CHAPITRE XVII.

Argenterie.


Et au milieu de cet incroyable manque de signes, ce que Paris renferme en meubles d’or & d’argent, en bijoux, en vaisselle plate, est immense. Cette richesse néanmoins est nulle & oisive.

Ajoutez ce que les églises contiennent d’argenterie : ce sont des monceaux de métal. Les temples & leurs décorations ont coûté horriblement cher à la patrie. Et comment le culte simple fondé par les apôtres a-t-il pu se convertir en un luxe ?

Calculez ensuite ce que les fabriques de galons, les étoffes de soie, or & argent, emportent de ces précieuses matieres.

Dans les maisons des particuliers, vous voyez des pyramides de vaisselle plate. On se plaint de la disette des especes monnoyées, & voilà que nous avons dénaturé nos richesses pour les métamorphoser en meubles.

On ne peut faire aucune entreprise, aucun travail, sans une somme d’argent monnoyé ; & tout se prend néamoins sur cette même somme, & on l’enleve, & on l’attire par tous les moyens imaginables, & il n’en reste plus entre les mains des particuliers ; & cette richesse métallique, qui dort à côté de nous, devient une richesse stérile, parce qu’elle n’a aucun cours. Et comment subvenir ensuite aux dépenses extraordinaires, lorsqu’on ne fait que se servir des mêmes écus, les pomper & les repomper ; c’est-à-dire, substituer l’action la plus difficile & la plus fatigante, à une création simple & aisée ?

Nous avons des biens immenses, & nous sommes toujours dans la détresse, parce que cous ne savons pas doubler notre puissance en créant les signes de notre richesse métallique ; ce qui nous empêche de donner aux terres des préparations nouvelles, de perfectionner les arts, d’augmenter la population, & de nous rendre respectables à nos voisins.

Ayons toujours des tabatieres d’or, des étuis d’or, des surtouts d’argent, des anges, des saints d’argent, des vierges d’argent, & point de papier-monnoie, & bientôt nous nous trouverons pauvres ; car la Fontaine nous l’a dit : mettez une pierre à la place ; elle vous vaudroit tout autant.

L’or & l’argent qui ne circulent pas, c’est à-dire, qui n’enfantent pas les signes qu’ils peuvent enfanter, sont comme s’ils étoient enfouis dans les mines de la terre. Une prompte & rapide circulation manque à nos finances & encore plus à notre commerce.

Au lieu de tous ces emprunts en grosses & fortes sommes qui ne sont utiles qu’aux riches, il auroit fallu un papier-monnoie utile aux classes inférieures, parce que le rôle qu’il joue ouvre une infinité de branches d’industrie, toujours inconnues aux gouvernemens qui ne doublent pas leurs richesses avec des billets.