Traité élémentaire de chimie/Partie 2/Tableau 14

Tableau des combinaisons de l’acide sulfurique


Tableau des combinaisons de l’acide sulfurique, ou soufre oxygéné avec les bases salifiables, dans l’ordre de leur affinité avec cet acide, par la voie humide.



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OBSERVATIONS


Sur l’acide sulfurique & sur le Tableau de ses combinaisons.


On a long-temps retiré l’acide sulfurique par distillation du sulfate de fer ou vitriol de mars, dans lequel cet acide est uni au fer. Cette distillation a été décrite par Basile Valentin, qui écrivoit dans le quinzième siècle. On préfère aujourd’hui de le tirer du soufre par la combustion, parce qu’il est à beaucoup meilleur marché que celui qu’on peut extraire des différens sels sulfuriques. Pour faciliter la combustion du soufre & son oxygénation, on y mêle un peu de salpêtre ou nitrate de potasse en poudre. Ce dernier est décomposé, & fournit au soufre une portion de son oxygène, qui facilite sa conversion en acide. Malgré l’addition de salpêtre, on ne peut continuer la combustion du soufre dans des vaisseaux fermés, quelque grands qu’ils soient, que pendant un temps déterminé. La combustion cesse par deux raisons : 1°. parce que le gaz oxygène sa trouve épuisé, & que l’air dans lequel se fait la combustion se trouve presque réduit à l’état de gaz azotique ; 2°. parce que l’acide lui-même qui reste long-temps en vapeurs, met obstacle à la combustion. Dans les travaux en grand des arts, on brûle le mélange de soufre & de salpêtre dans de grandes chambres dont les parois sont recouvertes de feuilles de plomb : on laisse un peu d’eau au fond pour faciliter la condensation des vapeurs. On se débarrasse ensuite de cette eau, en introduisant l’acide sulfurique qu’on a obtenu dans de grandes cornues : on distille à un degré de chaleur modéré ; il passe une eau légèrement acide, & il reste dans la cornue de l’acide sulfurique concentré. Dans cet état il est diaphane, sans odeur, & il pèse à peu près le double de l’eau. On prolongeroit la combustion du soufre, & on accéléreroit la fabrication de l’acide sulfurique, si on introduisoit dans les grandes chambres doublées de plomb où se fait cette opération, le vent de plusieurs soufflets qu’on dirigeroit sur la flamme. On feroit évacuer le gaz azotique par de longs canaux ou espèces de serpentins dans lesquels il seroit en contact avec de l’eau, afin de le dépouiller de tout le gaz acide sulfureux ou acide sulfurique qu’il pourroit contenir.

Suivant une première expérience de M. Berthollet, 69 parties de soufre en brûlant absorbent 31 parties d’oxygène, pour former 100 parties d’acide sulfurique. Suivant une seconde expérience faite par une autre méthode, 72 parties de soufre en absorbent 28 d’oxygène, pour former la même quantité de 100 parties d’acide sulfurique sec.

Cet acide ne dissout, comme tous les autres, les métaux qu’autant qu’ils ont été préalablement oxidés ; mais la plupart sont susceptibles de décomposer une portion de l’acide, & de lui enlever assez d’oxygène pour devenir dissolubles dans le surplus : c’est ce qui arrive à l’argent, au mercure & même au fer & au zinc, quand on les fait dissoudre dans de l’acide sulfurique concentré & bouillant. Ces métaux s’oxident & se dissolvent, mais ils n’enlèvent pas assez d’oxygène à l’acide pour le réduire en soufre ; ils le réduisent seulement à l’état d’acide sulfureux, & il se dégage alors sous la forme de gaz acide sulfureux. Lorsqu’on met de l’argent, du mercure ou quelque métal autre que le fer & le zinc dans de l’acide sulfurique étendu d’eau, comme ils n’ont pas assez d’affinité avec l’oxygène pour l’enlever, ni au soufre, ni à l’acide sulfureux, ni à l’hydrogène, ils sont absolument insolubles dans cet acide. Il n’en est pas de même du zinc & du fer : ces deux métaux, aidés par la présence de l’acide, décomposent l’eau ; ils s’oxident à ses dépens, & deviennent alors dissolubles dans l’acide, quoiqu’il ne soit ni concentré ni bouillant.