CHAPITRE IX.

La nouvelle Athenes.


Paris représente l’ancienne Athenes : on vouloit être loué des Athéniens ; on ambitionne aujourd’hui le suffrage de la capitale de France. Alexandre, au moment qu’il combattoit Porus, s’écrioit : que de fatigues pour être loué de vous, ô Athéniens ! Quel peuple étoit-ce donc que ces Athéniens, qui imprimoient au fond de l’Asie le desir de les intéresser ? Ou Alexandre étoit un fou d’une vanité outrée, ou Athenes étoit la premiere ville de l’univers.

Les trois hommes qui ont de mon tems occupé le plus constamment l’attention des Parisiens causans, sont le roi de Prusse, Voltaire, & Jean-Jacques Rousseau. Il est incroyable le nombre d’admirateurs justes & passionnés qu’a obtenu le premier par ses victoires, par sa législation, par ses talens spirituels. J’avoue que je suis à la tête de ces admirateurs, & que depuis César je ne connois point d’homme qui ait réuni plus de qualités.

Ainsi le mérite réel n’échappe point à un peuple qu’on taxe de frivolité ; il sait être constant dans son estime ; il reconnoît l’homme dans l’Europe qui mérite son hommage. Quel exemple pour celui qui sera jaloux d’obtenir les mêmes suffrages ! Le Parisien offre de la politesse & des égards à toutes les têtes couronnées ; mais il réserve son admiration & son respect pour le monarque vraiment digne de figurer sur un trône. Les Parisiens désignent déjà quelques autres noms de souverains à la gloire ; mais c’est au tems qu’il appartient de donner à l’éclat de leur renommée naissante, cette maturité qui en assure le poids & l’étendue.