. L’aiguille est sujette à une autre espèce de déviation. Supposons qu’étant en équilibre, sur son pivot, avant d’être aimantée, elle se trouvât située dans un plan exactement parallèle à l’horizon : dès qu’elle aura reçu la vertu magnétique, elle prendra une position plus ou moins inclinée par rapport à ce plan, excepté à certains endroits de la terre. On a donné à cette seconde déviation le nom d’inclinaison.

580. Si l’on part de l’un des endroits où la déclinaison est nulle, et qu’on s’avance vers le Nord ou vers le Sud, on pourra passer par une suite de points où elle sera pareillement nulle ; mais ces points ne se trouveront pas sur un même méridien : ils formeront une courbe irrégulière, qui aura des inflexions en différens sens.

581. Halley est un des premiers qui ait entrepris de tracer, sur une mappemonde, ces suites de points où la déclinaison est zéro, et que l’on a appelées bandes sans déclinaison.

On a observé jusqu’ici trois bandes sans déclinaison, qui ont été suivies par les marins jusqu’à des latitudes plus ou moins considérables.

582. Mais de plus, la déclinaison varie avec le temps dans un même lieu, et ses variations ne croissent point dans le même rapport que le temps ; en sorte que les bandes sans déclinaison changent continuellement et de position, et de figure. À Paris, la déclinaison étoit nulle en 1666 ; le 12 floréal, an 10, c’est-à-dire, 136 ans après cette première époque, Bouvard l’a trouvée de 22d 3′ vers l’Ouest.

583. Il arrive aussi quelquefois que la déclinaison subit des interruptions, en sorte que l’aiguille reste sensiblement stationnaire pendant un certain temps : par exemple, l’aiguille ne fit aucun mouvement, à Paris, depuis 1720 jusqu’en 1724, et durant cet intervalle, elle se tint constamment à 13d du méridien.

584. L’observation prouve encore que les variations de la déclinaison comparées entre elles, à divers points du globe, suivent des rapports différens. Mais un fait très-digne d’attention, est celui qui a été remarqué par le célèbre Hallé, à la simple inspection de la table de déclinaison publiée par Van-Swinden, auquel ce même fait avoit échappé. Dans cette table, on distingue trois endroits où l’aiguille a subi les plus grandes déclinaisons, et qui sont situés : 1°. au milieu de la mer des Indes, à 10 et 15d de latitude méridionale, et à 82d et 87d de longitude orientale, en partant de l’île de Fer ; dans cet endroit, la variation a été de 11d à 11d 15′ depuis 1700 jusqu’à 1756 ; 2°. dans l’Océan Ethiopique, depuis 5d de latitude septentrionale jusqu’à 20d ou 25d de latitude méridionale, et dans l’intervalle de 10, 15 et 20d de longitude orientale ; la variation relative à cette localité a été, entre les mêmes époques, de 10d à 10d 45′, principalement sous la ligne et dans l’étendue de 5d vers le Sud ; 3°. à 50d de latitude septentrionale, et entre 17d de longitude orientale et 10d de longitude occidentale. On a eu, dans cet endroit, pendant le même espace de temps, une variation de 11d à 11d 45′.

Or en considérant, sur la table de Van-Swinden, les trois endroits dont il s’agit, Hallé a trouvé qu’ils formoient comme trois centres autour desquels les nombres qui indiquent les quantités de la variation décroissent insensiblement, à mesure qu’on s’éloigne de chacun des mêmes centres ; de manière qu’il en résulte un nouvel ordre d’observations, qui correspond aux lieux où la variation a été la plus foible, pendant le même cours d’années.

Ces lieux sont : 1°. toute la mer d’Amérique, sans y comprendre le golfe du Mexique, c’est-à-dire, en allant de la pointe orientale de l’Afrique, jusqu’à la hauteur de l’île Bermude. Il faut encore remarquer ici que dans l’Océan, situé entre l’Afrique et l’Amérique méridionale, la grandeur des variations est beaucoup moindre vers les côtes de l’Amérique, que vers celles de l’Afrique ; 2°. les environs de l’île de Madagascar, et une partie de la côte de Zanguebar ; 3°. la partie de mer qui est au Sud et au Sud-Est des îles de la Sonde, entre celles-ci et la Nouvelle Hollande ; 4°. enfin, dans la même mer, vers le 4e. degré de latitude méridionale, et le 97e. degré de longitude orientale, c’est-à-dire, au milieu de l’espace compris entre l’angle occidental de la Nouvelle Hollande et la pointe méridionale de l’Afrique. Dans tous ces divers lieux, les variations qu’a subies la déclinaison de l’aiguille aimantée, pendant les 66 années dont il s’agit, n’ont pas été en tout à un degré[10].

Si des observations du même genre avoient été faites également dans la Mer Pacifique, dans les mers du Nord, dans les mers Australes, et même dans les principales divisions des grandes mers, comme la Baltique, la Méditerranée, le golfe du Mexique, etc., elles auroient offert probablement de semblables points ; et l’on sent de quel intérêt seroit pour l’étude du magnétisme naturel un ensemble de faits subordonnés à un certain nombre de centres, autour desquels ils viendroient se ranger suivant l’ordre de leurs rapports.

585. L’aiguille aimantée est sujette de plus, dans certains endroits, à une variation diurne particulière, dont la marche a été suivie par Van-Swinden, avec l’attention et la constance qui caractérisent cet excellent observateur. Telle est, en général, la loi de cette variation, que l’aiguille s’avance vers l’Ouest le matin, jusque vers midi, ou peu après midi, pour reculer ensuite vers l’Est dans la soirée.

Ce double mouvement est sujet à quatre modifications. La première a lieu lorsque l’aiguille s’avance progressivement, dans toute la matinée, vers l’Ouest, jusqu’au maximum, et revient ensuite, par un seul trajet, vers l’Est pendant la soirée, en achevant une période unique représentée par O, E. Dans la seconde modification, l’aiguille s’approche d’abord un peu de l’Est, le matin ; et à ce petit mouvement succède la période ordinaire, en sorte que sa marche est alors représentée par e, O, E. La troisième modification est celle où la période ordinaire est suivie, vers la fin de la soirée, d’un petit mouvement vers l’Ouest, ce qui donne pour l’expression du mouvement total, O, E, o.

Enfin, la quatrième modification participe de la seconde et de la troisième, et son expression est e, O, E, o[11]. L’aiguille fait donc ainsi continuellement de petites oscillations, dont tel est le résultat général, que la somme des mouvemens qui ont lieu vers l’Ouest l’emporte sur celle des mouvemens en sens contraire, de manière que la déclinaison va en augmentant du même côté.

586. Ce n’est pas tout encore, et ces variations qui, au milieu de leur inconstance, ont, jusqu’à un certain point, une marche suivie et réglée, sont sujettes à des espèces d’anomalies subites et fugitives, qui portent visiblement le caractère d’une cause perturbatrice. Aussi les marins ont-ils désigné ces anomalies sous le nom d’affollemens, et lorsqu’ils les aperçoivent, ils disent que l’aiguille est affollée[12]. On a remarqué que l’aiguille est quelquefois agitée par un temps d’orage, et souvent, lorsqu’il paroît une aurore boréale[13]. Mais on n’a point déterminé jusqu’ici l’influence immédiate de ces phénomènes, considérés comme causes des affollemens de l’aiguille.

587. L’inclinaison de l’aiguille a aussi ses variations, qui sont surtout sensibles lorsqu’on change de latitude. Elle est nulle à peu près à l’Equateur, de manière que tous les points où l’aiguille est exactement parallèle à l’horizon, forment une courbe irrégulière qui coupe l’Equateur sous de petits angles. À mesure que l’on s’écarte de ce cercle, en allant vers un pôle ou vers l’autre, l’inclinaison va en augmentant, de sorte que l’extrémité de l’aiguille qui regarde le pôle voisin s’abaisse continuellement en dessous de sa première position. La plus grande inclinaison dont on ait encore parlé est de 82d, et a été observée par Phipps à 79d 44′ de latitude méridionale, et 131d de longitude. L’inclinaison étoit, à Paris, de 71d en 1787 ; elle varie aussi avec le temps dans un lieu donné. On en corrige l’effet, au moins pour un certain nombre d’années et relativement à un même point du globe, en rendant inégaux les poids des deux moitiés de l’aiguille, dans le rapport nécessaire pour que la force qui tire par en bas un des côtés de cette aiguille, soit compensée par l’excès de pesanteur de la partie opposée, de manière que l’aiguille prenne une position horizontale.

588. Les physiciens ont conclu de ces observations, prises dans leur ensemble, que le globe terrestre fait la fonction d’un véritable aimant. Plusieurs même ont essayé de remonter jusqu’à la cause de son magnétisme, à l’aide de différentes hypothèses que nous ferons bientôt connoître. Mais auparavant il ne sera pas inutile d’exposer ici quelques considérations relatives à cette idée générale, que le globe agit à la manière des corps magnétiques.

Imaginons, pour un instant, que les deux centres d’action qui résultent de toutes les forces exercées par le globe, aient des positions fixes sur son axe, à des distances égales des pôles, et que, de plus, leurs actions soient égales entre elles.

Dans cette hypothèse, une aiguille aimantée prendra constamment une direction qui coïncidera avec le méridien du lieu où elle se trouvera, c’est-à-dire, que la déclinaison sera nulle à tous les points du globe. Si l’on porte l’aiguille à l’Equateur, elle se dirigera parallélement à l’axe, c’est-à-dire, qu’alors il n’y aura point d’inclinaison.

Soit SGTF (fig. 78) la circonférence d’un des méridiens, ST l’axe du globe, et B, A les deux centres d’action : supposons que l’aiguille soit placée au-dessus du point o, situé à 90d de S et de T ; l’aiguille prendra évidemment la direction ab, parallèle à l’axe.

Mais si l’aiguille s’écarte de l’Equateur, en allant, par exemple, du côté du Nord S, elle prendra une direction inclinée à l’axe, de manière qu’elle convergera avec lui du même côté. Soit Z le point au-dessus duquel est située l’aiguille : elle ne se dirigera plus suivant a′b′ parallèle à ST, mais suivant une ligne a″b″[14], dont l’obliquité ira toujours en augmentant, à mesure que l’aiguille se rapprochera du pôle S ; en sorte qu’il pourra même y avoir un terme, où la direction de l’aiguille fasse un angle droit avec l’axe ST. On voit par là que les différentes positions que prendroit l’aiguille dont il s’agit ici, pendant qu’elle seroit mue de l’Equateur vers le pôle, formeroient une courbe analogue à celle dont nous avons parlé (557), en analysant l’action d’un aimant sur une aiguille, qui recevroit à chaque instant un petit mouvement dirigé suivant la tangente à l’arc décrit précédemment.

589. Mais la supposition que nous venons de faire n’est applicable à la manière d’agir du magnétisme naturel, qu’autant qu’on y apporte les modifications qu’exigent les résultats de l’observation. Ici, les choses se passent comme si les différens points du globe avoient presque tous leurs pôles particuliers, d’où il suit que la direction de l’aiguille ne coïncide que rarement avec le méridien du lieu. Son inclinaison ne suit pas non plus la même loi que dans le cas où l’axe magnétique se confondroit avec l’axe même du globe, et auroit ses centres d’actions égaux en force, et situés à des distances égales des pôles. Enfin, il semble que l’axe magnétique change lui-même de position avec le temps, relativement à chaque point du globe.

590. Si nous écartons encore ici les hypothèses qui, pour expliquer ces différens effets, employoient des tourbillons de matière magnétique, qui tournoient autour du globe, en entrant par un pôle et en sortant par l’autre, ou des effluves qui, en partant de l’Equateur, se portoient vers les pôles par des mouvemens opposés, nous trouvons, en général, deux opinions différentes sur la cause du magnétisme naturel. Les uns ont eu recours à l’action des mines d’aimant, que l’on suppose être très-abondantes vers les pôles. La disposition irrégulière des masses dont ces mines sont formées, occasionne les diversités que l’on observe, pour un instant, dans les déclinaisons et les inclinaisons des aiguilles situées à différens points de la terre ; et les changemens successifs que subissent les mines, par l’action des diverses causes qui les altèrent, ou les détruisent à tel endroit, tandis qu’ailleurs il s’en produit de nouvelles, font varier à leur tour, avec le temps, la quantité de la déclinaison ou de l’inclinaison, pour chaque lieu particulier.

591. Halley, Æpinus et d’autres physiciens, sans nier l’influence des mines d’aimant sur la direction des aiguilles, l’ont regardée seulement comme une force secondaire, et ont supposé que la force principale provenoit d’un très-gros aimant de figure globuleuse, ou à peu près, qui formoit comme le noyau du globe terrestre. Halley avoit de plus imaginé que ce noyau devoit avoir un mouvement très-lent, par lequel sa position changeoit continuellement à l’égard du globe, ce qui servoit à expliquer, selon ce physicien, les variations que le temps apporte dans l’inclinaison et la déclinaison des aiguilles, relativement à un même lieu.

592. Æpinus n’admet point ce mouvement, qui lui paroît insuffisant et même absolument inutile ; et, pour ramener les phénomènes à l’hypothèse d’un noyau fixe, il observe d’abord que si le fluide étoit distribué uniformément dans ce noyau, en sorte que ses deux centres d’actions ayant des forces égales, fussent situés sur l’axe de la terre à des distances égales du centre, la déclinaison seroit nulle à tous les points du globe, tandis que l’inclinaison, nulle seulement à l’Equateur, croîtroit vers les pôles, suivant une loi qui seroit en relation avec le changement de latitude.

Mais la distribution du fluide se fait irrégulièrement à l’intérieur du noyau magnétique. Dans certaines parties, le fluide est plus accumulé ; dans d’autres il est plus rare ; et il en résulte que les positions des centres d’action changent continuellement à l’égard d’une aiguille portée à différens points de la terre. Si le point auquel répond actuellement l’aiguille est tellement situé, que la résultante de toutes les forces qui agissent diversement des différens points du noyau magnétique soit parallèle à l’axe de la terre, la déclinaison sera nulle ; et suivant que cette résultante fera un angle plus ou moins ouvert avec l’axe du globe, la déclinaison elle-même sera plus ou moins considérable.

D’un autre côté, la distribution du fluide change avec le temps dans l’intérieur du noyau, et ces changemens déterminent ceux que subissent la déclinaison et l’inclinaison de l’aiguille dans un même lieu.

593. À l’égard de la variation diurne en déclinaison, M. Canton a cru pouvoir l’expliquer par la diminution de force attractive que la chaleur des rayons solaires devoit occasionner dans le noyau magnétique du globe. Cette diminution ayant lieu le matin, par rapport aux parties situées vers l’Est, l’aiguille, moins attirée de ce côté, devoit décliner vers l’ouest, et l’effet opposé devoit avoir lieu pendant l’après dînée.

594. Une observation faite par Lahire donne une nouvelle couleur à l’hypothèse dont nous venons de parler. Ce physicien ayant taillé, en forme de sphère, un aimant naturel qui pesoit près de cent livres, et en ayant déterminé l’axe, d’après la position des pôles magnétiques, traça sur cette sphère un Equateur et un certain nombre de méridiens. Il fit ensuite correspondre une aiguille aimantée successivement à différens points de cet aimant, et il remarqua que dans quelques-uns de ces points elle se dirigeoit exactement d’un pôle à l’autre, et que dans d’autres points elle déclinoit à droite ou à gauche, en sorte que la plus grande déclinaison observée se trouvoit être d’environ 26 degrés.

595. Tel étoit l’état de nos connoissances, relativement au magnétisme naturel, lorsque Coulomb, à qui la détermination de toutes les petites forces qui exigent des attentions délicates semble être tombée en partage, fut conduit, par des expériences de ce genre, à des résultats imprévus, qui tendent à répandre un nouveau jour sur le point de physique qui nous occupe. Ce savant célèbre prit deux barreaux aimantés, qu’il disposa sur une même ligne droite, de manière que leurs pôles opposés étoient éloignés l’un de l’autre d’environ 15 millimètres. Il plaça dans l’espace intermédiaire, successivement, de petits cylindres faits de diverses matières, et dont la longueur étoit de sept à huit millimètres. Chaque cylindre étoit suspendu librement à un fil de soie, tel qu’il sort du cocon. Coulomb observa que ce cylindre, de quelque matière qu’il fût composé, se disposoit toujours exactement suivant la direction des barreaux, et si on le détournoit de cette direction, il y étoit constamment ramené, après un certain nombre d’oscillations. L’or, l’argent, le cuivre, le plomb, l’étain, le verre, la craie, les os des animaux, et différens bois furent soumis à l’expérience, et tous ces corps éprouvèrent l’action des barreaux magnétiques[15].

Il se présentoit deux manières d’expliquer ces phénomènes : l’une consistoit à dire que tous les élémens qui entrent dans la composition de notre globe étoient, par leur nature, susceptibles de la vertu magnétique, mais que, dans la plupart des corps, cette vertu étoit presque insensible ; en sorte que, jusqu’à présent, elle n’avoit guères été observée que dans le fer, qui la possède à un degré éminent : l’autre explication supposoit que l’action magnétique exercée par les barreaux, dans les expériences que nous avons citées, étoit due à des molécules de fer répandues indistinctement dans les différentes substances naturelles, et qui échappoient à tous les efforts de l’analyse chimique. Coulomb, qui avoit d’abord penché en faveur de la première explication, paroît avoir balancé depuis entre l’une et l’autre, et a projeté une suite d’expériences dont il a déjà exécuté quelques-unes, et dont le but est de mesurer l’action des barreaux sur les différens corps, et de chercher quelle seroit, relativement à la masse de chacun de ces corps, la quantité de fer qu’il faudroit supposer disséminée dans son intérieur, pour produire le nombre d’oscillations qu’il fait dans un temps donné.

Quoi qu’il en soit, le fait que nous venons d’exposer est d’autant plus intéressant, qu’il conduit à considérer le globe terrestre, pris dans toute son étendue, comme un aimant unique, dont la force est la somme de toutes celles qu’exercent les molécules qui le composent. Ce fait une fois biens établi, par rapport à tous les corps terrestres, remplaceroit avantageusement l’hypothèse d’un noyau magnétique particulier, qui a l’air d’avoir été imaginée par les physiciens, plutôt pour donner un support à leurs conceptions, que pour représenter la nature.

Nous remarquerons ici que M. Prevost avoit déjà avancé qu’il n’étoit pas nécessaire de recourir à un noyau particulier, pour expliquer le magnétisme naturel. Il suffit, suivant ce célèbre physicien, que la décomposition du fluide magnétique, qui ne se fait que dans l’intérieur du fer, par les moyens que nous avons à notre disposition, puisse avoir lieu même hors de ce métal par des causes naturelles plus puissantes que les agens de l’art, et dont l’influence permanente maintiendroit les deux pôles du globe dans deux états de magnétisme opposé[16].

596. Dans l’hypothèse où tous les corps jouiroient de la propriété magnétique, soit par eux-mêmes, soit en vertu des molécules de fer disséminées dans leur intérieur, les actions qui dépendroient de cette propriété seroient nécessairement variables suivant les différentes natures de ces corps, et il semble qu’il devroit en résulter le même effet que dans la supposition faite par Æpinus, d’une distribution inégale du fluide magnétique, relativement au noyau que ce savant supposoit placé au centre de notre globe. Ainsi, on concevroit difficilement que les déviations de l’aiguille aimantée suivissent une loi susceptible d’être déterminée. Cependant quelques physiciens ont cru avoir trouvé cette loi, et l’avoir ramenée à une espèce de progression qui devoit donner la quantité de la déclinaison pour chaque lieu de la terre. On a même été jusqu’à prétendre que la déclinaison pouvoit servir à résoudre le problème des longitudes ; mais nous sommes encore loin d’avoir des observations assez nombreuses et assez précises pour savoir si les variations de la force magnétique sont susceptibles d’être représentées par des formules, et l’on peut dire qu’à cet égard, la science du magnétisme n’est pas encore mûre pour la géométrie.

Il est possible néanmoins d’expliquer d’une manière générale, à l’aide des connoissances acquises, plusieurs phénomènes remarquables que présente le magnétisme naturel. Nous commencerons par ceux qui concernent les aiguilles déjà elles-mêmes à l’état de magnétisme, et de là nous passerons à ceux qui dépendent de l’action qu’exerce le globe sur les aiguilles et les verges de fer, en faisant, à leur égard, la même fonction que les aimants ordinaires, auxquels on présente d’autres corps de la même espèce, qui étoient auparavant dans l’état naturel.

Nous n’avons besoin ici, pour appliquer la théorie que de supposer qu’un point donné de la surface du globe a un axe magnétique particulier, dont les centres d’action sont situés à une très-grande distance du point dont il s’agit.

597. Concevons maintenant que AB (fig. 79) soit l’axe magnétique relatif au point o, situé dans le même plan vertical, et qu’il y ait dans ce point une molécule de fluide austral : elle sera attirée dans le sens oB par le pôle boréal de l’axe magnétique, et repoussée par le pôle austral suivant Ao. Représentons par os la quantité de l’attraction, et par or, prise sur le prolongement de Ao, la quantité de la répulsion, puis terminons le parallélogramme orks : la molécule tendra, en vertu des deux forces qui la sollicitent, à se mouvoir suivant la diagonale ok de ce parallélogramme. Supposons dans le même point o une molécule de fluide boréal ; à l’aide d’une construction semblable, nous pourrons représenter la répulsion qu’exerce sur elle le pôle B, par oz, prise sur le prolongement de Bo et égale à os, et l’attraction qu’exerce le pôle A, par ox égale à or. Donc si nous complétons de même le parallélogramme ozhx, le mouvement de la molécule de fluide boréal se fera suivant la diagonale oh, qui est évidemment sur le prolongement de l’autre diagonale, et qui, de plus, lui est égale ; en sorte que les deux molécules tendront à parcourir ces deux diagonales dans le même temps.

Si nous considérons l’action des pôles A, B, sur d’autres molécules de fluide voisines de la molécule o, et situées dans le plan BoA, il est aisé de voir qu’elles seront sollicitées à se mouvoir suivant des directions parallèles à kh. C’est une suite de ce que les pôles A, B étant à une distance presque infinie des molécules, en comparaison de celle qui existe entre ces molécules elles-mêmes, les différentes lignes suivant lesquelles s’exercent les actions de chaque pôle sont censées se confondre.

Concluons de là que si une aiguille aimantée est placée dans la direction kh, elle y restera immobile, et que si on la met ensuite dans une direction différente, mais qui ait un point commun avec la ligne kh, elle reprendra, dès qu’elle sera libre, sa première position suivant la même ligne.

Il est évident que, dans cette position, deux points de l’aiguille situés à égales distances des extrémités, sont également tirés en sens contraire par les actions des deux pôles, ce que nous savons être conforme à l’observation, qui nous apprend que les forces qui sollicitent vers le Nord une aiguille aimantée librement suspendue, sont égales à celles qui la sollicitent vers le Midi (543).

598. Supposons que l’aiguille ab (fig. 80) étant d’abord dans la direction k′h′, la même que celle qui est représentée fig. 79, on lui fasse prendre une autre direction gu, de manière qu’elle continue de faire le même angle avec l’horizon. Imaginons un plan qui passe par les lignes ab, gu, et menons par le point g, dans le même plan, la ligne ig, parallèle et égale à ok′ : cette ligne ig représentera la résultante des forces qui agissent obliquement sur le point g pour le ramener vers le point a. Or, la force suivant ig se décompose en deux autres, l’une ip parallèle à og, et l’autre ie perpendiculaire sur og. Donc, si nous complétons le parallélogramme ipge, la ligne pg représentera la partie de la force ig qui agit directement pour pousser le point g vers le point a. D’une autre part, soit lu, parallèle et égale à oh′, la résultante des forces qui s’exercent obliquement sur le point u, pour le ramener vers b. À l’aide d’une décomposition semblable à la précédente, la ligne ut, perpendiculaire sur ot, représentera la partie de la force oblique lu, dont l’effet est de pousser le point u vers le point b.

Maintenant, puisque les forces qui agissent sur l’aiguille concourent toutes à la faire tourner dans le même sens, pour la rapprocher de sa première position, nous pouvons les considérer comme étant appliquées au point g de l’aiguille, en doublant, par la pensée, l’intensité des actions suivant ig et ie. Dans cette hypothèse, ig représentera la résultante de toutes les forces qui sollicitent l’aiguille, prises dans un sens parallèle à la direction ab, qui coïncide avec le méridien magnétique, et ie ou pg représentera la force directrice. Or, il est aisé de voir que ig est une constante pour toutes les positions de l’aiguille ; et si l’ou prend cette même ligne pour le rayon, relativement à l’angle egi ou à son égal aog, la ligne ie étant le sinus du premier de ces angles, sera proportionnelle au sinus du second ; d’où l’ou conclura que la force directrice varie comme le sinus de l’angle que fait la nouvelle direction de l’aiguille avec le méridien magnétique. Nous avons vu que ce résultat, et celui qui donne une constante pour la ligne ig, étoient aussi du nombre des principes généraux que l’on avoit déduits de l’observation immédiate des faits (544, 545).

599. Ce qui précède peut servir à rendre raison d’une contradiction apparente qu’offre l’action du globe comparée à celle des aimants ordinaires. Si l’on met une aiguille magnétique sur une lame de liége, de manière qu’elle nage à fleur d’eau dans un vase d’une largeur suffisante, et que l’on place à une certaine distance un aimant, même d’une force médiocre, qui regarde le vase par un de ses pôles, l’action de cet aimant produira deux effets : d’abord l’aiguille se dirigera de manière que si c’est le pôle boréal de l’aimant qui se trouve le plus près du vase, elle tournera son pôle austral vers cet aimant ; et toutes les fois qu’on l’aura dérangée de cette position, elle y reviendra dès qu’on l’abandonnera à elle-même. En même temps elle s’avancera jusqu’au bord du vase, pour se rapprocher de l’aimant le plus qu’il sera possible. Or, si l’on répète cette expérience, par exemple, vers le Nord, en laissant agir le globe seul sur l’aiguille, il sera, par rapport à cette aiguille, dans le cas d’un aimant dont le pôle boréal exerceroit sur elle une action plus forte que celle du pôle austral ; aussi l’aiguille se dirigera-t-elle de manière à regarder le Nord par son pôle austral, et si l’on change sa direction, elle la reprendra spontanément ; mais elle ne fera aucun mouvement vers le Nord, et restera stationnaire sur l’eau à l’endroit où elle aura été placée.

Cette diversité dans les résultats des deux expériences provient de ce que les centres d’action du globe sont, comme nous l’avons dit, à une distance presque infinie de l’aiguille ; d’où il suit que la différence entre les forces qui agissent pour tirer l’aiguille dans deux sens opposés, est sensiblement nulle ; et ainsi la tendance de l’aiguille à se porter vers le Nord, qui dépend de cette différence, doit pareillement se réduire à zéro. Or, la même chose n’a pas lieu lorsqu’on se sert d’un aimant qui agit sur les deux pôles de l’aiguille à des distances respectives comparables entre elles ; alors la différence entre les deux actions devient appréciable, et il en résulte une action boréale qui détermine l’aiguille à s’avancer vers l’aimant. Nous avons vu, d’une autre part, que le globe exerce sur une aiguille magnétique gu (fig. 80), pour la ramener à sa première direction, des forces conspirantes suivant ie et tu ; et ici la grandeur de la distance n’empêche pas que ces forces ne conservent assez d’intensité pour produire leur effet.

Nous avons maintenant à considérer des phénomènes où le parallèle se soutient entre le globe et les aimants qui sont à notre portée, relativement à la faculté qu’ont ces derniers de communiquer le magnétisme au fer placé dans leur sphère d’activité. De même l’action du globe, qui s’étend dans l’espace à des distances immenses, est capable de produire un certain degré de vertu magnétique dans les verges de fer et autres corps semblables, dont la force coercitive n’est pas assez grande pour s’opposer à cette action.

600. Rappelons-nous ici ce qui a été dit (597) de cette même action sur deux molécules, l’une de fluide boréal, l’autre de fluide austral, pour faire mouvoir la première dans la direction ok (fig. 79), et l’autre dans la direction oh. Comme la communication du magnétisme est due à de semblables mouvemens qui ont lieu pour toutes les molécules magnétiques situées dans l’intérieur d’une verge de fer, il est d’abord évident que la position la plus favorable pour que cette verge acquière le plus haut degré de magnétisme possible est celle qui coïncide avec la direction kh. Si l’on suppose ensuite que la verge, en restant toujours dans le même plan BoA, prenne une autre position, telle que mn (fig. 81) ; et si nous considérons les lignes ok, oh, qui coïncident avec la direction primitive, comme les résultantes des forces exercées par le globe, lorsque la position est la plus avantageuse, il faudra, dans le cas présent, décomposer la force ok suivant deux directions, l’une kx perpendiculaire sur om, et qui ne contribue en rien à l’effet, l’autre ox qui coïncide avec om, et qui représente la force réelle ; c’est-à-dire, que la force ok se trouve diminuée dans le rapport de ok à ox. Si nous décomposons de même la force oh suivant deux directions, l’une hl perpendiculaire sur on, l’autre ol qui se confond avec cette dernière ligne, ol représentera la force qui agit seule pour produire l’effet demandé.

À mesure que la verge s’écartera de la position mn, en prenant une direction pr qui fasse un angle encore plus ouvert avec la première, la quantité de la force réelle os ou oy ira toujours en diminuant ; et lorsque la verge sera située sur la ligne tz qui fait un angle droit avec kh, la force réelle se trouvera réduite à zéro.

Passé ce terme, si l’on augmente l’angle que fait avec kh la nouvelle position de la verge, de manière, par exemple, que cette position coïncide avec bd, les mêmes effets recommenceront ; c’est-à-dire, que si l’on mène les lignes kf et gh perpendiculaires, l’une sur od, et l’autre sur ob, of représentera la force qui détermine le mouvement du fluide austral vers d, et og celle qui sollicite le fluide boréal à se mouvoir vers b.

Si l’on place la verge dans un autre plan que BoA (fig. 79), il est facile de concevoir que sa position la plus favorable, relativement à ce second plan, sera celle où sa direction fera le plus petit angle possible avec la ligne kh, et que le magnétisme acquis deviendra encore nul, lorsque la longueur de la verge, en restant dans le même plan, fera un angle droit avec kh.

601. On peut vérifier ces différens résultats, à l’aide d’une expérience aussi curieuse que simple et facile à faire. Vous prenez une barre de fer doux, et vous la tenez dans une des positions où l’action du globe puisse lui communiquer le magnétisme. La position la plus favorable, à Paris, est celle qui est inclinée d’environ 72d à l’horizon, parce que c’est cette position que prendroit naturellement une aiguille, dont les deux moitiés auroient des poids égaux, et qui seroit mobile autour d’un axe, à l’endroit de son centre de gravité ; mais la position verticale suffit au succès de l’expérience. La verge étant donc située de cette manière, vous présentez son extrémité inférieure au pôle austral d’une aiguille aimantée placée sur son pivot, et vous observez qu’elle repousse ce pôle. Vous faites ensuite descendre la verge en la maintenant dans la même direction, jusqu’à ce que son extrémité supérieure se trouve vis-à-vis du même pôle de l’aiguille, et alors il y a attraction. Vous renversez la position de la verge, et aussitôt les pôles eux-mêmes se trouvent renversés. L’extrémité qui repoussoit le pôle austral de l’aiguille l’attire, et celle qui l’attiroit le repousse. Le fer doux n’opposant qu’une résistance peu considérable au mouvement interne des deux fluides, qui se sont dégagés du fluide naturel, le magnétisme qu’il acquiert n’est qu’un effet fugitif qui, par le simple renversement de la verge, fait place à l’effet opposé. L’alternative subite de ces attractions et répulsions a un air de prestige, qui tendroit à faire soupçonner de subtilité la main du physicien, au point que cette belle expérience semble y perdre dans l’esprit des spectateurs.

On réussira à produire des effets semblables, même avec une simple clef, ou tout autre corps fait de fer mou et d’une forme allongée. Mais quand ce corps a peu de masse, il faut employer une aiguille qui soit foiblement aimantée, et dont l’action immédiate sur ce même corps ne puisse troubler celle du magnétisme naturel.

On peut varier de la manière suivante l’expérience dont il s’agit ici : la verge étant d’abord dans une position verticale, on fera avancer son extrémité inférieure jusqu’à une telle distance du pôle austral de l’aiguille que la répulsion ait commencé à se manifester, et l’on s’arrêtera à ce terme. On maintiendra ensuite l’extrémité inférieure de la verge dans la même position, tandis que l’on fera tourner doucement cette verge autour du même point dans un plan perpendiculaire à la direction de l’aiguille. Bientôt la répulsion diminuera, en sorte que l’aiguille se rapprochera de la verge, et finira par reprendre sa direction naturelle, au moment où la verge sera située à angle droit sur cette direction. Alors si l’on continue de faire tourner la verge, l’aiguille se portera vers elle par l’effet de l’attraction qui aura succédé à la répulsion ; et en faisant osciller légèrement la verge de part et d’autre de la position où son action étoit nulle, on verra l’aiguille prendre elle-même un mouvement d’oscillation, en vertu duquel elle s’écartera et s’approchera tour à tour de l’extrémité de la verge.

602. Æpinus a remarqué que lorsqu’on frappoit à coups redoublés avec un corps dur une verge de fer que l’on tenoit dans une position favorable, on secondoit à l’égard de cette verge l’action du magnétisme terrestre. Les secousses imprimées à la verge, par ces percussions, occasionnent dans sa masse une espèce de vibration générale, qui en déplace un peu les particules, et qui, diminuant leur force coercitive, facilite le dégagement des deux fluides, et leurs mouvemens vers les deux extrémités de la verge.

C’est probablement en vertu d’un mécanisme semblable que l’on parvient à aimanter des aiguilles qui étoient encore dans l’état naturel, ou à renverser leurs pôles si elles étoient déjà aimantées, en leur faisant subir une forte commotion électrique.

603. Les physiciens ont profité du léger degré de magnétisme que produit dans une verge la seule action du globe, pour résoudre ce problème singulier : aimanter des barreaux d’acier jusqu’à saturation, sans avoir eu préalablement aucun aimant entre les mains. Il ne s’agit que de faire prendre d’abord à des barreaux de fer mou un commencement de vertu, en les plaçant d’une manière convenable, relativement au méridien magnétique du lieu. On emploie ensuite ces barreaux pour en aimanter d’autres plus durs, que l’on passe avec frottement sur leur surface. Ces derniers font à leur tour la même fonction par rapport à de nouveaux barreaux ; et à l’aide d’une méthode analogue à celle dont nous avons parlé, en traitant de la communication du magnétisme (571), on parvient à faire croître la force des barreaux dont il s’agit, jusqu’à son maximum.

604. Les détails qui précèdent peuvent servir à expliquer certains faits qui ont dû causer d’abord beaucoup de surprise, tels que le magnétisme qu’acquièrent naturellement les barres de fer qui ont une position constante au haut des édifices. Une des premières observations de ce genre dont on ait parlé, est celle que fit Gassendi, relativement à la tige qui soutenoit la croix du clocher de Saint Jean d’Aix en Provence. Cette observation a été renouvelée depuis sur d’autres tiges semblables.

Il n’est peut-être aucun point de physique qui prouve mieux que celui qui nous occupe ici, combien les idées qui ont rapport à une science s’étendent et s’agrandissent, à mesure que la science elle-même fait des progrès et marche vers sa perfection. Un aimant passoit autrefois pour une espèce de merveille, autant par sa rareté que par ses effets, et aujourd’hui l’observation nous apprend que tous ces instrumens de fer mou que nous avons à chaque instant sous les yeux et entre les mains, sont maintenus dans un état habituel de magnétisme polaire, par l’influence du globe terrestre. Seulement leurs pôles sont variables et se renversent continuellement par les changemens de position que ces corps subissent d’un instant à l’autre. À l’égard des instrumens d’acier que leur grande force coercitive rend plus capables de résister à l’action du globe, pour leur communiquer la vertu magnétique, cette action ne laisse pas de produire son effet, lorsqu’elle est secondée par des circonstances particulières. Ainsi les limes, les ciseaux et autres instrumens qui sont exposés à des frottemens, à des secousses, ou à des percussions capables de donner du jeu à leurs molécules, passent peu à peu à l’état de magnétisme, et deviennent susceptibles d’enlever des parcelles de limaille ou des fils de fer d’un petit volume.

5. Du Magnétisme des Mines de Fer.

Les mines de fer répandues dans l’intérieur du globe avec une abondance proportionnée à l’utilité de ce métal, le plus précieux de tous, ont été l’objet de diverses observations particulières, qui offrent une confirmation des principes que nous avons établis, relativement à la manière d’agir des forces magnétiques.

605. On a quelquefois observé que des morceaux d’aimant qu’on venoit de retirer de la terre, et qu’on laissoit dans la même position où ils étoient avant l’extraction, avoient leurs pôles situés en sens inverse de celui qui auroit dû avoir lieu dans l’hypothèse où ces morceaux auroient acquis leur magnétisme par l’action d’un aimant placé au centre du globe, ou par celle du globe même, considéré comme faisant l’office d’un aimant. Pour lever la difficulté qui paroît en résulter, il faut simplement supposer avec Æpinus, qu’il se forme naturellement dans les mines d’aimant des points conséquens, analogues à ceux que l’on observe quelquefois par rapport au fer que nous aimantons par les procédés ordinaires (565). On concevra dès lors comment il peut se faire que quand on détache un fragment de mine dans laquelle il existe une série de points conséquens, la séparation ait lieu de manière que les deux pôles qui terminent le fragment, soient autrement tournés que dans les morceaux qui ont reçu le magnétisme ordinaire.

606. Les minéralogistes ont regardé comme une espèce particulière de mine de fer, qu’ils ont nommée aimant, celle qui a les deux pôles magnétiques ; c’étoit le ferrum attractorium de Linnæus. Parmi les autres mines, celles qui n’avoient point de pôles distincts, mais seulement la faculté d’être attirées par le barreau aimanté, s’appeloient ferrum retractorium : enfin, on nommoit ferrum refractarium, celles qui se refusoient à l’action de ce barreau. Delarbre annonça, en 1786, que les fers spéculaires de Volvic, du Puy-de-Dôme et du Mont-d’Or avoient deux pôles bien marqués[17], et nous avons entendu parler d’une observation semblable faite sur un cristal de fer octaèdre de Suède, ou de quelqu’autre endroit ; mais il restoit un sujet de surprise à la vue de tant d’autres corps qui, renfermant une certaine quantité de fer à l’état métallique, avoient séjourné si long-temps dans le sein de la terre, sans paroître avoir participé à l’action qui avoit converti les premiers en aimants.

607. Nous avons entrepris récemment de faire des expériences pour éclaircir ce point de physique ; mais nous avons considéré que si nous nous servions d’un barreau d’une certaine force, comme on le fait communément pour éprouver le magnétisme des mines de fer, il pourroit arriver que des corps qui ne seroient que de foibles aimants attirassent indifféremment les deux pôles du barreau ; parce que dans le cas où l’on présenteroit, par exemple, le pôle boréal du corps soumis à l’expérience, au pôle boréal du barreau, la force de celui-ci pourroit détruire le magnétisme de l’autre, et de plus y faire succéder l’état contraire, ce qui changeroit la répulsion en attraction. Nous avons donc pris une aiguille qui n’avoit qu’un assez léger degré de vertu, semblable à celles dont on garnit les petites boussoles à cadran : dès cet instant tout devint aimant entre nos mains. Les cristaux de l’île d’Elbe, ceux du Daupbiné, de Framont, de l’île de Corse, etc., repoussoient un des pôles de la petite aiguille par le même point qui attiroit le pôle opposé. Nous avons trouvé peu d’exceptions ; et peut-être les corps qui sont dans ce cas ont-ils perdu leur magnétisme, depuis qu’ils ont été retirés de la terre. Ce qui peut le faire présumer, c’est la facilité avec laquelle ils acquièrent des pôles lorsqu’on les met en contact, seulement une ou deux secondes, avec un barreau d’une force moyenne.

Il seroit possible d’ailleurs que quelques cristaux eussent échappé à l’action du magnétisme du globe, pour avoir été situés de manière que leur axe fût perpendiculaire à la direction du méridien magnétique de leur lieu natal.

608. Il nous vint en idée qu’il pourroit se faire qu’un cristal à l’état d’aimant parût, en conséquence de cet état même, n’avoir aucune action sur un autre aimant. Pour vérifier cette conjecture, nous avons substitué à l’aiguille le barreau dont on se sert ordinairement, et nous avons présenté à l’un des pôles de ce barreau un cristal de l’île d’Elbe, par le pôle de même nom. Le barreau n’ayant à peu près que la force nécessaire pour détruire le magnétisme du pôle qu’on lui présentoit, et remettre ce pôle dans l’état naturel, il n’y eut ni attraction, ni répulsion sensible de ce côté ; tandis que le même pôle du cristal, présenté à l’autre pôle du barreau, faisoit mouvoir celui-ci. On voit par là qu’en se bornant à une seule observation, on pourroit en tirer une conclusion très-opposée à la vérité.

Il restoit à dissiper une petite incertitude relativement aux résultats que nous venons d’énoncer. Lors qu’on présente un morceau de fer non aimanté, par exemple une clef, dans une position verticale, ou à peu près, au pôle austral d’une aiguille aimantée, ce pôle est toujours repoussé par le bout inférieur de la clef, tandis que le même bout attire le pôle boréal[18] : c’est, comme nous l’avons vu (601), l’effet du magnétisme que l’action du globe terrestre communique à la clef, et qui est si fugitif, que si l’on renverse la position de cette clef, à l’instant les effets contraires auront lieu ; mais on ne pouvoit pas dire que les cristaux soumis à l’expérience fussent dans la même circonstance que cette clef, soit parce que leur action étoit constante, quelle que fût la position qu’on leur donnoit, soit parce qu’il s’en trouvoit dont l’extrémité inférieure repoussoit le pôle boréal de l’aiguille, et attiroit son pôle austral.

609. Il résulte de ces observations, que tous les morceaux de fer enfouis dans la terre, qui n’abondent pas trop en oxygène, ou du moins la très-grande partie, sont des aimants naturels, qui seulement varient par leur degré de force entre des limites très-étendues : en conséquence, l’aimant ne doit pas former une espèce à part en minéralogie ; et ce qu’on appelle communément de ce nom, n’est que le premier terme et le mieux prononcé d’une série où la nature marche par nuances, à son ordinaire, et où nous pouvons la suivre très-loin, en employant des moyens assortis à la délicatesse des mêmes nuances

610. Nous ajouterons ici quelques détails sur deux substances métalliques, qui paroissent douées, ainsi que le fer, d’une vertu magnétique très-sensible. L’une est le nickel qui, dans l’état où la nature l’a offert jusqu’ici, est toujours uni à l’arsenic et au fer. Il ne produit alors aucun mouvement dans le barreau aimanté. Mais cette observation ne prouve rien, parce que l’arsenic a cette propriété singulière, que sa présence, même lorsqu’il est en petite quantité, masque entièrement l’action du magnétisme.

Bergmann, qui a fait de nombreuses expériences sur le nickel, s’étoit aperçu que quand on avoit épuré ce métal, autant qu’il étoit possible, il agissoit sur le barreau aimanté. Le célèbre Klaproth, de son côté, après avoir découvert que la variété d’agathe, nommée Chrysoprase, devoit sa couleur verte à l’oxyde de nickel, crut pouvoir regarder comme très-pure la portion de ce métal qu’il avoit obtenue par l’analyse de la pierre dont il s’agit[19] ; et voyant que le nickel, dans cet état, continuoit d’être attirable, il pencha fortement à croire que ce même métal partageoit avec le fer les propriétés magnétiques.

Cependant on pouvoit être tenté de soupçonner que le nickel, lorsqu’on le croyoit pur, recéloit encore quelques molécules ferrugineuses que la puissance des agens chimiques n’avoit pu lui arracher.

Nous nous sommes proposé d’écarter, s’il étoit possible, ce soupçon, en soumettant à l’expérience une lame de nickel obtenue par Vauquelin, dont le poids est de 45 centigrammes, ou environ 8 grains ½, et la longueur de 16 millimètres, à peu près 7 lignes. Cette lame agis soit d’abord par attraction sur l’un et l’autre pôle d’une aiguille aimantée ; mais on parvint facilement à lui communiquer le magnétisme polaire, en employant la méthode de Coulomb (573), en sorte qu’elle exerçoit des attractions et des répulsions très-marquées sur l’aiguille, et qu’ayant été suspendue à un fil de soie très délié, elle se dirigea aussitôt dans le plan du méridien magnétique. On observa, de plus, que cette lame portoit un fil de fer qui avoit au moins le tiers de son poids. Or la quantité de fer qu’il faudroit supposer dans le nickel, pour qu’elle fût capable de produire surtout ce dernier effet, n’auroit pas échappé aux moyens très-précis que Vauquelin a employés, ce qui rend extrêmement probable l’opinion que le nickel jouit par lui-même des propriétés magnétiques. Pour se refuser à cette conséquence, il faudroit dire que ce petit résidu de fer, dont le lien avec le nickel n’auroit pu être brisé par tous les efforts de l’analyse, y constituoit un aimant d’une force extraordinaire. Mais quoique cette hypothèse ne répugne pas en elle-même, puisqu’il y a de petits aimants qui portent plus de cent fois leur propre poids, il resteroit à prouver qu’elle est admissible dans le cas présent.

L’autre substance est le cobalt qui, dans ses mines, est de même toujours mêlé de fer et d’arsenic, et qui étant épuré, autant que les ressources de la chimie peuvent le permettre, manifeste aussi un magnétisme très-sensible. Wenzel a fait, avec ce métal, des aiguilles qui, après avoir été aimantées, se dirigeoient comme celles des boussoles ordinaires[20]. Au fond, rien ne répugne à ce que d’autres métaux aient, ainsi que le fer, la faculté de retenir le fluide magnétique engagé dans leurs pores ; et cette espèce de prérogative que l’on croyoit accordée au fer seul, devoit même paroître d’autant plus singulière, qu’en général la nature n’est pas ainsi exclusive dans sa manière d’agir.

611. Terminons par une réflexion qui sort naturellement du sujet que nous venons de traiter. L’aimant n’a été, pendant long-temps, qu’un sujet d’amusement. Il ne paroissoit plus rien en l’absence du fer, et cependant une découverte imprévue a prouvé qu’il n’avoit besoin que de lui-même pour nous rendre des services importans, et que sous l’apparence d’un simple jeu, il avoit caché jusqu’alors un présent inestimable destiné à la navigation ; et depuis cette époque, toutes les ressources d’une physique ingénieuse ont été employées pour donner aux aiguilles de boussole la forme la plus convenable pour augmenter leur énergie, et leur procurer une mobilité qui les rendît plus dociles à l’action du globe terrestre. Ainsi, parce qu’un objet relatif aux sciences ne semble d’abord conduire qu’à des spéculations oisives, ce n’est pas un motif pour le condamner à l’oubli : outre qu’il en résulte des connoissances propres à exercer la sagacité de l’esprit et à orner la raison, ces connoissances servent souvent elles-mêmes à éclairer des vérités d’usage qui en sont voisines, et elles participent des avantages de ces dernières, en nous aidant à les approfondir ; mais de plus, elles peuvent recéler à leur tour une utilité cachée, qui enfin se déclarera, et les momens que nous leur donnons préparent peut-être celui où elles cesseront d’être stériles pour le bien de la Société.

  1. Voyez les expériences physico-mécaniques sur différens sujets, traduites de l’Anglais de Haukabée, Paris, 1754, t. II, p. 547, et suiv.
  2. La différence 13 qui se trouve entre 351 et le quart de 1456, qui est 364, n’est très-sensible que parce qu’elle tombe sur les carrés des nombres d’oscillations faites par l’aiguille ; en sorte que celle qui lui correspond, relativement à ces derniers nombres, n’est qu’une fraction de l’unité. Si l’on suppose, par exemple, que l’aiguille, dans sa seconde position, fasse 24 oscillations plus ¼, on aura, au lieu de 351, le nombre 363 plus une fraction, résultat qui se rapproche beaucoup de 364.
  3. Si la torsion étoit produite par un mouvement imprimé immédiatement à l’aiguille mobile, il est évident que, pour continuer de tordre le fil, il faudroit faire tourner cette aiguille suivant le sens de son premier mouvement dans un arc de 24 degrés. Mais comme la torsion agit par l’extrémité supérieure du fil, en vertu de la rotation imprimée à la tige qui tient ce fil suspendu, on conçoit aisément que pour continuer de tordre le fil, il faut faire tourner la tige en sens contraire du mouvement qui a déjà eu lieu vers le bas.
  4. La lettre b indique ici, comme à l’ordinaire, le pôle boréal, et la lettre a le pôle austral.
  5. Pour rendre cette explication plus sensible, servons-nous de nombres pris arbitrairement, et représentons d’abord par +16 et −16 les quantités de fluide qui sollicitoient les différens pôles a, b, a′, b′, etc., dans l’état primitif de l’aiguille, le signe négatif indiquant ici le fluide boréal. Supposons qu’en vertu du contact de l’aimant MN, et de la nouvelle distribution qui en résulte relativement aux deux fluides renfermés dans l’aiguille mn, l’état de l’aiguille partielle c soit représenté par +6−6, celui de d par +12−12, celui de e par +15−15, celui de f par +16−16 ; et que de même, en partant de l’extrémité opposée, l’état de r soit représenté par −6+6, celui de o par −12+12, celui de h par −15+15, et celui de g par −16+16; il est aisé de voir que les quantités de fluide austral qui resteront en activité dans la moitié supérieure de l’aiguille, formeront cette série : +12−6, +15−12, +16−15, +16−16, ou plus simplement, 6, 3, 1, 0. De même les quantités de fluide austral qui resteront en activité dans la moitié inférieure de l’aiguille, donneront cette série : +6−12, +12−15, +15−16, +16−16, ou −6, −3, −1, 0. Ainsi chaque moitié de l’aiguille sera censée être sollicitée par une seule force égale et contraire à celle de l’autre moitié.
  6. Annales du Muséum d’Hist. Nat., 5e. cahier, p. 350.
  7. Représentons la force oblique suivant bm par la partie om de cette ligne, et menons og parallèle à br ; og sera la quantité dont il faut chercher le maximum. Soit br=x, et rm=a, et soit z en général le nombre qui indique le degré de la puissance relative à la loi de l’attraction ou de la répulsion. Nous aurons . De plus, om, ou bien . Donc , quantité dont la différentielle égalée à zéro, donne .

    Si l’on fait z=1, on a x=a, ce qui conduit au résultat d’Æpinus. Si l’on fait z=2, conformément à la véritable loi, on trouve a:x :: √2:1, d’où l’on déduit l’angle dont nous avons parlé.

  8. Mém. de l’Acad. des Sc. ; 1789, p. 505.
  9. Nouv. Expér. et Observ. sur divers objets de Physique, t. I, p. 329.
  10. Encyclop. Méthod. Médecine, 2e. partie, t. I, p. 418.
  11. Recueil de Mémoires sur l’analogie de l’Électricité et du Magnétisme, par Van-Swinden, t. III, p. 4 et suiv.
  12. Ibid., p. 2 et suiv.
  13. Même ouvrage, t. I, p. 466, et t. III, p. 187 et suiv.
  14. Si la direction de cette ligne étoit parallèle à l’horizon GF du point Z auquel correspond l’aiguille, l’inclinaison seroit nulle : c’est effectivement ce qui a lieu dans quelques endroits ; mais partout ailleurs l’aiguille s’abaisse vers l’horizon du lieu.
  15. Journal de Phys. ; floréal an 10, p. 367 et suiv.
  16. De l’Origine des forces magnétiques, p. 200 et suiv.
  17. Journal de Phys. ; 1786, p. 119 et suiv. Romé de Lisle avoit déjà dit la même chose par rapport à une mine de fer spéculaire de Philadelphie. Cristal., t. III, p. 187, note 35.
  18. Nous supposons ici que l’observation se fasse dans nos contrées.
  19. Annales de Chimie, t. I, p. 169.
  20. Gren., Manuel Systém. de Chimie, 2e. édit., t. iii, p. 516 et suiv.