Traditions indiennes du Canada Nord-Ouest/03

Maisonneuve Frères et Ch. Leclerc (p. 103-107).


TROISIÈME PARTIE

LÉGENDES ET TRADITIONS DES DÉNÉ
PEAUX-DE-LIÉVRE












TROISIÈME PARTIE

LÉGENDES ET TRADITIONS DES DÉNÉ
PEAUX-DE-LIÈVRE


NOTICE ETHNOGRAPHIQUE

La nation américaine des Déné (hommes) s’étend depuis l’Océan glacial arctique jusqu’aux plaines du Nouveau-Mexique, et, de l’Est à l’Ouest, des bords de la baie d’Hudson aux montagnes des Cascades.

J’ai donné, dans ces pages, les légendes et traditions de cinq peuplades ou fractions de la nation Dénè, indépendamment des Dindjié, dont il vient d’être question. Ces légendes, je les ai classées en trois groupes : 1o  Celles des Déné Peaux-de-Lièvres ; 2o  celles des Déné Esclaves et Flancs-de-Chiens ; 3o  enfin, celles des Couteaux-Jaunes et des Tchippewayans ou Montagnais du Nord.

Les Dènè Peaux-de-Liévres habitent les steppes et les forêts rachitiques qui s’étendent entre la baie d’Hudson, les montagnes Rocheuses, la mer Glaciale et le grand lac des Ours.

Les Esclaves et les Flancs-de-Chiens sont compris entre ce dernier bassin et le grand lac des Esclaves.

Enfin, les Couteaux-Jaunes et les Tchippewayans descendent du grand lac des Esclaves au 54e parallèle.

Les Peaux-de-Lièvres doivent leur nom à leur vêtement d’hiver à la Samoïède, lequel est entièrement tissu avec des lanières en peau de lapin blanc. Ce vêtement, qu’ils portent immédiatement sur la peau et dont ils sont revêtus des pieds à la tête, leur donne l’apparence de gros ours blancs.

Leur nom de tribu est double. Les Kha-tchô gottiné, ou gens vivant parmi les lièvres, habitent l’intérieur, à l’Est ; les Khaitρa gottiné, ou gens vivant parmi les lapins, chassent le long et à l’Ouest du fleuve Mackenzie. Ces derniers pratiquent la circoncision, ainsi que ceux du grand lac des Ours.

Ils sont vifs, rieurs, pétulants, enthousiastes et très aimants ; ils vivent en commun par grands camps ou villages volants, chassant de préférence le renne des déserts.

Les Esclaves doivent leur nom français à l’abjection et à la servilité de leurs manières vis-à-vis des blancs. Leur nom véritable, outre celui de Dènè qui convient à toute la nation, est Etcha ottiné, ou gens vivant à l’abri, sous-entendu des montagnes Rocheuses.

Ils chassent entre ces montagnes et le Mackenzie ; ils sont fourbes, railleurs, sournois et peu amis des blancs, quoique aussi honnêtes que leurs frères.

Le nom bizarre des Flancs-de-Chiens a trait à leur prétendue provenance d’un homme-chien. Sous cette dernière et ignoble épithète, les Dènè désignent un peuple occidental dont ils auraient été jadis les prisonniers et les esclaves. Tout porte à croire qu’ils désignent les Kolloches.

Les Flancs-de-Chiens, loin d’être circoncis, sont adonnés à une lubricité effrénée et vraiment cynique ; mais ils sont très hospitaliers, attachés et fidèles époux.

Les Couteaux-Jaunes ne diffèrent des Tchippewayans que quant à la localité qu’ils habitent et à une petite divergence d’accentuation. Leur dialecte est, à fort peu de chose près, le même absolument.

Les uns et les autres sont fiers, orgueilleux, avares, moroses, soupçonneux et peu hospitaliers, mais doux, honnêtes, religieux, foncièrement bons, et amis de la paix.

Ils ne sont point circoncis, et vivent isolément ou par petits groupes, chassant l’élan, le caribou et le castor.

Les Peaux-de-Lièvre adorent Ebœ-Ekon (le Génie lunaire), qui rappelle le dieu Lunus des Mésopotamiens. Il est pour eux le dieu de la chasse, de l’abondance, mais aussi de la mort. Dans ce dernier cas, il prend le nom d’Ettsonné et de Ya-tρéh-nonttay.

Les Esclaves ont la même croyance, mais appellent la divinité mâle lunaire Edattsolé.

Les Tchippewayans, qui lui reconnaissent le même triple caractère, le nomment Ya-tρéh-nantlay  ; mais les uns et les autres connaissent et révèrent, quoique d’un culte tout intérieur, le Puissant-Bon ou Yèdariyé NèΖun, qu’ils distinguent du mauvais génie ou Yèdariyé Slini, Tta-beslini.

Tous les Dénè sont nomades et vivent de chasse et de pêche. Ils s’adonnent également au commerce des pelleteries et des provisions sèches, pour l’alimentation des forts-de-traite que la Compagnie anglaise de la Baie d’Hudson a depuis longtemps établis chez eux.