CHAPITRE XXXV.

Taxe des Pauvres.


On a donné plusieurs projets d’aumône universelle en faveur des pauvres. Aucun de ces plans généreux ne s’est encore réalisé. À Paris, les bourgeois paient annuellement treize sols, vingt-six sols, & les plus aisés cinquante sols. Quelle mesquine charité !

Il seroit à propos d’établir une taxe beaucoup plus forte ; & chacun, je crois, la paieroit avec joie. De tous les impôts c’est le plus sacré, ou plutôt c’est une dette, & la premiere de toutes. Se croira-t-on quitte envers les pauvres, pour avoir donné à la fabrique deux livres dix sols par an ?

Il me semble que les aumônes doivent être demandées sous l’étendard de la religion, dont la charité est le premier précepte. Il me semble que chaque paroisse devroit avoir soin de ses pauvres, & être autorisée à faire contribuer les gens aisés. À Londres, la charité est grande & inépuisable ; les largesses envers les malheureux n’ont point notre caractere de parcimonie. C’est là que triomphe le précepte attendrissant de l’Évangile : Enfans du même Pere, secourez-vous les uns les autres.

Nous avons parmi nous de belles ames, des ames charitables ; mais elles sont en petit nombre, si on les compare à celles qui existent sur les bords de la Tamise. Ce peuple en général est plus tendre, plus compatissant que nous envers les infortunés, & la misere a perdu chez lui ses formes hideuses.

Si j’étois ministre, je ferois des chefs de paroisses les instrumens & les canaux de la bienfaisance. J’ai vu sur ce point important un projet de M. Fillon, notaire & contrôleur des actes à Challant en bas-Poitou. Comme toutes les idées de ce citoyen répondent parfaitement aux miennes, qu’il me permette ici de m’en glorifier, & de citer son plan comme un modele en ce genre.