CHAPITRE XCIX.

Progrès des Arts.


Les arts se perfectionnent plutôt que les mœurs, parce que l’on fait infiniment plus de cas des premiers. La cuisine d’aujourd’hui est plus délicate & plus fine, même plus saine, que celle qu’on faisoit il y a quarante ans. On chante, on danse mieux, ainsi qu’on fait de meilleurs ragoûts. À tout prendre, on joue mieux la comédie. La médecine est moins meurtriere, & la chirurgie offre des cures merveilleuses ; la chymie est étonnante dans ses découvertes nouvelles. Nous commençons enfin à sentir la bonne musique & à l’adopter. Nos habits sont moins gênans, plus simples, plus frais & plus commodes. On fait de très-jolis vers & avec profusion. Ce n’est plus même un mérite rare : nous avons des livres plus pensés, plus profonds que ceux de l’autre siecle, & tout autrement importans.

Je suis sûr que nous serons encore surpassés par la génération future ; car tandis que des esprits très-chagrins ou très-ignorans crient à la décadence, je vois qu’au lieu de reculer tout avance. Quelques gens de lettres, perpétuellement infatués de leur profession, ne voyant qu’elle dans le monde, pour le seul plaisir de déclamer contre leurs confreres, nieront cette proportion ; mais chacun d’eux, dans le fond de son cœur, se croira supérieur à ses rivaux & à ses devanciers.