Théorie de la grande guerre/Livre VI/Chapitre 13

Traduction par Marc-Joseph-Edgar Bourdon de Vatry.
Librairie militaire de L. Baudoin et Cie (p. 121-133).
la défensive

CHAPITRE XIII.

positions fortes et camps retranchés.


Nous avons vu, dans le chapitre précédent, qu’une position défensive doit constituer un champ de bataille avantageux pour la défense. Or une position que la nature et l’art rendent assez forte pour qu’on la puisse regarder comme inattaquable ne répond en rien à cet objet, et constitue, par conséquent, une position d’une espèce toute différente dont nous nous proposons d’étudier ici les propriétés spéciales. Ces positions ayant par leur nature de l’analogie avec les places fortes, nous les nommerons positons fortes pour les distinguer des positions défensives.

Dans le sens que nous attachons à cette appellation, on ne rendrait pas facilement une position forte par l’emploi seul d’ouvrages de fortification. En agissant ainsi on n’obtiendrait, en effet, qu’une position retranchée. Les obstacles naturels du terrain sont encore moins en situation de constituer à eux seuls une position forte, et la nature et l’art doivent habituellement marcher de pair pour arriver à ce résultat.

Les auteurs donnent généralement aux positions que nous visons ici le nom de positions retranchées ; mais, comme cette appellation convient à vrai dire autant à une position fortement retranchée qu’à celle sur laquelle on n’élèverait que quelques ouvrages insignifiants, nous maintiendrons exclusivement le nom de positions fortes à celles dont nous entendons parler dans ce chapitre.

Nous dénommons fortes les positions qui réunissent des conditions de puissance telles que les troupes qui y sont placées puissent être considérées comme à peu près inattaquables. Ces positions doivent donc être en mesure de protéger une certaine étendue de territoire, soit directement par le choix même de leur emplacement et au moyen des troupes qu’elles renferment, soit indirectement en permettant quelque autre mode d’emploi de ces mêmes troupes.

Les lignes étendues dont on faisait usage dans les anciennes guerres, — citons par exemple celles qu’on avait établies sur la frontière française, — avaient la première de ces significations, tandis que, lorsque la position doit répondre à la seconde, elle doit faire face dans toutes les directions ainsi que cela a lieu pour les camps retranchés sous les places fortes.

Lorsque, par suite des retranchements qu’on y a établis ou en raison de ses obstacles naturels, le front d’une position est si fort que l’attaque est absolument impossible sur ce front, l’ennemi est obligé d’exécuter un mouvement tournant pour porter ses efforts sur les côtés ou sur les derrières de la position. Afin d’empêcher ce mouvement tournant et l’attaque qui le devait suivre de se produire facilement, la défense, lorsque l’on faisait usage des lignes étendues dont nous venons de parler, cherchait à les protéger par des points d’appui sur les ailes. C’est ainsi que l’on avait appuyé les lignes d’Alsace par leur droite au Rhin, et par leur gauche aux Vosges. Plus le front de ce genre de lignes était étendu et plus on les regardait comme protégées contre les mouvements tournants. Une semblable manœuvre, en effet, offre toujours un certain danger pour celui qui l’exécute, et ce danger croît à mesure que le mouvement tournant éloigne davantage l’attaque de sa direction première.

À cette époque, un front qui avait une grande étendue et de bons points d’appui permettait donc de protéger directement de l’invasion une importante portion de territoire ; ce sont là du moins les considérations qui présidèrent à la création de ces longues lignes, telles que celles d’Alsace, dont nous venons de parler, et celles de Flandre. Ces dernières avaient 15 milles (110 kilomètres) d’étendue, et s’appuyaient par leur droite à l’Escaut et à la forteresse de Tournay, et par leur gauche à la mer.

Là où l’on n’est pas en état de se couvrir par un front si long et si fort soutenu par d’aussi solides points d’appui, alors qu’il importe néanmoins de se maintenir en possession de la contrée au moyen de forces militaires bien retranchées, il convient de mettre celles-ci à l’abri des mouvements tournants de l’ennemi en les plaçant dans une position qui fasse front de tous côtés. Il est certain qu’il ne saurait être question ici de couvrir matériellement un espace étendu, car, au point de vue stratégique, une semblable position ne constitue qu’un point, et ce ne peut plus être que les troupes elles-mêmes qui, protégées par la position qu’elles occupent, réalisent la possibilité de se maintenir en possession de la contrée ou, ce qui revient au même, de se maintenir sur la contrée. Un pareil camp ne peut plus être tourné, car, n’ayant ni flancs ni derrières, il n’offre pas de parties plus spécialement favorables à l’attaque ; il fait front dans toutes les directions et possède partout la même force, mais, par contre, on peut passer à côté, et cela beaucoup plus facilement à la vérité que s’il s’agissait de lignes retranchées, en ce sens qu’il ne présente aucune étendue.

À proprement parler, les camps retranchés sous les places fortes appartiennent à cette catégorie, car ils ont pareillement la mission de protéger les troupes qui y sont rassemblées, mais, par l’influence stratégique qu’ils exercent sur l’emploi même de ces troupes, ils diffèrent déjà quelque peu des positions dont nous entendons parler ici.

Après avoir ainsi développé l’origine commune de ces trois moyens différents de défense, nous allons les considérer chacun en particulier en les distinguant par les noms de : Lignes retranchées, Positions fortes et Camps retranchés sous les places fortes.


1. Lignes retranchées. — Elles constituent la variété la plus pernicieuse de la guerre de cordon. L’obstacle qu’elles présentent à l’ennemi n’a absolument de valeur qu’autant qu’il est défendu par une ligne de feu très nourrie. Par lui-même cet obstacle n’en est pas un. Or l’espace qu’une armée peut ainsi couvrir de son feu effectif est naturellement extrêmement restreint par rapport au territoire même qu’elle a mission de défendre. Il faudrait donc que les lignes fussent très courtes et couvrissent très peu de terrain, pour que l’on se trouvât en situation d’en défendre directement toutes les parties. C’est là ce qui a conduit à la pensée de ne pas en occuper le complet développement, mais, — se comportant ici comme on le peut faire quand il s’agit d’un cours d’eau de moyenne grandeur, — de les défendre là où se présente l’attaque, au moyen de réserves réunies dans cette intention sur certains points. Or cette manière de procéder est contraire à la nature même de l’instrument. Si les obstacles naturels du terrain sont assez puissants pour légitimer à eux seuls ce mode de défense, tout ouvrage que l’on y ajouterait serait inutile et dangereux, les retranchements n’ayant à faire que là où la défense est locale. Si au contraire les ouvrages de fortification doivent constituer le principal obstacle à opposer à l’attaque, on comprend quelle faible résistance une ligne retranchée non défendue présentera au passage de l’ennemi. Que peut signifier, en effet, un terre-plein de 10 à 12 pieds de profil, précédé d’un fossé de 12 à 15 pieds de profondeur, contre les efforts réunis d’attaquants nombreux que les feux du défenseur ne troublent pas ? Il résulte de là que de pareilles lignes sont faciles à tourner si elles sont fortement occupées parce qu’elles n’ont alors nécessairement que peu d’étendue, et que si, au contraire, elles ont beaucoup de développement, ne présentant alors que relativement peu de défenseurs, elles sont faciles à enlever de front.

Or, comme les lignes retranchées enchaînent en outre l’action des troupes à la défense locale et leur enlèvent toute mobilité, elles constituent le moyen le moins approprié à opposer à un ennemi entreprenant. Si elles se sont néanmoins encore assez longtemps maintenues dans les guerres modernes, cela a tenu à l’état de faiblesse auquel en était arrivé l’élément militaire, alors que la seule apparence de difficulté que présentait un objet le faisait tenir pour réellement difficile. D’ailleurs, dans la plupart de ces campagnes, on n’a fait usage de ces lignes que pour une défense secondaire ou pour se mettre à l’abri des partisans. Si elles ont rendu quelques services à ce point de vue, on peut néanmoins se demander ce que l’on eût pu accomplir de plus utile en employant sur d’autres points les troupes qui étaient nécessaires à leur défense. Dans les dernières guerres on n’en trouve plus trace, et il est douteux qu’on y revienne jamais.


2. Positions fortes. — Ainsi que nous nous attacherons plus spécialement à le démontrer dans le chapitre XXVII, la défense d’une étendue de territoire subsiste aussi longtemps que les troupes qui sont chargées de le défendre s’y maintiennent, et ne cesse que lorsque ces troupes se retirent et abandonnent le pays.

Si donc des troupes doivent se maintenir sur un territoire attaqué par un ennemi supérieur, il convient, au moyen d’une position inexpugnable, de leur offrir protection contre la supériorité de l’attaquant.

Or nous avons déjà dit que les positions de cette espèce doivent faire front dans toutes les directions. D’un autre côté, leur objet est de permettre d’effectuer la défense du pays avec un nombre de troupes relativement faible. Si donc on ne donnait à leur pourtour que l’étendue strictement nécessaire au développement tactique de leur garnison, ces positions n’occuperaient qu’un espace extrêmement restreint, et cette exiguïté d’emplacement serait soumise à de si grands désavantages pendant la lutte, que, malgré l’appui des plus forts retranchements, toute résistance sérieuse serait impossible. Il est donc nécessaire qu’une position qui doit ainsi faire face dans toutes les directions ait un développement proportionnellement important sur chacun de ses côtés, bien que, néanmoins, ces côtés restent inattaquables. L’art de l’ingénieur est incapable de réaliser seul ces conditions, et, par suite, il est absolument indispensable qu’une position de cette espèce présente de si puissants obstacles naturels, que quelques-unes de ses parties soient tout à fait inaccessibles et le reste d’un abord difficile. On ne peut donc employer ce moyen défensif que là où se présente une position qui possède tous ces avantages, et l’on ne saurait arriver au même but par l’emploi exclusif d’ouvrages retranchés. Ces considérations ne visent encore que les résultats tactiques, mais elles étaient nécessaires, et vont maintenant nous permettre de fixer avec précision l’existence de ce moyen stratégique. Pour donner plus de clarté à cette étude, nous renvoyons le lecteur aux exemples de Pirna, Bunzelwitz, Colberg, Torres-Vedras et Drissa.

Passons maintenant aux propriétés stratégiques des positions fortes.

La première condition est naturellement que les troupes qui seront placées dans la position aient leur entretien assuré pour tout le temps que devra présumablement durer son action. Or cette condition ne peut être atteinte, et encore à des degrés différents, que dans les trois cas suivants :

1o Si la position est adossée à un port de mer comme à Colberg et à Torres-Vedras ;

2o Si elle est en communication prochaine avec une place de guerre comme à Bunzelwitz et à Pirna ;

3o Si elle possède en elle-même ou à proximité de nombreux approvisionnements comme à Drissa.

L’entretien des troupes ne sera suffisamment assuré que dans le premier des trois cas ; dans le second et dans le troisième il sera déjà moins certain, et l’on aura toujours quelque danger à courir sous ce rapport.

On voit que l’on peut trouver quantité de points qui conviendraient parfaitement à l’emplacement d’une position forte, et que l’on est néanmoins obligé de rejeter par le seul fait que leur situation ne répond pas à cette première et indispensable condition. Il est donc très rare qu’une position réunisse toutes les qualités qui en font une position forte.

Pour se rendre compte de l’action que peut produire une position forte et reconnaître les avantages et les dangers qu’elle présente, il faut voir ce que l’ennemi peut entreprendre contre elle.

a) L’attaquant peut dépasser une position forte et, se contentant de laisser devant elle plus ou moins de troupes, poursuivre son entreprise.

Ici il convient de dédoubler la question, et de distinguer le cas où la position retranchée est occupée par le gros même de l’armée de la défense de celui où elle n’est défendue que par une fraction de cette armée.

Dans le premier cas l’envahisseur n’a intérêt à passer outre et à négliger la position que si, en dehors de l’armée de la défense, il existe un autre objet important tel qu’une place forte ou une ville capitale dont la possession aurait une grande valeur pour l’attaque. Dans cette supposition même, cependant, l’attaquant ne pourrait ainsi passer outre que si la force de sa base et la bonne situation de sa ligne de communications ne lui laissaient aucune crainte que le défenseur n’agit sur ses flancs.

Nous pouvons tout d’abord déduire de ce qui précède, que la défense n’aura que dans deux circonstances avantage à faire occuper une position forte par le gros de son armée : 1o au cas où l’intérieur du pays ne présentant pas d’objet capital pour l’attaque, celle-ci n’aurait aucun avantage à négliger la position ; 2o au cas, au contraire, où l’attaque ayant intérêt à pénétrer dans le pays et à passer outre, la position assurerait au gros de l’armée de la défense le moyen de menacer si gravement les flancs stratégiques de l’envahisseur, que ce dernier serait forcé de renoncer à son projet et de s’arrêter sur un point où on le tiendrait hors d’état de nuire. Mais si l’on prévoit que l’attaque passant outre la position ne menacera pas suffisamment les flancs stratégiques de l’envahisseur, il faut alors, de deux choses l’une, ou ne pas occuper la position ou ne l’occuper que pour la forme, c’est-à-dire dans l’espoir qu’elle en imposera à l’ennemi qui lui attribuera une puissance qu’elle n’aura pas en réalité. Il faut considérer, dans ce dernier cas, qu’on s’expose au danger que, ne se laissant pas tromper par les apparences, l’ennemi ne continue résolument sa marche en avant, et qu’il ne soit plus possible à la défense d’atteindre en temps utile le point menacé.

Si la position n’est occupée que par une fraction plus ou moins considérable de l’armée de la défense, l’envahisseur pourra choisir un autre objectif, puisque ce pourra précisément être le gros des forces de la défense. Dans ce cas l’action de la position se trouvera limitée à ce qu’elle pourra produire contre les flancs stratégiques de l’ennemi.

b) Si, au contraire, l’attaquant n’ose pas passer outre, il peut investir la position et, en l’affamant, la réduire à se rendre. Mais cette opération est soumise à deux conditions. Il faut que la position n’ait pas un libre accès sur ses derrières, et que l’attaquant dispose d’assez de forces pour la complètement investir. Si ces deux conditions se réalisent, il est certain que la position forte neutralisera encore pendant un certain temps l’action de l’attaque, mais, en fin de compte, le défenseur payera cet avantage de la perte de ses troupes.

Nous concluons de ces considérations que l’on ne doit placer le gros de l’armée dans une position forte que dans les conditions suivantes :

aa) Lorsque la position est solidement adossée comme à Torrès Vedras.

bb) Alors que l’on prévoit que l’ennemi n’aura pas une supériorité numérique telle qu’il puisse formellement investir la position. Si l’ennemi, ne disposant que de forces insuffisantes pour l’investissement, doit cependant l’effectuer, il nous fournira alors l’occasion de sortir avec succès de nos retranchements, de le percer et de le battre en détail.

cc) Enfin on peut encore occuper une position forte avec le gros de l’armée lorsque l’on est certain d’être secouru. C’est ainsi qu’agirent les Saxons en 1756 à Pirna. C’est encore ce qui arriva en 1757 après la bataille de Prague, car dans cette circonstance Prague n’était à vrai dire qu’un camp retranché dans lequel le prince Charles ne se serait pas laissé investir s’il n’eût su que l’armée de Moravie pouvait le délivrer.

Il faut que l’une au moins de ces trois conditions se présente pour justifier le choix d’une position forte défendue par le gros de l’armée, et encore ne faut-il pas s’y tromper, les deux dernières peuvent parfois exposer le défenseur à de grands dangers.

Par contre, dès qu’il n’est question que d’un corps de troupes détaché qui peut toujours à la rigueur être sacrifié à l’intérêt général de la défense, ces trois conditions disparaissent, et il n’y a plus qu’à mûrement peser si en faisant un pareil sacrifice on évitera réellement un mal plus grand. Ce cas ne se présentera que rarement ; il faut cependant le prendre en considération. Le camp retranché de Pirna a certainement empêché Frédéric le Grand d’attaquer la Bohême dès 1756. Surpris par la promptitude des événements, les Autrichiens étaient si loin d’être prêts qu’il semble que leur monarchie eût inévitablement succombé, et il est pour le moins probable qu’ils eussent éprouvé une perte en hommes de beaucoup supérieure à celle des dix-sept mille alliés qui capitulèrent dans le camp de Pirna.

c) Nous avons vu que si l’attaquant ne se sent pas en situation de négliger la position en la faisant observer par de petits corps de troupes ou de l’investir sur tout son pourtour, cela tenait, dans le premier cas, à ce qu’il redoute l’action stratégique que les troupes de la position exerceraient sur ses flancs, et, dans le second, à ce qu’il n’a pas une supériorité numérique assez grande pour être certain d’empêcher toute sortie heureuse de la garnison. En pareille occurrence il ne reste plus à l’attaquant qu’à se tenir en arrêt devant la position comme un chien sur une pièce de gibier, de s’étendre autant qu’il le peut sur le pays par des détachements de troupes, et, se contentant de cet avantage discutable et précaire, d’abandonner à l’avenir de décider de la possession de la contrée. En pareil cas la position a complètement répondu à sa destination.


3o Camps retranchés sous les places fortes. — Nous avons déjà dit, d’une façon générale, que les camps retranchés sous les places fortes appartiennent à la classe des positions retranchées, en ce sens que, comme ces dernières, ils ont pour mission non pas de mettre une certaine étendue de terrain, mais les troupes qu’ils renferment à l’abri de l’attaque de l’ennemi. À proprement parler ces camps ne diffèrent des positions retranchées qu’en ce qu’ils forment un tout inséparable avec les forteresses auxquelles ils s’appuient, ce qui leur donne naturellement une force beaucoup plus grande.

Les camps retranchés possèdent, en outre, les propriétés suivantes :

a) On peut se proposer, en établissant un camp retranché sous une place forte, de rendre le siège de celle-ci impossible ou extrêmement difficile. C’est là un résultat à l’obtention duquel il peut être avantageux de consacrer une très nombreuse garnison quand la place est un port de mer, et, par conséquent, ne peut être entièrement investie, mais en tout autre cas on peut craindre que la place ne succombe trop vite à la famine pour compenser, par la durée de sa résistance, le sacrifice d’une quantité de troupes si considérable.

b) Les camps retranchés sous les places fortes peuvent être organisés de façon à recevoir des corps de troupes qu’un effectif trop peu considérable ne permettrait pas de placer dans des camps retranchés isolés. 4 000 à 5 000 hommes, dont l’action serait absolument perdue pour la défense dans la seconde de ces situations, peuvent être invincibles sous les murs d’une forteresse.

c) Les camps retranchés conviennent au rassemblement et à la préparation des recrues de la landwehr et du landsturm, et autres troupes de même catégorie, qui n’ont encore que trop peu de consistance propre pour qu’on puisse, autrement que sous la protection des ouvrages de la place, les mettre en contact avec l’ennemi.

Les camps retranchés sous les places fortes devraient donc être recommandés en raison de leur utilité multiple, s’ils ne présentaient, par contre, l’immense inconvénient d’affaiblir plus ou moins les places lorsqu’elles ne disposent pas de troupes assez nombreuses pour les pouvoir occuper. Or ce serait une condition écrasante pour la défense d’avoir constamment à laisser dans chaque place une garnison capable, comme nombre, de fournir à la fois à la place et au camp retranché.

Personnellement nous inclinons donc à recommander l’emploi des camps retranchés quand il s’agit de places fortes situées sur le littoral, mais, dans tous les autres cas, nous les considérons comme plus nuisibles qu’utiles.

Si, pour terminer, nous résumons en quelques lignes notre opinion générale au sujet des positions fortes et retranchées, nous dirons d’elles que :

1o Elles sont d’autant plus nécessaires que le pays est plus petit et que l’espace dont on peut disposer pour la retraite est plus restreint.

2o Elles offrent d’autant moins de dangers pour la défense que celle-ci peut plus sûrement compter qu’elles seront secourues ou appuyées, soit par d’autres troupes, soit par un mouvement national, soit par l’influence désastreuse de la mauvaise saison ou de la disette sur les troupes de l’attaquant.

3o Leur action est d’autant plus efficace que l’impulsion première de l’attaque manque de vigueur et d’élan.