CHAPITRE XCVI.

Bureau de Sûreté.


Cest un bureau de police établi il y a une trentaine d’années, où tous ceux qui ont été volés vont faire leurs plaintes & obtiennent la facilité de recouvrer leurs effets sans aucuns frais. Des inspecteurs de police prennent les déclarations, reçoivent les ordres relatifs à cet objet, & font les diligences pour satisfaire les intéressés. Des bijoux précieux, après avoir long-tems circulé dans des mains invisibles, reviennent, comme par enchantement, se présenter à l’œil de celui qui les avoit perdus, sur-tout quand l’homme qui s’est plaint porte un nom.

Il paroît qu’on ménage quelques filoux, & qu’on tolere quelques petits larcins, pour avoir connoissance des grands voleurs & des vols scandaleux. On s’attache sur-tout à reconnoître ceux qui ont quelques dispositions à la violence, & l’on prévient ainsi les meurtres & les assassinats : ce qui est très-bien vu ; car on ne taille le corps dur du diamant qu’avec la poudre du diamant même.

S’il tombe entre les mains de la police un grand nombre d’aventuriers & de filoux, combien lui échappent & trompent sa vigilance ! Il faut un tel fond d’industrie & de ressources pour vivre dans cette capitale, quand on n’y a ni commerce ni rentes, qu’il n’est pas étonnant que l’intrigue & l’agiotage forment le caractere de ce peuple livré à une industrie sourde & dangereuse.