Têtes et figures/Ange et Démon
Ange et Démon
Là-bas, dans les lointains de radieuse lumière, où trône la Majesté divine, s’ouvre, entre les célestes portiques et la terre, une vallée étrange, mystérieuse, qui se déroule enveloppée d’une pénombre. Les rayons de la lumière divine, et les harmonies de l’Empyrée, y pénètrent rarement.
On nomme cette vallée, la vallée, des Anges ; ces esprits bienheureux y sont légions. Cependant, tout y est silence, et c’est à peine si l’on y entend le plus léger bruissement d’ailes.
C’est là, aux confins de la terre et au seuil de l’éternel séjour, que les séraphiques créatures, penchées avec sollicitude sur le monde terrestre, prêtent l’oreille, essayent, dans la navrante clameur des plaintes, des gémissements, des cris de désespoir, des supplications de toutes sortes, s’exhalant du sein des cohues humaines, de distinguer, saisir au vol, un désir pur, une prière vraie, pour aller les déposer aux pieds du Saint des saints, là où toute supplique de foi et d’amour, non entachée d’égoïsme, est toujours entendue.
Comme la plus subtile impression impure n’est pas admise dans le royaume des cieux, voilà pourquoi les anges sont souvent, très-souvent, obligés d’attendre bien longtemps, avant de pouvoir porter devant le trône de l’Éternel, les suppliques des humains.
Mais ces esprits purs ont la patience inépuisable ; ils ne se lassent pas d’attendre ; leur sollicitude pour les pauvres humains est de tous les instants, et le moindre élan vrai, d’une âme vers la Divinité, leur est une satisfaction plénière pour de bien longues attentes.
Un jour, au sein des foules grouillantes d’orgueil et de convoitises, une voix traversant l’espace, arriva jusqu’aux phalanges angéliques. C’était la voix d’une âme souffrant elle-même, et souffrant pour les autres.
— Veuillez, disait la voix, me donner le pouvoir d’aider mes frères, d’adoucir leurs misères et de sécher leurs larmes ! Permettez que je consacre mon existence à secourir et consoler tous les malheurs ! Pour moi, je ne demande rien ; je ne désire que travailler à faire aimer la vérité et pratiquer le bien.
« Mais, ô mon Dieu ! dans quel monde hypocrite, menteur et pervers vis-je ! Je m’y dirige en aveugle, rien moins. Il est des instants où les ténèbres autour de moi sont tellement opaques, que, vraiment, j’ai peine à distinguer entre le vrai et le faux, le mensonge et la vérité. Je me prends à réfléchir là sérieusement, à bravement lutter, et, cependant, je finis par tomber dans des erreurs étranges, des fautes incompréhensibles, et par me laisser absorber par les frivolités les plus bizarres.
« Voilà, ô mon Dieu, voilà ce qui m’arrive, m’arrête en route, me rend perplexe et m’empêche vraiment de faire tout le bien que je désire.
« Ah ! que ne donnerais-je pas pour retrouver le véritable chemin du bien, et voir d’en haut ma prière écoutée et exaucée !
« Que ne ferais-je pas pour avoir un ange, messager de vérité, qui me mettrait en garde contre des faux pas, me guiderait à chaque instant, ange dont la volonté en tout et partout serait mienne !
« Assurément, parmi toutes ces créatures séraphiques, il devrait en exister une qui pourrait me venir en aide » !
Il se produisit alors grande émotion sous toutes les fouillées de cette allée sombre et silencieuse. Les anges se penchèrent de plus en plus vers la terre, pour écouter la voix mélodieuse et vibrante qui leur faisait entendre, enfin, une prière immaculée, l’offre d’un sacrifice pur.
L’un d’eux, parmi les plus resplendissants, se détacha des groupes, et, déployant ses ailes majestueuses, s’envola du côté des portiques célestes. Se prosternant, devant le Saint des saints, il redit, sur le ton de la plus ineffable tendresse, la supplique venue de la terre, puis, restant prosterné, attendit.
Il se fit grand silence dans la céleste demeure.
Du trône de l’Éternel, pas une parole.
Et l’ange, toujours prosterné, fut saisi d’une profonde anxiété.
Finalement, relevant la tête, il jeta un regard suppliant du côté du Tout-Puissant, et attendit encore.
Tout à coup, la voix du Grand-Maître des choses visibles et invisibles, dictateur suprême des lois d’amour et de justice, rompit le silence :
— Ange, créature de mon cœur, dit-elle, toi qui ne connais ni le péché de désobéissance, ni la corruption du monde terrestre, la prière que tu apportes vient d’une âme qui n’a pas encore été éprouvée, n’a pas eu à combattre la tentation. Sa prière est un acte d’impulsion et non de foi. Cependant, qu’il soit fait, suivant ton désir ! Tu porteras toi-même la réponse.
« Tu descendras sur la terre et tu seras pour cette âme l’ange conducteur, l’ange de vérité, dans ce monde d’orgueil et de mensonge. Si elle te fait bon accueil et t’obéit implicitement, alors, ce sera bien pour elle ; mais si elle t’offense, ne serait-ce que par une seule pensée, alors, je te le dis, ange de mon cœur, en vérité, ce sera bien mal pour elle. Celui qui méprise l’Éternel, dans ses créatures et ses œuvres, est aussi méprisé de l’Éternel.
« J’ai dit. Va, maintenant, et que ta mission soit heureuse !
L’ange repartit. Les célestes portiques se refermèrent sur l’étincelante lumière de la demeure divine. Ailes déployées, il retraversa les légions des autres anges toujours penchés vers la terre, écoutant, interrogeant l’espace, et d’un vol rapide, descendit dans notre vallée de larmes.
Un soir, l’être humain qui avait formulé si fervente prière, eut, soudain, à ses côtés, une apparition extraordinaire. C’était un jeune homme resplendissant comme un astre.
Surpris, ému, ébloui tout à la fois, il se mit à contempler cette apparition d’une beauté incomparable, et allait lui adresser la parole, lorsqu’il s’entendit doucement et tendrement murmurer à l’oreille :
— Dieu m’a envoyé ici pour acquiescer à ta supplique et, dans la mesure de tes désirs désintéressés, t’aider à rendre les autres heureux. Telle est ta récompense. Cependant, voici ! Je suis un ange, l’ange de tes désirs, l’ange de ta vie. Je suis invisible au monde, mais tu sais ma présence. Je suis toujours près de toi, prêt à te conseiller et à t’aider, à t’apprendre tout ce que tu as besoin de connaître, à te prémunir contre tout danger, à t’indiquer la différence qu’il y a entre le vrai et le faux.
« Aussi longtemps que, de ton propre mouvement, et de ta propre volonté, tu désireras que je te suive, je demeurerai ton fidèle serviteur et gardien, au nom du Dieu Tout-puissant et pour la plus grande gloire du Divin Crucifié.
L’ange se tut. Dans un moment de joie extatique, l’homme tomba à genoux et, embrassant le pan du vêtement du messager céleste :
— Grâces soient rendues à Dieu, s’écria-t-il, pour cette ineffable faveur envers moi, son indigne serviteur !
« C’est donc maintenant que je vais réaliser les désirs de mon âme, que je vais être en mesure d’aider mes frères. Arrière, les fautes et les erreurs déjà commises ! Car, j’ai à côté de moi un esprit de lumière et de vérité pour me guider à travers le désert du doute et du péché.
« Ô céleste compagnon de ma vie, si jamais je te désobéis, je veux que mon âme soit maudite ! Si jamais j’offense ta présence angélique par un seul acte, même en pensée, je veux être anéanti ! Si jamais je me rends indigne de l’amour de Dieu pour sa créature, je veux que le feu éternel me consume, car je sais que tu es mon guide et mon gardien, que tu me protégeras contre tout danger, et surtout contre moi-même ! »
Telles furent ses paroles, toujours prosterné aux pieds de l’ange ; et, celui-ci, les mains tendues au-dessus de lui, lui dit sur le ton d’une inexprimable affection :
— C’est bien ! Puisse-t-il en être ainsi ! Tu viens de prononcer de terribles serments. Cependant, rappelle-toi bien que tu n’as pas encore été tenté et que tes pires ennemis ne se trouvent pas parmi les humains, mais bien chez toi-même. Bien séduisantes, mais aussi bien trompeuses sont les passions ; elles te porteront à faire fausse route, et, peut-être, à un moment donné, trouveras-tu plus agréable de suivre leurs dictées que mes conseils.
« Tout de même, aie bon courage ! Va droit ton chemin de par le monde ! Remplis fidèlement tes devoirs, et je serai toujours là pour te dire si ce que tu fais est bien ou mal.
Et l’homme, se relevant, se redressa de toute sa taille, rempli de l’esprit de Dieu, des plus nobles pensées, et de projets nouveaux et grandioses, pour le secours, la consolation et le service de la pauvre humanité. Il se mit aussitôt à les transcrire comme sous le souffle de l’inspiration divine. L’ange, qui le regardait faire, finalement lui dit, du ton le plus caressant : — C’est bien !
Mais, du moment que cet homme se mit en route, prêchant de parole, d’écrits et d’exemples, et donnant, de par le monde, plein et brillant essor à ses idées, les hommes se liguèrent et se mirent à l’accueillir avec des sarcasmes et des moqueries.
— Quel est celui-là, qui est cet individu, clamèrent-ils ? D’où vient-il ? Que nous chante-t-il là ? De quoi se mêle-t-il ? C’est probablement une sorte d’utopiste, d’illuminé. Qu’est-ce qu’il lui a pris de venir nous raconter des vieilleries, des doctrines surannées, des théories démodées, tout un bagage de principes qui sont allés où vont les vieilles lunes ? Toutefois, comme il peut faire des prosélytes, attendu qu’il n’est pas d’imbécile qui ne trouve pas appui chez plus imbécile que lui, tournons-le en ridicule, et faisons-le passer pour un maniaque, un fou, et dans ses discours et dans ses écrits !
Et les hommes firent comme ils disaient, et celui d’entre eux qui s’était donné une mission toute de désintéressement et d’abnégation, se vit lui-même, avec ses enseignements, couvert de ridicule et d’opprobres.
Se tournant vers l’ange :
— Est-ce là ma récompense ? lui dit-il, d’un air de reproche. Toi, l’ange de ma vie, ne vois-tu pas quelle est ma souffrance ? Ne m’as-tu pas dit que mon travail était bon ?
— En vérité, répliqua le messager céleste, je l’ai dit. Mais, là sérieusement, est-ce que toutes ces clameurs hostiles, tous ces grincements de dents, doivent avoir pour toi plus d’importance que le vent qui s’acharne au chêne robuste, au roc solide, ayant chacun défié les âges ? Que peuvent donc valoir pour toi les opinions des hommes, pendant que tu consacres ta vie à les servir ? Que t’importe le mal que l’on pense et l’on dit de toi, si tu fais le bien !
L’homme resta silencieux et absorbé dans une mélancolie profonde ; sa confiance dans l’ange graduellement s’évanouissait. L’injustice et la méchanceté du monde le désorientaient, et l’esprit divin qui l’animait n’était plus assez fort pour lutter contre cette torture sans trêve ni merci. Il se sentit las ; le découragement s’empara de son âme ; sa mission finit par lui paraître insensée, par lui donner l’impression d’une lubie dont il fallait à tout prix se débarrasser.
Et l’ange, témoin de toute cette faiblesse, et sachant bien que la tentation est nécessaire à l’homme pour qu’il donne sa mesure, poussa un profond soupir, et se prit à trembler de tout son être pour l’avenir de cette âme en désarroi. Cependant, il se renferma dans le silence, et continua de remplir son rôle de gardien patient et fidèle.
L’esprit de Dieu qui soutenait l’homme, prit finalement son vol ; et, à sa place, les passions de toutes sortes s’emparèrent de lui : ambitions mondaines, soif d’or, de pouvoir et de renommée, orgueil suprême. Son éloquence, sa plume, il les consacra, non au bien de l’humanité, mais à sa propre glorification.
Et de toutes parts, il fut applaudi. Et ceux qui, naguère, l’accablaient de sarcasmes, de calomnies, d’opprobres, s’écrièrent :
— Enfin, il est devenu comme l’un d’entre nous ; il s’est rangé du côté des idées modernes ; il est sorti des vieilles légendes et s’est débarrassé de toute sa friperie philosophique et morale !
Et, derechef, ces gens-là l’adulaient, l’encensaient et le fêtaient de toutes manières, en remplissant l’air d’acclamations enthousiastes, en son honneur.
Et le malheureux, grisé, étourdi, ébloui, devint bouffi de suffisance et d’orgueil ; son arrogance ne connut plus de mesure.
— Enfin, se dit-il, je suis arrivé au sommet de la gloire.
Mais l’ange, à ses côtés, le considérant avec tristesse :
— Hélas ! lui murmura-t-il, ce qui arrive est mal.
Lui, à la voix de l’ange, fit la sourde oreille, et, tournant le dos au messager divin, donna tête baissée dans tous les désordres, vices et folies du moment, oubliant tous ses serments, excepté les impulsions de sa nature mauvaise ; n’ayant plus souci d’autrui, il ne chercha plus que la satisfaction de ses propres convoitises.
Une femme, une gourgandine comme il y en a trop, appartenant au monde entier, toujours en quête de nouvelles séductions, se trouva sur son chemin. Fasciné par sa beauté diabolique, il devint son esclave.
— À quoi bon toute ta science, lui dit-elle, lorsque tu ne connais pas encore le mystère de l’amour ? À quoi servent tous ces travaux ? Viens plutôt avec moi, jouir de l’existence ! L’amour, vois-tu, il n’y a rien au dessus de ça. C’est le paradis sur la terre.
En même temps, se laissant à moitié choir sur sa poitrine, elle l’enveloppa d’un regard plein de séduisante langueur.
Cependant, lui, un peu ému et troublé, lui dit, un doigt sur les lèvres :
— Chut ! Prends garde ! Ne vois-tu pas l’ange auprès de moi ? Ne vois-tu pas un être aux traits célestes, resplendissant comme un rayon de soleil, et environné comme d’un nimbe d’or ? Ne vois-tu pas qu’il me fait signe de m’éloigner de toi ?
— Un ange, s’écria la courtisane, tu rêves, je crois ! Un ange ? mais ça n’existe pas ! En a-t-on jamais vu d’autre qu’une femme dans toute sa beauté ? Allons donc ! Un ange ? Je suis le tien, sois heureux !
Et elle l’enlaça de ses deux bras en se laissant tomber la tête sur la poitrine de l’infortuné.
L’ange se rapprocha de lui.
— Cette femme, lui murmura-t-il d’une voix émue, cette femme, c’est ton mauvais génie. Veilles bien ! Car, autrement, tu tomberas dans des ténèbres pires encore que celles de la mort ! Si tu la suis, tu prépares ta ruine. Son amour n’est que mensonge ; ses sourires et ses caresses, elle les partage entre bien des hommes. Ses gestes ne sont que perfidie. Le plus grand des malheurs t’attend. Loin de toi cette malédiction, avant qu’il ne soit trop tard !
Mais lui, enivré, aveuglé par la passion, fut subitement pris d’une violente colère. Il se mit à jurer, à blasphémer Dieu et tout ce que naguère il regardait comme sacré. Puis, se tournant du côté de l’ange :
— Désormais, s’écria-t-il, je ne veux plus t’entendre. Pour moi, cette femme m’est bien plus que toi ; au moins elle est de chair et d’os, et, d’ailleurs, elle est de ce monde. Quant à toi, tu n’es rien de plus qu’une créature de mon imagination, une chimère, un cauchemar. Qu’ai-je à faire avec une apparition que j’ai eu la fantaisie de prendre pour un ange ? Ange ? Il n’y a pas d’anges ! Toi ! tu n’es pas une réalité, tu n’es qu’un mensonge !
Il avait à peine prononcé ces odieuses paroles que l’ange avait disparu. Le malheureux se trouva plongé dans l’obscurité et la solitude les plus profondes. À cette âme qui venait de rejeter le ciel, le ciel fermait ses portes.
Bien des années s’écoulèrent, années de pauvreté, de misère et de douleurs.
Celui qui, un jour, avait eu un ange pour guide dans le sentier de la vérité, avait continué à chercher la vérité, mais ne l’avait pas trouvée.
La femme qu’il avait aimée, l’avait trahi et déserté ; ses amis l’avaient fui ; la fortune lui avait échappé. L’ancien zèle qui l’animait pour le bonheur de l’humanité ne brûlait plus dans son âme ; il était éteint. Le spectre de la faim lui apparut ; la maladie mina son corps. Affolé par le désespoir, il se mit à maudire son sort, sans s’apercevoir que lui-même, seul, était l’auteur de sa propre déchéance.
Drapé dans son égoïsme et son arrogance, il se mit à accuser Dieu d’injustice ; quant à lui-même, il ne se trouvait pas coupable.
Une nuit, défiant Dieu et son salut éternel, il eut la couardise d’abréger son existence, avec la conviction que, lorsque l’on est mort, on l’est pour longtemps, et que la mort, c’est la fin de tous les maux.
Sa dépouille mortelle resta glacée, rigide, dans l’endroit où elle était tombée.
Personne n’y vint déposer une fleur ou dire une prière.
Son âme souillée, flétrie, repartit tremblante, en constatant qu’elle avait encore conscience d’elle-même, qu’elle revivait, mais d’une vie nouvelle, vie de souvenirs douloureux, vie pleine de désirs intenses et de remords cuisants et qu’elle s’en allait, où ? Dans les espaces sans fin où naissent et meurent des myriades de mondes.
Aux confins de la terre et au seuil de l’éternel séjour, les anges sont toujours là, penchés, veillant, écoutant, attendant.
L’une de ces pures créatures se tient toujours agenouillée sur le seuil même de la grande porte qui s’ouvre sur la longue allée ombreuse et silencieuse, dans l’attitude d’une triste et douloureuse expectative. Ses regards scrutent avec sollicitude les espaces immenses entre la terre et les autres mondes, pour découvrir les âmes de ces infortunés qui, dans leur orgueil, se sont parjurés, ont menti à leurs plus nobles instincts, âmes vagabondes, errant d’étoile en étoile, souffrant des tortures indicibles, à la poursuite, un peu en retard, de la paix de Dieu que, sur la terre, de leur libre arbitre, elles négligeaient, refusaient ou méprisaient.
L’ange semble être particulièrement en quête d’une âme qui, sur la terre, lui avait été confiée, et lui avait échappé.
Dans les brumes profondes de l’immensité, soudain, l’ange aperçoit une âme connue. C’est elle, se dit-il ; elle fut bonne et pure. Ô Tout-Puissant, Esprit suprême de ce qui fut, est et sera, voici venir, à travers l’éternité, une âme qui fut bonne, mais qui s’égara dans les lieux bas, toujours à la recherche de la vérité et de la justice ! Ramenez-la au bercail, attirez-la encore à vous, pour qu’elle puisse mériter d’être admise au céleste séjour ! Veuillez écouter ma supplique, vous, Créateur de toutes choses, et étendez jusqu’à elle votre miséricorde infinie ! Il est vrai qu’elle m’a repoussé, parce qu’elle m’a méconnu, et, cependant, j’implore en sa faveur votre inépuisable mansuétude.
L’âme perdue entend la voix de l’ange, comme une note mélodieuse venant du royaume des bienheureux, et, malgré les brumes et les nuages de l’atmosphère, finit par distinguer la figure radieuse de l’ange méprisé. Mais, tous ses efforts pour l’atteindre restent vains ; elle a entrevu, un peu tard, sous la forme du messager angélique, la vérité divine, et ne peut y arriver, car, entre la vérité et le mensonge, il existe un abîme infranchissable, malgré toutes les supplications des anges et des séraphins.
Et Dieu a dit : Quiconque me méprise, je le mépriserai.
C’est l’éternelle, l’inexorable justice, qui doit suivre son cours.
Cependant, l’âme réprouvée, qui a entrevu la vérité, continue toujours sa course vagabonde à la recherche de l’ange méprisé d’antan, dont elle distingue toujours la radieuse phosphorescence dans les lointains ombreux.
Il peut ainsi s’écouler des siècles, des milliards d’années, et la distance parcourue peut encore être relativement bien courte.
Mais, aux confins de la terre et au seuil de l’éternel séjour, l’ange attend toujours…