CHAPITRE XCVII.

Chansons. Vaudevilles.


Que dit-on de moi ? disoit Mazarin ce rusé Italien. Ils cantent, monseigneur. — Ils cantent ? Eh bien, laissez les canter. S’ils cantent, ils païeront. C’est encore vrai aujourd’hui. Quelques ministres n’ont pas voulu nous laisser canter pour notre argent : c’étoit là en vérité se montrer de bien mauvaise humeur.

Point d’événement qui, chez ce peuple moqueur, ne soit enregistré par un vaudeville. Son caractere est toujours tourné à l’épigramme, & il répond par le sarcasme à tout ce qu’on lui propose d’utile.

Ces vaudevilles, pour être satyriques, n’en sont pas toujours moins vrais. Ils ont de tous tems été plaisans, malins ; mais ils deviennent trop durs, trop méchans, depuis que les hommes de cour s’avisent de les faire ou de les corriger. Ils ont, il est vrai, un tact sur les affaires, & une connoissance des hommes publics, qui donnent plus de physionomie aux choses & plus de sel aux couplets ; mais le style âcre & violent s’y manifeste, & l’atrocité a pris la place de l’enjouement.

Si la suite des vaudevilles offroit mieux l’histoire (c’est-à-dire le caractere des personnages & le vrai mobile des affaires) que les narrations de tous ces historiens qui n’ont jamais mis le nez derriere la tapisserie, que faudroit-il penser des vaudevilles & de notre grave histoire, écrite par Villaret & Garnier ?

Tous ces couplets mordans, qui circulent depuis quelques années, sont aussi condamnables par leur fiel qui les empoisonne, que par leur excessive audace. Ce n’est plus là le ton du joyeux vaudeville, qui pinçoit sans déchirer. Les hommes de cour ont dénaturé un genre précieux ; & dans leurs sourdes vengeances, ils ont accumulé plus de traits affreux que n’en a forgé la jalousie des écrivains réputés les plus âpres à la domination littéraire.