Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau/Chapitre 56 bis

Texte établi par Henri MartineauLe Divan (IIp. 133-135).

CHAPITRE LVI bis

Du Mariage.


La fidélité des femmes dans le mariage lorsqu’il n’y a pas d’amour, est probablement une chose contre nature[1].

On a essayé d’obtenir cette chose contre nature par la peur de l’enfer et les sentiments religieux ; l’exemple de l’Espagne et de l’Italie montre jusqu’à quel point on a réussi.

On a voulu l’obtenir en France par l’opinion, c’était la seule digue capable de résister ; mais on l’a mal construite. Il est absurde de dire à une jeune fille : Vous serez fidèle à l’époux de votre choix et ensuite de la marier par force à un vieillard ennuyeux[2].

Mais les jeunes filles se marient avec plaisir. — C’est que, dans le système contraint de l’éducation actuelle, l’esclavage qu’elles subissent dans la maison de leur mère est d’un intolérable ennui ; d’ailleurs elles manquent de lumières, enfin c’est le vœu de la nature. Il n’y a qu’un moyen d’obtenir plus de fidélité des femmes dans le mariage, c’est de donner la liberté aux jeunes filles et le divorce aux gens mariés.

Une femme perd toujours dans un premier mariage les plus beaux jours de la jeunesse, et par le divorce elle donne aux sots quelque chose à dire contre elle.

Les jeunes femmes qui ont beaucoup d’amants n’ont que faire du divorce. Les femmes d’un certain âge, qui ont eu beaucoup d’amants, croient réparer leur réputation, et en France y réussissent toujours, en se montrant extrêmement sévères envers des erreurs qui les ont quittées. Ce sera quelque pauvre jeune femme vertueuse et éperdument amoureuse qui demandera le divorce et qui se fera honnir par des femmes qui ont eu cinquante hommes.

  1. Anzi certamente. Coll’amore uno non trova gusto a bevere acqua altra che quella di questo fonte prediletto. Resta naturale allora la fedeltà.
    Coll’ matrimonio senza amore, in men di due anni l’acqua di questo fonte diventa amara. Esiste sempre però in natura il bisogno d’acqua. I costumi fanno superare la natura ma solamente quando si può vincerla in un instante : la moglie indiana ehe si abruccia (21 ottobre 1821) dopo la morte del vecchio marito ehe odiava, la ragazza europea che trucida barbaramente il tenero bambino al quale testè diede vita. Senza l’altissimo muro del monistero, le monache anderebbero via.
  2. Même les minuties, tout chez nous est comique en ce qui concerne l’éducation des femmes. Par exemple, en 1820, sous le règne de ces mêmes nobles qui ont proscrit le divorce, le ministère envoie à la ville de Laon un buste et une statue de Gabrielle d’Estrées. La statue sera placée sur la place publique, apparemment pour répandre parmi les jeunes filles l’amour des Bourbons et les engager en cas de besoin, à n’être pas cruelles aux rois aimables, et à donner des rejetons à cette illustre famille.
    Mais en revanche le même ministère refuse à la ville de Laon le buste du maréchal Serrurier, brave homme qui n’était pas galant et qui de plus avait grossièrement commencé sa carrière par le métier de simple soldat. (Discours du général Foy, Courrier du 17 juin 1820. Dulaure, dans sa curieuse Histoire de Paris, article : amours de Henri IV.)