CHAPITRE XXXIV.

Poissons de mer.


Le poisson de mer n’est pas à bon marché à Paris, malgré quelque diminution sur les entrées, soulagement dû à M. Turgot. Il n’est presque jamais frais. Il ne peut venir que des côtes de Normandie ou de Picardie, le poisson non salé ne pouvant souffrir le transport au-delà de trente à quarante lieues. Les approvisionnemens de la cour enlevent tout ce qu’il y a de plus beau, & le Parisien mange le fretin. Notez que les Chartreux, les Carmes, les Bénédictins, les Minimes & les autres religieux qui font maigre, affament la ville de poisson, & entretiennent la cherté, en payant fort cher tout ce qui est à leur convenance.

Les entrées du poisson nuisent à l’impôt, parce qu’il n’est pas assez modéré. Le Parisien qui veut se régaler de marée, est obligé de se transporter à Dieppe ; & le bourgeois, quand il devient un peu cossu, fait d’abord ce voyage-là tout seul ; ensuite il y mene sa ronde femme. Ils restent en extase devant l’Océan, & ils n’ont pas tort ; mais ils croient avoir touché les colonnes d’Hercule, & se hâtent de rentrer dans leurs foyers. Ils sont si transportés, si enchantés de leur voyage, que le reste de leur vie ils en parleront tous les soirs à leur souper devant leurs filles & la Servante ébahie.