« Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)/IX/04 » : différence entre les versions

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{{t3|Deuxième tribulation|IV}}
 
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— Vous reveniez de voyage ? Vous aviez quitté la ville ?
 
— J’étais allé à quarante verstes, messieurs ; vous n’en saviez rien ? »
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Le procureur et le juge échangèrent un regard.
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Mitia parlait avec la bonhomie familière d’un homme animé des meilleures intentions et désireux de dire toute la vérité.
 
« Messieurs, reprit-il, veuillez excuser ma brusquerie, soyez sûrs de mes sentiments respectueux à votre égard. Je ne suis plus ivre. Je comprends la différence qui nous sépare : je suis, à vos yeux, un criminel que vous devez surveiller ; vous ne me passerez pas la main dans les cheveux pour Grigori, on ne peut pas assommer impunément un vieillard. Cela me vaudra six mois ou un an de prison, mais sans déchéance civique, n’est-ce pas, procureur ? Je comprends tout cela… Mais avouez que vous déconcerteriez Dieu lui-même avec ces questions : « Où es-tu allé, comment et quand ? pourquoi ? » Je m’embrouillerai de cette façon, vous en prendrez note aussitôt, et qu’est-ce qui en résultera ? Rien ! Enfin, si j’ai commencé à mentir, j’irai jusqu’au bout, et vous me le pardonnerez étant donné votre instruction et la noblesse de vos sentiments. Pour terminer, je vous prie de renoncer à ce procédé officiel qui consiste à poser des questions insignifiantes : « comment t’es-tu levé ? qu’as-tu mangé ? où as-tu craché ? » et « l’attention de l’inculpé étant endormie », à le bouleverser en lui demandant : « qui as-tu tué ? qui as-tu volé ? » Ha ! ha ! Voilà votre procédé classique, voilà sur quoi se fonde toute votre ruse ! Employez ce truc avec des croquants, mais pas avec moi ! J’ai servi, je connais les choses, ha ! ha ! Vous n’êtes pas fâchés, messieurs, vous me pardonnez
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mon insolence ? — Il les regardait avec une étrange bonhomie. — On peut avoir plus d’indulgence pour Mitia Karamazov que pour un homme d’esprit ! ha ! ha ! »
 
Le juge riait. Le procureur restait grave, ne quittait pas Mitia des yeux, observait attentivement ses moindres gestes, ses moindres mouvements de physionomie.
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— Je vous en prie. Écrivez que je refuse de le dire, estimant que ce serait malhonnête. On voit bien que le temps ne vous manque pas pour écrire !
 
— Permettez-moi, monsieur, de vous prévenir, de vous rappeler encore, si vous l’ignorez, dit d’un ton sévère le procureur, que vous avez le droit absolu de ne pas répondre à nos questions, que, d’autre part, nous n’avons nullement le droit d’exiger des réponses que vous ne jugez pas à propos de faire. Mais nous devons attirer votre attention sur le
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tort que vous vous causez en refusant de parler. Maintenant, veuillez continuer.
 
— Messieurs, je ne me fâche pas… je… bredouilla Mitia un peu confus de cette observation ; voyez-vous, ce Samsonov chez qui je suis allé… »
 
Bien entendu nous ne reproduirons pas son récit des faits que le lecteur connaît déjà. Dans son impatience, le narrateur voulait tout raconter en détail, bien que rapidement. Mais on notait au fur et à mesure ses déclarations, il fallait donc l’arrêter. Dmitri Fiodorovitch s’y résigna en maugréant. Il s’écriait parfois : « Messieurs, il y a de quoi exaspérer Dieu lui-même », ou : « Messieurs, savez-vous que vous m’agacez sans raison ? » mais malgré ces exclamations, il restait expansif. C’est ainsi qu’il raconta comment Samsonov l’avait mystifié (il s’en rendait parfaitement compte maintenant). La vente de la montre pour six roubles, afin de se procurer l’argent du voyage, intéressa fort les magistrats qui l’ignoraient encore ; à l’extrême indignation de Mitia, on jugea nécessaire de consigner en détail ce fait, qui établissait à nouveau que la veille aussi, il était déjà presque sans le sou. Peu à peu, Mitia devenait morne. Ensuite, après avoir décrit sa visite chez Liagavi, la nuit passée dans l’izba, et le commencement d’asphyxie, il aborda son retour en ville et se mit de lui-même à décrire ses tourments jaloux au sujet de Grouchegnka. Les juges l’écoutaient en silence et avec attention, notant surtout le fait que depuis longtemps, il avait un poste d’observation dans le jardin de Marie Kondratievna, pour le cas où Grouchegnka viendrait chez Fiodor Pavlovitch, et que Smerdiakov lui transmettait des renseignements ; ceci fut mentionné en bonne place. Il parla longuement de sa jalousie, malgré sa honte d’étaler ses sentiments les plus intimes, pour ainsi dire, « au déshonneur public », mais il la surmontait afin d’être véridique. La sévérité impassible des regards fixés sur lui, durant son récit, finit par le troubler assez fort : « Ce gamin, avec qui je bavardais sur les femmes, il y a quelques jours, et ce procureur maladif ne méritent pas que je leur raconte cela, songeait-il tristement ; quelle honte ! » « Supporte, résigne-toi, tais-toi<ref>Paraphrase du ''Silentium'', poésie de Tioutchev – 1833.</ref> », concluait-il, tout en s’affermissant pour continuer. Arrivé à la visite chez Mme Khokhlakov, il redevint gai et voulut même raconter sur elle une anecdote récente,
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hors de propos ; mais le juge l’interrompit et l’invita à passer « à l’essentiel ». Ensuite, ayant décrit son désespoir et parlé du moment où, en sortant de chez cette dame, il avait même songé à « égorger quelqu’un pour se procurer trois mille roubles », on l’arrêta pour consigner la chose. Enfin, il raconta comment il avait appris le mensonge de Grouchegnka, repartie aussitôt de chez Samsonov, tandis qu’elle devait, affirmait-elle, rester chez le vieillard jusqu’à minuit. « Si je n’ai pas tué alors cette Fénia, messieurs, c’est uniquement parce que le temps me manquait », laissa-t-il échapper. Cela aussi fut noté. Mitia attendit d’un air morne et allait expliquer comment il était entré dans le jardin de son père, lorsque le juge l’interrompit, et ouvrant une grande serviette qui se trouvait auprès de lui, sur le divan, en sortit un pilon de cuivre.
 
« Connaissez-vous cet objet ?
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— Sapristi, messieurs, il n’y a pas moyen de causer avec vous ! s’écria Mitia exaspéré, et s’adressant, rouge de colère, au greffier : écris tout de suite : « Il a pris le pilon pour aller tuer son père… pour lui fracasser la tête ! » Êtes-vous contents, messieurs ? dit-il d’un air provocant.
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— Nous ne pouvons tenir compte d’une telle déposition, inspirée par la colère. Nos questions vous paraissent futiles et vous irritent, alors qu’elles sont très importantes, dit sèchement le procureur.