Traité élémentaire de chimie/Partie 2/Tableau 13

Tableaux des combinaisons de l’azote porté a l’état d’acide nitreux ou d’acide nitrique


Tableau des combinaisons de l’azote, ou radical nitrique porté a l’état d’acide nitreux par la combinaison d’une suffisante quantité d’oxygène, avec les bases salifiable, dans l’ordre de leurs affinités avec cet acide.



[TABLEAU]



Tableau des combinaisons de l’azote complettement saturée d’oxygène, & portée à l’état d’acide nitrique, avec les bases salifiables, dans l’ordre de leur affinité avec cet acide.



[TABLEAU]



OBSERVATIONS


Sur les acides nitreux & nitrique, & sur le Tableau de leurs combinaisons.


L’acide nitreux & l’acide nitrique se tirent d’un sel connu dans les arts sous le nom de salpêtre. On extrait ce sel par lixiviation des décombres des vieux bâtiments & de la terre des caves, des écuries, des granges, & en général des lieux habités. L’acide nitrique est le plus souvent uni dans ces terres à la chaux & à la magnésie, quelquefois à la potasse, & plus rarement à l’alumine. Comme tous ces sels, à l’exception de celui à base de potasse, attirent l’humidité de l’air, & qu’ils seroient d’une conservation difficile dans les arts, on profite de la plus grande affinité qu’a la potasse avec l’acide nitrique, & de la propriété qu’elle a de précipiter la chaux, la magnésie & l’alumine, pour ramener ainsi dans le travail du salpêtrier & dans le raffinage qui se fait ensuite dans les magasins du Roi, tous les sels nitriques à l’état de nitrate de potasse ou de salpêtre. Pour obtenir l’acide nitreux de ce sel, on met dans une cornue tubulée trois parties de salpêtre très-pur, & une d’acide sulfurique concentré : on y adapte un ballon à deux pointes, auquel on joint l’appareil de Woulfe, c’est-à-dire, des flacons à plusieurs gouleaux à moitié remplis d’eau & réunis par des tubes de verre. On voit cet appareil représenté pl. IV, fig. 1. On lutte exactement toutes les jointures, & on donne un feu gradué : il passe de l’acide nitreux en vapeurs rouges, c’est-à-dire, surchargé de gaz nitreux, ou autrement dit, qui n’est point oxygéné autant qu’il le peut être. Une partie de cet acide se condense dans le ballon, dans l’état d’une liqueur d’un jaune rouge très-foncé ; le surplus se combine avec l’eau des bouteilles. Il se dégage en même temps une grande quantité de gaz oxygène, par la raison qu’à une température un peu élevée l’oxygène a plus d’affinité avec le calorique qu’avec l’oxide nitreux, tandis que le contraire arrive à la température habituelle dans laquelle nous vivons. C’est parce qu’une partie d’oxygène a quitté ainsi l’acide nitrique, qu’il se trouve converti en acide nitreux. On peut ramener cet acide de l’état nitreux à l’état nitrique, en le faisant chauffer à une chaleur douce ; le gaz nitreux qui étoit en excès s’échappe, & il reste de l’acide nitrique : mais on n’obtient par cette voie qu’un acide nitrique très-étendu d’eau, & il y a d’ailleurs une perte considérable.

Pl. IV - Fig. 1

On se procure de l’acide nitrique beaucoup plus concentré & avec infiniment moins de perte, en mêlant ensemble du salpêtre & de l’argile bien sèche, & en les poussant au feu dans une cornue de grès. L’argile se combine avec la potasse pour laquelle elle a beaucoup d’affinité : en même-temps il passe de l’acide nitrique très-légèrement fumant, & qui ne contient qu’une très-petite portion de gaz nitreux. On l’en débarrasse aisément, en faisant chauffer foiblement l’acide dans une cornue : on obtient une petite portion d’acide nitreux dans le récipient, & il reste de l’acide nitrique dans la cornue.

On a vu dans le corps de cet ouvrage que l’azote étoit le radical nitrique : si à vingt parties & demie en poids d’azote, on ajoute quarante-trois parties & demie d’oxygène, cette proportion constituera l’oxide ou le gaz nitreux ; si on ajoute à cette première combinaison 36 autres parties d’oxygène, on aura de l’acide nitrique. L’intermédiaire entre la première & la dernière de ces proportions, donne différentes espèces d’acides nitreux, c’est-à-dire, de l’acide nitrique plus ou moins imprégné de gaz nitreux. J’ai déterminé ces proportions par voie de décomposition, & je ne puis pas assurer qu’elles soient rigoureusement exactes ; mais elles ne peuvent pas s’écarter beaucoup de la vérité. M. Cavendish, qui a prouvé le premier, & par voie de composition, que l’azote est le radical nitrique, a donné des proportions un peu différentes & dans lesquelles l’azote entre pour une plus forte proportion : mais il est probable en même temps que c’est de l’acide nitreux qu’il a formé, & non de l’acide nitrique ; & cette circonstance suffit pour expliquer jusqu’à un certain point la différence des résultats.

Pour obtenir l’acide nitrique très-pur, il faut employer du nitre dépouillé de tout mélange de corps étrangers. Si, après la distillation, on soupçonne qu’il y reste quelques vestiges d’acide sulfurique, on y verse quelques gouttes de dissolution de nitrate barytique, l’acide sulfurique s’unit avec la baryte, & forme un sel neutre insoluble qui se précipite. On en sépare avec autant de facilité les dernières portions d’acide muriatique qui pouvoient y être contenues, en y versant quelques gouttes de nitrate d’argent ; l’acide muriatique contenu dans l’acide nitrique, s’unit à l’argent avec lequel il a plus d’affinité, & se précipite sous forme de muriate d’argent qui est presqu’insoluble. Ces deux précipitations faites, on distille jusqu’à ce qu’il ait passé environ les sept huitièmes de l’acide, & on est sûr alors de l’avoir parfaitement pur.

L’acide nitrique est un de ceux qui a le plus de tendance à la combinaison, & dont en même temps la décomposition est la plus facile. Il n’est presque point de substance simple, si on en excepte l’or, l’argent & le platine, qui ne lui enlève plus ou moins d’oxygène ; quelques-unes même le décomposent en entier. Il a été fort anciennement connu des Chimistes, & ses combinaisons ont été plus étudiées que celles d’aucun autre. MM. Macquer & Baumé ont nommé nitres tous les sels qui ont l’acide nitrique pour acide. Nous avons dérivé leur nom de la même origine ; mais nous en avons changé la terminaison, & nous les avons appelés nitrates ou nitrites, suivant qu’ils ont l’acide nitrique ou l’acide nitreux pour acide & d’après la loi générale dont nous avons expliqué les motifs, chapitre XVI. C’est également par une suite des principes généraux dont nous avons rendu compte, que nous avons spécifié chaque sel par le nom de sa base.