CHAPITRE X.

Jouissances.


Un citadin riche trouve à son réveil les marchés fournis de tout ce que cent mille hommes ont pu ramasser à cinquante lieues à la ronde, pour flatter ses goûts. Il n’a que l’embarras du choix ; tout abonde ; & pour quelques pieces d’argent, il mangera le poisson délicieux, l’huître verte, le faisan, le chapon & l’ananas, qui croissent séparément sur des terreins opposés. C’est pour lui que le vigneron renonce à boire le jus bienfaisant qu’il garde soigneusement pour une bouche étrangere : c’est pour lui que les espaliers sont taillés par des mains adroites & vigilantes. Veut-il charmer sa douce oisiveté ? le peintre lui apporte son tableau ; les spectacles lui offrent leur musique, leurs drames, leurs assemblées brillantes. Il faut qu’il soit bien né pour l’ennui, s’il ne trouve à varier ses amusemens ; il est des ouvriers de sensualité, qui décorent la coupe de la volupté, & qui savent raffiner des plaisirs déjà jugés exquis.