CHAPITRE V.

Les Carrieres.


Pour bâtir Paris dans son origine, il a fallu prendre la pierre dans les environs ; la consommation n’en a pas été mince. Paris s’agrandissant, on a bâti insensiblement les fauxbourgs sur les anciennes carrieres ; de sorte que tout ce qu’on voit en-dehors, manque essentiellement dans la terre aux fondemens de la ville : de là les concavités effrayantes qui se trouvent aujourd’hui sous les maisons de plusieurs quartiers ; elles portent sur des abymes. Il ne faudroit pas un choc bien considérable, pour ramener les pierres au point d’où on les a enlevées avec tant d’effort ; huit personnes ensevelies dans un gouffre de cent cinquante pieds de profondeur, & quelques autres accidens moins connus, ont excité enfin la vigilance de la police & du gouvernement ; & de fait, on a étayé en silence les édifices de plusieurs quartiers, en leur donnant dans ces obscurs souterreins un appui qu’ils n’avoient pas.

Tout le fauxbourg Saint-Jacques, la rue de la Harpe, & même la rue de Tournon, portent sur d’anciennes carrieres, & l’on a bâti des pilastres pour soutenir le poids des maisons. Que de matiere à réflexions, en considérant cette grande ville formée, soutenue par des moyens absolument contraires ! ces tours, ces clochers, ces voûtes des temples, autant de lignes qui disent à l’œil : ce que nous voyons en l’air manque sous nos pieds.