Sur les fondements de la théorie des ensembles transfinis/Deuxième article

Traduction par Francisque Marotte.
A. Hermann (Extrait des Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, t. IIIp. 45-97).

2me  ARTICLE[1]


§ 12.

Parmi les ensembles simplement ordonnés, il convient de donner une place toute particulière aux ensembles bien ordonnés (wohlgeordnete Menge) ; leurs types ordinaux, que nous nommerons nombres ordinaux (Ordnungszahl), donnent l’élément naturel d’une définition précise des puissances ou nombres cardinaux transfinis supérieurs. Cette définition est tout à fait conforme à celle que le système de tous les nombres entiers ν nous donna pour le plus petit nombre cardinal transfini alef-zéro.

Nous disons qu’un ensemble simplement ordonné F (§ 7) est bien ordonné lorsque ses éléments f s’échelonnent à partir d’un élément f1, dans une succession déterminée, de telle sorte que les deux conditions suivantes soient remplies :

I. Il y a dans F un élément initial ou de rang le plus bas, f1.

II. Si F′ est une partie de F, et si F possède un ou plusieurs éléments de rang plus élevé que tous les éléments de F′, il existe un élément f de F qui suit immédiatement l’ensemble F′, de sorte qu’il n’y ait dans F aucun élément que son rang place entre F′ et f[2].

En particulier, tout élément f de F qui n’est pas l’élément d’ordre le plus élevé, est suivi d’un autre élément déterminé f′ de rang immédiatement supérieur ; ceci résulte de la condition II lorsqu’on choisit pour F′ l’élément unique f. De plus, s’il existe dans F une suite infinie d’éléments échelonnés

e′ ≺ e″ ≺ e‴ … e(ν)e(ν + 1)

telle qu’il y ait dans F des éléments de rang supérieur à celui de tous les e(ν) et si l’on prend pour F′ l’ensemble {e(ν)}, la condition II affirme l’existence d’un élément f′ possédant les deux propriétés suivantes : 1o  f′ ≻ e(ν) pour toutes les valeurs de ν ; 2o  il n’y a dans F aucun élément g tel que l’on ait à la fois

gf  ge(ν)

pour toutes les valeurs de ν.

Par exemple, les trois ensembles

(a1, a2, …, aν, …)
(a1, a2, …, aν, …, b1, b2, …, bμ, …)
(a1, a2, …, aν, …, b1, b2, …, bμ, …, c1, c2, c3),

aνaν + 1bμbμ + 1c1c2c3

sont bien ordonnés. Les deux premiers n’ont pas d’élément supérieur, le troisième a l’élément supérieur c3 ; dans le deuxième et le troisième, l’élément b1 vient immédiatement après tous les aν ; dans le troisième, l’élément c1 vient immédiatement après tous les aν et bμ.

Dans la suite, nous étendrons à des groupes d’éléments la signification des signes ≺ et ≻, introduits au § 7 pour marquer la position relative de deux éléments ; ainsi les formules

M ≺ N
M ≻ N

exprimeront respectivement que, dans un ordre de succession donné, tous les éléments de l’ensemble M ont des rangs inférieurs ou supérieurs à ceux des éléments de l’ensemble N.


A. Toute partie F1 d’un ensemble bien ordonné F a un élément initial.

Démonstration. — Si l’élément initial f1 de F appartient à F1, il en est en même temps l’élément initial. S’il n’en est pas ainsi, soit F′ l’ensemble de tous les éléments de F qui ont un rang inférieur à celui de tous les éléments de F1 ; il n’y a aucun élément de F entre F′ et F1.

L’élément f′ qui, d’après II, suit immédiatement F′, appartient donc nécessairement à F1 et en est l’élément initial.

B. Si un ensemble simplement ordonné F est tel que F et toutes ses parties ont un élément initial, F est un ensemble bien ordonné.

Démonstration. — La condition I est remplie puisque F a un élément initial.

Soit F′ une partie de F telle qu’il y ait dans F un ou plusieurs éléments ≻ F′ ; l’ensemble F1 de tous ces éléments a un élément initial f′ qui suit immédiatement l’ensemble F′. La condition II est donc remplie et par suite F est un ensemble bien ordonné.

C. Toute partie F′ d’un ensemble bien ordonné est aussi un ensemble bien ordonné.

Démonstration. — D’après le théorème A, F′ et toute partie F″ de F′ (qui est également partie de F) a un élément initial ; F′ est donc, d’après le théorème B, un ensemble bien ordonné.

D. Tout ensemble G semblable à un ensemble bien ordonné F est aussi un ensemble bien ordonné.

Démonstration. — Il résulte immédiatement de la définition de la similitude (§ 7) que tout ensemble N, semblable à un ensemble M ayant un élément initial, possède aussi un élément initial.

Puisque G est semblable à F et que F, comme ensemble bien ordonné, a un élément initial, il en est de même de G.

De même, chaque partie G′ de G a un élément initial ; car une application de G sur F fait correspondre à l’ensemble G′ une partie F′ de F.

G′ ≃ F′.

Mais F′ a, d’après le théorème A, un élément initial ; il en est de même pour G′. Ainsi G et toutes ses parties G′ ont un élément initial ; d’après le théorème B, c’est donc un ensemble bien ordonné.

E. Si dans un ensemble bien ordonné G on substitue, à la place de tous ses éléments g, des ensembles bien ordonnés Fg de sorte que si gg, on ait aussi Fg ≺ Fg, l’ensemble H obtenu de cette manière par la réunion de tous les ensembles Fg est un ensemble bien ordonné.

Démonstration. — H, ainsi que toute partie H1 de H, a un élément initial, ce qui, d’après le théorème B, caractérise H comme ensemble bien ordonné. En effet, si g1 est l’élément initial de G, l’élément initial de Fg1 sera aussi l’élément initial de H.

De plus, les éléments d’une partie H1 de H appartiennent à des ensembles Fg déterminés qui, pris ensemble, forment une partie de l’ensemble bien ordonné {Fg}, composé de tous les éléments Fg, et semblable à l’ensemble G ; si Fg0 est l’élément initial de cette partie, l’élément initial de la partie H1 contenue dans Fg0 est aussi élément initial de H1.

§ 13.Les segments des ensembles bien ordonnés.

Soit f un élément différent de l’élément initial f1 de l’ensemble bien ordonné F ; l’ensemble A de tous les éléments de F qui sont ≺ f sera nommé un segment de F (Abschnitt von F) et, d’une façon plus précise, le segment de F déterminé par l’élément f. Au contraire, l’ensemble R de tous les autres éléments de F, y compris f, sera appelé le reste de F, ou mieux le reste de F déterminé par l’élément f. Le théorème C, § 12, prouve que les ensembles A et R sont bien ordonnés, et nous pouvons écrire, en vertu des § 8 et 12,

(1) F = (A, R)
(2) R = (f, R′)
(3) A ≺ R.

R′ est la partie de R qui suit l’élément initial f et se réduit à zéro, dans le cas où R n’a pas d’autre élément que f.

Si nous prenons, par exemple, l’ensemble bien ordonné

F = (a1, a2, …, aν, …, b1, b2, …, bμ, …, c1, c2, c3)

l’élément a3 détermine le segment

(a1, a2)

et le reste

(a3, a4, …, aν + 2, …, b1, b2, …, bμ, …, c1, c2, c3) ;

l’élément b1 détermine le segment

(a1, a2, …, aν, …)

et le reste

(b1, b2, …, bμ, …, c1, c2, c3) ;

enfin l’élément c2 détermine le segment

(a1, a2, …, aν, …, b1, b2, …, bμ, …, c1)

et le reste

(c2, c3).

Si A et A′ sont deux segments de F déterminés respectivement par les deux éléments f et f′, tels que

(4) f′ ≺ f

A′ est un segment de A.

Nous nommerons alors A′ le plus petit et A le plus grand segment de F

(5) A′ < A.

Dans le même sens nous pouvons dire aussi de A qu’il est plus petit que F.

(6) A < F.

A. Si deux ensembles bien ordonnes semblables F et G, sont appliqués l’un sur l’autre, à chaque segment A de F correspond un segment semblable B de G, et à chaque segment B de G un segment semblable A de F, et les éléments f et g, qui déterminent les segments A et B ainsi appliqués, se correspondent toujours l’un à l’autre dans l’application.

Démonstration. — Supposons que l’on ait appliqué l’un sur l’autre deux ensembles simplement ordonnés semblables M et N ; soient m et n deux éléments correspondants, M′ l’ensemble de tous les éléments de M qui sont m, N′ l’ensemble de tous les éléments de N qui sont n ; dans ces conditions, l’application fait correspondre M′ et N′. Car, à chaque élément m′ de M, qui est m, doit correspondre (§ 7) un élément n′ de N qui est n, et réciproquement.

Si l’on applique ce théorème général aux ensembles bien ordonnés F et G, on obtient la proposition à démontrer.

B. Un ensemble bien ordonné F n’est semblable à aucun de ses segments A.

Supposons que F ≃ A, et considérons une application de F sur A. D’après le théorème A, le segment A de F aura pour image un segment A′ de A, tel que A′ ≃ A. On aurait donc ainsi A′ ≃ F et A′ < A. Par le même procédé on déduirait de A′ un segment plus petit A″ ≃ F et A″ < A′ et ainsi de suite.

Nous obtiendrions ainsi une série nécessairement infinie

A > A′ > A″ … A(ν) > A(ν + 1)

de segments de F devenant de plus en plus petits, mais toujours semblables à l’ensemble F.

En désignant par f, f′, f″, …, f(ν)…, les éléments qui déterminent ces segments, nous aurions

ff′ ≻ f″ … f(ν)f(ν + 1)

et par suite la série infinie

(f, f′, f″, …, f(ν), …)
formerait une partie de F où aucun élément n’aurait le rang le plus bas.

Mais, d’après le théorème A, § 12, de telles parties de F ne peuvent exister. L’hypothèse d’une application de F sur l’un de ses segments conduit donc à une contradiction, et par suite l’ensemble F n’est semblable à aucun de ses segments.


Mais si, d’après le théorème B, un ensemble bien ordonné n’est semblable à aucun de ses segments, il y a toujours, si F est infini, d’autres parties de F qui lui sont semblables. Par exemple, l’ensemble

(a1, a2, …, aν, …)

est semblable à l’un quelconque de ses restes

(ax + 1, ax + 2, …, ax + ν, …).

Il est d’ailleurs remarquable que nous puissions adjoindre à la proposition B la suivante :

C. Un ensemble bien ordonné F n’est semblable à aucune partie de l’un quelconque de ses segments A.

Démonstration. — Supposons que F′ soit une partie d’un segment A de F, et que F′ ≃ F. Considérons une application de F sur F′ ; d’après le théorème A, le segment A de F aura pour image un segment F″ de l’ensemble bien ordonné F′ ; ce segment serait déterminé par l’élément f′ de F′. Mais f′ est aussi élément de A et détermine un segment A′ de A, dont F″ est une partie.

L’hypothèse de l’existence d’une partie F′ d’un segment A de F, telle que F′ ≃ F, nous permet donc de construire une partie F″ d’un segment A′ de A, telle que F″ ≃ A.

Ce procédé de déduction nous donne ensuite une partie F‴ d’un segment A″ de A′, telle que F‴ ≃ A′. Nous obtenons ainsi, en poursuivant, comme dans la démonstration du théorème B, une série nécessairement infinie de segments de F devenant de plus en plus petits

A > A′ > A″ … A(ν) > A(ν + 1)

Dans la suite infinie des éléments qui déterminent ces segments

ff′ ≻ f″ … f(ν)f(ν + 1)

aucun élément n’aurait le rang le plus bas, ce qui est impossible d’après le théorème A, § 12. Il n’y a donc aucune partie F′ d’un segment A de F, telle que F′ ≃ F.

D. Deux segments différents A et A′ d’un ensemble bien ordonné F ne sont jamais semblables.

Démonstration. — Si A′ < A, A′ est un segment de l’ensemble bien ordonné A, et par suite ne peut lui être semblable (théorème B).

E. Deux ensembles bien ordonnés semblables F et G ne sont applicables l’un sur l’autre que d’une seule manière.

Démonstration. — Supposons qu’il y ait deux applications différentes de F sur G, et soit f un élément de F, à qui correspondraient, par les deux applications, des images g et g′ différentes dans G. Soient A le segment de F déterminé par f, B et B′ les segments de G déterminés par g et g′. Le théorème A prouve que

A ≃ B  et  A ≃ B′ ;

donc on aurait aussi B ≃ B′, ce qui est contraire au théorème D.

F. Si F et G sont deux ensembles bien ordonnés, un segment A de F ne peut avoir plus d’un segment B à lui semblable dans G.

Démonstration. — S’il y avait dans G deux segments B et B′ semblables au segment A de F, les segments B et B′ seraient aussi semblables, ce qui est contraire au théorème D.

G. Si A et B sont deux segments semblables de deux ensembles bien ordonnés F et G, tout segment A′ de F plus petit que A (A′ < A) est semblable à un segment B′ de G plus petit que B (B′ < B), et inversement.

La démonstration résulte du théorème A appliqué aux deux ensembles semblables A et B.

H. Si A et A′ sont deux segments d’un ensemble bien ordonné F, et B et B′ les segments à eux semblables d’un ensemble bien ordonné G, la condition A′ < A entraîne B′ < B.

La démonstration résulte des théorèmes F et G.

L. Si un segment B d’un ensemble bien ordonné G n’est semblable à aucun segment d’un ensemble bien ordonné F, il en est de même pour tout segment B′ > B de G et pour G lui-même.

La démonstration résulte du théorème G.

K. Si chaque segment A d’un ensemble bien ordonné F est semblable à un segment déterminé B de l’ensemble bien ordonné G, et si chaque segment B de G est semblable à un segment A de F, les deux ensembles F et G sont semblables (F ≃ G).

Démonstration. — Nous pouvons appliquer F et G l’un sur l’autre d’après la loi suivante :

L’élément initial f1 de F correspondra à l’élément initial g1 de G. Un autre élément ff1 détermine un segment A de F, auquel correspond par hypothèse un segment semblable unique B de G ; l’élément g de G qui détermine le segment B sera l’image de f. De même un élément gg1 détermine dans G un segment B, auquel correspond par hypothèse un segment semblable unique A de F ; l’élément f de F, qui détermine le segment A sera l’image de g.

Il est facile de voir que la correspondance biuniforme de F et G, définie de cette manière, est une application au sens du § 7.

Si f et f′ sont deux éléments arbitraires de F, g et g′ les éléments qui leur correspondent dans G, A, A′, B et B′ les segments déterminés respectivement par f, f′, g, g′, la condition

f′ ≺ f  ou  A′ < A

entraîne, d’après le théorème H,

B′ < B

et par suite

g′ ≺ g.

L. Si chaque segment A d’un ensemble bien ordonné F est semblable à un segment déterminé B d’un ensemble bien ordonné G, et si, au contraire, il y a au moins un segment de G qui ne soit semblable à aucun segment de F, il existe un segment déterminé B1 de G, tel que B1 ≃ F.

Démonstration. — Considérons l’ensemble de tous les segments de G qui ne sont semblables à aucun segment de F ; parmi eux il doit y en avoir un plus petit que tous les autres que nous nommons B1. Ceci résulte de ce que, d’après le théorème A, § 12, l’ensemble des éléments qui déterminent tous ces segments, possède un élément de rang le plus bas ; le segment B1 de G qu’il détermine, est plus petit que tous les autres. D’après le théorème I, chaque segment de G qui est > B1, n’admet dans F aucun segment semblable ; par suite, tous les segments B de G, qui ont dans F des segments semblables, sont tous plus petits que B1 et de même à tout segment B < B1 correspond un segment semblable A de F, puisque B1 est le plus petit segment de G qui n’est semblable à aucun segment de F.

Ainsi tout segment A de F est semblable à un segment B de B1 et tout segment B de B1 à un segment A de F ; d’après le théorème K, on a donc

F ≃ B1.

M. Si l’un au moins des segments de l’ensemble bien ordonné G, n’est semblable à aucun segment de l’ensemble bien ordonné F, tout segment A de F est semblable à un segment B de G.

Démonstration. — Soit B1 le plus petit segment de G auquel ne correspond aucun segment semblable dans F. (Voir la démonstration de L.) S’il y avait dans F des segments n’admettant dans G aucun segment semblable, l’un d’eux serait plus petit que tous les autres, nous le nommons A1. À chaque segment de A1 correspondrait alors un segment semblable de B1 et à chaque segment de B1 un segment semblable de A1. Donc, d’après le théorème K,

B1 ≃ A1.

Mais ceci est contraire à l’hypothèse qu’aucun segment de F n’est semblable à B1. Il ne peut donc y avoir dans F aucun segment qui ne corresponde à un segment semblable de B.

N. Si F et G sont deux ensembles bien ordonnés, il peut se présenter trois cas : 1o  F et G sont semblables ; 2o  un segment déterminé B1 de G est semblable à F ; 3o  un segment déterminé A1 de F est semblable à G. Chacun de ces cas exclut les deux autres.

Démonstration. — F peut se comporter de trois façons différentes relativement à G :

1o  Tout segment A de F est semblable à un segment B de G et inversement ;

2o  Tout segment A de F est semblable à un segment B de G ; par contre, un segment de G au moins, n’est semblable à aucun segment de F ;

3o  Tout segment B de G est semblable à un segment A de F ; par contre, un segment de F au moins, n’est semblable à aucun segment de G.

Le cas où un segment de F n’est semblable à aucun segment de G, et aussi un segment de G n’est semblable à aucun segment de F, est exclu par le théorème M.

Dans le premier cas, le théorème K montre que

F ≃ G.

Dans le deuxième cas, le théorème L affirme qu’il y a un segment  B1 de G tel que

B1 ≃ F

et dans le troisième cas, qu’il y a un segment A1 de F tel que

A1 ≃ G.

Mais on ne peut avoir en même temps F ≃ G et F ≃ B1, car il en résulterait G ≃ B1, ce qui est contraire au théorème B ; de même, on ne peut avoir à la fois F ≃ G et G ≃ A1.

De même aussi, l’existence simultanée de F ≃ B1 et G ≃ A1 est impossible ; car, d’après le théorème A, la condition F ≃ B1 entraîne l’existence d’un segment B′1 de B1 tel que A1 ≃ B′1. Nous aurions donc aussi G ≃ B′1, ce qui est contraire au théorème B.

O. Si une partie F′ d’un ensemble bien ordonné F n’est semblable à aucun segment de F, elle est semblable à F lui-même.

Démonstration. — D’après le théorème G, § 12, F′ est un ensemble bien ordonné. Si F′ n’était semblable ni à F, ni à une partie de F, il y aurait, d’après le théorème N, un segment F′1 de F′ qui serait semblable à F. Mais F′1 est une partie de ce segment A de F qui est déterminé par l’élément qui détermine le segment F′1 de F. Par suite, l’ensemble F devrait être semblable à une partie d’un de ses segments, ce qui est contraire au théorème C.

§ 14.Les nombres ordinaux des ensembles bien ordonnés.

D’après le § 7, chaque ensemble simplement ordonné M a un type ordinal déterminé M ; c’est le concept général qui résulte de M lorsque, en tenant compte de l’ordre de succession des éléments, on fait abstraction de leur nature, de sorte qu’ils deviennent de simples unités ayant des positions relatives déterminées. Tous les ensembles semblables entre eux, et seulement ceux-ci, possèdent le même type ordinal.

Le type ordinal d’un ensemble bien ordonné F sera nommé un nombre ordinal (Ordnungszahl).

Si α et β sont deux nombres ordinaux arbitraires, ils peuvent se comporter, l’un par rapport à l’autre, de trois façons différentes. Soient, en effet, deux ensembles bien ordonnés F et G, tels que

F = α  G = β ;

d’après le théorème N, § 13, trois cas, s’excluant l’un l’autre, peuvent se présenter :

1o 

F ≃ G.

2o  Il y a un segment déterminé B1 de G, tel que

F ≃ B1.

3o  Il y a un segment déterminé A1 de F, tel que

G ≃ A1.

Comme on le voit facilement, ces relations sont encore conservées lorsque F et G sont remplacés par des ensembles respectivement semblables F′ et G′ ; il en résulte que les types α et β ont, l’un relativement à l’autre, trois positions qui s’excluent mutuellement.

Dans le premier cas, α = β ; dans le deuxième, nous dirons que α est < β ; dans le troisième que α est > β.

Nous obtenons ainsi le théorème :

A. Si α et β sont deux nombres ordinaux quelconques, l’on a : ou α = β, ou α < β, ou α > β.

De la définition de ces relations de grandeur, il résulte facilement :

B. Si l’on a trois nombres ordinaux, α, β, γ, tels que α < β, β < γ, on a aussi α < γ.

Les nombres ordinaux forment ainsi, rangés par ordre de grandeur, un ensemble simplement ordonné ; nous montrerons plus tard que c’est un ensemble bien ordonné.

Les opérations de l’addition et de la multiplication des types ordinaux des ensembles simplement ordonnés, que nous avons définis au § 8, sont évidemment applicables aux nombres ordinaux.

Si α = F et β = G, où F et 6 sont deux ensembles bien ordonnés, on a :

(1) α + β = (F, G)

L’ensemble-somme (F, G) est évidemment un ensemble bien ordonné ; nous avons ainsi le théorème :

C. La somme de deux nombres ordinaux est toujours un nombre ordinal.

Dans la somme α + β, α s’appelle l’augendus et β l’addendus.

Puisque F est un segment de (F, G), on a toujours :

(2) α < α + β.

Par contre, G n’est pas un segment, mais un reste de (F, G) ; il peut donc, comme nous l’avons vu au § 13, être semblable à l’ensemble (F, G) ; si cela n’est pas, G est semblable à un segment de (F, G), d’après le théorème O, § 13. Donc

(3) β ≤ α + β.

Nous avons ainsi :

D. La somme de deux nombres ordinaux est toujours supérieure à l’augendus et supérieure ou égale à l’addendus. L’égalité α + β = α + γ entraîne toujours β = γ.

En général, α + β et β + α ne sont pas égaux. Au contraire, si γ est un troisième nombre ordinal, on a :

(4) (α + β) + γ = α + (β + γ),

c’est-à-dire :

E. La loi associative gouverne l’addition des nombres ordinaux.

Si dans l’ensemble G de type β, on remplace chaque élément g par un ensemble Fg de type α, on obtient un ensemble bien ordonné H (th. E, § 12) dont le type est complètement déterminé par les types α et β et est appelé le produit α.β.

(5) Fg = α ;
(6) α.β = H.

F. Le produit de deux nombres ordinaux est toujours un nombre ordinal.

Dans le produit α.β, α s’appelle le multiplicande, β le multiplicateur.

En général, α.β et β.α ne sont pas égaux. Mais on a (§ 8) :

(7) (α.β).γ = α.(β.γ),

c’est-à-dire :

G. La loi associative gouverne la multiplication des nombres ordinaux.

La loi distributive n’est applicable, en général, que sous la forme suivante :

(8) α.(β + γ) = αβ + αγ.

Quant à la-grandeur du produit, on voit facilement que :

H. Si le multiplicateur est plus grand que 1, le produit de deux nombres ordinaux est toujours supérieur au multiplicande et supérieur ou égal au multiplicateur. L’égalité αβ = αγ entraîne toujours β = γ.

D’ailleurs, on a évidemment :

(9) α.1 = 1.α = α.

Parlons maintenant de l’opération de la soustraction. Si α et β sont deux nombres ordinaux tels que α < β, il existe toujours un nombre ordinal déterminé, que nous nommons β − α et qui vérifie l’équation

(10) α + (β − α) = β.

Car si G = β, il y a dans G un segment B tel que B = α ; en nommant S le reste correspondant, nous avons :

G = (B, S),
β = α + S,

et ainsi

(11) β − α = S.

La détermination de β − α résulte de ce que le segment B de G, et par suite le reste S, sont parfaitement déterminés (th. D, § 13).

Nous déduisons encore des formules (4), (8), (10) les suivantes :

(12) (γ + β) − (γ + α) = β − α ;
(13) γ(β − α) = γβ − γα.

Il est à remarquer que l’on peut toujours faire la somme d’un nombre infini de nombres ordinaux ; cette somme est un nombre ordinal déterminé, dépendant de l’ordre de succession des ensembles sommés.

Soit par exemple

β1, β2, …, βν, …

une suite simplement infinie quelconque de nombres ordinaux :

(14) βν = Gν

l’ensemble

(15) G = (G1, G2, …, Gν, …)

est un ensemble bien ordonné (th. E, § 12) dont le nombre ordinal β représente la somme des β. Nous avons ainsi :

(16) β1 + β2 + … + βν + … = G = β,

et l’on a toujours, comme il résulte facilement de la définition du produit :

(17) γ(β1 + β2 + … + βν + …) = γβ1 + γβ2 + … + γβν + …

En posant

(18) αν = β1 + β2 + … + βν,

il vient

(19) αν = (G1, G2, …, Gν).

De plus

(20) αν + 1 > αν,

et les nombres βν s’expriment d’après (10), à l’aide des nombres α comme il suit :

(21) β1 = α1,  βν + 1 = αν + 1 − αν.

La série

α1, α2, …, αν, …

est une série infinie quelconque de nombres ordinaux qui remplissent la condition (20) ; nous l’appellerons une série fondamentale de nombres ordinaux ; la relation qui l’unit à β peut s’exprimer de la manière suivante :

1o  β est > αν, pour toutes valeurs de ν, car l’ensemble (G1, G2, …, Gν), dont le nombre ordinal est αν, est un segment de l’ensemble G qui a le nombre ordinal β.

2o  Si β′ est un nombre ordinal quelconque < β, on a toujours, à partir d’une certaine valeur de ν,

αν > β′

car si β′ est < β, il y a dans l’ensemble G un segment B′ de type β′. L’élément qui détermine ce segment doit appartenir à l’une des parties Gν, soit Gν0. Mais alors B′ est aussi segment de (G1, G2, …, Gν0) et par suite

β′ < α.

Donc αν > β′ pour ν ≥ ν0.

Ainsi β est le nombre immédiatement supérieur à tous les αν ; nous le nommerons la limite de αν pour ν croissant indéfiniment et le désignerons par lim. αν, de sorte que, d’après (16) et (21) :

(22) lim. αν = α1 + (α2 − α1) + (α3 − α2) + … + (αν + 1 − αν) + …

Nous pouvons rassembler tout ce qui précède dans l’énoncé suivant :

I. À chaque série fondamentaleν} de nombres ordinaux correspond un nombre ordinal lim. αν, qui est immédiatement supérieur à tous les αν ; il est représenté par la formule (22).

Si γ désigne un nombre ordinal fixe, on démontre facilement, avec l’aide des formules (12), (13) et (17), les théorèmes contenus dans les formules suivantes :

(23) lim. (γ + αν) = γ + lim. αν ;
(24) lim. γαν = γ . lim. αν.

Nous avons déjà mentionné au § 7 que tous les ensembles simplement ordonnés de nombre cardinal fini ν ont le même type d’ordre ν. La démonstration est la suivante. Tout ensemble simplement ordonné de nombre cardinal fini est un ensemble bien ordonné ; car il doit, ainsi que toutes ses parties, avoir un élément initial, ce qui (th. B, § 12) caractérise un ensemble bien ordonné.

Les types des ensembles simplement ordonnés finis ne sont donc pas autre chose que les nombres ordinaux finis. Un même nombre cardinal ν ne peut correspondre à deux nombres ordinaux différents α et β. Si, en effet, α est < β et G = β, il existe, comme nous le savons, un segment B de G tel que B = α.

L’ensemble G et sa partie B auraient donc le même nombre cardinal, ce qui est impossible (th. C, § 6).

Les nombres ordinaux finis coïncident donc dans leurs propriétés avec les nombres cardinaux finis. Il en est tout autrement pour les nombres ordinaux transfinis ; à un même nombre cardinal a correspond un nombre infini de nombres ordinaux formant un système que nous nommons la classe numérique Z(a). C’est une partie de la classe de types [a] (§ 7).

La classe numérique Z(ℵ0), que nous nommerons la deuxième classe numérique, sera l’objet immédiat de notre étude.

La première classe numérique est formée par l’ensemble {ν} de tous les nombres ordinaux finis.

§ 15.Les nombres de la deuxième classe numérique Z(ℵ0).

La deuxième classe numérique Z(ℵ0) est l’ensemble {α} de tous les types ordinaux des ensembles bien ordonnés de nombre cardinal ℵ0.

A. La deuxième classe numérique a un nombre plus petit que tous les autres ω = lim. ν.

Démonstration. — ω est le type de l’ensemble bien ordonné

(1) F0 = (f1, f2, …, fν, …)

où ν parcourt tous les nombres ordinaux finis, et

(2) fνfν + 1.

On a ainsi (§ 7)

(3) ω = F0

et (§ 6)

(4) ω = ℵ0.

ω est donc un nombre de la deuxième classe et c’est précisément le plus petit. Car si γ est un nombre ordinal quelconque < ω, il doit être le type d’un segment de F0 (§ 14). Mais les segments de F0

A = (f1, f2, …, fν)

ont un nombre ordinal fini ν. Donc γ = ν.

Il n’y a donc aucun nombre ordinal transfini qui soit plus petit que ω ; ω est ainsi le plus petit nombre ordinal transfini.

D’après les explications données au § 14, on a évidemment ω = lim. ν.

B. Si α est un nombre de la deuxième classe, le nombre immédiatement supérieur de la même classe est α + 1.

Démonstration. — Soit F un ensemble bien ordonné de type α et de nombre cardinal ℵ0.

(5) F = α ;
(6) α = ℵ0.

En désignant par g un nouvel élément, nous avons

(7) α + 1 = (F, g).

Comme F est un segment de (F, g), nous avons

(8) α + 1 > α.

De plus

α + 1 = α + 1 = ℵ0 + 1 = ℵ0 (§ 6).

Le nombre α + 1 appartient donc à la deuxième classé. Mais entre α et α + 1 il n’y a aucun nombre ordinal ; car tout nombre γ qui est < α + 1, est le type d’un segment de (F, g) qui ne peut être que F ou un segment de F ; γ est donc ≤ α.

C. Si α1, α2, …, αν, …, est une série fondamentale de nombres de la première ou de la deuxième classe, le nombre immédiatement supérieur lim. αν (§ 14) appartient à la deuxième classe.

Démonstration. — D’après le § 14, le nombre lim. αν se déduit de la série fondamentale {αν} de la façon suivante : on forme la série β1, β2, …, βν, …, telle que

β1 = α1,  β2 = α2 − α1, …  βν + 1 = αν + 1 − αν, …

et l’on considère les ensembles bien ordonnés G1, G2, …, Gν, tels que

Gν = βν

et enfin l’ensemble

G0 = (G1, G2, …, Gν, …)

qui est aussi bien ordonné. Alors

lim. αν = G.

Il s’agit de démontrer que

G = ℵ0.

Mais comme les nombres β1, β2, …, βν, …, appartiennent à la première ou à la deuxième classe, on a

G ≤ ℵ0 ;

donc

G ≤ ℵ0.ℵ0 = ℵ0,

et puisque G est toujours un ensemble transfini, le cas G < ℵ0 est exclu.


Deux séries fondamentalesν} et {α′ν} de nombre de la première et de la deuxième classe numérique sont dites liées (§ 10) (zusammengehörig) et nous écrivons

(9) {aν} ǁ {aν}

lorsqu’à chaque nombre fini ν, on peut faire correspondre deux nombres λ0, μ0, tels que

(10) α′λ > αν  si  λ ≥ λ0,
(11) αμ > α′ν  si  μ ≥ μ0.

D. Les nombres lim. αν et lim. α′ν, correspondant à deux séries fondamentales ν} et {α′ν}, sont alors et seulement alors égaux, lorsque {aν} ǁ {aν}.

Démonstration. — Posons pour abréger lim. αν = β, lim. α′ν = γ.

Supposons d’abord {aν} ǁ {aν} ; nous affirmons que β = γ. Si en effet β n’était pas égal à γ, on aurait par exemple β < γ. À partir d’un certain nombre ν, α′ν serait donc plus grand que β (§ 14) et par suite, à partir d’un certain nombre μ, αμ serait plus grand que β (11). Mais ceci est impossible, puisque β = lim. aν et que l’on a, pour toutes les valeurs de μ, αμ < β.

Réciproquement, si l’on suppose que β = γ, αν est constamment plus petit que γ et, par suite, à partir d’un certain nombre λ, α′λ > αν ; de même, puisque α′ν < β, à partir d’un certain nombre μ, αμ sera plus grand que α′ν ; donc {aν} ǁ {aν}.

E. Si α est un nombre quelconque de la deuxième classe numérique, ν0 un nombre ordinal fini quelconque, on a : ν0 + α = α et par suite α − ν0 = α.

Démonstration. — Examinons d’abord le cas où α = ω. Soit.

ω = (f1, f2, …, fν, …)
ν0 = (g1, g2, …, gν0)
ν0 + ω = (g1, g2, …, gν0, f1, f2, …, fν, …) = ω.

Mais si α > ω, nous avons

α = ω + (α − ω)
ν0 + α = ν0 + ω + (α − ω) = ω + (α − ω) = α.

F. Si ν0 est un nombre ordinal fini quelconque, ν0.ω = ω.

Démonstration. — Pour obtenir un ensemble de type ν0ω, il faut remplacer les éléments fν de l’ensemble (f1, f2, …, fν, …) par des ensembles (gν1, gν2, …, gνν0) de type ν0. On obtient ainsi l’ensemble

(g11, g12, …, g0, g21, g22, …, g0, …, gν1, …, gνν0, …)

qui est évidemment semblable à l’ensemble {fν}, donc

ν0ω = ω.

On peut aussi le démontrer brièvement comme il suit : on a ω = lim. ν et par suite, d’après (24), § 14,

ν0ω = lim. ν0ν.

D’ailleurs

0ν} ǁ {ν}
lim. ν0ν = lim. ν = ω.

Donc

ν0ω = ω.

G. Si α est un nombre de la deuxième classe, ν0 nombre de la première y on a toujours

(α + ν0)ω = αω.

Démonstration. — Nous avons

lim. ν = ω.

Donc, d’après (24), § 14,

(α + ν0= lim. (α + ν0.

Mais on a

(α + ν0)ν = (α +1 ν0) + (α +2 ν0) + … + (α +ν ν0)
(α + ν0 = α + (ν0 +1 α) + (ν0 +2 α) + … + (ν0 +ν−1 α) + ν0
(α + ν0 = α + α + α + … + α + ν0
(α + ν0 = αν + ν0.

Il est maintenant facile de voir que

{αν + ν0ν} ǁ {αν}

et par suite que

(α + ν0= lim. (α + ν0 = lim. αν = αω.

H. Si α est un nombre quelconque de la deuxième classe, l’ensemble {α′} de tous les nombres α′ des première et deuxième classes qui sont plus petits que α, rangés par ordre de grandeur croissante, est un ensemble bien ordonné de type α.

Démonstration. — Soit F un ensemble bien ordonné tel que F = α, et f1 l’élément initial de F. Si α′ est un nombre ordinal plus petit que α, il y a (§ 14) un segment déterminé A′ de F, tel que

A′ = α′,

et réciproquement chaque segment A′ a comme type un nombre α′ < α de la première ou de la deuxième classe ; car puisque F = ℵ0, A′ ne peut être qu’un nombre cardinal fini ou ℵ0.

Le segment A′ est déterminé par un élément f′ ≻ f1 de F et réciproquement chaque élément f′ ≻ f1 de F détermine un segment A′ de F. Si les deux éléments f′ et f″ ≻ f1 déterminent dans F les segments A′ et A″ dont les types ordinaux sont α′ et α″, la condition f′ ≺ f entraîne (§ 13) A′ < A″ et par suite α′ < α″.

Si donc nous posons F = (f1, F′) et si nous faisons correspondre à l’élément f′ de F′ l’élément α′ de {α′}, nous obtenons une application de ces deux ensembles. Donc

{α′} = F′.

Mais maintenant F′ = α − 1, et d’après le théorème E, α − 1 = α. Donc

{α′} = α.

Comme α = ℵ0, il en résulte {α′} = ℵ0, ce qui s’énonce :

I. L’ensemble {α′} de tous les nombres α′ de la première et de la deuxième classe qui sont plus petits qu’un nombre α de la deuxième classe a le nombre cardinal 0.

K. Tout nombre α de la deuxième classe numérique peut s’obtenir ou en ajoutant 1 à un nombre immédiatement inférieur α1

α = α1 + 1.

ou en cherchant la limite d’une série fondamentale ν} de nombres de la première ou de la deuxième classe

α = lim. αν.

Démonstration. — Soit α = F. Si F a un élément g de rang plus élevé que tous les autres, on a F = (A, g) où A est le segment déterminé par g dans F. C’est alors le premier cas, on a

α = A + 1 = α1 + 1.

Il existe alors un nombre immédiatement inférieur à α qui est nommé α1.

Si F ne possède aucun élément supérieur, considérons l’ensemble {α′} de tous les nombres de la première et de la deuxième classe qui sont plus petits que α. Cet ensemble où les éléments sont rangés par ordre de grandeur croissante est semblable à l’ensemble F (th. H) ; parmi les nombres α′, aucun donc n’est supérieur à tous les autres. D’après le théorème I, l’ensemble {α′} peut se mettre sous la forme d’une série simplement infinie {α′ν}. Dans cette suite, après le terme α′1 peuvent se présenter d’abord des termes plus petits α′2, α′3, …, mais il y aura certainement des termes plus grands ; car α′1 ne peut être plus grand que tous les autres termes puisqu’un tel terme n’existe pas parmi les nombres {α′ν}. Soit α′ρ2 le terme de plus petit indice supérieur à α′1. Soit de même α′ρ3 le terme de plus petit indice supérieur à α′ρ2. En poursuivant ainsi, nous obtenons une série infinie de nombres croissants, c’est-à-dire une série fondamentale

α′1, α′ρ2, α′ρ3, …, α′ρν, …

Nous avons

1 < ρ2 < ρ3 < … < ρν < ρν + 1
α′1 < α′ρ2 < α′ρ3 < … < α′ρν < α′ρν + 1
α′μ < α′ρν lorsque μ < ρν

et comme évidemment ν ≤ ρν nous avons

α′ν < α′ρν.

Il en résulte que tout nombre α′ν et par suite tout nombre α′ < α est surpassé par les nombres α′ρν pour des valeurs suffisamment grandes de ν.

Mais α est le nombre immédiatement supérieur à tous les α′ ; par suite il est aussi le nombre immédiatement supérieur à tous les α′ρν. Donc, si nous posons α′1 = α1, α′ρν + 1 = αν + 1, il vient

α = lim. αν.

Il résulte des théorèmes B, C, …, K, que les nombres de la deuxième classe s’engendrent de deux manières à partir des nombres plus petits. Les uns que nous nommerons nombres de première espèce, sont obtenus en ajoutant 1 à un nombre immédiatement inférieur

α = α1 + 1 ;

les autres que nous nommerons nombres de deuxième espèce, sont tels qu’il n’y a pas pour eux de nombre immédiatement inférieur α1 ; ils sont définis comme limites de séries fondamentales par la formule

α = lim. αν.

α est ici le nombre immédiatement supérieur à tous les nombres αν.

Ces deux façons d’engendrer de grands nombres à partir de plus petits, seront nommés le premier et le deuxième principe de formation des nombres de la deuxième classe.

§ 16.La puissance de la deuxième classe numérique est égale au deuxième nombre cardinal transfini alef-un.

Avant de commencer, aux paragraphes suivants, l’étude détaillée des nombres de la deuxième classe et des principes qui les dominent, nous voulons rechercher quel nombre cardinal correspond à la classe Z(ℵ0) = {α} de tous ces nombres.

A. L’ensemble {α} de tous les nombres de la deuxième classe, rangés par ordre de grandeur croissante, est un ensemble bien ordonné.

Démonstration. — Désignons par Aα la réunion de tous les nombres de la deuxième classe, qui sont plus petits qu’un nombre donné α, ces nombres étant rangés par ordre de grandeur croissante ; Aα est un ensemble bien ordonné de type α − ω. Ceci résulte du théorème H, § 14. L’ensemble désigné là par {α′}, de tous les nombres α′ de la première et de la deuxième classe est composé de {ν} et de Aα, de sorte que

{α′} = ({ν}, Aα) ;
{α′} = {ν} + Aα

et comme

{α′} = α  {ν} = ω,

on a

Aα = α − ω.

Soit J une partie quelconque de {α}, telles qu’il y ait dans {α} des nombres plus grands que tous les nombres de J. Soit par exemple α0 un de ces nombres. J est aussi une partie de Aα0 + 1 telle qu’au moins le nombre α0 de Aα0 + 1 est plus grand que tous les nombres de J. Comme Aα0 + 1 est un ensemble bien ordonné, il doit exister (§ 12) un nombre α′ de Aα0 + 1, appartenant donc aussi à {α}, qui va immédiatement après tous les nombres de J. La condition II, § 12, est donc remplie pour {α}, et la condition I aussi, puisque {α} a le nombre initial ω. —

Si l’on applique à l’ensemble bien ordonné {α} les théorèmes A et C, § 12, on obtient les théorèmes suivants :

B. Tout ensemble de nombres différents des première et deuxième classes a un nombre plus petit, un minimum.

C. Tout ensemble de nombres différents des première et deuxième classes, rangés par ordre de grandeur, forme un ensemble bien ordonné.


Nous allons maintenant montrer que la puissance de la deuxième classe est différente de celle de la première, qui est ℵ0.

D. La puissance de l’ensemble {α} de tous les nombres α de la deuxième classe n’est pas égale à 0.

Démonstration. — Si {α} était égal à ℵ0, on pourrait mettre l’ensemble {α} sous la forme d’une série simplement infinie

γ1, γ2, …, γν, …

de sorte que {γν} représenterait la réunion de tous les nombres de la deuxième classe rangés dans un ordre différent de l’ordre de grandeur croissante ; de plus, {γν} comme {α} ne contient pas de nombre supérieur à tous les autres.

Partons de γ1 et soit γρ2 le terme de plus petit indice de la série qui soit plus grand que γ1, γρ3 le terme de plus petit indice plus grand que γρ2, et ainsi de suite. Nous obtenons une suite infinie de nombres croissants

γ1, γρ2, …, γρν, …

telle que

1 < ρ2 < ρ3… ρν < ρν + 1
γ1 < γρ2 < γρ3… γρν < γρν + 1
γν < α′ρν

D’après le théorème C, § 15 il y aurait un nombre déterminé δ de la deuxième classe, savoir

δ = lim. γρν

qui serait plus grand que tous les γρν ; par suite δ serait plus grand que γν pour toute valeur de ν.

Mais puisque {γν} contient tous les nombres de la deuxième classe, il contient aussi δ et l’on aurait

δ = γν0

équation qui est incompatible avec δ > γν0.

L’hypothèse {α} = ℵ0, conduit ainsi à une contradiction.

E. Un ensemble arbitraire {β} de nombres différents de la deuxième classe a, s’il est infini, ou le nombre cardinal 0, ou le nombre cardinal {α} de la deuxième classe.

Démonstration. — L’ensemble {β}, où les éléments sont rangés par ordre de grandeur croissante, est une partie de l’ensemble bien ordonné {α} et comme tel (th. O, § 13), il est ou semblable à un segment Aα0 de ce dernier (c’est-à-dire à l’ensemble de tous les nombres de la deuxième classe < α0, rangés par ordre de grandeur croissante) ou semblable à l’ensemble {α} lui-même.

Nous avons montré dans la démonstration du théorème A que Aα0 = α0 − ω. Nous avons donc ou {β} = α0 − ω ou {β} = {α} et, par suite, ou {β} = α0 − ω ou {β} = {α}. Mais α0 − ω est égal à un nombre cardinal fini ou à ℵ0 (th. I, § 15) ; le premier cas est exclu ici puisque {β} est un ensemble infini. Par suite, le nombre cardinal {β} est égal à ℵ0 ou à {α}.

F. La puissance de la deuxième classe numérique {α} est le deuxième nombre cardinal transfini alef-un.

Démonstration. — Il n’y a aucun nombre cardinal a qui soit > ℵ0 et < {α}, car il devrait y avoir une partie infinie {β} de {α} telle que {β} = a.

Mais par suite du théorème précédemment démontré E, la partie {β} a le nombre cardinal ℵ0 ou le nombre cardinal {α}. Ce dernier nombre est donc nécessairement le nombre cardinal immédiatement supérieur à ℵ0 ; nous le nommerons ℵ1.

Nous avons donc, dans la deuxième classe numérique, le représentant naturel du deuxième nombre cardinal transfini alef-un.

§ 17.Les nombres de la forme ωμν0 + ωμ − 1ν1 + … + νμ.

Il est utile de se familiariser avec les nombres de Z(ℵ0), qui sont des fonctions algébriques de degré fini de ω. Tout nombre de cette espèce peut se ramener à la forme suivante, et cela d’une seule manière

(1) φ = ωμν0 + ωμ − 1ν1 + … + νμ,

où μ, ν0 sont finis et différents de zéro, ν1, ν2, …, νμ pouvant être nuls.

Ceci repose sur ce fait que

(2) ωμ′ν′ + ωμν = ωμν

si

μ′ < μ  ν > 0etν′ > 0 ;

car, d’après (8), § 14,

ωμ′ν′ + ωμν = ωμ′(ν′ + ωμ − μ′ν)

et

ν′ + ωμ − μ′ν = ωμ − μ′ν.

Donc, dans un agrégat de la forme

… + ωμ′ν′ + ωμν + …

on peut négliger tous les termes qui sont suivis, en allant vers la droite, de termes de degrés supérieurs en ω. Ce procédé peut être suivi jusqu’à ce qu’on arrive à la forme donnée en (1). Remarquons encore que

(3) ωμν + ωμν′ = ωμ(ν + ν′).

Comparons maintenant le nombre φ avec un nombre ψ de la même espèce

(4) ψ = ωλρ0 + ωλ − 1ρ1 + … + ρλ.

Si μ et λ sont différents et par exemple μ < λ, nous avons, d’après (2),

φ + ψ = ψ

et par suite

φ < ψ.

Si μ et λ sont égaux, ν0 et ρ0 différents et, par exemple, ν0 < ρ0, nous avons, d’après (2),

φ + [ωλ0 − ν0) + ωλ − 1ρ1 + … + ρλ] = ψ ;

donc aussi

φ < ψ.

Si enfin

μ = λ  ν0 = ρ0  ν1 = ρ1νσ − 1 = ρσ − 1  σ ≤ μ.

et, par contre, νσ et ρσ différents, et par exemple νσ < ρσ, on a, d’après (2),

φ + [ωλ − σ0 − ν0) + ωλ − σ − 1ρσ + 1 + … + ρλ] = ψ ;

donc de nouveau

φ < ψ.

Nous voyons ainsi que les nombres représentés par φ et ψ ne peuvent être égaux que dans le cas de l’identité complète des expressions φ et ψ.

L’addition de φ et ψ conduit aux résultats suivants :

1o  Si μ < λ, on a vu plus haut que

φ + ψ = ψ.

2o  Si μ = λ, on a :

φ + ψ = ωλ0 + ρ0) + ωλ − 1ρ1 + … + ρλ.

3o  Si μ > λ, on a :

φ + ψ = ωμν0 + ωμ − 1ν1 + … + ωλ + 1νμ − λ − 1 + ωλμ − λ + ρ0) + ωλ − 1ρ1 + … + ρλ.

Pour effectuer le produit de φ et de ψ, nous remarquons que si ρ est un nombre fini différent de 0, on a la formule :

(5) φ.ρ = ωμν0ρ + ωμ − 1ν1 + … + νμ,

qui s’obtient facilement en effectuant la somme des ρ termes

φ + φ + … + φ.

Par application répétée du théorème G, § 15, on obtient de plus, en tenant compte de F, § 15 :

(6) φω = ωμ + 1

et par suite

(7) φωλ = ωμ + λ.

La loi distributive [(8), § 14] nous donne :

φψ = φωλρ0 + φωλ − 1ρ1 + … + φωρλ − 1 + φρλ

et les formules (4), (5) et (7) nous conduisent aux résultats suivants :

1o  Si ρλ = 0, on a :

φψ = ωμ + λρ0 + ωμ + λ − 1ρ1 + … + ωμ + 1ρλ − 1 = ωμψ.

2o  Si ρλ ≠ 0, on a :

φψ = ωμ + λρ0 + ωμ + λ − 1ρ1 + … + ωμ + 1ρλ − 1
+ ωμν0ρλ + ωμ − 1ν1 + … + νμ.

Nous arrivons de la manière suivante à une décomposition remarquable du nombre φ ; soit

(8) φ = ωμκ0 + ωμ1κ1 + … + ωμτκτ

μ > μ1 > μ2 … μτ ≥ 0

et κ0, κ1, …, κτ des nombres finis différents de 0. Nous avons alors

φ = (ωμ1κ1 + ωμ2κ2 + … + ωμτκτ)μ − μ1κ0 + 1)

et, par application répétée de cette formule, nous obtenons

φ = ωμτκτμτ − 1 − μτκτ − 1 + 1)μτ − 2 − μτ − 1κτ − 2 + 1)…(ωμ − μ1κ0 + 1)

Mais on a :

ωλκ + 1 = (ωλ + 1)κ

dans le cas où κ est un nombre fini différent de 0 ; donc

(9) φ = ωμτκτμτ − 1 − μτ + 1)κτ − 1μτ − 2 − μτ − 1 + 1)κτ − 2μ − μ1 + 1)κ0.

Les facteurs ωλ + 1 intervenant ici sont tous indécomposables et le nombre φ ne peut être représenté que d’une seule manière sous cette forme de produit. Si μτ = 0, φ est de la première espèce, sinon il est de la deuxième espèce.

La différence apparente qu’il y a entre les formules de ce paragraphe et celles déjà données au volume XXI des Mathem. Annalen (Grundlagen, p. 41) tient à la manière différente d’écrire le produit de deux nombres ; nous plaçons maintenant le multiplicande à gauche et le multiplicateur à droite ; nous faisions autrefois le contraire.

§ 18.L’exponentielle γα dans le domaine de la deuxième classe numérique.

Soit ξ une variable dont le domaine de variation comprend tous les nombres de la première et de la deuxième classe, y compris 0 ; soient γ et δ deux constantes appartenant au même domaine

δ > 0  γ > 1.

Nous pouvons alors établir le théorème suivant :

A. Il existe une seule fonction bien déterminée uniforme f(ξ) de la variable ξ, qui remplisse les conditions suivantes :

1o 

f(0) = δ.

2o  ξ′ et ξ″ étant deux valeurs quelconques de ξ telles que ξ′ < ξ″, on a :

f(ξ′) < f(ξ″).

3o  Pour toute valeur de ξ, on a :

f(ξ + 1) = f(ξ)γ.

4o  Si ν} est une série fondamentale quelconque, {fν)} en est une autre, et la condition

ξ = lim.ν}

entraîne

f(ξ) = lim. fν).

Démonstration. — D’après 1o  et 2o  nous avons

f(1) = δγ,  f(2) = δγγ,  f(3) = δγγγ, …

et par suite, puisque δ > 0, γ > 1

f(1) < f(2) < f(3) < … < f(ν) < f(ν + 1)

Supposons le théorème établi pour toutes les valeurs de ξ qui sont < α, α étant un nombre quelconque de la deuxième classe. Je dis qu’il est encore vrai pour ξ ≤ α. Car si α est de la première espèce, il résulte de 3o 

f(α) = f(α1> f(α1)

et les conditions 2o , 3o  et 4o  sont vérifiées par ξ ≤ α.

Mais si α est de la deuxième espèce et défini par la série fondamentale {αν}

α = lim. αν,

il résulte de 2o  que {fν)} est une série fondamentale, et de 4o  que f(α) = lim. fν). Si l’on considère une autre série fondamentale {α′ν}, telle que α = lim. α′ν, les deux séries fondamentales {fν)} et {f(α′ν)} sont liées, en vertu de 2o , et par suite

f(α) = lim. f(α′ν).

La valeur f(α) est donc unique.

Si α′ est un nombre quelconque < α, on voit facilement que f(α′) < f(α). Les conditions 2o , 3o  et 4o  sont donc aussi remplies pour ξ ≤ α. Le théorème est donc établi pour toutes les valeurs de ξ.

Car s’il y avait des valeurs exceptionnelles de ξ pour lesquelles il n’aurait pas lieu, une de ces valeurs, que nous appelons α, devrait être la plus petite. Le théorème serait donc valable pour ξ < α et non pour ξ ≤ α, ce qui est en contradiction avec ce qui vient d’être démontré.

Il y a donc, pour tout le domaine de ξ, une et une seule fonction f(ξ) qui vérifie les conditions 1o , 2o , 3o  et 4o .

Si l’on donne à la constante δ la valeur 1 et si l’on désigne la fonction f(ξ) par

γξ

on peut énoncer le théorème suivant :

B. Si γ est une constante arbitraire > 1, appartenant à la première ou à la deuxième classe, il y a une fonction bien déterminée γξ de ξ telle que :

1o  γ0 = 1.

2o  Si ξ′ < ξ″, on a γξ′ < γξ″.

3o  Pour chaque valeur de ξ, γξ + 1 = γξγ.

4o  Si ν} est une série fondamentale quelconque, ξν} en est une autre et la condition ξ = lim. ξν entraîne :

γξ = lim. γξν.

Mais nous pouvons énoncer le théorème suivant :

C. f(ξ) étant la fonction caractérisée au théorème A, on a

f(ξ) = δγξ.

Démonstration. — La formule (24), § 14, montre que la fonction δγξ vérifie non seulement les conditions 1o , 2o , 3o  du théorème A, mais aussi la condition 4o . Puisque la fonction f(ξ) est unique, elle doit être identique à δγξ.

D. Si α et β sont deux nombres arbitraires de la première et de la deuxième classe, y compris 0, on a :

γα + β = γαγβ.

Démonstration. — Considérons la fonction φ(ξ) = γα + ξ.

La formule (23), § 14, nous montre que

lim. (α + ξν) = α + lim. ξν

et nous reconnaissons que φ(ξ) vérifie les quatre conditions suivantes :

1o  φ(0) = γα ;

2o  Si ξ′ < ξ″, on a φ(ξ′) < φ(ξ″) ;

3o  Pour chaque valeur de ξ, φ(ξ + 1) = φ(ξ)γ ;

4o  Si {ξν} est une série fondamentale telle que lim. ξν = ξ, on a :

φ(ξ) = lim. φ(ξν).

Le théorème C, où l’on fait δ = γα, nous donne alors :

φ(ξ) = γαγξ.

et en posant ξ = β

γα + β = γαγβ.

E. Si α et β sont deux nombres arbitraires de la première et de la deuxième classe, y compris 0, on a :

γαβ = (γα)β.

Démonstration. — Considérons la fonction ψ(ξ) = γαξ et remarquons que, d’après (24), § 14, on a toujours lim. αξν = α lim. ξν ; nous pouvons alors, en vertu du théorème D, affirmer ce qui suit :

1o  ψ(0) = 1 ;

2o  Si ξ′ < ξ″, on a ψ(ξ′) < ψ(ξ″) ;

3o  Pour chaque valeur de ξ, ψ(ξ + 1) = ψ(ξ)γ ;

4o  Si {ξν} est une série fondamentale définissant lim. ξν = ξ, {ψ(ξν)} en est une aussi et

ψ(ξ) = lim. ψ(ξν).

On a donc, d’après le théorème C, où l’on remplace δ par 1 et γ par γα :

ψ(ξ) = (γα)ξ. —

La comparaison de γξ et de ξ nous donne le théorème suivant :

F. Si γ est > 1, on a, pour toutes les valeurs de ξ,

γξ ≥ ξ.

Démonstration. — Dans les cas ξ = 0, ξ = 1, le théorème est évident. Nous allons montrer que s’il est vrai pour toutes les valeurs de ξ plus petites que α > 1, il est aussi vrai pour α.

Si α est de la première espèce, on a par hypothèse :

α1 ≤ γα1

et par suite :

α1γ ≤ γα1γ = γα

ou

γαα1 + α1(γ − 1).

Puisque α1 et γ − 1 sont au moins égaux à 1 et que α1 + 1 = α, on a :

γα ≥ α.

Si, au contraire, α est de la deuxième espèce, et si

α = lim. αν

αν est plus petit que α et l’on a, en vertu de l’hypothèse faite,

αν ≤ γαν

et par suite

lim. αν ≤ lim. γαν,

c’est-à-dire :

α ≤ γα.

S’il y avait des valeurs de ξ pour lesquelles ξ > γξ, l’une d’elles devrait être la plus petite ; désignons-la par α. Pour toutes les valeurs de ξ < α, on aurait

ξ ≤ γξ

et au contraire

α > γα,

ce qui est en contradiction avec ce qui vient d’être démontré. Nous avons ainsi pour toutes les valeurs de ξ

γξ ≥ ξ.

§ 19.La forme normale des nombres de la deuxième classe.

Soit α un nombre quelconque de la deuxième classe. L’exponentielle ωξ deviendra, pour une valeur suffisamment grande de ξ, plus grande que α. D’après le théorème F, § 18, cela sera toujours pour ξ > α ; mais, en général, cela arrivera aussi pour des valeurs plus petites.

Le théorème B, § 16, nous apprend que parmi toutes les valeurs de ξ pour lesquelles

ωξ > α

l’une est la plus petite, nous la nommons β et nous voyons facilement que ce n’est pas un nombre de la deuxième espèce. Car si

β = lim. βν,

on aurait, puisque βν < β,

ωβν ≤ α

et par suite

lim. ωβν ≤ α,

c’est-à-dire

ωβ ≤ α,

ce qui est contraire à l’hypothèse.

Ainsi β est de la première espèce. Nous désignerons β1 par α0, de sorte que β = α0 + 1 ; nous pouvons ainsi affirmer qu’il y a un nombre bien déterminé α0 de la première ou de la deuxième classe de nombres qui vérifie les deux conditions

(1) ωα0 ≤ α,  ωα0ω > α.

De la deuxième condition, nous concluons que la relation

ωα0ν ≤ α

n’est pas vérifiée pour toutes les valeurs finies de ν ; car, sans cela, l’on aurait : lim. ωα0ν = ωα0ω ≤ α.

Nous désignons par κ0 + 1 le plus petit nombre fini ν pour lequel

ωα0ν > α.

(1) montre que κ0 est plus grand que 0.

Il y a donc aussi un nombre bien déterminé κ0 de la première classe des nombres, tel que

(2) ωα0κ0 ≤ α,  ωα00 + 1) > α.

Si nous posons α − ωα0κ0 = α′, nous avons

(3) α = ωα0κ0 + α′

et

(4) 0 < α′ < ωα0,  0 < κ0 < ω.

Le nombre α ne peut être représenté que d’une seule façon sous la forme (3), si l’on suppose vérifier les conditions (4). Car de (3) et (4) résultent les relations (2) et enfin les relations (1).

Mais le seul nombre vérifiant les relations (1) est α0 = β − 1, et le nombre κ0 est défini d’une façon unique par les relations (2). De (1) et (4) résultent encore, eu égard au théorème F, § 18,

α′ < α,  α0 ≤ α.

Nous pouvons donc énoncer le théorème suivant :

A. Tout nombre α de la deuxième classe peut être mis d’une seule manière sous la forme

α = ωα0κ0 + α′

0 ≤ α′ < ωα0,  0 < κ0 < ω.

α′ est toujours plus petit que α, et α0 est inférieur ou égal à α.

Si α′ est un nombre de la deuxième classe, on peut lui appliquer le théorème A, et nous avons

(5) α′ = ωα1κ1 + α″
0 ≤ α″ < ωα1,  0 < κ1 < ω,

et l’on a

α1 < α0,  α″ < α′.

En poursuivant, nous obtenons une suite de relations

(6) α″ = ωα2κ2 + α‴ ;
(7) α‴ = ωα3κ3 + αIV.
................

Mais cette suite ne peut être infinie et doit nécessairement s’arrêter.

Car les nombres α, α′, α″, … vont en décroissant.

α > α′ > α″ > …

Si une telle série de nombres transfinis était illimitée, aucun terme ne serait le plus petit, ce qui est impossible (théorème B, § 16). Il existe donc un certain nombre fini τ, tel que

α(τ + 1) = 0.

Si nous réunissons les équations (3), (5), (6), (7), …, nous obtenons :

B. Tout nombre α de la deuxième classe peut être mis d’une seule façon sous la forme

α′ = ωα0κ0 + ωα1κ1 + ωα2κ2 + … + ωατκτ

α0, α1, …, ατ sont des nombres de la première ou de la deuxième classe, qui vérifient les conditions

α0 > α1 > α2 > … > ατ ≥ 0,

tandis que κ0, κ1, …, κτ sont des nombres différents de 0 de la première classe.

La forme donnée ici aux nombres de la deuxième classe est dite leur forme normale : α0 s’appelle le degré, ατ l’exposant de α ; pour τ = 0, le degré et l’exposant sont égaux.

Un nombre α est de la première ou de la deuxième espèce suivant que l’exposant ατ est égal ou supérieur à 0.

Considérons un autre nombre β écrit sous la forme normale

(8) β = ωβ0λ0 + ωβ1λ1 + … + ωβσλσ.

Pour comparer α et β, et calculer leur somme et leur différence, nous emploierons les formules.

(9) ωα′κ′ + ωα′κ = ωα′(κ′ + κ)
(10) ωα′κ′ + ωα″κ″ = ωα″κ″  α′ < α″

où κ, κ′, κ″ sont des nombres finis.

Ce sont des généralisations des formules (2) et (3), § 17.

Pour le calcul du produit αβ interviennent les formules

(11) αλ = ωα0κ0λ + ωα1κ1 + … + ωατκτ  0 < λ < ω ;
(12) αω = ωα0 + 1 ;
(13) αωβ′ = ωα0 + β′, β′ > 0.

L’exponentiation est facile à effectuer grâce à la formule suivante :

(14) αλ = ωα0λκ0 + …,  0 < λ < ω.

Les termes venant à la droite ont un degré moindre que celui du premier. Il en résulte que les séries fondamentales {αλ} et {ωα0λ} sont équivalentes, de sorte que

(15) αω = ωα0ω,  α0 > 0,

et par suite, en vertu du théorème E, § 18,

αωβ′ = ωα0ωβ′,  α0 > 0,  β′ > 0.

À l’aide de ces formules, on démontre facilement les théorèmes suivants :

C. Si les premiers termes ωα0κ0 et ωβ0λ0 des formes normales de deux nombres α et β ne sont pas égaux, α est plus petit ou plus grand que β, suivant que ωα0κ0 est plus petit ou plus grand que ωβ0λ0.

Si on a

ωα0κ0 = ωβ0λ0, ωα1κ1 = ωβ1λ1, …, ωαρκρ = ωβρλρ

α est plus petit ou plus grand que β, suivant que ωαρ + 1κρ + 1 est plus petit ou plus grand que ωβρ + 1λρ + 1.

D. Si le degré α0 de α est plus petit que le degré  β0 de β, on a

α + β = β.

Si α0 = β0, on a

α + β = ωβ00 + λ0) + ωβ1λ1 + … + ωβσλσ.

Mais si

α0 > α1 > … > αρ ≥ β0,  αρ + 1 < β0,

on a

α + β = ωα0κ0 + … + ωαρκρ + ωβ0λ0 + ωα1κ1 + … + ωβσλσ.

E. Si β est de la deuxième espèce (βσ > 0), on a

αβ = ωα0 + β0λ0 + ωα0 + β1λ1 + … + ωα0 + βσλσ = ωα0β ;

mais si β est de la première espèce (βσ = 0), on a

αβ = ωα0 + β0λ0 + ωα0 + β1λ1 + … + ωα0 + βσ − 1λσ − 1
+ ωα0κ0λσ + ωα1κ1 + … + ωατκτ.

F. Si β est de la deuxième espèce (βσ > 0), on a

αβ = ωα0β ;

mais si β est de la première espèce (βσ = 0), et de la forme (β = β′ + λσ)β′ est de la deuxième espèce, on a

αβ = ωα0β′αλσ.

G. Tout nombre α de la deuxième classe peut être mis d’une seule manière, sous la forme du produit

α = ωγ0κτγ1 + 1)κτ − 1γ2 + 1)κτ − 2γτ + 1)κ0

et l’on a

γ0 = ατ, γ1 = ατ − 1 − ατ, γ2 = ατ − 2 − ατ − 1, …, γτ = α0 − α1,

tandis que κ0, κ1, …, κτ ont la même signification que dans la forme normale. Les facteurs ωγ + 1 sont tous indécomposables.

H. Tout nombre α de la deuxième classe et de deuxième espèce, peut être mis, d’une seule manière, sous la forme

α = ωγ0α′,

γ0 est > 0 et α′ est un nombre de première espèce, appartenant à la première ou à la deuxième classe.

I. Pour que deux nombres α et β de la deuxième classe vérifient la relation

α + β = β + α,

il est nécessaire et suffisant qu’ils aient la forme

α = γμ,  β = γν,

μ et ν sont deux nombres de la première classe.

K. Pour que deux nombres α et β de la deuxième classe vérifient la relation

αβ = βα,

il est nécessaire et suffisant qu’ils aient la forme

α = γμ,  β = γν,

μ et ν sont deux nombres de la première classe.

Pour montrer la portée de la forme normale des nombres de la dernière classe, et du développement en produit qui lui est intimement lié, nous donnerons ici les démonstrations des théorèmes I et K qui s’en déduisent.

De l’hypothèse

α + β = β + α

nous concluons tout d’abord que les degrés α0 et β0 de α et β sont égaux. Car, si par exemple α0 était < β0, on aurait, d’après le théorème D,

α + β = β ;

donc aussi

β + α = β,

ce qui est impossible, puisque [(2), § 14]

β + α > β.

Nous pouvons donc poser

α = ωα0μ + α′,  β = ωα0ν + β′,

où les nombres α′ et β′ sont de degré plus petit que α0, et μ et ν des nombres finis différents de 0.

D’après le théorème D, on a

α + β = ωα0(μ + ν) + β′,  β + α = ωα0(μ + ν) + α′,

donc

ωα0(μ + ν) + β′ = ωα0(μ + ν) + α′

et par suite (théorème D, § 14)

β′ = α′.

Nous avons ainsi

α = ωα0μ + α′,  β = ωα0ν + α′,

et si l’on pose

ωα0 + α′ = γ,

on a, d’après (11),

α = γμ,  β = γν.

Supposons maintenant que les nombres α et β de la deuxième classe et de première espèce vérifient la relation

αβ = βα

et supposons que

α > β.

Mettons les nombres α et β sous forme de produit (théorème G) et soit

α = δα′,  β = δβ′,

où les premiers facteurs de gauche de α′ et β′ (sauf 1) sont différents. On a alors

α′ > β′.

et

α′δβ′ = β′δα′.

Tous les nombres intervenant ici et dans la suite sont de première espèce, d’après la supposition faite sur α et β.

La dernière équation fait immédiatement reconnaître (eu égard au théorème G) que les nombres α′ et β′ ne peuvent, tous les deux, être transfinis, car, dans ce cas, leurs premiers facteurs communs de gauche seraient égaux. Ils ne peuvent non plus être finis tous deux ; car δ serait alors transfini et, en désignant par κ son premier facteur fini de gauche, on aurait

α′κ = β′κ

et par suite

α′ = β′.

On a donc nécessairement

α′ > ω,  β′ < ω,

Mais le nombre fini β′ doit être égal à 1,

β′ = 1

car autrement ce serait un diviseur du facteur de gauche de α′.

Nous arrivons à ce résultat que β = δ, et par suite

α = βα′

où α′ est un nombre de première espèce appartenant à la deuxième classe et qui doit être plus petit que α :

α′ < α.

Entre α′ et β existe la relation

α′β = βα′.

Si α′ est aussi plus grand que β, on démontre de la même manière l’existence d’un nombre transfini de première espèce α″ < α′, tel que

α′ = βα″,  α″β = βα″.

Dans le cas où α″ est encore plus grand que β, il existe un nombre α‴ < α″, tel que

α″ = βα‴,  α‴β = βα‴,

et ainsi de suite.

La série des nombres décroissants α′, α″, α‴, …, doit être finie (th. B, § 16).

Donc, pour un indice fini déterminé ρ0, on a

α0) ≤ β.

Si

α0) = β,

il vient

α = βρ0 + 1,  β = β ;

le théorème K est démontré, et l’on a

γ = β,  μ = ρ0 + 1,  ν = 1.

Mais si

α0) < β,

nous posons

α0) = β1

et nous obtenons

α = βρ0β1,  ββ1 = β1β,  β1 < β.

Par conséquent, il y a aussi un nombre fini ρ1, tel que

β = β1ρ1β2,  β1β2 = β2β1,  β2 < β1.

On a d’une façon analogue

β1 = β2ρ2β3,  β2β3 = β3β2,  β3 < β2,

et ainsi de suite.

La série des nombres décroissants β1, β2, β3, … doit être limitée d’après le théorème B, § 16.

Il existe donc un nombre fini κ, tel que

βκ − 1 = βκρκ.

Si nous posons maintenant

βκ = γ,

nous aurons

α = γμ,  β = γ,

où μ et ν sont le numérateur et le dénominateur de la fraction continue

μ/ν = ρ0 + 1/ρ1 + . . . . . 1/ρκ.

§ 20.Les nombres ε de la deuxième classe numérique.

La forme normale du nombre α,

(1) α = ωα0κ0 + ωα1κ1 + …, α0 > α1 > …, 0 < κ < ω,

nous montre immédiatement, eu égard au théorème F, § 18, que le degré α0 de α n’est jamais supérieur à α. On peut se demander s’il n’y a pas des nombres α, pour lesquels α0 = α.

Dans ce cas, la forme normale devrait évidemment se réduire au premier terme et même à ωα ; α devrait donc être racine de l’équation

(2) ωε = ε.

D’ailleurs toute racine de cette équation aurait la forme normale ωα et par suite serait égale à son degré.

Les nombres de la deuxième classe, qui sont égaux à leur degré, coïncident donc avec les racines de l’équation (2). Nous nous proposons de déterminer l’ensemble de ces racines ; pour les séparer de tous les autres nombres, nous les nommerons les nombres ε de la deuxième classe.

L’existence de tels nombres ε résulte du théorème suivant :

A. Si γ est un nombre quelconque de la première ou de la deuxième classe, ne vérifiant pas l’équation (2), les équations

γ1 = ωγ,  γ2 = ωγ1, …, γν = ωγν − 1, …

déterminent une série fondamentale ν}. La limite E(γ) de cette série fondamentale est toujours un nombre ε.

Démonstration. — Puisque γ n’est pas un nombre ε, on a ωγ > γ, c’est-à-dire γ1 > γ. D’après le théorème B, § 18, on a aussi ωγ1 > ωγ, c’est-à-dire γ2 > γ1, et de la même manière γ3 > γ2, et ainsi de suite. La suite {γν} est donc une série fondamentale. Désignons par E(γ) sa limite, on a

ωE(γ) = lim. ωγν = lim. γν + 1 = E(γ).

E(γ) est donc un nombre ε. —

B. Le nombre ε0 = E(1) = lim. ων, où

ω1 = ω,  ω2 = ωω1, …, ων = ωων − 1, …

est le plus petit de tous les nombres ε.

Soit ε′ un nombre α tel que

ωε′ = ε′.

Comme ε′ est plus grand que ω, ωε′ est plus grand que ωω, c’est-à-dire ε′ > ω1. Il en résulte de même ωε′ > ωω1 ou ε′ > ω2, et ainsi de suite.

D’une façon générale on a

ε′ > ων

et il en résulte

ε′ ≥ lim. ων,

c’est-à-dire

ε′ ≥ ε0.

ε0 = E(1) est donc le plus petit de tous les nombres ε.

C. Si ε′ est un nombre ε quelconque, ε″ le nombre ε immédiatement supérieur et γ un nombre quelconque intermédiaire,

ε′ < γ < ε″

E(γ) est égal à ε″.

Démonstration. — De

ε′ < γ < ε″

il résulte

ωε′ < ωγ < ωε″,

c’est-à-dire

ε′ < γ1 < ε″.

Nous en déduisons par la même procédé

ε′ < γ2 < ε″,

et ainsi de suite. Nous avons en général

ε′ < γν < ε″,

d’où il résulte

ε′ < E(γ) ≤ ε″.

Mais E(γ) est un nombre ε (th. A) et ne peut être inférieur au nombre ε″ qui est le nombre ε venant immédiatement après ε′. Donc

E(γ) = ε″.

ε′ + 1 n’est pas un nombre ε, car il résulte de l’équation de définition ε = ωε, que tous les nombres ε sont de deuxième espèce ; donc ε′ + 1 est sûrement plus petit que ε″ et par suite :

D. Si ε′ est un nombre ε quelconque, E(ε + 1) est le nombre ε immédiatement supérieur.

Après le nombre ε initial ε0, vient le nombre ε immédiatement supérieur que nous nommerons ε1

ε1 = E(ε0 + 1) ;

puis le nombre ε immédiatement supérieur ε2

ε2 = E(ε1 + 1),

et ainsi de suite.

En général, le (ν + 1)ème nombre ε est donné par la formule de récurrence

(3) εν = E(εν − 1 + 1).

Mais la série infinie

ε0, ε1, ε2, …, εν, …

ne contient pas tous les nombres ε, comme il résulte du théorème suivant :

E. Si ε, ε′, ε″, … est une série infinie de nombres ε tels que

ε < ε′ < ε″ … ε(ν) < ε(ν + 1)…,

le nombre lim. ε(ν) est un nombre ε et c’est précisément le nombre immédiatement supérieur à tous les ε(ν).

Démonstration. — Elle résulte de la formule

ωlim. ε(ν) = lim. ωε(ν) = lim. ε(ν)

et de ce fait que le nombre lim. ε(ν) est le nombre de la deuxième classe immédiatement supérieur à tous les ε(ν).

F. La réunion de tous les nombres ε de la deuxième classe, rangés par ordre de grandeur croissante, forme un ensemble bien ordonné, qui a le type Ω de la deuxième classe numérique, où les éléments sont rangés par ordre de grandeur croissante ; cet ensemble a donc la puissance alef-un.

Démonstration. — La réunion de tous les nombres ε de la deuxième classe, rangés par ordre de grandeur, forme un ensemble bien ordonné (th. C, § 16) :

(4) ε0, ε1, ε2, …, εν, …, εω, εω + 1, …, εα′, …

dont la loi de formation est exprimée par les théorèmes D et E.

Si l’indice α′ ne parcourait pas tous les nombres de la deuxième classe, il y aurait un nombre α qui serait le plus petit de tous les nombres qu’il n’atteint pas. Mais ceci contredit le théorème D, si α est de la première espèce et le théorème E, si α est de la deuxième espèce ; α′ prend donc toutes les valeurs du nombre de la deuxième classe.

Si nous désignons par Ω le type de la deuxième classe, le type de (4) est

ω + Ω = ω + ω2 + (Ω − ω2) ;

puis comme ω + ω2 = ω2

ω + Ω = Ω.

L’on en déduit

ω + Ω = Ω = ℵ1.

G. Si ε est un nombre ε quelconque, et α un nombre arbitraire de la première ou de la deuxième classe, qui est plus petit que ε

α < ε

ε vérifie les trois équations

α + ε = ε,  αε = ε,  αε = ε.

Démonstration. — Si α0 est le degré de α, on a α0 ≤ α < ε. Mais le degré de ε = ωε est ε ; le degré de α est donc plus petit que le degré de ε. Il en résulte donc, d’après le théorème D, § 19,

α + ε = ε,

et par suite aussi

α0 + ε = ε.

Nous avons d’ailleurs, d’après la formule (13), § 19,

αε = αωε = ωα0 + ε = ωε = ε,

et par suite aussi

α0ε = ε.

Enfin nous avons, d’après la formule (16), § 19,

αε = αωε = ωα0ωε = ωα0ε = ωε = ε.

H. Si α est un nombre quelconque de la deuxième classe, l’équation

αξ = ξ,

n’a pas d’autres racines que les nombres ε plus grands que α.

Démonstration. — Soit β une racine de l’équation

αξ = ξ,

on a

αβ = β,

et il en résulte immédiatement

β > α.

D’ailleurs β doit être de deuxième espèce, sinon

αβ > β.

Nous avons donc, d’après le théorème F, § 19,

αβ = ωα0β,

et par suite

ωα0β = β.

D’après le théorème F, § 19,

ωα0β ≥ α0β ;

donc

β ≥ α0β ;

et comme β ne peut être plus grand que α0β, on a

β = α0β.

Donc

ωβ = β

et β est un nombre ε, qui est plus grand que α.

Halle, mars 1897.

  1. Publié dans les Mathematische Annalen, Bd. 49, p. 207-246.
  2. Sauf les termes employés, cette définition coïncide tout à fait avec celle qui fut donnée dans le volume XXI des Math. Annalen, p. 548 (Grundlagen e. allgem. Mannigfaltigkeitslehre, p. 4).