CHAPITRE LXIV.

Incendies. Pompes.


Les incendies modernes les plus violens, sont celui de la Chambre-des-comptes, du 27 octobre 1737 ; les deux de l’Hôtel-Dieu, du 1er août 1737, & du 30 décembre 1772. On n’a pu savoir au juste le nombre des malheureux qui, dans ce dernier désastre, ont péri, étouffés dans les flammes. La gazette de France a si bien menti à cette époque ! Mais il paroît qu’il n’y a guere eu moins de douze à quinze cents victimes.

Comptons l’incendie du Pont-au-Change, le 16 janvier 1746. Sept à huit filles ouvrieres en chapes & chasubles, enfermées sous la clef par leur maîtresse jalouse de maintenir leur chasteté, furent brûlées vives. Leur chambre étant garnie de barreaux de fer, elles ne purent se jeter dans la riviere. Ce fut un spectacle affreux que d’entendre leurs cris, & de les voir périr sans pouvoir leur porter du secours.

Comptons l’incendie de la foire S. Germain en 1760 : il dévora la plus magnifique charpente qui fût en Europe.

Comptons l’incendie de l’opéra en 1763, qui nous a valu une salle plus belle & plus commode.

Comptons enfin l’incendie dû Palais, le 1er janvier 1776, & qui n’a peut-être pas été l’ouvrage du hasard. Il a rappellé l’incendie de la plus grande partie des bâtimens de ce même Palais, arrivé le 7 mars 1618. On dit que ce furent les complices de la mort de Henri IV qui y firent mettre le feu ; croyant par-là brûler le greffe & le procès de Ravaillac. Sans l’attention & les soins du greffier Voisin, les registres du parlement auroient été brûlés.

Ce n’est que depuis quelques années, que le service des pompes procure au public un secours convenable, prompt & gratuit. On assujettissoit autrefois à une amende le particulier dans la maison duquel le feu avoit pris : qu’arrivoit-il ? Le particulier vouloit éteindre le feu lui-même, n’appelloit personne : la maison étoit embrasée, & bientôt le quartier.

Aujourd’hui, au moindre indice de feu, on peut appeller, & s’adresser directement au dépôt où sont les pompes & les gardes-pompes, avec leurs casques, leurs haches : auprès sont des voitures d’eau toutes prêtes. On ne paie plus d’amende, & il n’en coûte absolument rien pour être secouru. C’est aux soins de M. de Sartine, que l’on doit les précautions les plus sages, les plus mesurées & les mieux vues.

Le régiment des Gardes-Françoises, qui ne faisoit auparavant que surcharger la ville d’un poids fatigant & la scandaliser par des délits atroces, rendu utile enfin, a reçu ordre du Colonel de sortir des casernes au premier avis d’un feu, de se porter à l’incendie avec des détachemens, & là de donner tous les secours, selon la nature du danger.

Les soldats, munis des ustensiles nécessaires, travaillent avec une célérité & un succès admirables. Il est rare que les incendies, depuis ce nouvel ordre, fassent de grands ravages.

Cet établissement fait voir qu’il est possible de perfectionner également, & l’une après l’autre, toutes les parties de la police ; puisque celle-ci, si défectueuse il y a vingt ans, excite aujourd’hui l’admiration & la reconnoissance des Citoyens.