« L’Illustre Piégelé » : différence entre les versions

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— C’est bien, ça !… Il y a du talent, là-dedans.
 
Tout à coup,’derrière derrière mon dos, un grand brouhaha, et des cris. Je regardai et je m’aperçus, avec cette sérénité que sait garder l’âme dans le rêve, que le feu avait pris à la salle. À cette heure une fumée épaisse l’emplissait, et, du balcon au poulailler, des des gens hurlaient éperdus, en proie à d’horribles angoisses. Ils disputaient entre eux et bataillaient les
uns les autres, les plus robustes foulant aux pieds les plus faibles afin de leur passer sur le corps et de gagner un peu plus vite la sortie. C’était un terrible spectacle, dont je n’étais point ému d’ailleurs et qui, même, ne laissait pas que de m’intéresser vivement.
Mais ma surprise fut extrême de voir, d’un élan spontané, les acteurs s’approcher de la rampe et crier de toutes leurs forces :
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====I.====
Féru d’amour pour la petite Machinchouette du théâtre des Douces-Folies, où elle faisait le troisième coléoptère dans le ballet des insectes du Chat-Échaudé, je résolus de prendre exemple sur le capitaine Fracasse et de parvenir par le cabotinage jusqu’au cœur de celle que j’aimais.
 
Legourdo, que nous vîmes depuis aux Menus-Plaisirs, menait en ce temps les Douces-Folies, je dirai même qu’il les menait à la faillite avec une incomparable dextérité. Je vins solliciter de lui un petit emploi dans sa troupe (à titre purement honorifique, est-il nécessaire de le dire ?) et je demeurai confondu de l’accueil charmant qu’il me fit. Non seulement il se mit à ma disposition de la meilleure grâce du monde mais encore il me proposa spontanément de m’intéresser à son entreprise pour une somme de cinq cents louis !…
 
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— Vous pouvez, me dit-il alors, vous vanter d’avoir de la veine. J’ai reçu aujourd’hui de Marbouillat, qui jouait le chevalier Hanneton, à l’acte du royaume des insectes, une lettre m’informant qu’il me lâche. Voilà tout à fait votre affaire. Soyez ici ce soir à neuf heures et demie.
 
Je m’exclamai:
 
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— Diable ! fis-je à mi-voix en effritant du bout de mon ongle le cratère de la petite verrue qui fleurit à l’extrémité de mon appendice nasal, c’est peut-être un peu précipité. Je n’y mets aucune prétention ; cependant, je voudrais débuter dans des conditions convenables; je ne tiens pas à me faire emboîter devant la petite Machinchouette. Or, pour peu que le chevalier Hanneton ait seulement deux cents lignes à dire…
 
À ces mots :
 
— Rassurez-vous, dit Legourdo, les doigts agités dans le vide en un geste pacificateur ; le rôle n’a pas cette importance. Il est tout de finesse et de tenue. Tranchons le mot : c’est un rôle muet.
 
Puis voyant mon front s’empourprer d’une rougeur d’humiliation :
 
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— Un mot encore, répondis-je. Comment est-ce que je serai habillé ?
 
— En or et noir. J’entendis mal. Je me vis costumé en vespasienne, et l’évoqué dégradant d’une semblable mascarade me jeta au violent soubresaut d’un monsieur qui reçoit une claque ; mais Legourdo ayant rectifié le tir et dissipé la confusion dont je venais d’être victime, je sentis, comme Ange Pitou dans la Fille de Mme Angot, mon cœur renaître à l’espérance. Il s’ouvrit tout grand à l’orgueil lorsque mon interlocuteur, d’un simple et combien éloquent : « Vous apparaissez par une trappe », eut fait flamboyer à mes yeux la torche des gloires assurées. Quoi ! tout de noir et d’or vêtu, j’apparaîtrais par une trappe ?… Somptueux et majestueux, lentement, je surgirais au-dessus du plancher de la scène comme une manière de soleil au-dessus d’une espèce d’océan ?… et ceci dans l’éblouissement d’un jet de lumière électrique ?… Ne doutant pas que, dans ces conditions, je dusse faire sur l’esprit de la petite Machinchouette une impression favorable, je n’avais plus à hésiter.
— En or et noir.
 
J’entendis mal. Je me vis costumé en vespasienne, et l’évoqué dégradant d’une semblable mascarade me jeta au violent soubresaut d’un monsieur qui reçoit une claque ; mais Legourdo ayant rectifié le tir et dissipé la confusion dont je venais d’être victime, je sentis, comme Ange Pitou dans la Fille de Mme Angot, mon cœur renaître à l’espérance. Il s’ouvrit tout grand à l’orgueil lorsque mon interlocuteur, d’un simple et combien éloquent : « Vous apparaissez par une trappe », eut fait flamboyer à mes yeux la torche des gloires assurées. Quoi ! tout de noir et d’or vêtu, j’apparaîtrais par une trappe ?… Somptueux et majestueux, lentement, je surgirais au-dessus du plancher de la scène comme une manière de soleil au-dessus d’une espèce d’océan ?… et ceci dans l’éblouissement d’un jet de lumière électrique ?… Ne doutant pas que, dans ces conditions, je dusse faire sur l’esprit de la petite Machinchouette une impression favorable, je n’avais plus à hésiter.
 
— Eh bien ! c’est entendu, dis-je à Legourdo ; vous pouvez compter sur moi. À l’heure dite je serai ici.
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==LA CINQUANTAINE.==
{{didascaliedi|Rue de la Chapelle. Une cour au fond d’un cube haut de six étages dont les innombrables fenêtres sont pavoisées de linges et de langes. Presque à ras du sol, une croisée ouverte en carré révèle la loge du concierge et la silhouette de celui-ci, penché sur des bottes, qu’il retape. A angle droit sur la loge, une porte numérotée 100.}}
 
{{di|Un couple de miséreux s’apprête à chanter.}}
{{Personnage|l’homme|c}} soixante ans, barbe en broussaille couleur de cendre, les doigts de pieds vaguement devinés par l’à-jour de chaussures ouvertes en jeu de tonneau tend, puis éprouve d’un doigt expert, les cordes de sa guitare.
 
Sa femme aucun âge présumable : quarante ans ou soixante-cinq ; la poitrine comme une ardoise, emprisonnée en un désolant jersey qu’achèvent des basques en créneaux, interroge de son regard résigné le vide béant et noir des fenêtres. |c}}
{{Personnagedi|l’homme|c}}L’homme (soixante ans, barbe en broussaille couleur de cendre, les doigts de pieds vaguement devinés par l’à-jour de chaussures ouvertes en jeu de tonneau tend, puis éprouve d’un doigt expert, les cordes de sa guitare. )}}
 
{{di|Sa femme (aucun âge présumable : quarante ans ou soixante-cinq ; la poitrine comme une ardoise, emprisonnée en un désolant jersey qu’achèvent des basques en créneaux, interroge de son regard résigné le vide béant et noir des fenêtres. |c)}}
 
{{Personnage|l’hommeL’homme|c}}.
Ayez pitié, Messieurs et Dames, de pauv’z’ouvriers sans travail, affligesaffligés d’une nombreuse famille et qui en sont réduits à demander leur pain à la charité publique. Messieurs et Dames, nous avons neuf enfants au berceau, sans compter not’propriétaire…
 
{{Personnage|l’homme|c}}.
Ayez pitié, Messieurs et Dames, de pauv’z’ouvriers sans travail, affliges d’une nombreuse famille et qui en sont réduits à demander leur pain à la charité publique. Messieurs et Dames, nous avons neuf enfants au berceau, sans compter not’propriétaire…
{{Personnage|la femme|c}}
{{didascalie|bas|c}}. Comment, not’propriétaire ?