Système des beaux arts/I/III/I


I. Son caractère général.


Quant au caractère général de ces monuments, où l’architecture religieuse frappe nos premiers regards, nous avons déjà vu dans l’introduction qu’ici l’architecture indépendante et l’architecture dépendante, soumise à un but se réunissent. Toutefois, cette réunion ne consiste pas dans la fusion des formes architectoniques de l’Orient et de la Grèce. Mais là, plus encore que dans la construction du temple Grec, la maison, l’abri, fournit le type fondamental ; tandis que, d’un autre côté, s’effacent d’autant mieux la simple utilité, l’appropriation au but. La maison s’élève indépendante de ce but, libre pour elle-même. Ainsi, cette maison de Dieu, cet édifice architectural se montre, en général, conforme à sa destination, parfaitement approprié au culte et à d’autres usages ; mais son caractère propre consiste principalement en ce qu’il s’élève au-dessus de toute fin particulière, parfait qu’il est en soi, indépendant et absolu. Le monument est là pour lui-même, inébranlable et éternel. Aussi, aucun rapport purement positif ne donne plus à l’ensemble son caractère. À l’intérieur, rien qui ressemble à cette forme de boîte de nos églises protestantes, qui ne sont construites que pour être remplies d’hommes et ne renferment que des stalles. À l’extérieur, l’édifice monte, s’élance librement dans les airs. De sorte que la conformité au but, quoique s’offrant aux yeux, s’efface néanmoins et laisse à l’ensemble l’apparence d’une existence indépendante. Rien ne le limite et ne l’achève parfaitement ; tout se perd dans la grandeur de l’ensemble. Il a un but déterminé et le montre ; mais dans son aspect grandiose et son calme sublime, il s’élève au-dessus de la simple destination utile, à quelque chose d’infini en soi. Cet affranchissement de l’utile et de la simple solidité constitue un premier caractère. D’un autre côté, c’est ici que, pour la première fois, la plus haute particularisation, la plus grande diversité et multiplicité trouvent le champ le plus libre, sans que, toutefois, l’ensemble se dissémine en simples particularités et en détails accidentels. Au contraire, la grandeur de l’œuvre d’art ramène cette multiplicité de parties à la plus belle simplicité. La substance du tout se partage et se dissémine dans les divisions infinies d’un monde de formes individuelles ; mais, en même temps, cette immense diversité se classe avec simplicité, se coordonne régulièrement, se distribue avec symétrie. L’idée totale s’affermit, en même temps qu’elle se meut et se déploie avec l’eurythmie la plus satisfaisante pour les yeux ; elle ramène cette infinité de détails à la plus ferme unités et y introduit la plus haute clarté, sans leur faire violence.